De la propriété littéraire et de la contrefaçon belge

Dans cet article publié en 1852, Gustave de Molinari poursuit sa campagne en faveur de la propriété littéraire, engagée plusieurs années auparavant. Pour lui, la propriété d’un auteur ou d’un artiste sur son œuvre est une véritable propriété, que la loi doit garantir contre les copies faites à son insu. Il plaide donc pour la fin de la contrefaçon internationale mais aussi pour la suppression des bornes fixées en nombre d’années après la mort d’un auteur, pour que la propriété littéraire devienne ce qu’elle doit être dans une société évoluée : une propriété pleine et entière, respectée et protégée.

Les devoirs de la Chambre nouvelle et la politique coloniale

En octobre 1885, les élections législatives font basculer la majorité politique du pays et envoient à l’Assemblée des députés qui s’engagent à ne plus poursuivre les errements récents de la politique coloniale française. Pour Paul Leroy-Beaulieu, les atermoiements du passé sont en effet à condamner, et une nouvelle voie, plus cohérente et plus ferme, est à suivre : mais le bienfondé de la colonisation de saurait être renié, dit-il. Abandonner désormais le Tonkin, Madagascar, ou nos autres possessions en Afrique, ce serait se couvrir de honte sur la scène du monde, livrer nos nationaux et nos commerçants à toutes les injures possibles, et laisser d’autres nations s’emparer des dépouilles que nous laisserions. — Ce texte, d’un colonialisme fervent, offre un contraste saisissant avec le discours de Frédéric Passy contre la colonisation au Tonkin, prononcé quelques semaines plus tard. Telles étaient les frictions du libéralisme d’alors.

Rapport sur le concours relatif à l’utilité du repos hebdomadaire

En 1874, Henri Baudrillart rend compte pour la section de morale de l’Académie des sciences morales et politiques du résultat d’un concours organisé sur le thème du repos hebdomadaire. Très religieux, Baudrillart n’accepte pas les prétentions de l’un des mémoires, qui appelle de ses vœux une société où la religion aura laissé la place à la religion. Le prix sera partagé par deux mémoires qui ont correctement analysé la question, dit Baudrillart, c’est-à-dire qui reconnaissent le besoin du repos hebdomadaire le dimanche, mais qui ne demandent pas à la loi et au pouvoir politique le soutien premier de cette habitude morale. 

Discussion sur l’organisation du travail et sur la limitation du travail des enfants

En 1845, une discussion s’engage à l’Académie des sciences morales et politiques sur les conceptions socialistes d’organisation du travail : ce thème, qui bifurque ensuite sur la question de la limitation du travail des enfants, est traité par Adolphe Blanqui, Hippolyte Passy, Charles Dunoyer, Gustave de Beaumont et quelques autres. Si une unanimité facile est obtenue contre les doctrines socialistes d’organisation du travail, la question du travail des enfants est un peu plus disputée. Pour la presque entièreté des intervenants, l’intervention de la loi est légitime pour protéger l’enfance. Mais comme à son habitude, Charles Dunoyer adopte une position contraire, ferme et radicale (et on sait que son intransigeance habituelle agaçait Tocqueville et Beaumont, qui étaient en froid avec lui). Pour lui la loi doit réprimer les sévices, les violences et les brutalités faites aux enfants, mais non pas empêcher arbitrairement leur travail ou le réglementer d’une manière uniforme.

L’homme aux quarante écus et les physiocrates, par Anselme Batbie

Dans cette conférence donnée en 1864, Anselme Batbie examine l’origine et les mérites du livre que Voltaire consacra aux questions fiscales et économiques sous le titre de L’homme aux quarante écus (1768). Il retrace d’abord les progrès de la science économique au XVIIIe siècle sous l’impulsion des physiocrates et explique leur conception de l’impôt unique. Enfin Batbie étudie la valeur de la critique que Voltaire a spirituellement adressée dans son livre aux physiocrates et à ce principe fiscal plus tard renié par la science.

Le negro problem aux États-Unis 

Après avoir accueilli quelques années auparavant une contribution sur la même question, le Journal des Économistes traite à nouveau, en 1897, du problème des Noirs aux États-Unis, cette fois par la plume de son rédacteur en chef, Gustave de Molinari. Celui-ci ne partage pas les sentiments des agitateurs américains, aveuglés, dit-il, par leur préjugé de couleur. Il constate toutefois comme eux que la population noire aux États-Unis est tombée dans une déchéance morale et économique après l’émancipation. Comme solution, Molinari repousse les mesures d’oppression ou d’éviction : il souhaiterait plutôt que le Noir, trop jeune encore pour la liberté, soit protégé par une forme de tutelle.

