Le scepticisme face à la vaccination dans le Journal des économistes

En juillet 1885, un jeune enfant recevait treize injections de moelles rabiques de moins en moins atténuées et devenait le premier être humain vacciné — Louis Pasteur venait de vaincre la rage. Le procédé même de la vaccination ne paraissait toutefois pas convaincant à tous. En septembre de la même année, le Journal des économistes rapportait expériences et discussions récentes et faisait part de doutes sur l’utilité de la vaccination contre différentes maladies contagieuses. L’auteur concluait même son article par un avertissement destiné à ceux qui voudraient que les populations se fassent inoculer « à tout propos et pour toutes les maladies, depuis la fièvre jaune jusqu’au rhume de cerveau, sans se demander un instant quelle sorte de macédoine tous les virus plus ou moins atténués peuvent produire sur l’organisme. »

Étude sur les doctrines sociales du christianisme

Dans cette brochure au ton acerbe, publiée en 1873, Yves Guyot lance une charge terrible contre le christianisme, dont il accuse la connivence avec le socialisme et les doctrines autoritaires. Cette religion est, d’après lui, l’antagoniste du progrès et de la civilisation : son credo est un éloge indéfini du pouvoir et de l’abaissement de l’individu. « Le christianisme, écrit-il, nous a appris qu’il vaut mieux prier que travailler. Tâcher d'attirer sur soi un regard favorable de Dieu ; voilà le but du chrétien. Il s'humilie, se fait bien humble, bien petit, bien rampant ; nul comme lui n'a l'adoration toute orientale de la puissance. »

L’opportunité des réformes

Les partisans de l'immobilisme piègent toujours les artisans des réformes dans le dilemme de l'impossibilité provisoire. De nos jours, ce sont le problème du terrorisme puis la pandémie qui rendraient vaines les aspirations aux libertés. Déjà, à la toute fin du XVIIe siècle, Pierre de Boisguilbert, le premier théoricien du laissez-faire, luttait contre de tels arguments : la guerre, lui disait-on, empêchait la réforme des impôts et la libéralisation du commerce des grains. Dans un texte brillant, il apportait sa réponse.

Charles Comte, Traité de législation (4 volumes)

Frédéric Bastiat, dont on n’est plus exactement à prouver la clairvoyance et la sagacité, et qui peut passer pour un bon juge en matière de libéralisme, vouait un véritable culte à Charles Comte, et disait de son Traité de législation que s’il se trouvait relégué sur une île déserte, en n’ayant que le choix d’un seul livre, c’est celui-là qu’il emporterait, car « c’est celui qui fait le plus penser ». — Avec une grande finesse d’analyse et en s’appuyant sur une littérature de voyage qu’il dominait parfaitement, Comte fait parcourir les siècles et les continents à son lecteur, à la recherche des fondements mêmes des lois et des conditions dans lesquelles une société est la plus à même de se développer et de garantir le bonheur et l’aisance matérielle de ses membres. Avec sa plume libre et soignée, l’auteur l’emmène sur les îles reculés du Pacifique, chez les peuplades indiennes de l’Amérique, ou dans les déserts de Syrie et d’Égypte, pour montrer ce que devient l’homme sous les différents niveaux de civilisation et les gouvernements plus ou moins libres ou tyranniques.

Le pont et les voyageurs. Apologue sur le Covid-19, dans le style de Frédéric Bastiat

François et sa femme Camille faisaient route vers le sud pour profiter de la douceur du temps en ce début d’hiver, quand, après s’être arrêtés pour prendre repos dans une auberge, ils arrivèrent devant le lit d’une rivière, qu’un pont en pierre enjambait élégamment. Sur le point de traverser tout à fait cette belle construction, François fut arrêté par sa femme, qui lui dit : François, regarde cet écriteau. Il tourna donc le regard, et lut : « Avant de traverser ce pont, merci d’en référer au mercier. » — Drôle d’affaire, dit-il. Attends-moi un peu ici, je vais aller questionner cet homme là-bas, qui marche nonchalamment devant son échoppe...

La faible connaissance du Tableau économique de Quesnay par les physiocrates

Dans cette lettre, restée longtemps inédite, et dont un très large extrait a désormais été publié par l’Institut Coppet, le marquis de Mirabeau revient sur la réalité de l’engagement intellectuel de ses collègues physiocrates. De ses propres yeux, dit-il, il a vu que le Tableau économique de Quesnay restait totalement ignoré par la majorité des soi-disant disciples. La plupart menaient en fait leur propre chemin, prenaient à des sources variées, et composaient une œuvre en somme très hétéroclite.

Débat sur le socialisme avec Victor Considérant

Le 2 janvier 1848, dans une réponse à une lettre de Victor Considérant, Frédéric Bastiat critiquait en ces termes les subventions gouvernementales prévues pour venir en aide à des industries malades : « Mais alors, ces industries ruineuses (devenues lucratives par des largesses du public), je vous demanderai avec quoi elles se développeront. Avec du capital, sans doute. Et d’où sortira ce capital ? Des autres canaux de l’industrie où il gagnait sans mettre la main au budget. Ce que vous proposez revient donc à ceci : Décourager les bonnes industries pour encourager les mauvaises ; faire sortir le capital d’une carrière où il s’accroît pour le faire entrer dans une voie où il se détruit, et faire supporter la destruction, non par l’industriel maladroit et malavisé, mais par le contribuable. »

L’enthousiasme de Condorcet pour les États-Unis

À la toute fin du XVIIIe siècle, les libéraux français se retrouvent majoritairement dans le camp des admirateurs des États-Unis, nation dont les institutions libres se présentent, sinon comme un modèle absolu, du moins comme une certaine forme d'excellence. Condorcet est l'un d'eux, et ses écrits sur les États-Unis nous fournissent la preuve de son enthousiasme.

