Le renchérissement de la vie

Vers la fin du XIXe siècle, la hausse apparente du coût de la vie, dans les villes surtout, sert de prétexte à des attaques contre le libre-échange et l’économie de marché. D’après les économistes libéraux de la Société d’économie politique, cette accusation est maladroite, car elle compare des réalités extrêmement différentes : les modes de vie ont évolué, et le luxe d’hier est devenu nécessité ; ainsi ce n’est pas une enrichissement, mais un raffinement de la vie qui a eu lieu véritablement. 

De la liberté humaine au point de vue moral, religieux, économique et politique

Convaincu que la défense de la liberté, et son succès pratique en France, ne peuvent être espérés à moins d’une conviction généralement partagée de ses mérites, Ambroise Clément creuse ici la notion même de la liberté, pour que son procès soit correctement instruit. Il écarte les sophismes et les sophistes, et trace l’idéal que doivent se donner la loi et le gouvernement, pour que la société soit libre, éclairée, et progressive, plutôt qu’asservie, décadente et démoralisée.

La domesticité est-elle un esclavage ?

Au XIXe siècle, c’est par dizaines de milliers que des jeunes filles quittent chaque année les campagnes qui les ont vu naître, pour s’engager au service exclusif d’une famille, qu’elles serviront alors comme bonne ou bonne à tout faire. Ce régime de la domesticité, qui a pour P. A. Vée certaines ressemblances avec l’esclavage antique, s’il satisfait certaines exigences de la société moderne, n’est pas sans produire de détestables effets sur la moralité et l’économie générale. Pesant le pour et le contre, l’auteur cherche une voie qui puisse faire abandonner cette forme du travail, sur lequel on a accordé, d’après lui, une attention encore trop réduite.

Résultats de la liberté parfaite et de l’immunité absolue du commerce des grains

Sous l’Ancien régime, la question brûlante du commerce des grains, agitée par les économistes, produisit des évolutions législatives importantes. Entre 1763 et 1768, l’école physiocratique parvient à obtenir des aménagements aux règlements, en faveur de davantage de liberté. Mais devant les mauvaises récoltes, les partisans des anciens monopoles et restrictions, malheureux de ne plus tirer profit de leurs privilèges, agitent le peuple et cherchent à le convaincre que cette liberté et cette immunité du commerce des grains est une politique funeste. Contre ces cris, qui sont pour lui des erreurs, Nicolas Baudeau reproduit à nouveau la défense de la liberté du commerce et indique les solutions que le marché et la concurrence peuvent seuls fournir.

Une défense du libéralisme dans la presse locale

En 1883, socialisme et protectionnisme sont en croissance en France, et un nombre de plus en plus réduit d’authentiques libéraux soutiennent encore un combat que bientôt ils vont perdre. Dans la presse locale, un disciple fervent de Frédéric Bastiat, Ernest Martineau, participe à la défense du libéralisme, notamment en rappelant de manière incessante les mérites du libre-échange et l’injustice du protectionnisme.

De l’influence des climats et des lieux sur les faits économiques

Quoique l’économie politique s’attache à reconnaître les grandes lois du travail, de l’échange ou du gouvernement, le climat n’est pas sans influence sur leur application pratique, et à cet égard il mérite, souligne Henri Baudrillart en 1856, une analyse sérieuse. — Aux premiers temps, explique-t-il ainsi, les caractéristiques climatiques de chaque population agissent comme un aiguillon plus ou moins fort de développement. Ensuite, le climat n’oppose qu’une influence décroissante : les difficultés sont vaincues, les barrières s’aplanissent, et la nature elle-même semble sans cesse vaincue. C’est le règne de l’industrie, que l’auteur présente comme l’ère présente.

Les débuts de la guerre de sécession américaine

En 1861, les États abolitionnistes du Nord des États-Unis sont en conflit ouvert avec les États esclavagistes du Sud. L’issue que prendra la lutte qui s’engage, Henri Baudrillart la devine : l’institution de l’esclavage est une plaie morale et économique qui rendra le Sud finalement impuissant dans la bataille, dans une guerre qui n’en sera pas pour autant la moins coûteuse en hommes et en capitaux. Il note toutefois que les États du Nord ne recherchent pas l’abolition de l’esclavage partout en Amérique par égard pour les Noirs, mais d’abord pour des raisons économiques : car quant à la fraternité des races, elle y est encore bornée à quelques individus d’exception. 

