XI. — LE COMMERCE DES GRAINS ET LE PACTE DE FAMINE
Le Prévôt de Beaumont. — Accusations contre les gouvernants, depuis Louis XIV. — Déclarations de 1763 et Édit de 1764. — Le Contrôleur général L’Averdy et le traité Malisset. — Le Ray de Chaumont. — Oppositions violentes des Parlements contre les Ministres. — Maynon d’Invau. — Turgot et Du Pont de Nemours. — Lettres sur la famine du Limousin. — Mesures prises par Turgot. — L’abbé Terray.
Au temps de Turgot, on ne parlait pas de pacte de famine. C’est après la prise de la Bastille, sur les révélations apparentes de l’ancien inspecteur des vins, Le Prévôt, dit de Beaumont[1], mis en liberté après avoir passé vingt ans dans des prisons d’État ou dans des maisons de santé, que l’on usa de mots dramatiques pour stigmatiser les spéculations attribuées au gouvernement royal.
Le 15 septembre 1789, le Moniteur raconta comment « le despotisme de la cour et l’avidité des riches de toutes les classes s’étaient ligués pour enchaîner le peuple par la faim et lever un impôt sur ses sueurs et sa misère ». Peu après, la publication de Mémoires, inspirés par Le Prévôt[2], servit de thème aux partis avancés dans leurs attaques contre l’ancien régime.
On sait quels furent les résultats de cette campagne : le pacte de famine fut l’un des chefs d’accusation contre Louis XVI et l’ancien contrôleur général l’Averdy fut mené à l’échafaud[3].
Avant la Révolution, le langage avait été moins violent. Cependant, à chaque grande disette, les imprécations du peuple montaient haut. Tous les membres visibles ou occultes du gouvernement monarchique, depuis et y compris le règne de Louis XIV[4], ont été tour à tour soupçonnés de tirer profit de la cherté, soit pour eux, soit pour le Trésor, soit pour la cassette personnelle du roi. Des soupçons ont été dirigés notamment sur la marquise de Prie, sur les Pâris, sur le duc de Bourbon, pour qui fut faite l’épitaphe :
Ci-git Henry de Bourbon,
Prince d’assez mauvaise mine,
Qui paie là-bas sur le charbon,
Ce qu’il gagna sur la farine.
Sous le cardinal de Fleury, on dit encore : « La France a été la victime de trois hommes rouges : le premier, Richelieu, l’a saignée ; le second, Mazarin, l’a purgée ; le troisième, Fleury, l’a mise à la diète. »
Et ce n’étaient pas là simples propos de plaisantins.
On trouve des imputations de monopole, formulées gravement contre Machault, par d’Argenson dans ses Mémoires[5].
De 1765 à 1774, Louis XV, Choiseul et le contrôleur général Averdy, puis l’abbé Terray, la Du Barry et leur entourage furent accusés : c’est l’époque du pacte de famine.
Il y a eu dans cette affaire deux phases que l’on a souvent confondues. La première est celle qu’ont visée les dires de Le Prévôt et au cours de laquelle fonctionna le traité passé entre l’Averdy et le meunier Malisset ; le commerce des grains avait alors une liberté relative ; les Parlements faisaient au ministère Choiseul une opposition véhémente.
La seconde phase date du temps de l’abbé Terray ; les commissionnaires du roi pour les grains étaient Sorin de Bonne et Doumerck ; la liberté du commerce des grains avait été détruite ; les Parlements étaient dissous.
Turgot fut simple spectateur de la première phase ; il fut liquidateur, on pourrait presque dire justicier, des actes de la seconde. Il importe donc de parler avec quelques détails de cette affaire.
La monarchie avait toujours eu la prétention de se mêler des subsistances, et n’avait jamais ménagé les promesses à leur sujet.
On lit dans la Déclaration royale du 19 avril 1723, pour ne citer que cet exemple : « L’attention que nous avons à procurer à nos sujets l’abondance des choses les plus nécessaires à la vie nous a porté à nous faire informer exactement toutes les années de la force des récoltes de chaque province et tous les mois du prix des grains, afin d’être toujours en état d’en empêcher la cherté[6]. »
Les accusations du public étaient en partie la conséquence de ces engagements inconsidérés, et elles trouvaient un écho sonore chez les Cours souveraines qui faisaient de la question des subsistances un instrument de popularité, « de démagogie », disait Turgot. Attachées par politique autant que par routine à la réglementation du commerce des grains, elles blâmaient vigoureusement les gouvernants, non de ce que la réglementation restait inefficace, mais de ce que les promesses faites par eux ne se réalisaient point.
Ce fut un grand changement dans les conceptions administratives quand, sous l’influence des économistes, un peu de liberté fut accordée au commerce des grains.
Turgot était partisan de cette liberté par tradition, pour ainsi dire, puisque son père l’avait défendue contre le Contrôleur général Orry. En 1763, lorsque Du Pont écrivit un livre sur cette question[7], il voulut faire la connaissance du jeune auteur [8] et lui donna ensuite son amitié. Il prit part avec lui à la préparation de l’Édit de 1764 et fit d’énergiques effort pour assurer la stricte exécution de cet édit dans le Limousin. Il avait même, pour éclairer ou convertir ses subordonnés, distribué l’excellente brochure de Le Trosne : La liberté du commerce des grains toujours utile et jamais nuisible.
