La recherche de la paternité des enfants naturels et la population

La loi, qui sanctionne les mariages, se désintéresse assez de les voir ou non productifs. Mais lorsqu’il y a séduction par une fausse promesse de mariage, et a fortiori lorsqu’il y a enlèvement, viol, la loi ne peut pas détourner le regard et protéger l’inconduite des hommes, comme elle l’a fait trop longtemps. — C’est le sens de l’article qu’Adolphe Blaise consacre au sujet dans le Journal des économistes de janvier 1879 : appuyer les efforts législatifs entrepris récemment pour réformer la législation d’impunité masculine issue de la Révolution, et soutenir les filles-mères en permettant la recherche de la paternité et l’accomplissement forcé des devoirs du père.

Note sur la condition sociale et politique des nègres esclaves et des gens de couleur affranchis

En 1835, tandis que son compagnon de voyage publie la première partie de sa Démocratie en Amérique, Gustave de Beaumont se charge de raconter, par le roman, la condition des noirs aux États-Unis. Au-delà des péripéties même de l’histoire de Marie, il insère la longue note suivante, aperçu très éclairant et très raisonné de ce qu’est la servitude des noirs esclaves et de ce que la société devient pour eux lorsqu’ils sont affranchis. Il avertit des dangers qui se préparent pour le pays, lorsque viendront aux prises ces « deux races ennemies, distinctes par la couleur, séparées par un préjugé invincible ».

L’immigration et l’éventualité de la dénationalisation de la France

Au début du XXe siècle, la France, dont la natalité est en baisse, a recours à l’immigration pour soutenir sa population. En sociologue et en économiste, Paul Leroy-Beaulieu étudie ce mouvement et ses conséquences dans son ouvrage sur La question de la population (1913). Selon lui, l’agglomération d’individus étrangers ou naturalisés, dans des villes particulières où ils conservent leur culture et leur langue, fait courir au pays un risque de « dénationalisation » qui se matérialisera rapidement, en quatre ou cinq générations.

L’industrie et les taxes douanières

Deux ans après la débâcle de la guerre franco-prussienne et les troubles de la Commune de Paris, l’économie française est encore en convalescence quand Paul Leroy-Beaulieu écrit le premier éditorial de son journal L’Économiste français. Évoquant la réforme des traités de commerce, alors pendante, il recommande la prolongation du régime de libre-échange inauguré en 1860 comme une mesure temporaire de bon-sens, qui doit permettre le rétablissement de la fortune publique et privée, mise à mal par les récents évènements.

Les quarantaines sanitaires

Au XIXe siècle, l’état de la science et les conditions des communications entre les peuples sont tels, que les autorités qui ont à charge de prévenir et de limiter les conséquences des épidémies font reposer une bonne part de leur attention sur le système des quarantaines. Contrôler et isoler les personnes douteuses, ce n’est pas éradiquer le mal, ou s’en préserver : c’est faire un pari, accepter un accommodement compris comme raisonnable, comme ailleurs on s’y résigne, contre des forces naturelles que l’on ne saurait vaincre. Dans cet article publié dans le Dictionnaire de l’économie politique (1853), Louis Reybaud retrace l’histoire de cette méthode de protection et en souligne les difficultés intrinsèques, quand les épidémies sont si imprévisibles, si inarrêtables, et que les spécificités de climat ou de mœurs rendent les règles fixes si maladroites.

Jules Simon – L’Ouvrière (1861)

Jules Simon étudie dans ce livre les conditions économiques et sociales des ouvrières, depuis l’avènement de la grande industrie et l’extinction du travail à domicile par les progrès du machinisme. Ces conditions nouvelles, il en expose les effets, bons et mauvais, actuels et futurs. En libéral conservateur, il place ses espérances, non dans l’assistance publique généralisée ou dans des atteintes portées au principe de la propriété, mais dans les mœurs et la structure familiale.

Les nouvelles perspectives budgétaires de la France

Analysant en janvier 1874, pour son journal L’Économiste Français, les dernières discussions sur le budget, Paul Leroy-Beaulieu prend un ton critique, au vu de l’impréparation et de la timidité des mesures proposées. Au lendemain d’une guerre perdue, dit-il, la sécurité ne peut être compromise, et pour en garantir les ressources, rien ne vaut une réforme audacieuse et courageuse des impôts.