Le libre-échange intégral, sur le modèle de la Ligue de Cobden

Dans ses contributions régulières dans le journal d’audience local, le Mémorial des Deux-Sèvres, Ernest Martineau, un disciple fidèle de Frédéric Bastiat, cherche en 1882 à populariser les idées du libre-échange et à lutter contre les sophismes du protectionnisme, alors dominant. Il se réfère souvent à l’exemple de l’Anti-corn-law-league de Richard Cobden, qui fut en son temps un modèle et une inspiration pour son propre maître à penser, Frédéric Bastiat.

Laissons Faire, n°40, décembre 2021

Au programme de ce nouveau numéro : Diversité et tolérance chez Montaigne, par B. Malbranque. Discours sur le droit de guerre et de paix, par Volney (1790) — L’éducation doit-elle être libre, par Charles Renouard (1828) — Sur le prix des enterrements et l’alternative de la mort à bon marché, par Gustave de Molinari (1851). Recension : Condorcet, Écrits sur les États-Unis, édités par Guillaume Ansart, Classiques Garnier, 2021, 192 pages.

Les sophismes internationaux sur les nations, les nationalités et la guerre

Dans cette étude, Joseph Garnier, marqué par les désastres de la récente guerre franco-prussienne de 1870, analyse la question des nations et des nationalités, dont l’appréciation passionnée et sophistique cause la guerre, l’accroissement des armements et les ambitions sans cesse renouvelées de conquêtes. Contre ces dangers, une politique résolue de non-intervention, de respect des frontières existantes, et d’attention aux intérêts supérieurs des peuples, dont la guerre détruit toujours les membres et les moyens d’existence, peut seule être appelée raisonnable. Plus que jamais, soutient-il, elle s’impose, et plus que jamais elle est praticable.

L’avenir des femmes

Dans cette lettre anonyme, communiquée au Journal des économistes en 1876, une lectrice exprime ses sentiments sur le rôle social assumé par les femmes, sur l’éducation qui leur est prodiguée, et sur les droits qui leur restent à conquérir.

Les réformes économiques de Turgot et les causes de la Révolution (partie 1 sur 2)

En 1877, les économistes libéraux de l’Académie retracent de manière critique le passage de Turgot au Contrôle général des Finances, ministère dont on fête alors le centenaire, et qui vient d’être éclairé par un grand ouvrage de Pierre Foncin. Pour certains, comme Fustel de Coulanges, Turgot a une grande part de responsabilité dans l’échec de ses réformes, et il ne faudrait pas voir de la sagesse dans un homme qui tente volontairement l’impossible. D’autres font valoir les oppositions et les mérites intrinsèques du ministre, qui reste grand au milieu de l’adversité.

La première brochure politique de Frédéric Bastiat (1830)

En 1830, Frédéric Bastiat communique publiquement son soutien en faveur de M. Faurie, candidat aux élections législatives dans les Landes. Dans ce qui est sa première publication, il soutient déjà l’idéal libéral qui sera le but de sa carrière économique et politique. — « Sommes-nous libres, demande-t-il par exemple, si le gouvernement épie tous nos mouvements pour les taxer, soumet toutes les actions aux recherches des employés, entrave toutes les entreprises, enchaîne toutes les facultés, s’interpose entre tous les échanges pour gêner les uns, empêcher les autres et les rançonner presque tous ? »

Le reboisement et la trufficulture

Sujet inlassablement traité par les économistes libéraux du XIXe siècle, la déforestation de la France fait très tôt l’objet de mesures législatives et de règlements d’autorité. Dans cet article du Journal des économistes de juin 1875, Joseph Clément rend compte d’une méthode inusitée et pourtant profitable de reboiser la France sans recourir à l’autorité, mais par la seule force de l’intérêt personnel des propriétaires : il s’agit de planter des chênes truffiers, dont la rentabilité est rapide et sûre.

L’abbé de Saint-Pierre et l’organisation de la paix internationale

Moqué par ses contemporains, qui le traitaient d’idéaliste et de fou, et dévalorisaient ses mœurs pour mieux dévaloriser ses systèmes, l’abbé de Saint-Pierre (1658-1743) fait pour nous œuvre de pionnier. Défenseur tout à la fois de la liberté à l’intérieur et de la paix au dehors, il a défendu toute sa vie des institutions précises, européennes et mondiales, pour pacifier le monde.

Les États-Unis tels qu’ils sont

Témoin, comme Gustave de Molinari, de l’Exposition universelle de Philadelphie en 1876, Charles Limousin fournit ses impressions de voyage au Journal des économistes. À l’américanophilie du début du siècle a succédé, chez lui comme chez bien d’autres, une certaine retenue, et une appréciation plus critique ou réaliste de l’expérience américaine.

L’éternelle modernité de Diderot

Dans la préface qu’il donne en 1886 à la réédition de plusieurs textes de Diderot, dont le roman La Religieuse, Yves Guyot vante les mérites de ce penseur qui a su s’affranchir des codes et des préjugés et qui a livré une œuvre critique restée très actuelle.