La Déclaration du 25 mai 1763 donna à tout sujet le droit de vendre et de transporter des grains où il voudrait à l’intérieur du Royaume. Il fut fait exception toutefois pour l’approvisionnement de Paris qui resta confié à des marchands accrédités ayant le droit de réquisitionner des blés dans toute la France[9].
L’Édit de juillet 1764 confirma la Déclaration de mai 1763 et y ajouta la liberté du commerce extérieur moyennant des droits de douane très faibles[10]. Mais la sortie ne fut autorisée que par les grands ports et dans le cas où, contre toute attente, les prix atteindraient 12 livres 10 sols le quintal sur un point de la frontière pendant trois marchés consécutifs ; la sortie était suspendue sur ce point de plein droit jusqu’à ce qu’il en eût été ordonné autrement par arrêt du Conseil[11].
Le prix de 12 livres 10 sols correspondait à environ 30 livres le setier ou 19 francs l’hectolitre ; il était donc assez élevé ; néanmoins, dans les années médiocres, un spéculateur pouvait, eu égard à l’état imparfait des moyens de communication, faire monter le prix du blé au taux limite dans un port, en provoquer la fermeture à la sortie, c’est-à-dire à l’exportation et au cabotage, puis laisser tomber les cours et acheter à bas prix les blés de la région qui n’avaient plus d’écoulement au dehors. Des manoeuvres de ce genre furent signalées dès le début par les économistes dans les Éphémérides du Citoyen[12]. Ils durent bientôt garder le silence, sous peine de voir supprimer leur journal.
Le Contrôleur général L’Averdy, auteur de l’édit de 1764 et ancien conseiller au Parlement, voyait sans nul déplaisir la fermeture des ports, quoique les envois à l’étranger eussent été très faibles. Plus entraîné vers la liberté que convaincu de ses bienfaits et gêné par ses origines parlementaires, il avait peur de l’exportation ; bien loin d’empêcher les manoeuvres signalées, il les avait favorisées. Ce fut sa principale faute ; le public vit les manoeuvres qui nécessitaient de gros capitaux et se répétaient sur les points principaux de la frontière ; il vit la complicité de l’administration et tira de là des conclusions fâcheuses.
Le Contrôleur général L’Averdy s’était occupé aussi de l’approvisionnement de Paris, laissé en dehors des lois libérales ; il avait, à l’instar de ses prédécesseurs, complété une réserve de 40 000 setiers environ pour parer aux premiers besoins de la capitale et n’avait innové que sur un point : au lieu de laisser à l’administration, dont la maladresse à cet égard était indiscutable, le soin d’entretenir et de renouveler la réserve, il en avait chargé Malisset dans l’espoir de diminuer l’importance des déchets et dans la pensée de protéger la mouture économique dont ce meunier était l’un des propagateurs[13].
Le traité que L’Averdy passa avec lui est daté de juillet 1765. Malisset fut chargé de construire et d’aménager, aux frais du roi, des moulins à Corbeil. Il eut à transformer en farine une partie du blé de la réserve et à renouveler peu à peu cette réserve par des ventes et des remplacements, de manière à réduire l’importance des pertes en grenier. Une indemnité annuelle, relativement faible, lui était allouée pour l’entretien ; il recevait en outre une commission de 2 p. 100, sur les ventes et les achats qu’il effectuerait par ordre.
L’Averdy put se flatter, en signant le traité, d’avoir conclu un arrangement excellent pour le Trésor. Plusieurs des clauses en étaient pourtant imprudentes, mais elles ne firent pas grand mal, attendu que le traité n’eut qu’une assez courte existence, si l’on tient compte surtout de la période de mise en train.
Malisset avait pris pour commanditaires Le Ray de Chaumont, Rousseau et Perruchot, dont les deux premiers occupaient des situations importantes dans la finance[14]. Il ne s’entendit point avec eux et fit des opérations maladroites. Ses commanditaires demandèrent à l’administration de le dispenser de s’occuper de ventes et d’achats et leur demande fut accueillie en septembre ou octobre 1767.
Un peu plus tard l’Intendant des Finances, de Courteille, qui était chargé du détail des affaires de grains et qui, en cette qualité, avait contresigné, probablement même préparé, le traité de 1765 mourut et son service passa aux mains de Trudaine de Montigny, adjoint à l’Intendance des finances de son père, le grand Trudaine. Montigny trouva les comptes de Malisset fort embrouillés ; se sentant incompétent pour les éclaircir, il fit appel au concours du Directeur des hôpitaux de Paris et fit résilier le traité Malisset[15]. Le meunier était en débet. Soit par bienveillance, soit pour d’autres motifs, le règlement de ses comptes traîna, de vérification en vérification, jusqu’à la Révolution et ne fut arrêté qu’en 1791[16], deux ans après que l’opinion publique eut été agitée par les déclarations de Le Prévôt.
Que s’était-il passé pendant la durée du traité ?
