Guerre de l’Espagne au Chili. Les neutres et le droit des gens

En 1866, à l’agression de l’Espagne contre le Chili et au bombardement de Valparaiso, J.-G. Courcelle-Seneuil répond en France avec une deuxième brochure consécutive pour condamner formellement les procédés de la puissance espagnole et engager les neutres, meurtris dans leurs intérêts commerciaux, à riposter par ce que nous nommerions aujourd’hui le « boycott », et par une réaffirmation plus solennelle de certains principes du droit des gens. 

De l’esprit public en France

Dans les 4e et 6e livraison du Censeur (1814), Charles Dunoyer survole l’histoire française pour expliquer l’absence d’un esprit public au sein de la population. Sans cesse occupé de son enracinement et d’écarter les menaces qui pèsent sur lui, le pouvoir politique en France a paru peu intéressé par les valeurs de communion et de symbiose. Si aujourd’hui les hommes paraissent désunis et se repaissent dans leur égoïsme, c’est que les gouvernants les ont fait tels, pour mieux servir leur ambition de pouvoir.

Le libéralisme économique en France de 1695 à 1776

Le libéralisme économique en France de 1695 à 1776 pèche certainement par l’absence d’ouvrage doctrinal complet, qui offrirait une synthèse facile d’accès. Mais à travers tous les écrits fournis à la postérité par cette poignée d’auteurs, de Boisguilbert à Condillac en passant par d'Argenson, Gournay, les physiocrates, Turgot, on retrouve une pensée puissante et volontiers radicale, qui se fait jour au milieu d’un système de pensée ouvert, tolérant, humaniste, cosmopolite, qui est aussi l’une de ses plus grandes richesses.

Correspondance inédite de J.-G. Courcelle-Seneuil avec Arthur Mangin

Dans ces quelques lettres inédites, tirées des archives personnelles d’Arthur Mangin (collaborateur notamment à l’Économiste français) Jean-Gustave Courcelle-Seneuil exprime quelques mises au point sur certaines de ses prises de position ou sur son enseignement de l’économie politique à l’École normale. On notera, comme particulièrement éclairante, une explication sur l’emploi abusif du mot « capital » par les économistes, et une réclamation sur la qualification d’ « esprit absolu » et d’ « économiste intransigeant ».

L’administration et le phylloxera

En 1875, pour parer au mal causé par le phylloxera, l’administration centrale et locale ont édicté des mesures liberticides, en faisant usage de pouvoirs qui sortent de leurs attributions. Pour Michel Chevalier, la proscription du cépage américain, et l’emploi forcé de certains produits chimiques, sont hautement condamnables. C’est d’ailleurs une règle générale, rappelle-t-il, que « l’autorité, dans l’intérêt du public et dans celui de sa propre considération, est tenu de se montrer extrêmement réservée en présence des problèmes qui viennent à être posés dans la sphère des arts utiles, agriculture, manufacture, commerce. Il convient qu’elle tourne sa langue sept fois avant de se prononcer pour une des solutions qui ont pu être proposées. Elle doit favoriser la diversité des tentatives plutôt que de les restreindre. »

L’expansion coloniale

Dans cette court texte inséré dans la Revue économique de Bordeaux, Frédéric Passy rappelle la portée et la signification de son anti-colonialisme, dont la ferveur lui a inspiré par exemple un grand et célèbre discours à l’occasion du Tonkin, en 1885. Sa conviction centrale, c’est, comme il le répète, « la supériorité des moyens pacifiques sur les moyens violents, et, par conséquent, de la pénétration graduelle, par le commerce et par les entreprises privées, sur l’occupation, en apparence plus rapide, en réalité plus longue, parce qu’elle reste contestée, par les armes ».

Conjectures sur l’histoire du droit de propriété

Dans cet article du Journal des économistes, publié en 1878, Jean-Gustave Courcelle-Seneuil retrace, sur la base des sources historiques et du raisonnement rétrospectif, l’histoire nébuleuse du droit de propriété. Aux âges les plus reculés, la propriété commune seule domine, et c’est au milieu des violences et des ravages de l’époque grecque et romaine que la propriété privée obtient peu à peu de la reconnaissance. La vraie notion de la propriété privée, fondée sur le travail seul et le respect des règles de la justice, doit continuer à être portée par la science, dit-il, jusqu’à ce que la liberté règne dans les institutions et les lois, au même titre que dans les faits.