La liberté d’écrire sur les affaires de l’État

« Il ne faut pas s'y tromper : toutes les grandes opérations, en matière d'administration, ont besoin d'être aidées de l'opinion publique, ou du moins ne peuvent réussir si elles ont l'opinion publique contre elles. Or, il n'y a point de moyen plus prompt pour diriger cette opinion, que la voie de l'impression, surtout lorsqu'on ne veut montrer aux hommes que la vérité, et qu'on ne cherche que leur bonheur. »

Le Journal des économistes, une plateforme de débats

Le Journal des économistes (fondé en 1841), organe de l’école libérale française d’économie politique, qui accueillit certaines des plus grandes contributions d’auteurs comme Frédéric Bastiat, Gustave de Molinari, Charles Coquelin, Joseph Garnier, Adolphe Blanqui, J.-G. Courcelle-Seneuil, et tant d’autres du même calibre, passe traditionnellement pour représenter la voix de l’orthodoxie libérale et radicale dans un paysage académique en construction et provisoirement sans grand concurrent. Cette image qui lui est restée ne correspond pas, néanmoins, à la réalité. Loin d’avoir constitué un véhicule de dissémination d’une doctrine libérale pure, fixée dans le marbre, et qu’il ne se serait agit que de clamer sur tous les tons, le Journal des économistes accordait en vérité une large place au débat contradictoire et accueillait avec bienveillance les doctrines les plus opposées. De fait, la position libérale radicale, brillamment portée par plusieurs esprits de premier rang, dont le nom est resté célèbre, était à peine dominante dans ses pages. Des démarches concurrentes, réformistes, modérées, conservatrices, parfois même distinctement interventionnistes, trouvaient aussi bien leur place, donnant au recueil un caractère unique.

Les chemins de fer constituent-ils un monopole naturel ?

Devant la Société d’économie politique (1883), le socialiste Charles Limousin détaille les raisons pour lesquelles, selon lui, l’industrie des chemins de fer doit échapper à la fois à la liberté absolue et à la mainmise absolue de l’État, qui serait du communisme (qu’il repousse), et il finit par recommander des dispositions spéciales pour les employés actuels de la régie des chemins de fers français. Le reste de l’assemblée ne se prononce pas sur le premier point, malgré les oppositions connues de certains ; mais sur le second, le droit commun est préféré.

Idées d’un citoyen presque sexagénaire sur l’état actuel du royaume de France, comparées à celles de sa jeunesse (1787)

À la veille de la Révolution française, le physiocrate Nicolas Baudeau poursuit sa critique des institutions financières de l’Ancien régime, dont il réclame le renversement ; non toutefois, dans une optique républicaine ou démocratique, mais comme moyen de sauver une monarchie qui lui paraît le fondement naturel d’une économie libre et prospère.

Des anciennes corporations d’arts et métiers en France

Sous l'Ancien régime, l'artisanat et le commerce étaient enserrés dans le système ultra-réglementaire et monopolistique des corporations, qui paralysait le progrès économique et asservissait producteurs et consommateurs. À ceux qui réclamaient en son temps un retour à la réglementation des métiers, Charles Renouard traçait, dans le Journal des économistes de mars 1843, le sinistre tableau des corps d'Ancien régime. — « Pour être fort contre le monopole, écrivait-il, il faut étudier le passé, le remuer souvent, en tracer des tableaux fidèles. Le passé abonde en enseignements profitables aux esprits les plus progressifs ; il permet à qui le connaît de demander à ceux qui le regrettent et le réclament en quelle année de toute notre histoire ils prétendraient se placer pour y trouver à l'industrie une condition meilleure qu’aujourd’hui. »

Idées sur les innovations anti-monarchiques proposées aux notables

À l’aube de la Révolution française, le camp des économistes libéraux, issus de François Quesnay et de sa doctrine, reste fracturé par des divergences profondes de doctrine. Nicolas Baudeau, jadis fondateur et directeur du périodique commun, les Éphémérides du Citoyens, poursuit alors sa lutte contre les idées républicaines et anti-monarchiques portées par Turgot et quelques-uns de ses proches, comme Condorcet ou Du Pont de Nemours.