La Constitution de la Compagnie Royale, ainsi qu’on appelait vulgairement la Société Malisset, avait effrayé les marchands accrédités de Paris. Ils n’avaient pas voulu lutter contre un concurrent qui ne craignait pas de perdre puisqu’il opérait au compte du Trésor et avaient délaissé la capitale pour se porter en province. L’administration s’était effrayée de ce résultat et avait chargé, d’un côté, Le Ray de Chaumont qui se dissimula derrière des prête-noms, d’un autre côté, Rousseau, de faire des achats de blé. Les approvisionnements, au lieu d’être maintenus à 40 000 setiers, furent portés à 113 000, valant environ 2 700 000 livres.
Quoique relativement importants, ces approvisionnements destinés à la capitale n’auraient point permis aux auteurs du prétendu pacte d’affamer la France dont la production annuelle atteignait 40 000 000 de setiers, ni même de procurer, tous frais payés, des profits sérieux au Trésor, au Roi ou aux grands de l’État. Pour obtenir de tels profits, il aurait fallu acheter bon marché et vendre cher, sans se tromper, ce qui est très difficile en toute matière et ce qui n’eut pas lieu en fait : à cet égard, les documents existant aux Archives nationales semblent concluants. Mais, il pouvait y avoir, à côté et à l’abri des opérations du Trésor, des spéculations individuelles, et il est très probable qu’il y en eut. L’administration avait grande confiance en Le Ray de Chaumont ; elle lui fit faire ou lui laissa faire des achats et des remplacements pendant que les comptes de Malisset se vérifiaient. Ce fut une seconde faute : Le Ray se ruina, en compromettant L’Averdy et Montigny.
En outre, grâce à la liberté résultant de la Déclaration de 1763, le nombre des marchands en grains se multiplia en province ; la spéculation fut vive en certains endroits ; il y eut des banqueroutes et il y eut des fortunes ; en cette occasion, Necker commença la sienne. Cette activité commerciale inaccoutumée étonna le public. Il attribua la cherté à des manoeuvres, en oubliant que la récolte de 1766 avait été mauvaise et celle de 1767 détestable.
Les marchands accrédités, les boulangers, tous ceux qui vivaient de la réglementation entretinrent cette opinion et attribuèrent à la Compagnie royale plus de spéculations qu’elle n’en fit, afin de dissimuler les leurs.
Enfin la politique se mêla de l’affaire.
Le 22 décembre 1767, le Parlement de Paris chargea son premier Président d’aller supplier le Roi de remédier à la cherté. Louis XV répondit qu’il n’avait pas besoin d’être excité à s’occuper de ses sujets.
Au mois de mars 1768, nouvel arrêt invitant le premier Président à user de ses bons offices auprès du Roi ; nouvelle réponse du Roi, non moins impérieuse que la précédente. Le Parlement ne se soumit point et ouvrit auprès des substituts de son ressort, une enquête sur la question des subsistances. Louis XV ordonna que les rapports des substituts lui seraient remis.
Pendant ce temps, le Parlement de Normandie prescrivait des visites domiciliaires pour rechercher le blé caché et remettait temporairement en vigueur les anciennes lois. Au mois d’août 1768, la même cour ordonna de nouvelles recherches contre les accapareurs et suspendit l’exportation des grains.
Dans d’autres provinces, un mouvement d’opinions contraires s’était dessiné[17] ; on s’y était bien trouvé de la liberté et on avait reconnu que la hausse des prix avait d’elle-même arrêté l’exportation. Mais d’autres Cours souveraines avaient imité celle de Normandie, et des magistrats locaux se sentant soutenus s’étaient dispensés de respecter la loi.
À l’automne de 1768, le langage des Parlements, jusque-là assez modéré, changea de ton. La Chambre des Vacations de Paris, à la veille de la rentrée, mit la matière des blés en délibération et dit, dans des représentations au Roi :
« Au lieu de cette abondance qui devait se répandre également de toutes parts,… au lieu de cette aisance, de cette félicité, de cet accroissement de population qui devait en être les suites, on a vu la disette menacer plusieurs contrées, la misère des peuples s’accroître, leurs larmes couler, les mères de famille craindre et déplorer leur fécondité. »
Et, comme conclusion à cette rhétorique, la Chambre demanda au roi d’examiner « si une liberté indéfinie ne pouvait pas dégénérer dans la licence de monopole ».
Le 23 octobre, le Roi répondit : « J’ai pris les moyens les plus efficaces pour fixer l’abondance dans les marchés… La cherté a été occasionnée par les circonstances de la saison, accrue ensuite par les craintes du public… Mon parlement, fidèle à mes vues, se fera un devoir de les seconder en dissipant les inquiétudes. »
Quelques jours plus tard, des Lettres Patentes ordonnèrent au Parlement d’ouvrir une information contre les particuliers ou les Compagnies qui, de dessein prémédité, auraient causé le renchérissement. Le Gouvernement, expliquaient les lettres, a déjà fait procéder à des recherches ; il n’a rien trouvé ; la cour sera sans doute plus habile.
Ces lettres n’étaient pas contresignées par L’Averdy ; l’auteur du traité Malisset avait été sacrifié et remplacé par Maynon d’Invau, ami de Choiseul, beau-frère de Trudaine de Montigny, et autant que ce dernier, économiste libéral.