Leçons d’histoire données à l’École Normale (1795)

Nommé à l’École Normale, Volney trace devant son auditoire ses réflexions sur l’écriture de l’histoire, l’influence des récits historiques, les divers degrés de croyance qu’on doit leur accorder selon les auteurs et les évènements. Dans une démarche prudente et sceptique, il met en garde contre les dangers d’une éducation historique bâclée, des projets évasifs d’histoire universelle, et présente ses plans pour améliorer la production historique portant sur le monde entier.

L’agriculture et l’économie politique, discours prononcé à la Société centrale d’agriculture

En 1875, Louis Wolowski évoque devant la Société centrale d’agriculture de France les lointains accomplissements de l’économie politique sur les questions agricoles. Depuis la fin du XVIIe siècle, rappelle-t-il, les économistes ont défendu la liberté des cultures, l’immunité de la propriété, et l’échange libre des fruits de la terre. Si la condition des populations rurales s’est tant améliorée depuis l’époque de La Bruyère et de Vauban, c’est en grande partie la suite des progrès permis par la liberté du travail et la liberté des échanges.

De l’influence de l’autorité dans les questions d’opinion

Le libre arbitre, la conscience, sont nos outils de savoir ; mais le sage n’est pas celui qui cherche à tout investiguer de lui-même : c’est celui qui approfondit certains sujets et s’en remet pour d’autres à des autorités qu’il juge dignes de foi. Sous cette définition, l’autorité a un rôle nécessaire dans la marche des opinions. Mais entendu comme puissance politique, l’autorité doit rester en retrait, ou manquerait son but. — Devant l’Académie des sciences morales et politiques, Gustave de Beaumont présente en 1853 les observations contenues dans un récent livre de G. Lewis, ainsi que les siennes, sur ces différentes questions.

Les statistiques douanières indiquent-elles avec fiabilité le développement et la décadence du mouvement commercial d’un pays ?

En 1892, certes, les économistes n’en sont plus à scruter les chiffres de la douane pour savoir si leur pays gagne ou perd aux échanges internationaux : mais l’utilité de ces statistiques pose question, comme l’illustre cette discussion de la Société d’économie politique. Ces données, d’abord, sont et resteront sans doute longtemps lacunaires. Pour cette raison, les indications qu’elles donnent sur le volume et la destination des échanges commerciaux doivent être considérées avec précaution. À cette condition, elles peuvent peut-être guider les réformes ou confirmer des mouvements de tendance. 

Lettre de Dupont de Nemours à Nicolas Baudeau, 12 mars 1776

Malgré la présence de Turgot au ministère, l’année 1776 est, paradoxalement, une période de tensions et de crises permanentes pour le camp des physiocrates et de leurs affiliés. Quesnay mort, Abeille marchant son propre chemin, restent encore le marquis de Mirabeau, les abbés Baudeau et Roubaud, Dupont de Nemours, Lemercier de la Rivière, et de nombreux adeptes de second rang. Mais la nomination de Turgot, au lieu d’être une consécration et l’arrivée au pouvoir d’une école de pensée toute entière, fait des étincelles : Lemercier de la Rivière, dont les compétences étaient réelles, s’aigrit de s’être vu voler le poste ; Mirabeau signale que Turgot, par son caractère et sa maladresse (« un vrai casse-col », dit-il), n’est pas l’homme de la situation et il prévoit des désastres qui rejailliront sur le parti physiocratique. Dupont de Nemours seul est appelé aux côtés du ministre ; les autres sont de vieilles amitiés disgraciées. Nicolas Baudeau commet lui de multiples maladresses qui apparaissent comme des infidélités, et qui amènent Dupont à lui écrire la lettre inédite qui suit.

Le rôle de la bourgeoisie dans la production

Au milieu de l’agitation socialiste, qui devait mener à brève échéance aux désastres de la Commune, une idée surnageait, que Paul Leroy-Beaulieu analysait en 1870 : c’est que la bourgeoisie, détentrice du capital et dirigeant les principales entreprises, représente une classe inutile de spoliateurs, qui assume des fonctions que la classe ouvrière pourrait très facilement reprendre. Les faits, observe Leroy-Beaulieu dans cet article, prouvent au contraire qu’à moins de vertus d’ordre, d’économie, de gestion, que l’instruction scolaire ne donnera pas seule, les coopératives sont vouées à l’échec et échouent effectivement.