Y a-t-il lieu, pour parer aux dangers de l’alcoolisme, de restreindre la liberté du commerce des boissons ?

Devant les progrès de l’alcoolisme, les sociétés de tempérance et la force des gouvernements offraient deux réponses assez distinctes. Étudiant la question en 1885, les libéraux de la Société d’économie politique ne se montrent guère favorable à une prohibition ; mais les bornes exactes de l’intervention de l’autorité font débat. Selon les uns, l’État peut légitimement contrôler le nombre des débitants de boissons alcoolisés, et il peut surveiller la production des alcools les plus dangereux ; pour d’autres, en dehors de prononcer une interdiction aux mineurs et de sanctionner les fraudes, l’État doit rester en retrait. « Il est souverainement injuste, dit notamment Arthur Raffalovich, de donner à une majorité le droit de contrôler les goûts de la minorité et de la priver de l’usage modéré des boissons, parce qu’il y a des ivrognes. »

Note sur la condition sociale et politique des nègres esclaves et des gens de couleur affranchis

En 1835, tandis que son compagnon de voyage publie la première partie de sa Démocratie en Amérique, Gustave de Beaumont se charge de raconter, par le roman, la condition des noirs aux États-Unis. Au-delà des péripéties même de l’histoire de Marie, il insère la longue note suivante, aperçu très éclairant et très raisonné de ce qu’est la servitude des noirs esclaves et de ce que la société devient pour eux lorsqu’ils sont affranchis. Il avertit des dangers qui se préparent pour le pays, lorsque viendront aux prises ces « deux races ennemies, distinctes par la couleur, séparées par un préjugé invincible ».

Les nouvelles perspectives budgétaires de la France

Analysant en janvier 1874, pour son journal L’Économiste Français, les dernières discussions sur le budget, Paul Leroy-Beaulieu prend un ton critique, au vu de l’impréparation et de la timidité des mesures proposées. Au lendemain d’une guerre perdue, dit-il, la sécurité ne peut être compromise, et pour en garantir les ressources, rien ne vaut une réforme audacieuse et courageuse des impôts.

Étude sur les doctrines sociales du christianisme

Dans cette brochure au ton acerbe, publiée en 1873, Yves Guyot lance une charge terrible contre le christianisme, dont il accuse la connivence avec le socialisme et les doctrines autoritaires. Cette religion est, d’après lui, l’antagoniste du progrès et de la civilisation : son credo est un éloge indéfini du pouvoir et de l’abaissement de l’individu. « Le christianisme, écrit-il, nous a appris qu’il vaut mieux prier que travailler. Tâcher d'attirer sur soi un regard favorable de Dieu ; voilà le but du chrétien. Il s'humilie, se fait bien humble, bien petit, bien rampant ; nul comme lui n'a l'adoration toute orientale de la puissance. »

Les réformes économiques de Turgot et les causes de la Révolution (partie 1 sur 2)

En 1877, les économistes libéraux de l’Académie retracent de manière critique le passage de Turgot au Contrôle général des Finances, ministère dont on fête alors le centenaire, et qui vient d’être éclairé par un grand ouvrage de Pierre Foncin. Pour certains, comme Fustel de Coulanges, Turgot a une grande part de responsabilité dans l’échec de ses réformes, et il ne faudrait pas voir de la sagesse dans un homme qui tente volontairement l’impossible. D’autres font valoir les oppositions et les mérites intrinsèques du ministre, qui reste grand au milieu de l’adversité.

Les États-Unis tels qu’ils sont

Témoin, comme Gustave de Molinari, de l’Exposition universelle de Philadelphie en 1876, Charles Limousin fournit ses impressions de voyage au Journal des économistes. À l’américanophilie du début du siècle a succédé, chez lui comme chez bien d’autres, une certaine retenue, et une appréciation plus critique ou réaliste de l’expérience américaine.

De la protection des richesses naturelles (1869)

Dans cet article du Journal des économistes, Clémence Royer examine si l’épuisement possible des ressources naturelles par l’industrie privée n’est pas une raison de s’écarter, en cela, de la règle générale du laissez faire, laissez passer, adoptée par les économistes. Elle trace, de la disponibilité du charbon ou du pétrole américain nouvellement découvert, un tableau qui l’incite à demander une intervention publique à des fins de protection.