Ron Paul, la revanche du libéralisme classique
Le Monde, 22 décembre 2011
Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais pour tous les libéraux de la sphère occidentale le succès de Ron Paul est le signe qu’après un siècle d’augmentation constante du périmètre de l’Etat dans la société, le temps du reflux est peut-être arrivé. Et Ron Paul ouvre plusieurs pistes pour y parvenir.
Des Etats obèses partout dans le monde occidental.
D’abord un constat : contrairement à ce qu’affirment en permanence les étatistes, jamais l’Etat en Europe ou aux Etats-Unis n’a eu une telle place dans nos vies en temps de paix. En un siècle le poids de l’Etat est passé d’environ 15 % du PIB à en moyenne 50 %. En France, nous avions déjà un Etat centralisé et imposant sous De Gaulle, en une génération nous avons en plus hérité d’un “infra Etat”, des collectivités locales gourmandes et d’un “super Etat” l’Union européenne bavarde, sans d’ailleurs que l’Etat national n’est lui-même significativement diminué de volume. Jamais nous n’avons eu autant de politiques, de bureaucrates pour nous soigner, nous éduquer, nous diriger, nous commander, nous ausculter, nous subventionner, nous dresser et surtout nous ponctionner. Contrairement à une légende urbaine, les USA ont suivi une trajectoire similaire. De l’Amérique de Roosevelt qui a prolongé la crise pendant une décennie tout en multipliant les bureaucraties aux politiques Keynésiennes des années 1970 en passant par les multiples guerres, l’Etat fédéral n’a fait que grossir. Reagan n’a lui-même que très peu diminué la place de l’Etat, mais surtout diminué les impôts sans diminuer les dépenses, en particulier celles destinées au secteur militaro-industriel.
Fin de règne du libéralisme utilitariste. Pour sortir de cette lente glissade vers toujours plus d’Etat, Ron Paul renoue d’abord avec un libéralisme classique très pur. Depuis plusieurs décennies, le libéralisme a d’abord été défendu par des utilitaristes : le libéralisme, c’est bien parce que c’est utile, en particulier pour la croissance économique. Cette vision utilitariste a souvent teinté le discours libéral d’un industrialisme béat et d’un tropisme en faveur de grandes entreprises. Le libéralisme classique, proche des racines historiques du libéralisme – auxquelles d’ailleurs des auteurs Français (Cantillon, Bastiat, Constant, Tocqueville) ont beaucoup contribué – part lui des droits naturels des individus, qui ne s’effacent jamais ni devant des Etats envahissants, ni devant des intérêts économiques particuliers instrumentalisant l’Etat. Le libéralisme classique est bien sur favorable à l’économie de marché, conséquence de la liberté d’user de ses talents et la liberté d’échanger, mais à la condition stricte de ne pas utiliser l’Etat pour favoriser certains acteurs. Le discours de Ron Paul séduit cette Amérique convaincue – à juste titre – que ses libertés et ses propriétés sont petit à petit confisqués non seulement par l’Etat fédéral, mais aussi par des grands intérêts particuliers (banques, industries militaires) contrôlant les élus de Washington à leur profit.
L’Ecole autrichienne, les économistes qui ont vu juste.
Le deuxième atout de Ron Paul, en science économique, c’est de s’être depuis plusieurs décennies imprégné de l’Ecole autrichienne (Mises, Hayek, Rothbard) en particulier sur les questions monétaires. Cette école, très libérale, qui s’oppose à la fois aux keynésiens et aux monétaristes, a aujourd’hui le vent en poupe dans les milieux libéraux. Elle met en cause l’existence même d’une banque centrale accusée non seulement de ne pas stabiliser la monnaie ou l’économie mais au contraire de provoquer des bulles et des crises tout en servant ouvertement les intérêts des grandes banques. La théorie des cycles de l’Ecole autrichienne a expliqué avec beaucoup de précision la crise de 1929 comme la crise que nous vivons actuellement. Fort de cette boussole, Ron Paul a dénoncé dès le début des années 2000 l’apparition d’une bulle et une fois la crise déclenchée il n’a voté aucun des fameux bails-outs des grandes banques tout en exigeant de la FED un grande transparence des comptes.
Ron Paul contre le néo-conservatisme.
Sur le plan international, Ron Paul s’oppose violemment aux néoconservateurs qu’il accuse de servir exclusivement les intérêts du secteur militaro-industriel en incitant à des guerres inutiles.
Sur le plan des mœurs, bien que conservateur lui-même, Ron Paul refuse que l’Etat intervienne dans la vie des individus que cela soit pour la drogue ou les unions homosexuelles. Il se retrouve ainsi avec des supporteurs hétéroclites qui vont des provinciaux conservateurs des Etats du centre des USA aux gays branchés de San Francisco.
Ron Paul, un exemple pour les libéraux du monde entier. Retenez bien ce nom : Ron Paul. Qu’il perde ou qu’il gagne, sa révolution est en train d’influencer significativement le mouvement libéral aux USA et donne un exemple réussi aux libéraux du monde entier. Après plusieurs décennies de disparition quasi-totale, le libéralisme classique entre à nouveau par la grande porte dans l’arène politique. En Europe aussi, le libéralisme revient à ses sources classiques dans les milieux intellectuels et militants du libéralisme. Le phénomène Ron Paul n’est pas un accident, mais le symptôme d’un mouvement de fond en Occident qui fera aussi sentir ses effets en Europe et en France dans les prochaines années.
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Bravo Daniel d’avoir réussi à apporter un peu de vérité dans un journal si acquis à l’étatisme.
Cependant en lisant les commentaires antilibéraux et quasi-pavlovien des lecteurs du monde je me dis, à l’instar du blogueur H16, que ce pays est foutu.
Comment faire exister des idées libérales dans un pays où l’éducation (Ed.nat)et la culture (artistes de gauche) sont aussi incultes concernant le libéralisme.
Daniel,
J’espère que vous aurez raison sur l’avenir de Ron Paul et des démocraties occidentales. Il faut garder la foi mais force est de constater que l’on va un peu plus dans l’autre sens! celui du renforcement de l’Etat. On risque de basculer dans le solcialo-communisme pur et dur, à force!