Œuvres de Turgot – 206 – Affaires de Cour

Œuvres de Turgot et documents le concernant, volume 5

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1775

206. — AFFAIRES DE COUR.

I. — Le Comte de Fossières.

(Marie-Thérèse recommandait peu de personnes en France. Par exception, elle s’intéressa au comte de Fossières, ou plutôt à ses sœurs, religieuses de la Visitation Sainte-Marie, dont une maison existait au faubourg de Vienne ; elle écrivit à Mercy en faveur de cet officier le 29 août 1769 et rappela son intervention le 15 novembre 1774.

Mercy répondit à l’Impératrice, le 19 janvier 1775 : « Les grâces que cet officier demande sont précisément au nombre de celles contre lesquelles le nouveau contrôleur général vient de faire adopter au Roi un système qui les exclut toutes. Le comte aurait voulu que je m’employasse à tâcher de lui procurer la protection de la Reine. Je lui ai répondu qu’en suite d’une défense la plus expresse de V. M., il m’était interdit de porter à la connaissance de la Reine aucun objet de sollicitation ou demande particulière, mais je me suis offert à parler à tel ministre que le Comte de Fossières aura à m’indiquer. »

Il ne fut plus question ensuite de cette affaire dans la correspondance de Mercy).

II. — Le Prince de Carignan, frère de Mme de Lamballe.

« Depuis assez longtemps », écrivit Mercy à Marie-Thérèse, le 15 janvier, en lui rendant compte de ce qui s’était passé le 1er janvier chez la Reine, « Madame et Mme la Comtesse d’Artois désiraient fort de pouvoir procurer en France un établissement à un jeune prince de Carignan, leur cousin[1].

« Les ministres du Roi étaient fort opposés à ce projet et en empêchaient les succès. La princesse de Lamballe, sœur du jeune prince, voyant qu’il n’y avait d’autre appui efficace à espérer que celui de la Reine, se prévalut de l’affection toute particulière dont S. M. l’honore et en obtint la promesse de faire réussir l’arrangement en question. Il en fut, en effet, décidé sous huit jours. Le Roi y mit sa complaisance ordinaire pour tout ce que désire la Reine et, sans consulter aucun ministre, il déclara qu’il accordait au prince de Carignan 30 000 livres de pension annuelle avec un régiment d’infanterie nationale, qui sera tenu sur le pied étranger avec toutes les attributions d’agrément ou d’utilité que cette forme établit en faveur des propriétaires qui demandent ces corps. Cette nouvelle preuve du crédit de la Reine a fait grande sensation, mais on n’a pas été fort content de l’objet que S. M. a voulu effectuer.

« Lorsqu’après coup, S. M. me permit de lui en parler, je lui représentai que son amitié pour la princesse de Lamballe n’avait déjà causé que trop d’ombrages, que dans l’attente où on était que cette princesse aurait un jour la place de surintendante, voyant par-dessus cela arriver un de ses frères qui vient enlever des bienfaits au préjudice des gens du pays qui auraient plus de droits d’y prétendre et cela dans un temps où le Roi annonce vouloir s’occuper de mesures économiques ; on a lieu d’être un peu surpris que des arrangement contradictoires à ces mêmes mesures s’opèrent par le crédit de la Reine… S. M. n’a pu disconvenir qu’il n’y eut quelques réflexions à faire à ce sujet. »

Marie-Thérèse répondit le 4 février :

« Ma fille aurait sans doute mieux fait de mettre moins de chaleur dans l’établissement du prince de Carignan, mais c’est dans son caractère de précipiter les choses de son goût pour esquiver les remontrances de ceux qui voudraient s’y opposer, et cela me confirme toujours de plus dans l’idée du caractère de ma fille. Je crains qu’elle ne suive un jour, lorsqu’on y pensera le moins, la même marche pour exécuter son idée par rapport à la Princesse de Lamballe. »

III. — Demande de Mme de Brionne et autres affaires.

Lettre et billet de Louis XVI à Turgot.

(Le prince de Lambesc. — Le confesseur du Roi. — Le comte de Chambos).

[A. L., originaux.]

Lettre.

Versailles, 15 mars.