Le Parlement répondit insolemment au nouveau ministre : « Le monopole se pratique par des gens obscurs, qui, par des relations secrètes avec d’autres personnes forment une chaîne qu’on ne peut débrouiller qu’en saisissant le premier fil[18]. »
Le Parlement de Normandie continuait aussi à s’agiter ; le 29 octobre, il osa dire dans des représentations au Roi : « Il est notoire que les achats les plus considérables ont été faits pour un même compte dans plusieurs marchés de l’Europe ; les enarrhements ont été faits à l’ombre de l’autorité par des gens soutenus et bravant toutes les défenses. Nous en avons la preuve entre nos mains… La défense de poursuivre manifeste l’existence des coupables ; cette défense du trône change nos doutes en certitude. »
Et, sur la réponse de Louis XV, que les réflexions du Parlement n’étaient que des conjectures peu conformes au respect dû au Roi, le Parlement répliqua : « À Dieu ne plaise que nous eussions en vue Votre Majesté, mais peut-être quelques-uns de ceux à qui vous distribuez votre autorité. »
La prétendue preuve de manoeuvres coupables venait, selon toute vraisemblance, de ce Le Prévôt, dont l’histoire lamentable fut exploitée plus tard par les partis révolutionnaires. Il avait, en juillet 1768, eu connaissance, non du traité Malisset, mais de l’acte de société passé entre le fournisseur et ses commanditaires[19] ; il avait annoncé sa découverte, d’une part, au prince de Conti qui dirigeait l’opposition du Parlement de Paris contre le ministère Choiseul, et d’autre part, à un conseiller du Parlement de Normandie[20].
Le 17 novembre 1768, le Prévôt fut jeté en prison[21]. Quant aux opérations faites sur les grains, soit par l’entremise de Malisset, soit par celle de Le Ray de Chaumont ou de Rousseau, elles étaient closes ; les Cours se battaient contre un fantôme.
Turgot, ami intime de Trudaine de Montigny et en relations cordiales avec Maynon d’Invau, suivait à Limoges les péripéties de la lutte ; il s’indignait de voir le gouvernement recevoir presque sans résistance, « les coups de corne des bœufs–tigres, animaux aussi stupides que féroces », selon le langage dont il se servait pour exprimer son mépris des menées parlementaires.
Pendant plusieurs années, les économistes avaient été chargés de défendre la liberté du commerce des grains ; L’Averdy avait, dans ce but, mis Du Pont à la tête du Journal de l’Agriculture. Depuis lors, l’ardeur des gouvernants s’était éteinte ; Du Pont, se croyant encore encouragé, répondit toutefois par un petit pamphlet, intitulé : Lettre d’un conseiller, aux délibérations injurieuses du Parlement de Normandie. Le pamphlet fut condamné au feu, à Rouen, et son auteur faillit être poursuivi, sans que le ministère songeât à le protéger. « C’est se perdre sans fruit que de faire la guerre avec et pour les poltrons », écrivit à son jeune ami, Turgot, qui en était en réalité le complice. L’intendant de Limoges avait fait imprimer à côté de lui la Lettre d’un conseiller, en avait caché les exemplaires et avait pris la plume pour aider l’auteur dans sa tâche au cas où il aurait eu des hésitations[22]. Des fragments de l’essai de pamphlet que rédigea Turgot sont au château de Lantheuil. Turgot s’était proposé de dévoiler au public les dessous des mœurs parlementaires ; il voulait montrer les magistrats attachés à leur devoir et incapables de se laisser tenter par un intérêt contraire à leur honneur, quand il s’agissait de la justice proprement dite, et ces mêmes magistrats, devenus si attentifs à regarder les contingences quand il s’agissait d’affaires générales, c’est-à-dire de politique, qu’ils ne connaissaient plus alors de principes. Leur éloquence changeait de caractère ; ils parlaient pour le dehors, et, sans regarder aux conséquences, surexcitaient les passions populaires, afin d’amener le gouvernement « à calmer des ambitions devenues pour lui importunes ».
Le mot de corruption vint sous la plume de Turgot :
« J’écris ce mot en rougissant, fit-il dire à son Conseiller ; plût à Dieu que jamais un pareil soupçon ne fût entré dans l’esprit du public, qu’il n’acquierre jamais une funeste réalité ! » Dans sa correspondance intime, Turgot avait des mots plus sévères.
La faiblesse des ministres en face de l’opposition parlementaire n’était que trop visible. Des placards injurieux, contre le Roi, contre Choiseul, étaient affichés dans les rues. La police en recherchait les auteurs ; néanmoins, à la réplique du Parlement de Paris, relative à l’ouverture d’une information contre les auteurs inconnus du monopole, il fut simplement riposté : « La liberté exclut toute idée de monopole ; la cherté a fait répandre des bruits vagues, accrédités par les démarches de quelques-unes de mes Cours ; j’ai fait faire les recherches les plus exactes, elles ont été inutiles ; j’ai cru que le Parlement ferait mieux, mais puisqu’il trouve des inconvénients aux lettres patentes, je les retire. »
Le Gouvernement n’avait pas osé se servir d’un projet de réponse que Du Pont avait préparé et que Turgot avait approuvé.
Aussi, la Cour convoqua le 25 novembre 1768, par application d’un règlement de 1577, une assemblée de police composée des représentants des divers corps constitués pour examiner la question des subsistances. L’assemblée ne trouva à relever aucun fait blâmable, mais sa constitution et ses conclusions firent croire dans le public à des irrégularités ; elle se prononça formellement pour la destruction de la liberté du commerce des grains[23].
