L’alcool et l’alcoolisme vus par les libéraux français

Au XIXe siècle, les libéraux français assistent à l’accroissement d’un mal social particulièrement pernicieux : l’alcoolisme. Face à cette menace, ils proposent des solutions fondées principalement sur l’initiative individuelle et l’association volontaire. Si un débat existe parmi eux sur le recours à l’État et à l’impôt, ils se retrouvent à l’unisson pour combattre les projets de prohibition ou de monopole de l’alcool.

L’étatisme en fait d’alcool (Troisième partie)

Dans la troisième et dernière partie de son étude sur l’étatisme en fait d’alcool (1896), Eugène Rostand revient sur le double objectif, inconciliable, visé par les partisans du monopole : combattre l’alcoolisme et transformer l’alcool en produit fiscal. Il en vient ensuite à ses propositions, à la fois par la loi (contraintes sur le nombre de débitants, contrôle sur la toxicité maximale), et par l’initiative des individus et des associations. 

L’étatisme en fait d’alcool (Deuxième partie)

Dans la deuxième partie de son étude sur l’étatisme en fait d’alcool (1896), Eugène Rostand étudie les effets potentiels du monopole sur l’hygiène publique. L’alcoolisme, en effet, est un fléau terrible, dont on ne peut que vouloir s’occuper. Mais confier un monopole de l’alcool à l’État ne saurait résoudre en rien cette plaie sociale. Bien au contraire : en faisant de l’alcool un produit fiscal, l’État sera incité à favoriser et augmenter la consommation nationale. Ainsi, de même que financièrement la mesure est une aberration, du point de vue de l’hygiène les mécomptes sont immenses.

L’étatisme en fait d’alcool (Première partie)

Dans la première partie de son étude sur l’étatisme en fait d’alcool (1896), Eugène Rostand démontre que le monopole que l’on propose d’établir sur les boissons alcooliques est impraticable et insensé. Au moment même où l’on travaille à la simplification administrative, et tandis que les monopoles publics existants prouvent chaque jour leur inefficacité, c’est une immense machine bureaucratique que l’on propose. Toute cette agitation socialiste, risible par certains côtés, est cependant pleine de périls pour l’avenir.

Y a-t-il des impôts moralisateurs, et, dans le cas de l’affirmative, à quels caractères les reconnaît-on ?

En décembre 1888, Frédéric Passy, Léon Say, Henri Baudrillart et quelques autres examinent à la Société d’économie politique la question des impôts moralisateurs. Ce n’est pas à proprement un objectif légitime pour l’impôt, disent-ils généralement, que de moraliser : s’il est justement réparti, et instauré pour de bons motifs, il donne un bon exemple ; mais au-delà, l’objectif de dissuader par ce moyen la consommation d’alcool ou de tabac, par exemple, n’est pas légitime. Entre deux impôts, celui qui moralise vaut mieux que celui qui démoralise, mais ce n’est pas l’objectif premier de la fiscalité : celle-ci doit pouvoir aux dépenses collectives, et non régenter et régénérer l’humanité.

L’hygiénisme et les vins

Dans Le Siècle, en 1895, Yves Guyot poursuit sa croisade contre les hygiénistes, qu’il accuse de vouloir proscrire des habitudes alimentaires sans preuve suffisante. Sur le vin, leurs revirements et la faiblesse de leurs raisonnements sont comiques. Ils n’iraient pas moins qu’à en proscrire tout à fait la consommation, si on les laissait maître d’en décider. Ce qu’il faut cultiver avant tout chez les individus, conclut-il, c’est la méfiance devant la science médicale, surtout officielle.

L’alcoolisme

En cette fin de XIXe siècle, une croisade continue est menée contre l’alcool et l’alcoolisme : selon les pays, elle aboutira à la prohibition pure, au monopole, aux règlements ou à la fiscalité, en fonction des tempéraments nationaux. En France, Yves Guyot fait face aux médecins et aux partisans bornés de l’hygiénisme, qui veulent protéger l’individu contre ses passions, ses goûts et ses besoins. C’est là du socialisme, et il s’y oppose.

Le père de la prohibition

En 1894, les célébrations données en Angleterre et aux États-Unis pour le général Neal Dow, initiateur de la première loi de prohibition de l’alcool (dans l’État du Maine), soulèvent un enthousiasme qu’Yves Guyot est loin de partager. Pour lui, la prohibition est une atteinte à la liberté individuelle, à la liberté du travail et à la propriété ; elle fait de la morale d’autorité, et remplace la vertu par l’obéissance. C’est une loi paternaliste et tyrannique.

La politique douanière des États-Unis et la viticulture française

En 1894, après avoir jadis été un modèle et un exemple de protectionnisme, les États-Unis se préparent, sous la présidence Cleveland, à renouer avec une politique de libre-échange comme en Angleterre. Pour Léon Say, c’est l’occasion pour la France de suivre le mouvement. Il fait aussi mention de la question particulière des vins, dont les producteurs français espèrent un dégrèvement aux États-Unis, suivant la nouvelle politique américaine.

Le monopole de l’alcool 

Depuis la fin du XIXe siècle, le monopole de l’État sur la production et la distribution de l’alcool est imaginé par quelques esprits chimériques comme une panacée pour augmenter sans douleur le budget de l’État. Dans cet article publié en 1903, Yves Guyot pourchasse les sophismes et les déceptions de ces projets, sans cesse remis devant l’Assemblée nationale, et offre la réfutation des faits aux socialistes qui les portent.

Opinion d’Hippolyte Passy sur l’ivrognerie

Les libéraux français se sont surtout préoccupés de la question de l’alcool du point de vue de l’ivrognerie, et pour combattre ce qu’ils appelaient un fléau. À l’Académie des sciences morales et politiques, Hippolyte Passy donne brièvement la mesure de son soutien à cette lutte morale, intellectuelle et matérielle (par l’intermédiaire d’associations) contre l’ivrognerie, qui fait, dit-il, des ravages immenses en France.

Des habitudes d’intempérance

Dans cette conférence donnée en 1868, Henri Baudrillart étudie les causes de l’un des grands fléaux des classes ouvrières : l’intempérance, c’est-à-dire précisément l’alcoolisme. Il pèse une à une ces causes ou probables ou démontrées, et termine son discours sur la question des modes opératoires pour réformer, si ce n’est vaincre tout à fait, ce mal social dangereux.

Y a-t-il lieu, pour parer aux dangers de l’alcoolisme, de restreindre la liberté du commerce des boissons ?

Devant les progrès de l’alcoolisme, les sociétés de tempérance et la force des gouvernements offraient deux réponses assez distinctes. Étudiant la question en 1885, les libéraux de la Société d’économie politique ne se montrent guère favorable à une prohibition ; mais les bornes exactes de l’intervention de l’autorité font débat. Selon les uns, l’État peut légitimement contrôler le nombre des débitants de boissons alcoolisés, et il peut surveiller la production des alcools les plus dangereux ; pour d’autres, en dehors de prononcer une interdiction aux mineurs et de sanctionner les fraudes, l’État doit rester en retrait. « Il est souverainement injuste, dit notamment Arthur Raffalovich, de donner à une majorité le droit de contrôler les goûts de la minorité et de la priver de l’usage modéré des boissons, parce qu’il y a des ivrognes. »