Lettre de Frédéric Bastiat à Michel Chevalier, 11 juillet 1849.
[Archives du château de Cazilhac dans l’Hérault.]
J’espérai vous voir hier au dîner des économistes, c’est pourquoi je ne vous ai pas répondu plus tôt.
On n’a pu me donner à la destitution la chaire de l’école d’administration. Mais vous étiez bien informé. Il s’agit seulement d’une chaire de droit administratif de plus à toutes les facultés.
Quant à l’économie politique, je ne sais pas sortir de cette difficulté : Je suis pour la liberté d’enseignement et la non-intervention de l’État en ces matières. Partant ce n’est pas à moi à demander la création de chaires.
J’ai reçu avec reconnaissance votre dernière brochure : La liberté aux États-Unis. À peine en ai-je lu les premières pages qui m’annoncent tout ce qu’il faut attendre du reste. Vous avez bien touché l’endroit sensible. Notre pauvre pays n’aime de la liberté que le mot. Et encore, il commence à prendre le nom même en dégoût. Dans notre assemblée, il n’est pas prudent de le prononcer. M. Dupin pourrait bien venir infliger une sévère correction. Aujourd’hui pour être à la hauteur des circonstances et de la majorité, il ne suffit pas d’être enchaîné et muselé, il faut encore dire qu’on adore le bâillon et la chaîne. Je ne sais si on avait jamais rien vu de pareil dans notre pays. Ce soir j’aurai lu toute la brochure. Je regrette que notre association du libre-échange n’existe plus, afin d’aider à la propagation.
À propos de cela. En m’occupant de mon déménagement j’ai trouvé grand nombre de vos brochures qui sont restées dans les casiers. Je pense que vous voudrez les retirer. Elles sont à votre disposition.
J’ai fait moi aussi un travail. Mais j’ai trop entrepris. Je ne sais où ni quand je m’arrêterai. Je crains qu’il n’ait d’intérêt que pour trois ou quatre amis curieux d’aller au fond de certaines questions.
Adieu, mon cher collègue. Votre dévoué,
F. Bastiat.
11 juillet.
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