Œuvres de Turgot – 212 – Les offices des quais

Œuvres de Turgot et documents le concernant, volume 5

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1776

212. — LES OFFICES DES QUAIS

Édit de suppression[1].

[D. P., VII, 321. — D. D., II, 299].

Février.

Louis… La résolution où nous sommes de porter notre attention sur tout ce qui peut procurer des soulagements à nos sujets, nous a déterminé à nous faire représenter les différents édits par lesquels les rois nos prédécesseurs ont successivement créé, supprimé et établi les différents offices, dont la plus grande partie existe encore sur les ports, quais, halles et marché de notre bonne ville de Paris, et les droits de différente nature attribués à ces offices.

Nous avons reconnu, par les seules époques de leur création, qu’ils doivent leur origine à des besoins extraordinaires de l’État, dans des temps de calamité, et nous nous sommes assuré que, dans les temps plus heureux, on s’est toujours proposé de les supprimer comme onéreux aux peuples et inutiles à la police, qui avait servi de prétexte à leur établissement.

C’est par ces motifs que la suppression de tous les offices de ce genre, créés depuis 1688, fut prononcée par l’Édit du mois de mai 1715, et par celui du mois de septembre 1719 : et tous ces offices sont restés éteints et supprimés, sans que l’ordre et la police en souffrissent aucune altération, depuis lesdites années 1715 et 1719 jusqu’aux années 1727 et 1730, que le feu roi, notre très honoré seigneur et aïeul, se détermina à les rétablir, par des édits des mois de janvier et juin desdites années.

Par l’article II de l’Édit de 1730, il fut spécialement ordonné que les anciens titulaires des offices supprimés seraient admis à acquérir les offices nouvellement créés, en payant les finances fixées par les rôles arrêtés au Conseil : savoir, un septième en argent et six septièmes en liquidation des anciens offices, en arrérages de ces mêmes liquidations, et subsidiairement en contrats sur la ville ; et, à l’égard de ceux qui n’avaient pas été titulaires d’anciens offices, ils furent pareillement admis, en payant un sixième en argent et cinq sixièmes en contrats.

Les droits aliénés à ces offices ayant été comparés, en 1759, avec d’autres droits de même genre, rétablis par Édit de décembre 1743, et mis en ferme, il fut reconnu qu’il y avait une grande disproportion entre les produits de ces droits et les finances des offices. Le feu roi, par son édit de septembre 1759, ordonna qu’ils seraient supprimés ; que les droits seraient perçus à son profit, et que le produit en serait destiné spécialement au remboursement, tant des finances des titulaires que des sommes par eux empruntées.

Cet édit annonçait aux peuples l’affranchissement de plusieurs branches de régies onéreuses, et à l’État une amélioration d’une partie des revenus.

De nouveaux besoins n’ont pas permis qu’il eût son exécution : l’Édit du mois de mars 1760 permit aux officiers supprimés de suspendre provisoirement leurs fonctions et l’exercice de leurs droits, et cependant ratifia leur suppression, en prorogeant la perception qui devait être affectée aux remboursements, dont il fixa l’époque au 1er janvier 1771, pour finir en 1782. Les circonstances ayant encore été contraires à ces arrangements, il a été nécessaire d’y pourvoir par la Déclaration du 5 décembre 1768, qui diffère le commencement des remboursements jusqu’au 1er janvier 1777, pour finir en 1788.

L’Édit de 1760 et la Déclaration de 1768, en laissant aux titulaires une jouissance provisoire, n’ont point révoqué la suppression prononcée par l’Édit de septembre 1759. Cette distinction subsiste dans toute sa force, et doit avoir son exécution au moment où les propriétaires des offices pourront recevoir l’indemnité qu’ils ont droit de réclamer en vertu de leurs titres.

Cette indemnité, fixée à leur égard par l’article 2 de l’Édit de juin 1730, consiste, pour une partie d’entre eux, en un septième de leur finance en argent, et six septièmes en contrats hypothéqués sur le produit des droits mêmes ; et, pour une autre partie, en un sixième de ladite finance en argent, et les cinq autres sixièmes en contrats. De sorte qu’en assurant aux titulaires desdits offices cette indemnité, la suppression ordonnée par l’Édit de 1760 doit être exécutée.

Les créanciers de ces communautés d’officiers doivent recevoir leur remboursement par préférence à ces officiers mêmes, puisque les offices sont affectés et hypothéqués à leurs rentes.

Il est de notre justice de conserver leurs droits, et d’affecter les capitaux, et les intérêts des rentes qui leur sont dues, sur le produit des droits attribués auxdits offices, jusqu’à l’exécution des arrangements ordonnés par la Déclaration du 5 septembre 1768.

Cette opération est également avantageuse à ces officiers, à leurs créanciers et au peuple.

La plupart de ces communautés se plaignent de ce que les produits dont elles jouissent actuellement sont affaiblis au point de ne plus suffire à l’acquittement des charges dont elles sont grevées. Ainsi, les titulaires des offices en perdraient la valeur, et leurs créanciers verraient diminuer et s’affaiblir le gage de leurs créances.