Le luxe, par Anselme Batbie (1866)

Dans cette conférence, Anselme Batbie examine les accusations portées par une longue tradition de philosophes et de moralistes sur les méfaits du luxe. Sur la base de la science économique, il établit la vraie nature du luxe, et lave de l’affront toutes les consommations qui ont pour but l’amélioration du confort de la vie humaine. Seul reste, pour recevoir une réprobation morale, le luxe aveugle, ou de représentation, qui porte sur des produits par égard pour leur rareté plutôt que par considération pour leur utilité réelle.

L’expédition européenne au Mexique (Partie 2 sur 2)

Après avoir exposé la situation politique du Mexique et expliqué les motifs des velléités des États-Unis sur lui, Michel Chevalier explique pourquoi, dans le cadre même du libéralisme qu’il défend, une politique étrangère d’intervention militaire se justifie, et ce que doit être son objet. Il s’agit, pour la France, l’Espagne et l’Angleterre, de rétablir les assises politiques du Mexique, pays dans la déchéance et l’anarchie, et de le sauver de l’accaparement total par les États-Unis.

L’expédition européenne au Mexique (Partie 1 sur 2)

En 1862, le Mexique est l’objet des menées et des convoitises de plusieurs nations de l’Europe, s’ajoutant ainsi aux visées longtemps entretenues par les États-Unis. L’État mexicain, affaibli, et dont les institutions ne donnent pas satisfaction, s’apprête à être renversé. Présentant cette situation dans une longue étude en deux parties, Michel Chevalier dresse d’abord le constat de la déchéance mexicaine, qui prépare la discussion des moyens d’action des nations européennes.

Le conseil d’État et les recours pour excès de pouvoirs, par Léon Aucoc

Quand une administration ou un détenteur d’autorité exerce un pouvoir qu’il n’a pas, ou dépasse le cadre dans lequel son action peut légitimement s’inscrire, il est nécessaire qu’une institution judiciaire spéciale puisse protéger les droits et les libertés des simples citoyens. C’est ce que fait le conseil d’État, comme Léon Aucoc, qui y a servi une grande partie de sa carrière, l’explique dans cet article publié dans la Revue des Deux-Mondes en 1878.

La justice et la liberté dans l’industrie typographique, par Edmond About (1865)

Amateur de lectures économiques, et admirateur en particulier de Michel Chevalier, le romancier et journaliste Edmond About consacre une large partie de la décennie 1860 à la vulgarisation des principes de l’économie politique libérale. Parmi ces ouvrages, Le Progrès (1864) et l’ABC du Travailleur (1868) connaîtront une large diffusion. Dans une autre brochure, publiée en 1865, il s’occupe de la liberté du travail des femmes, attaquée par les typographes parisiens, qui veulent les exclure du métier. L’occasion pour lui de rappeler les principes de la concurrence et de soutenir la cause du droit égal pour tous, hommes et femmes, de gagner sa vie par son travail.

L’Europe et la Chine

Pour la Revue des Deux-Mondes, Michel Chevalier raconte en 1840 les ambitions des Anglais en Chine et dans l’Extrême-Orient. La pensée d’unir la civilisation de l’Orient et de l’Occident, et surtout ces pôles majeurs que sont l’Europe et la Chine, est, dit-il, l’une des plus importantes qui soit, et elle doit sous peu révolutionner le monde. Selon lui, les progrès économiques, sociaux et politiques qu’amène de manière croissante la liberté en Europe, ne peuvent suffire seuls à satisfaire les passions et l’enthousiasme naturel de ces peuples. Les Européens doivent pénétrer en Chine et ouvrir le monde : c’est le vœu de la Providence.

L’agitation pour l’émancipation des femmes en Angleterre et aux États-Unis (1872)

Au sein du mouvement libéral français, quelques auteurs d’exception, comme Yves Guyot, ont défendu les droits méconnus des femmes et leur émancipation civile et politique, faisant œuvre de pionniers. Ils se tenaient toutefois en marge : la majorité des libéraux français du XIXe siècle n’admet pas le droit de vote des femmes ni le principe de l’égalité des sexes. Dans un article spécialement consacré à ce sujet, à l’occasion du fameux livre de John Stuart Mill (De l’assujettissement des femmes), Henri Baudrillart livre bataille contre la théorie émancipatrice et nous rappelle la vraie situation du libéralisme français du temps.