Laissons Faire, n°41, janvier 2022

Au programme de ce nouveau numéro : René Descartes, de la liberté divine à la liberté humaine, par B. Malbranque. — Débat sur le ministère Turgot à l'Académie des sciences morales et politiques (1877). — La bibliothèque nationale et le communisme, par Gustave de Molinari (1849). — Recension critique : Jean-Baptiste Say, Œuvres complètes, volume III. Catéchisme d’économie politique et opuscules divers, Economica, 2020.

Mémoire sur faciliter et avancer la levée d’un grand nombre de charges (1691)

Dans ce mémoire, joint à sa première lettre au ministère, Boisguilbert attaque un premier pan des erreurs administratives que l’ancienne monarchie commettait dans la perception des droits et la police des fonctions publiques. Observant que des titulaires de charge les abandonnent fréquemment pour éviter d’en payer les frais, ou que les jeunes avocats se perdent dans une jeunesse licencieuse, pour apprendre un droit romain qui n’est pas même la base de la législation sur laquelle ils auront à exercer, il commande de répondre à l’un et l’autre abus par des réformes.

Les nouvelles manières d’exploiter le sol en Angleterre

En 1869, le jeune Paul Leroy-Beaulieu consacre son premier article pour la Revue des Deux Mondes à la question des bandes agricoles (agricultural gangs) en Angleterre. L’incorporation de la population abandonnée des campagnes dans ces réseaux de travailleurs a permis, dit-il, d’accroître les défrichements et la culture. Si le travail en commun de jeunes adultes a pu donner naissance à certains travers liés à la réunion des deux sexes, l’auteur repousse comme aberrante la solution de l’exclusion des filles et des femmes de ce travail.

Les réformes économiques de Turgot et les causes de la Révolution (partie 2 sur 2)

En 1877, les économistes libéraux de l’Académie retracent de manière critique le passage de Turgot au Contrôle général des Finances, ministère dont on fête alors le centenaire, et qui vient d’être éclairé par un grand ouvrage de Pierre Foncin. Pour certains, comme Fustel de Coulanges, Turgot a une grande part de responsabilité dans l’échec de ses réformes, et il ne faudrait pas voir de la sagesse dans un homme qui tente volontairement l’impossible. D’autres font valoir les oppositions et les mérites intrinsèques du ministre, qui reste grand au milieu de l’adversité.

Oeuvres complètes de Gustave de Molinari (Volume 5)

Œuvres complètes de Gustave de Molinari, sous la direction de Mathieu Laine, avec le soutien de M. André de Molinari, et avec des notes et notices par Benoît Malbranque. Volume 5. Dans la tempête révolutionnaire (1848). — Les évènements révolutionnaires de février et juin 1848 forcent Gustave de Molinari à abandonner ses premiers combats, notamment en faveur du libre-échange, pour une action journalistique de réaction qui doit sauver les assises de la société face à la menace rouge. Après une large notice, en tête de volume, revenant sur cet environnement éminemment nouveau, ce volume donne à lire une masse d'articles retrouvés dans la presse parisienne et inexplorés jusqu'à aujourd'hui.

Le scepticisme face à la vaccination dans le Journal des économistes

En juillet 1885, un jeune enfant recevait treize injections de moelles rabiques de moins en moins atténuées et devenait le premier être humain vacciné — Louis Pasteur venait de vaincre la rage. Le procédé même de la vaccination ne paraissait toutefois pas convaincant à tous. En septembre de la même année, le Journal des économistes rapportait expériences et discussions récentes et faisait part de doutes sur l’utilité de la vaccination contre différentes maladies contagieuses. L’auteur concluait même son article par un avertissement destiné à ceux qui voudraient que les populations se fassent inoculer « à tout propos et pour toutes les maladies, depuis la fièvre jaune jusqu’au rhume de cerveau, sans se demander un instant quelle sorte de macédoine tous les virus plus ou moins atténués peuvent produire sur l’organisme. »

Étude sur les doctrines sociales du christianisme

Dans cette brochure au ton acerbe, publiée en 1873, Yves Guyot lance une charge terrible contre le christianisme, dont il accuse la connivence avec le socialisme et les doctrines autoritaires. Cette religion est, d’après lui, l’antagoniste du progrès et de la civilisation : son credo est un éloge indéfini du pouvoir et de l’abaissement de l’individu. « Le christianisme, écrit-il, nous a appris qu’il vaut mieux prier que travailler. Tâcher d'attirer sur soi un regard favorable de Dieu ; voilà le but du chrétien. Il s'humilie, se fait bien humble, bien petit, bien rampant ; nul comme lui n'a l'adoration toute orientale de la puissance. »

