Pierre de Boisguilbert (1646-1714)
La tradition libérale française se résume essentiellement dans une expression : laissez-faire, qui n’est pas seulement une harangue, une protestation, mais une théorie fondée sur l’observation des faits et l’analyse de l’enchaînement des causes et des effets. Historiquement, le Normand Pierre de Boisguilbert en est son premier théoricien. Dans ses mémoires manuscrits et dans ses ouvrages publiés, il démontre que les richesses s’accroissent naturellement parmi le peuple, et coulent jusqu’au Trésor public pour les besoins de l’État, « pourvu qu’on laisse faire la nature, c’est-à-dire qu’on lui donne sa liberté, et que qui que ce soit ne s’en mêle que pour y procurer de la protection et empêcher la violence. » (Factum de la France, 1707 ; Écrits économiques, t. I, p. 177). Car telle est la conclusion inlassable qu’il indique aux ministres avec lesquels il peut s’honorer d’entretenir une correspondance, et qu’il fatigue pendant vingt ans de ses projets mirobolants : tout son système, toute la réforme qu’il préconise, revient, dit-il, non pas à agir, mais à « cesser d’agir ». (Lettre au contrôleur-général Chamillart, 14 janvier 1706 ; Écrits économiques, t. II, p. 91.)