Maynon d’Invau, après avoir mis fin à toute opération sur les blés, avait, à la mort de Trudaine, le père, fait nommer Montigny au service des Ponts et Chaussées et l’avait déchargé du service des subsistances pour y placer le conseiller d’Albert, dont les opinions libérales n’étaient pas douteuses et dont Turgot utilisa plus tard la fermeté. À la fin de 1769, Maynon d’Invau, dégoûté, se retira ; Turgot l’en félicita :
« J’ai été véritablement flatté, lui répondit le ministre déchu, du genre de compliment que vous m’avez fait au sujet de ma retraite ; j’y vois que vous auriez fait comme moi et rien ne peut mieux me confirmer que j’ai bien fait[24]. »
Turgot considérait les bruits de monopole comme ridicules : « Vous savez, écrivait-il à un intime, qu’on a décrété un pauvre diable qui avait marchandé la récolte d’un fermier en vert. Voilà apparemment ce que ces messieurs appellent monopole. »
Si, dans cette première phrase de l’affaire du pacte de famine, il reprocha aux administrateurs qui y furent mêlés de manquer de courage, il ne douta jamais de leur probité et leur conserva toujours son estime. Trudaine de Montigny fut, au contrôle général, son collaborateur dévoué. Quant à L’Averdy, Du Pont de Nemours qui fut un moment secrétaire d’une commission instituée en 1775[25] pour vérifier les comptes de Malisset et qui était le confident de Turgot, a dit :
« L’Averdy, sans être un grand ministre, était un honnête homme, désireux de remplir le mieux qu’il pouvait son devoir envers la nation et envers le Roi. »
Turgot s’est, en outre, expliqué par écrit sur la question de l’intervention du Gouvernement dans le commerce des subsistances pendant la période de transition où l’on se trouvait alors. Il repoussait énergiquement la réglementation du commerce des grains ; c’est pour en prévenir le retour qu’il a adressé à l’abbé Terray les admirables lettres qui sont dans ses Œuvres et que leur destinataire ne prit probablement point la peine de lire. Turgot trouvait maladroits les procédés employés par L’Averdy, mais il estimait, tant que la liberté ne serait pas établie effectivement et sans conteste, que les administrateurs ne pouvaient, dans les cas critiques, se borner à regarder les malheurs individuels sans essayer de les soulager.
Pendant l’hiver de 1769-1770, une disette affreuse s’étendit sur la généralité de Limoges. Toutes les récoltes avaient manqué ; les envois du dehors faisaient défaut ; les marchands étrangers n’osaient venir dans le pays par crainte des préjugés populaires ; les marchands du pays ne trouvaient point de crédit. À Angoulême, qui était la place commerciale la plus importante de la région, les banquiers étaient sous le coup de poursuites judiciaires, provoquées par des emprunteurs de mauvaise foi qui avaient invoqué contre eux les lois sur l’usure.
Turgot, ayant à solliciter les secours du contrôle général, le fit dans d’autres lettres jusqu’ici inédites et qui justifient pleinement ce que ses adversaires mêmes ont dit de son affection pour l’espèce humaine.
Les aumônes en argent, et les dégrèvements d’impôts ne suffisaient point pour soulager la province, car ils ne remédiaient pas au défaut de subsistance. Turgot écrivit en conséquence au contrôleur général, dès sa première lettre :
« Je voudrais pouvoir me flatter de trouver dans les négociants de ce pays-ci des ressources pour les approvisionnements de grains, mais je n’en ai trouvé aucun qui voulût risquer des opérations dans ce commerce.
« J’ai eu beaucoup de peine même à en trouver trois qui ont consenti à donner aujourd’hui des ordres pour faire venir de Hambourg une faible cargaison de 16 tonneaux de seigle au port de Charente. Encore, je n’ai pu les y engager qu’en leur promettant de les garantir de toutes pertes ; j’ai cru que la circonstance urgente m’autorisait à prendre sur moi de le leur promettre sans attendre votre avis.
« Au défaut des ressources du commerce, il faut bien que l’administration prenne des mesures. Je sais combien tout opération de ce genre semble d’abord opposée aux principes que vous avez adoptés avec tant de raisons sur le commerce des grains… Je sais combien il est à désirer que ce commerce et tout ce qui y a rapport puisse être entièrement oublié de la part du gouvernement…
« Toutes ces choses sont vraies et j’en suis depuis longtemps aussi convaincu que vous-même, mais vous savez aussi qu’avant qu’on puisse voir les effets de la liberté du commerce des grains, il faut non seulement que cette liberté soit établie, sans contradiction et sans trouble, soit de la part des magistrats, soit même de la part des peuples, et que les préjugés des uns et des autres ne menacent plus, et la fortune, et l’honneur des négociants qui spéculent sur les grains… C’est une révolution qui ne peut s’opérer que lentement et par degrés. »
L’administration, conclut Turgot, est donc parfois contrainte à agir, mais son devoir est alors de prendre toutes les précautions possibles pour éviter les dangers attachés à son intervention. Elle ne doit pas acheter de grains pour les vendre à bas prix : elle peut avancer quelques fonds à des négociants et leur donner une garantie pour les exciter à apporter des grains qu’ils vendront au cours du marché ; elle peut aussi, et cela vaut mieux, donner des primes à ceux qui en apporteront. « Ce dernier moyen, dit Turgot, est le meilleur, car il débarrasse l’administration du soin de suivre les détails des achats et des ventes et du danger d’être trompé ; il ne suppose ni choix, ni préférence. »
Dans la circonstance, il était trop lent pour être efficace. Turgot dut employer le système des avances et de la garantie. Il parvint ainsi à faire arriver dans la province 890 000 livres de grains.
