Frédéric Passy, Préface à La Question finlandaise en 1911 par un député finlandais, 1912
La question finlandaise en 1911
par un député finlandais
Préface de Frédéric Passy
Membre de l’Institut
PARIS
LIBRAIRIE SCHLEICHER FRÈRES
8. Rue Monsieur-le-Prince,8
1912
PRÉFACE
À M. JEAN-JACQUES CASPAR
Vous m’avez communiqué, Monsieur, en me priant d’en prendre connaissance et d’y joindre, si je l’en trouvais digne, quelques lignes de préface, un volume sur la Finlande, appel de cet intéressant et malheureux pays à la sympathie de l’Europe.
Je n’avais pas, vous le savez, attendu cet appel pour prendre rang parmi les amis attristés et, jusqu’à présent, hélas ! impuissants, de ce noble pays. Mon nom a figuré, avec beaucoup d’autres, il y a plusieurs années déjà, au bas d’une pétition respectueusement soumise, dans le double intérêt de la population finlandaise et de la Russie, sa suzeraine, à Sa Majesté l’Empereur Nicolas II ; pétition qui sans doute, malgré l’autorité de ceux qui osaient s’adresser à sa haute et toute puissante raison, n’est point parvenue jusqu’à Lui.
Cette fois, ce n’est pas au souverain directement, mais à l’Europe entière, qui, sans être indifférente, ne connaît qu’imparfaitement encore la question, qu’ont voulu recourir les auteurs de cette nouvelle requête. C’est un exposé très clair, très précis, très modéré en la forme et exempt de tout sentiment de révolte qu’ils ont entendu présenter à l’appréciation de tous les hommes impartiaux que ne laissent pas indifférents les grands problèmes de la vie générale du monde. Qui sait si, par cet appel à l’opinion, ils ne parviendront pas, quelque jour, jusqu’au cŒur de Celui qui a paru, jusqu’à présent, inaccessible à leur prière ?
Si j’osais, je rappellerais ici, en toute humilité, un souvenir déjà lointain.
Une Suédoise, de celles qui conservent pour la Finlande des sentiments de famille, se répandait en paroles amères contre ce qu’elle ne craignait pas d’appeler « le crime de l’autocrate russe ». Puis, se ravisant tout à coup : « J’ai tort » dit-elle, « d’être si dure. Ce pauvre empereur sait-il seulement qu’il a signé ce malheureux décret que nous lui reprochons ? »
Elle avait peut-être raison, cette Suédoise. Et c’est pourquoi nous devons plaindre souvent, plutôt que de les accuser, les tristes victimes du pouvoir. Mais nous savons, nous ; et nous n’avons pas le droit de nous taire en face de ce que nous considérons comme un outrage à l’humanité. C’est afin de remplir, pour ma faible part, ce devoir, que je n’hésite pas à appuyer de mon modeste témoignage ce touchant plaidoyer d’un Finlandais pour son pays.
FRÉDÉRIC PASSY.
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