Œuvres de Turgot et documents le concernant, volume 5
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1780
254. — ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES LETTRES[1]
(Sur le cumul des fonctions de membre de l’Académie française et de membre de l’Académie des Inscriptions.)
Au commencement de 1780, l’Académie désigna deux de ses membres pour aller apprendre des nouvelles de Turgot, ce qui ne se faisait que dans les cas désespérés.
Turgot recouvra pour un temps la santé. Au mois de novembre, il eut une rechute ; néanmoins, comme quelques membres de l’Académie des Inscriptions y avaient fait une proposition qu’il jugeait de nature à la compromettre, il rédigea un mémoire pour l’en détourner et vint le lire à la séance où la proposition devait se discuter.
La proposition à laquelle il avait résolu de s’opposer était appuyée par une quinzaine de membres ; elle avait pour auteur principal Anquetil du Perron, qui s’était fait une spécialité de défendre les prérogatives et les règlements de l’Académie.
Anquetil demandait qu’un statut interdît le cumul des fonctions de membre de l’Académie française et de membre de l’Académie des Inscriptions. Les raisons qu’il donnait étaient les suivantes :
« La faculté d’appartenir aux deux académies nuit à nos travaux, à la liberté et au bon ordre de notre compagnie. Jadis, les membres de l’Académie française se trouvaient honorés d’entrer à l’Académie des Inscriptions ; celle-ci était, en quelque sorte, la palme qui leur était proposée. Il en fut ainsi pendant trente-sept ans ; ensuite, l’égalité établit entre les deux compagnies ; on était également heureux de faire partie de l’une ou de l’autre ; puis les membres de l’Académie française ne se présentèrent plus à l’Académie des Inscriptions ; au contraire, des membres de celle-ci sollicitèrent leur admission à l’Académie française ! Ainsi s’établit, en faveur de cette dernière, un préjugé de supériorité qu’il faut détruire. »
Le 15 décembre, l’orientaliste insista pour que son rapport fût envoyé au ministre de la Maison du Roi. C’est alors que Turgot intervint[2].
Les partisans de la proposition avaient la majorité dans l’assemblée ; la lecture du Mémoire de Turgot les impatienta. Ils crièrent à l’obstruction, sous prétexte que les séances devaient finir à cinq heures et qu’on n’aurait pas le temps de délibérer. L’Averdy, qui présidait en l’absence de Malesherbes, président de l’année, répondit qu’on prolongerait la séance si c’était nécessaire. Turgot continua donc sa lecture. Quand elle fut achevée, De Paulmy demanda l’ajournement parce qu’il était cinq heures ; il fut battu et quitta la salle. On vota sur le fond ; il n’y eut que six voix contre la proposition.
En conséquence, l’Académie arrêta qu’ayant « observé depuis longtemps que l’admission de ses membres à l’Académie française pour laquelle elle conserve toujours, d’ailleurs, les sentiments d’estime et d’égard qui lui sont dus, nuisait au genre de littérature et aux travaux auxquels elle est dévouée, elle suppliait S. M. de lui donner un règlement portant que, dès qu’à l’avenir un de ses trente associés, pensionnaires ou non, deviendrait membre de l’Académie française, sa place serait vacante par ce seul fait et l’Académie procéderait à l’élection d’un nouvel académicien ». La délibération fut transmise au ministre de la Maison du roi[3] qui n’y donna aucune suite. Ainsi que Turgot l’avait prévu, l’Académie s’était compromise inutilement.
Mécontents de ce résultat, les signataires s’engagèrent — sous serment, à ce qu’on rapporte —, à exécuter l’acte auquel le Gouvernement avait tacitement refusé sa sanction et à imposer aux futurs candidats à l’Académie l’obligation de s’y conformer, le cas échéant.
En 1784, de Choiseul-Gouffier fut élu à l’Académie française ; Anquetil du Perron le somma de donner sa démission de membre de l’Académie des Inscriptions et, sur son refus, le menaça de le traîner devant le tribunal des maréchaux de France, qui jugeait les gentilshommes accusés d’avoir manqué à leurs engagements d’honneur.
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[1] En 1779, Turgot, souvent malade, n’assista qu’à six séances.
[2] Le 28 novembre.
[3] Le 15 décembre.
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