Le problème économique en face duquel il s’était trouvé différait peu de celui qu’avaient voulu résoudre L’Averdy, Courteille et Montigny, mais l’Intendant de Limoges, tirant profit des expériences faites, l’avait envisagé en administrateur bienfaisant et en économiste averti.
Il avait avec l’évêque de Limoges, Sorbonien comme lui, donné l’exemple de la charité. Au secours qu’il obtint du gouvernement, il ajouta beaucoup de sa propre fortune et après avoir épuisé ce que ses revenus lui laissaient disponible, il emprunta 20 000 livres pour les répandre en bienfaits[26]. Il avait aussi empêché les riches de manquer à ce qu’il regardait comme leur devoir : il les obligea à contribuer aux dépenses d’assistance en proportion de leur fortune ; il enjoignit aux propriétaires de secourir leurs métayers ; il interdit à ceux qui avaient à recevoir des grains d’en exiger le paiement au prix de famine ; il s’empara enfin de l’argent des fondations faites « aux pauvres » dans les paroisses, afin de centraliser les ressources de l’assistance. Ces moyens extraordinaires n’étaient pas d’une légalité parfaite, quoiqu’ils eussent été ratifiés par le Parlement de Bordeaux. Ils auraient été dangereux dans des mains moins bienfaisantes et ne se justifiaient que par la situation atroce de la Province, où l’émigration avait pris des proportions inquiétantes. Mais ils ne ressemblaient nullement à ceux qui ont été employés ou proposés dans les périodes révolutionnaires. L’Intendant de Limoges n’a pas reconnu aux pauvres un droit à l’aumône et il a pris des précautions minutieuses pour éviter les inconvénients inhérents à toute mesure charitable. Il a recommandé, pour que les secours gratuits ne devinssent pas un appât, qu’il n’en fût donné qu’aux incapables et que la distribution en fût faite à domicile, en excluant les personnes étrangères à la paroisse ; il a prescrit de n’allouer aux valides que des salaires, moyennant travail, et de n’entreprendre que des travaux utiles, de route par exemple, sous la direction d’entrepreneurs, ou de filature dans des manufactures existantes
La lettre où il avait exposé sa pensée sur les mesures à prendre au sujet des grains était destinée à son ami Maynon d’Invau ; pendant le voyage du courrier, le Contrôle général changea de mains ; elle arriva à l’abbé Terray. Les économistes eurent peur que la sensibilité de leur ami ne l’entraînât trop loin et qu’elle ne le conduisît jusqu’à abandonner ses principes libéraux pour ne pas indisposer le nouveau Contrôleur général à qui il fallait demander des secours pour la Province. Turgot s’amusa beaucoup de ces inquiétudes : « Non ! Non ! dit-il, je ne serai jamais un lâche déserteur. » Bien au contraire, il défendit la liberté avec son courage habituel, dans les sept lettres qu’il adressa au Contrôleur général entre le 30 octobre et le 7 décembre 1770 ; trois d’entre elles n’ont pas encore été retrouvées et ne sont connues que par des extraits de Du Pont. Mais celles que l’on possède suffisent pour apprécier la fermeté des sentiments de leur auteur.
Dans le Limousin, le commerce pourvut aux besoins avec l’aide très limitée qui lui fut donnée. On avait dit qu’il fallait dans les pays de montagnes des exceptions à la liberté à cause de la difficulté des transports. « Cette difficulté physique était au contraire aux yeux de Turgot un motif pour éviter d’y ajouter d’autres difficultés physiques et morales. »
Il avait été question de lui pour remplacer Maynon d’Invau[27], mais, à ce qu’ont raconté des dénigreurs, Choiseul ne lui aurait pas trouvé « une tête ministérielle » ; ce n’est pas impossible : Choiseul avait alors de l’animosité contre les Turgot à propos de la Guyane et l’Intendant de Limoges n’avait pas la confiance du Parlement. C’est sans doute pour ce motif que l’abbé Terray fut préféré.
Le nouveau Contrôleur général était un tout autre homme que L’Averdy ou que Maynon d’Invau.
Son caractère, ses procédés financiers, la part qu’il prit au renvoi des Parlements l’ont fait exécrer. Il était sans craintes, sans moeurs, et, quoiqu’il fût personnellement très riche, on le disait sans scrupules. Sa maîtresse, la baronne de Lagarde, était avide d’argent. Il était dévoué à la Du Barry et se pliait aux exigences du beau-frère de la favorite. Il engagea bientôt des opérations sur les grains autrement vastes et d’apparence plus suspecte que celles de L’Averdy.
Étant rapporteur de la Déclaration de 1763, Terray avait dit au Parlement : « Essayons, si la liberté ne donne pas les résultats qu’on en attend, on reviendra aux anciennes lois ».
