Au micro de Nicolas Doze dans les experts, Alain Madelin répond au sujet de philo du baccalauréat 2012 de la série S : Serions-nous plus libre sans État ?
2012.06.19 Serions-nous plus libres sans l’Etat, la copie d’Alain Madelin
Pour A. Madelin le mariage entre la liberté et l’État n’est pas toujours heureux, prenant ici l’exemple soviétique.
De quelle liberté et de quelle État parle t’on ? Madelin associe liberté et droit de l’homme, rappelant la tradition marxiste qui conteste cette vision de la liberté, qualifiée de “bourgeoise”, ainsi que l’Église Catholique qui s’opposa fût un temps à la liberté de penser.
Cette liberté donc des droits de l’homme nécessite un cadre juridique pour s’épanouir : C’est l’État de droit. Ce dernier, contrairement à ce que l’on a tendance à penser en France, ne représente pas l’État en tant que producteur de droit mais bien soumis au droit (rule of law).
Pour l’État, il y a deux visions : la vision hobbesienne où l’État, la force, fabrique le droit. Et une autre, libérale, où l’État n’est légitime que parce qu’il est soumis au droit (John Locke), un droit supérieur et antérieur à l’État. A.M. prend l’exemple d’Antigone qui, en vertu de ces lois non-codifiées, ne peut être empêcher d’enterrer son frère par l’autorité politique. L’homme a donc des droits fondamentaux (naturels) supérieur à l’État (ces droits “inaliénables” que l’on retrouve dans certaines constitutions par exemple). Ces droits viennent soit de Dieu (Locke) ou sont découverts par la Raison (tradition française).
L’État doit donc être constitutionnellement limité, il a certes des pouvoirs mais ne peut tout faire. A.Madelin distingue deux formes de démocratie : celle de la loi de la majorité (le despotisme démocratique identifié par Tocqueville) et la démocratie libérale, qui préserve le droit de la plus petite minorité, l’être humain.
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Un point qui me parait nécessiter quelques précisions, celui du droit naturel. Il me semble tout à fait possible de concevoir un Etat soumis au droit, qui n’est pour autant pas le fruit d’un quelconque droit naturel, qu’il ait une origine immanente ou issue de la raison. C’est le génie des scolastiques et plus encore de l’Ecole de Salamanque que d’avoir (ré)introduit le droit naturel. Mais cette conception aprioriste et abstraite constitue aussi sa principale limite.
Il est tout à fait possible, a contrario, de penser que l’assujettissement de l’Etat à la société est le fruit non d’un droit naturel abstrait, mais du droit civil que la société a progressivement imposé à l’Etat. Lequel est indiscutablement postérieur à la société. C’est la position de Ferguson, Bentham, Hayek et tant d’autres.
Sinon, comme souvent, Madelin brille par sa grande clarté et sa profondeur. C’était décidément un OVNI politique par excellence.
Oui, d’ailleurs, dans ma dissertation corrigée, tu verras que j’ai évité de parler du droit naturel : //nicomaque.blogspot.fr/2012/06/bac-philo-2012-serions-nous-plus-libres.html
Oui j’ai vu cela, et j’y suis sensible !
Autant pour ma part les thèses autrichiennes portées par Menger et Mises attirent toute ma sympathie, autant je n’ai jamais accordé grand crédit au jusnaturalisme, qui n’est d’ailleurs que le pendant individualiste du contractualisme. L’un comme l’autre sont des aiguillons de la pensée, certes, mais ne sauraient avoir pour ambition de représenter une quelconque réalité.
C’est tout l’apport de l’histoire, de la sociologie, de la géographie, de l’ethnologie, voire de l’ethologie (voir par exemple ici concernant Hayek) que d’apporter une autre lecture, à mon sens beaucoup plus convaincante.