Le libéralisme officiel à l’Académie des sciences morales et politiques

L’Académie des sciences morales et politiques a accompagné la croissance et le développement du libéralisme français pendant près d’un siècle, et aujourd’hui ses volumes de Séances et travaux sont d’une lecture instructive et enrichissante pour ceux qui aspirent à marcher sur les traces des esprits supérieurs qui y siégèrent. Cependant cette histoire et cet héritage n’est pas sans ambiguïtés. Tous ces auteurs qui ont œuvré pour la liberté du travail et de la pensée ont constitué une aristocratie de l’intelligence, à l’abri de privilèges et de dotations publiques. S’ils ont accompagné le progrès, en promouvant de leur place des réformes utiles, ils l’ont peut-être aussi entravé, en donnant à leur libéralisme un caractère officiel, et en limitant les potentialités d’institutions concurrentes, qui auraient mûri sous l’atmosphère vivifiante de la liberté.    

Des largesses de l’État envers les industries privées

Dans un article plein de hardiesse, Louis Reybaud examine tour à tour les différentes formes prises par l'aide publique à l'industrie : primes, subventions, prêts d'argent, garanties d'un minimum d'intérêt, indemnités. S'il les traite une à une, c'est pour les rassembler ensuite dans une condamnation globale, car les largesses de l'État envers les industries privées aboutissent d'un côté, à une dilapidation de l'argent des contribuables, de l'autre à des entreprises mal conçues, mal combinées, et dont on chercherait en vain le principe vivifiant.

Sur le prix des enterrements et l’alternative de la mort à bon marché

« Non seulement la vie coûte cher en France, écrit Gustave de Molinari en 1851, mais la mort même y est renchérie par des monopoles et des privilèges. » Les enterrements, en effet, sont l’objet de multiples règlements et de taxes, qui pèsent d’un poids particulièrement lourd pour le pauvre peuple, obligé d’abandonner les siens dans des fosses communes et d’en accompagner les dépouilles dans un cortège minimaliste. Les concessions même sont révoquées et révocables, et on trouble la propriété privée dans le dernier lieu de sa manifestation ; c’est le communisme jusque dans la mort.

Le Japon. L’éveil d’un peuple oriental à la civilisation européenne

À la fin du XIXe siècle, le Japon, de même que la Chine, se réveille, porté par une population laborieuse et les acquis techniques, économiques et industriels de l’Occident. Tandis qu’à l’ouest on débat de la journée de 8 heures et de droits sociaux étendus, cette concurrence nouvelle prépare de grandes déconvenues, écrit Paul Leroy-Beaulieu en 1890. « Dans quelques dizaines d’années, ces deux méconnus [le Japon et la Chine], pourvus enfin de nos connaissances techniques et de nos machines, montreront aux nations européennes amollies ce que peuvent les peuples qui n’ont pas perdu la tradition du travail. »

Réponse à M. Léon Say

Dans le Journal des économistes de septembre 1884, Ernest Martineau avait réclamé contre le libellé d’une question à la Société d’économie politique, portée par Léon Say, sur le motif qu’elle se fondait sur le postulat erroné que la liberté produit des torts, qu’il peut être dès lors souhaitable ou nuisible de combattre. Léon Say ayant répondu entre temps que son opinion n’était pas que la liberté produit des torts, Martineau peut se féliciter de cet accord sur ce point qu’il considère comme important.

La question de la paix

Dans cet article, Frédéric Passy revient sur les nouveaux développements des idées de pacifisme et d’arbitrage, qui lui sont chères et qu’il a défendues toute sa carrière durant. En 1895, la question de l’Alsace-Lorraine, qui a fait naître des tensions réelles mais dont il ne faudrait pas, dit-il, s’exagérer la portée, est surtout posée, et elle doit être résolue comme les autres par l’arbitrage. La concorde et la paix européenne, surtout, sont à fonder, si l’on veut éviter un embrasement généralisé.