Il estimait, au fond, que le Gouvernement devait, afin d’empêcher les gains des accapareurs, se rendre maître du prix du blé ; la libre concurrence ne faisait, d’après lui, qu’échauffer le désir de s’enrichir et que multiplier les mains par lesquelles passait la denrée, ce qui en faisait augmenter le prix.
L’essai, tenté en 1763, lui paraissait plus que suffisant ; il voulait revenir aux anciennes lois.
Néanmoins, tant que Choiseul fut puissant, l’abbé laissa faire son subordonné d’Albert, de sorte que les vues libérales prédominèrent quelque temps encore dans les bureaux[28]. Il en fut autrement dès que l’abbé se sentit le maître d’agir. Il commença par suspendre la liberté d’exportation. Ayant ensuite à préparer la révocation des lois de 1763 et 1764 et ne pouvant compter sur d’Albert, il fit appel au concours de Brochet de Saint-Prest, maître des requêtes de mauvaise réputation. De la collaboration de ces deux hommes faits pour s’entendre, sortit l’Arrêt du Conseil de décembre 1770 qui parut la veille du jour où Choiseul fut exilé à Chanteloup et dont on peut, sans aucune exagération, résumer en ces quelques mots les dispositions : Article premier, la liberté du commerce des grains est maintenue ; articles suivants : elle est détruite.
Pour donner plus de force à cette loi, bizarre en la forme comme au fond, et dépourvue prudemment de tout préambule, l’abbé l’avait fait réclamer à plusieurs reprises par le Parlement et il la fit enregistrer. Quelques jours après l’accomplissement de cette formalité, le Parlement fut dissous ; la Cour avait été la dupe de son ancien membre.
L’interdiction de la vente des grains en dehors des marchés était remise en vigueur. Un paysan ne pouvait plus désormais acheter de son voisin un boisseau de blé, sans qu’ils se rendissent tous deux au marché de la ville, éloigné parfois de plusieurs lieues et ne se tenant qu’un jour la semaine.
Des intendants firent à ce sujet des observations ; Terray leur répondit que, dans certains cas, on pouvait se relâcher du texte de la loi ; mais dans une circulaire[29], il recommanda de tenir la main à l’exécution et prescrivit d’adresser au Contrôle général des renseignements précis sur les récoltes en grains et en légumes, afin de pouvoir calculer dans son cabinet les besoins et les ressources de chaque province.
La loi nouvelle ordonnait, en outre, aux marchands de grains qui constitueraient des sociétés de faire enregistrer leurs actes dans le mois de la date. Le commerce des grains ne pouvait plus dès lors être pratiqué par des capitalistes, sans que l’administration en fut rapidement informée. C’était sûrement les écarter ; c’était aussi faciliter les opérations que devait faire le Gouvernement, puisque, dans les intentions du ministre, aux accapareurs, il fallait opposer la puissance royale.
Les accusations du public contre le Gouvernement recommencèrent. Turgot y a fait allusion dans ses lettres à l’abbé Terray ; il se permit de dire au Contrôleur général :
« C’est surtout le cri élevé dans les provinces à l’occasion des achats ordonnés pour l’approvisionnement de Paris qui, porté de bouche en bouche, dans cette capitale même, a excité le cri des Parisiens contre les prétendus monopoles. La chose est arrivée en 1768 ; elle a eu lieu en 1770, vous le savez sans doute comme moi. »
Que l’abbé Terray ait ou non lu en entier les lettres de son subordonné[30], il ne se fâcha point et en loua au contraire avec vivacité les lumières, le talent et le courage, mais passa outre.
Un arrêt du Conseil du 14 février 1773 compléta les mesures antilibérales de l’arrêt de 1770 en mettant le cabotage sous le régime des permissions particulières, ce qui était de nature à favoriser les opérations incorrectes.
« Le Contrôleur général, a dit Du Pont, ne se souciait ni de la liberté, ni des prohibitions, mais il était bien aise d’avoir à confier un grand commerce de blés pour le compte du Roi à une Compagnie puissante qui pouvait obliger ses amis et ses amies. »
On avait déjà accusé Terray d’avoir eu une part dans les spéculations du temps de L’Averdy ; on l’accusa de nouveau. On verra au 4e volume ce qu’il faut en penser. En tout cas, les incidents qui ont accompagné l’administration de l’abbé ont été confondus souvent avec ceux du prétendu pacte de famine dévoilé par Le Prévôt de Beaumont ; ils durèrent plus longtemps et furent plus graves. Turgot avait dit avec raison au Contrôleur général, dans une de ses lettres : « Vous aurez à répondre du trouble qu’apportera nécessairement à la tranquillité publique l’autorisation donnée à toutes les clameurs populaires contre le prétendu monopole, des vexations et des injustices de tout genre que commettront les officiers subalternes à qui vous confierez une arme aussi dangereuse que l’exécution d’un règlement sur cette matière[31]. »
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[1] Il était natif de Beaumont-le-Roger.
[2] Et rédigés par l’avocat Théry. Les Révolutions de Paris, de Prudhomme, en entamèrent la publication à petites doses en les faisant précéder de ce titre alléchant : « Horrible conspiration, ligue ancienne entre le ministère, la police, le Parlement de Paris, contre la France entière, découverte en juillet 1768, par Jean-Charles-Guillaume Prévôt de Beaumont. » Les Mémoires furent ensuite publiés en volume.