À l’égard de nos sujets, auxquels nous désirons donner en toute occasion des marques de notre affection, leur intérêt exige que les droits ci-devant aliénés auxdites communautés soient désormais réunis dans notre main, et régis sous nos ordres, afin qu’en attendant le temps où l’état de nos finances nous permettra d’en faire cesser la perception, nous ayons au moins la facilité de les rendre moins onéreux, en y apportant des modifications ou des réductions qui seraient impossibles, si l’existence des offices, soutenue d’un exercice actuel, fournissait des prétextes aux titulaires pour troubler, par des demandes d’indemnités, les arrangements que nous nous proposons d’adopter pour le plus grand avantage de nos peuples.

I. L’article 1 de l’Édit du mois de septembre 1759 sera exécuté : en conséquence, tous offices créés par les édits des mois de janvier 1727 et juin 1730, sur les ports, quais, halles, marchés et chantiers de notre bonne ville de Paris, demeureront supprimés à compter du jour de la publication du présent édit. Défendons à tous ceux qui s’en trouvent pourvus, et à leurs commis ou préposés, de continuer d’en exercer à l’avenir les fonctions.

II. Exceptons néanmoins les offices de rouleurs, chargeurs et déchargeurs, jurés-vendeurs et contrôleurs des vins et liqueurs, courtiers-commissionnaires de vins et autres, lesquels ont été réunis au domaine et patrimoine de notre bonne ville de Paris, par la Déclaration du 16 août 1733, et par les édits des mois de juin 1744 et août 1743, desquels offices les droits continueront d’être perçus au profit de ladite ville.

III. Les droits ci-devant attribués aux communautés d’officiers, dont nous ordonnons définitivement la suppression, seront, ainsi que les droits réunis à nos fermes, perçus à notre profit, par l’adjudicataire de nosdites fermes, à commencer du jour de la publication du présent édit, jusqu’à ce qu’il en soit par nous autrement ordonné, à l’exception toutefois des droits réunis au domaine et patrimoine de notre ville de Paris, mentionnés en l’article précédent, desquels elle continuera de jouir comme par le passé.

IV. Les propriétaires des offices supprimés par le présent édit seront incessamment remboursés des fonds par nous à ce destinés, suivant la liquidation faite par l’Édit de mars 1760, et en la même manière que la finance desdits offices a été payée en nos parties casuelles. En conséquence, ceux desdits propriétaires dont les offices ont été levés en payant un sixième de la finance en argent, seront remboursés en argent dudit sixième, et ceux dont les offices ont été levés en payant en argent le septième seulement, ne recevront pareillement que le septième. Et à l’égard du surplus de la finance desdits offices fournis en papiers, il sera délivré à chacun desdits propriétaires des contrats à 4%, dont les arrérages, spécialement affectés sur le produit des droits à eux ci-devant attribués, commenceront à courir du jour qu’ils cesseront d’exercer les fonctions desdits offices et d’en percevoir les droits, pour continuer jusqu’à leur entier remboursement.

V. Les arrérages des rentes, dues par les communautés d’officiers supprimés par le présent édit, continueront d’être payés sur le même pied où lesdites rentes ont été liquidées par l’Édit de mars 1760, et auront les propriétaires desdites rentes privilège et hypothèque sur le produit des droits réunis en notre main en conséquence de ladite suppression.

VI. Le surplus du produit de ces droits, ainsi que les fonds que nous pourrons y destiner sur nos finances, seront employés en remboursements des capitaux, savoir : par préférence, au remboursement de ceux des rentes actuellement dues par lesdites communautés d’officiers, et ensuite des capitaux des contrats que nous leur aurons donnés pour compléter la finance de leurs offices. Voulons que les intérêts des capitaux remboursés soient progressivement employés à augmenter les fonds d’amortissement, jusqu’au remboursement entier des rentes et des offices, sans que ni le produit desdits droits, ni lesdits intérêts, puissent être divertis à aucun autre usage.

VII. Nous nous réservons de supprimer, de simplifier ou de modérer ceux desdits droits réunis en notre main qui nous paraîtraient trop onéreux à notre peuple, soit par leur nature, soit par les formalités qu’exige leur perception. Et s’il arrivait que le produit en fût diminué, il sera par nous pourvu, par l’assignation de quelque autre branche de nos revenus, au payement des arrérages et au remboursement des capitaux dus auxdits officiers et à leurs créanciers.

VIII. Dérogeons à tous édits, ordonnances, déclarations, arrêts et règlements, en tout ce qui serait contraire aux dispositions du présent édit.

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[1]  « Après la chute de Turgot, les impôts supprimés sur les grains et farines qui se consomment à Paris ne furent pas rétablis. Les officiers auxquels ces impôts avaient été attribués ne furent pas recréés. » (D. P., Mém., 361.) — Voir aussi p. 148 et 229.

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