L’opportunité des réformes

Les partisans de l'immobilisme piègent toujours les artisans des réformes dans le dilemme de l'impossibilité provisoire. De nos jours, ce sont le problème du terrorisme puis la pandémie qui rendraient vaines les aspirations aux libertés. Déjà, à la toute fin du XVIIe siècle, Pierre de Boisguilbert, le premier théoricien du laissez-faire, luttait contre de tels arguments : la guerre, lui disait-on, empêchait la réforme des impôts et la libéralisation du commerce des grains. Dans un texte brillant, il apportait sa réponse.

Charles Comte, Traité de législation (4 volumes)

Frédéric Bastiat, dont on n’est plus exactement à prouver la clairvoyance et la sagacité, et qui peut passer pour un bon juge en matière de libéralisme, vouait un véritable culte à Charles Comte, et disait de son Traité de législation que s’il se trouvait relégué sur une île déserte, en n’ayant que le choix d’un seul livre, c’est celui-là qu’il emporterait, car « c’est celui qui fait le plus penser ». — Avec une grande finesse d’analyse et en s’appuyant sur une littérature de voyage qu’il dominait parfaitement, Comte fait parcourir les siècles et les continents à son lecteur, à la recherche des fondements mêmes des lois et des conditions dans lesquelles une société est la plus à même de se développer et de garantir le bonheur et l’aisance matérielle de ses membres. Avec sa plume libre et soignée, l’auteur l’emmène sur les îles reculés du Pacifique, chez les peuplades indiennes de l’Amérique, ou dans les déserts de Syrie et d’Égypte, pour montrer ce que devient l’homme sous les différents niveaux de civilisation et les gouvernements plus ou moins libres ou tyranniques.

Le pont et les voyageurs. Apologue sur le Covid-19, dans le style de Frédéric Bastiat

François et sa femme Camille faisaient route vers le sud pour profiter de la douceur du temps en ce début d’hiver, quand, après s’être arrêtés pour prendre repos dans une auberge, ils arrivèrent devant le lit d’une rivière, qu’un pont en pierre enjambait élégamment. Sur le point de traverser tout à fait cette belle construction, François fut arrêté par sa femme, qui lui dit : François, regarde cet écriteau. Il tourna donc le regard, et lut : « Avant de traverser ce pont, merci d’en référer au mercier. » — Drôle d’affaire, dit-il. Attends-moi un peu ici, je vais aller questionner cet homme là-bas, qui marche nonchalamment devant son échoppe...

La faible connaissance du Tableau économique de Quesnay par les physiocrates

Dans cette lettre, restée longtemps inédite, et dont un très large extrait a désormais été publié par l’Institut Coppet, le marquis de Mirabeau revient sur la réalité de l’engagement intellectuel de ses collègues physiocrates. De ses propres yeux, dit-il, il a vu que le Tableau économique de Quesnay restait totalement ignoré par la majorité des soi-disant disciples. La plupart menaient en fait leur propre chemin, prenaient à des sources variées, et composaient une œuvre en somme très hétéroclite.

Débat sur le socialisme avec Victor Considérant

Le 2 janvier 1848, dans une réponse à une lettre de Victor Considérant, Frédéric Bastiat critiquait en ces termes les subventions gouvernementales prévues pour venir en aide à des industries malades : « Mais alors, ces industries ruineuses (devenues lucratives par des largesses du public), je vous demanderai avec quoi elles se développeront. Avec du capital, sans doute. Et d’où sortira ce capital ? Des autres canaux de l’industrie où il gagnait sans mettre la main au budget. Ce que vous proposez revient donc à ceci : Décourager les bonnes industries pour encourager les mauvaises ; faire sortir le capital d’une carrière où il s’accroît pour le faire entrer dans une voie où il se détruit, et faire supporter la destruction, non par l’industriel maladroit et malavisé, mais par le contribuable. »

L’enthousiasme de Condorcet pour les États-Unis

À la toute fin du XVIIIe siècle, les libéraux français se retrouvent majoritairement dans le camp des admirateurs des États-Unis, nation dont les institutions libres se présentent, sinon comme un modèle absolu, du moins comme une certaine forme d'excellence. Condorcet est l'un d'eux, et ses écrits sur les États-Unis nous fournissent la preuve de son enthousiasme.