[3] Devant le Tribunal révolutionnaire, Le Prévôt déposa sans avoir été assigné ; à son « témoignage » s’ajouta celui d’un habitant de Gambais où était le château de l’Averdy ; cet habitant prétendit que l’accusé avait fait jeter des grains dans les étangs du parc. Les légendes sont tenaces ; j’ai entendu raconter à Gambais, dans mon enfance, qu’en remuant la vase des étangs, on y trouvait encore du blé.
[4] Louis XIV fut accusé, nommément, avec son lieutenant de police et ses ministres.
[5] « Le bruit se répand beaucoup que le Roi se mêle aujourd’hui du commerce des blés… je commence à croire ce que j’ai vu le plus tard possible que M. de Machault prétend faire ressource au Roi d’un gros bénéfice sur les grains, poussé à cela par les financiers qui l’entourent, par Bouret et les amis de la Marquise (de Pompadour). On lui déguise le monopole en bien public » (27 août 1752).
[6] Il avait été dit, dans un Arrêt du Conseil du 5 septembre 1693 : « S. M. est bien persuadée que sa première attention doit être de procurer à ses sujets une subsistance facile et commode et elle ne veut rien oublier pour remplir ce devoir si important. »
[7] De l’exportation et de l’importation des grains, 1764.
[8] Il alla demander Du Pont chez son père, et lui procura le texte de l’édit de 1764 préparé par Trudaine de Montigny, en vue de la rédaction d’une brochure : L’anti-restricteur.
[9] Le Parlement attendit huit mois pour enregistrer la loi nouvelle et ne s’y décida, le 22 décembre, à 2 ou 3 voix de majorité, qu’après l’avènement d’un de ses membres, l’Averdy, au Contrôle général.
[10] À l’entrée, 1 p. 100 pour le froment ; à la sortie, 1/2 p. 100 pour tous les grains.
[11] Cette restriction fut introduite dans l’édit par L’Averdy, sans doute en vue de contenter le Parlement.
[12] Par Le Trosne, alors juge au présidial d’Orléans. À la dénonciation de Le Trosne, Baudeau, directeur des Éphémérides, ajouta : « Les craintes du magistrat très éclairé dont on vient de lire la lettre n’étaient que trop fondées ; deux des provinces maritimes ont été successivement les victimes des manoeuvres odieuses d’une troupe de monopoleurs, ennemis par état de la liberté du commerce des grains et de toute espèce de bien public. Nous espérons qu’il nous sera permis de démasquer et confondre ces sangsues du peuple, ces destructeurs du patrimoine de la souveraineté qui se flattent de travailler impunément à la face de toute l’Europe à détruire une loi à laquelle est attaché le salut de la patrie. »
[13] Il avait, ainsi que Guillery de Gif et Bucquet de Senlis repris l’idée, qu’avaient eue des meuniers de Senlis, au XVIIe siècle, de remoudre les gruaux.
[14] Le Ray était directeur des domaines à Blois ; il fut depuis Intendant des Invalides. Rousseau était receveur général des domaines à Blois ; il fut ensuite receveur des domaines de la Ville de Paris ; en cette qualité, il tomba en banqueroute.
[15] Archives Nationales F. 11, 1193 et Correspondance de l’intendant Cypierre, publiée par M. C. Bloch.
[16] Archives Nationales F. 11, 1193.
[17] Lettre du premier président (De Bérulle) et arrêt du Parlement de Grenoble ; arrêts des Cours d’Aix et de Toulouse ; délibérations des États du Languedoc et de Bretagne : délibération de la Chambre de commerce de Picardie (dans les Éphémérides du citoyen de 1768).
[18] Recueil des principales lois relatives au commerce des grains, en France, 1769.
[19] Biollay, le Pacte de famine, ouvrage classique sur la question.
[20] Mémoires de Le Prévôt.
[21] L’Averdy, contre qui Le Prévôt déposa devant le Tribunal révolutionnaire, sans avoir été assigné, n’était pour rien dans son arrestation, puisqu’il n’était plus ministre quand elle eut lieu.
[22] Lettres de Turgot à Du Pont de Nemours.
[23] Recueil des principales Lois, etc.
[24] Archives de Lantheuil.
[25] Par Turgot.
[26] Du Pont, Mémoires, 95.
[27] « Nous aurions pu lui devoir (à Choiseul) il y a dix ans M. Turgot et il avait choisi les L’Averdy, les Meaupou, les Terray, etc. » (Mlle de Lespinasse à Guibert, 9 octobre 1774).
[28] Un Arrêt du Conseil du 28 mai 1770, rendu sur le rapport de Terray et contresigné Bertin, cassa une ordonnance du bailliage de Châteauroux contraire à la Déclaration de 1763 et à l’Édit de 1764.
[29] 28 septembre 1773.
[30] Du Pont. Mémoires, 99. Turgot pensait que Terray n’avait pas le lettres.
[31] Aux Archives Nationales, on trouve dans le dossier des lettres d’intendants qui, avec plus de ménagements, se prononcèrent en faveur de la liberté ; on n’y trouve aucune lettre de Turgot.
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