Algérie. Rapport sur la situation économique de nos possessions dans le nord de l’Afrique

Devant l’Académie des sciences morales et politiques, dont les membres, quoique libéraux, sont aussi de fervents défenseurs de la colonisation, Adolphe Blanqui présente les conclusions d’un voyage qu’il vient d’effectuer en Algérie. L’un des principaux freins au développement de notre nouvelle colonie, dit-il, est l’état instable et embrouillé de la propriété, qu’il est urgent d’asseoir sur des bases solides. Il regrette aussi qu’on n’ait pas fait de l’Algérie une terre de libre-échange, et qu’au contraire la douane entrave un développement rendu difficile par ailleurs par bien d’autres considérations.

De la liberté de l’enseignement

« La vérité théorique, relativement à la liberté de l'enseignement, est fort simple. Elle consiste à dire que la faculté d'enseigner n'est point un droit dont le gouvernement ait besoin pour remplir sa véritable tâche ; qu'elle ne fait point partie essentielle et intégrante de sa souveraineté ; qu'elle n'est point, finalement, une magistrature ; qu'elle est une profession, une des grandes professions que l'économie de la société embrasse, profession en soi fort simple, fort naturelle, fort innocente, dont le gouvernement ne peut s'emparer au détriment de ceux qui la voudraient exercer honorablement et sans préjudice pour personne, et dans laquelle, naturellement, nul ne peut être responsable que de ses mauvaises actions. »

L’Institut de France et les anciennes Académies, par Léon Aucoc

Dans cette étude publiée en 1889, Léon Aucoc, membre de l’Institut, revient sur l’une des périodes agitées de l’histoire de cette institution, quand, au milieu du tourbillon révolutionnaire, elle est tour à tour supprimée puis rétablie. Était en débat, rappelle-t-il, l’utilité même d’une aristocratie officielle du savoir, au milieu d’institutions libres et démocratiques.

L’éducation doit-elle être libre ? (1828)

« Prodiguer les deniers des contribuables pour parvenir à imposer de force tel ou tel enseignement aux enfants que leurs familles pourraient et voudraient instruire, soit par elles-mêmes, soit par des maîtres délégués, c’est toujours, quelque pure intention qu’on ait, se permettre une exaction pour faire de la tyrannie. »

Le socialisme d’État

En 1886, Léon Say rend compte devant ses collègues de l’Académie des sciences morales d’un nouveau livre de l’un des partisans les plus accrédités du socialisme d’État. S’engage alors une très longue discussion sur les attributions légitimes de l’État, au cours de laquelle de nombreux intervenants de marque, Paul Leroy-Beaulieu, Frédéric Passy, J.-G. Courcelle-Seneuil, E. Levasseur, précisent les termes de leur « nuance » libérale respective.

Discours contre la colonisation de la France au Tonkin et à Madagascar

En décembre 1885, lors de la grande discussion à l’Assemblée sur les questions coloniales, et notamment sur l’intervention au Tonkin et en Annam (Viet Nam), Frédéric Passy choisit à nouveau de prendre la parole pour une exposition longue et détaillée des raisons pour lesquelles, contrairement à la plupart de ses collègues de tous bords, il rejette la politique coloniale de la France. C’est une protestation vibrante et rare d’un authentique libéral, fidèle aux idéaux de ses prédécesseurs, contre la politique de spoliation à l’extérieur qui s’appelle colonisation.

État de la question d’Afrique

En 1843, Gustave de Beaumont répond à une brochure du général Bugeaud et remet en cause la politique purement militaire que celui-ci mène et entend poursuivre en Algérie. Pour Gustave de Beaumont, la colonisation de l’Algérie est une œuvre de la plus haute importance pour la France et il la soutient pleinement. Mais après la phase de la conquête, il faut désormais que la colonisation agricole et de peuplement s’accentue, et cela ne peut se faire qu’à deux conditions : 1° qu’on donne à l’Algérie des institutions qui protègent la propriété et établissent un minimum de droits et libertés ; 2° qu’à la colonisation sous l’impulsion de l’État et par les fonds de l’État, on substitue une colonisation libre et issue de l’initiative privée.