Je vous renvoie, M., le mémoire de Mme de Brionne et celui de M. de Beaumont[2]. M. de Lambesc m’en a encore parlé aujourd’hui et je ne comprenais pas ce qu’il demandait[3]. Je suis absolument de votre avis sur la vilenie du marché et sur la raison secrète qui le lui faisait demander ; mais, pour ce dernier article, on pourra compenser ses demandes sur la dépouille du feu roi par une diminution sur les droits seigneuriaux. Ainsi, vous répondrez à Mme de Brionne que je ne peux pas faire le marché comme elle le désire, mais que son acquisition est bonne et que je n’ai nul droit pour y rentrer. L’autre avis de M. de Beaumont était bon s’il n’était pas contraire à l’Édit de 1749 et cela vous aurait délivré de M. le prince de Conti et aurait fait du bien à cette maison qui en a besoin. Mais pour cela, c’est l’affaire du Cardinal. M. d’Angivilliers que je viens de voir m’a dit que vous souffriez encore, cela m’a fait de la peine. Je voudrais bien que vous fussiez bientôt guéri. Mandez-moi de vos nouvelles et quand vous pourrez être en état de travailler.

Billet.

La réponse est très bien et précisément comme ce que je vous avais mandé hier. Je suis fort aise que vous vous sentiez mieux.

Lettre de Maurepas à Turgot.

[A. L., original, en partie de la main de Maurepas.]

Versailles, 27 mars.

J’ai l’honneur de vous renvoyer, M., ainsi que vous l’avez désiré, la décision du Roi sur le mémoire de Mme la comtesse de Brionne. S. M. s’est déterminée à accorder la remise entière, à titre d’indemnité de la dépouille de la grande Écurie, et m’a paru disposée à se défendre sur le supplément qu’on ne manquera pas de lui demander.

Je joins aussi le mémoire donné à S. M. par M. le comte de Luzace qui demande la même grâce pour l’acquisition qu’il veut faire. Le Roi voudrait savoir s’il est vrai qu’elle lui ait été promise par le feu Roi, comme il le dit, lorsqu’il se proposait l’acquisition du Vaudreuil, et s’il s’en trouverait quelque note chez vous. S. M. désirerait aussi savoir à quoi montent les droits qui lui sont dus pour la portion qui relève d’elle, la totalité de la terre n’étant pas dans sa mouvance.

Enfin, je vous envoie un mémoire qui m’a été remis par le Roi et dont vous avez déjà le pareil. S. M. se souvient d’avoir ouï parler de cet homme, mais ne sait plus ce que c’est.

J’ai oublié de vous parler de la lettre de M. de la Chalotais, vous devez en avoir le double ; nous en parlerons à mon retour de Paris ; il propose lui-même, et d’autres me le proposent aussi, de faire venir ici M. de Fruglaye, son gendre, pour traiter cette affaire. Je crois en effet que ce serait le mieux.

J’ai dit un mot du petit Chambors[4], on ne m’a pas fait la même réponse que l’autre fois. On m’a dit qu’on s’en souviendrait dans l’occasion.

Vous ne pouvez avoir l’abbé Maudoux[5] à cause de la Reine, dit-on, et je crains fort qu’on ne nous donne l’abbé Brugier. Ce n’est pas la même chose, mais qu’y faire ? J’y pense pourtant et y penserai.

Vous ne ferez pas trop bien d’aller à Paris par le temps qu’il fait, je vous exhorte fort à attendre qu’il fasse plus doux.

Ne doutez jamais, M., de la fidélité de mon attachement.

IV. — Maison du duc d’Angoulême.

Pendant qu’on attendait la délivrance de la comtesse d’Artois, le Roi désigna, suivant l’usage, les personnes qui prendraient soin de l’enfant[6]. Cet enfant eut ainsi sa maison avant de naître.

On lit dans les Mémoires secrets (VIII, 93) :

« Il a été question au Contrôle général d’arrêter les dépenses de cette nouvelle maison. Le sieur Bourboulon, chargé de la vérification, l’avait portée à 350 000 livres. Le sieur Drouet de Santerre, qui le remplaça, a trouvé cette dépense exorbitante. Il a recherché les anciens états semblables et il a trouvé que la maison du duc de Bourgogne, l’héritier présomptif de la couronne et l’aîné de Louis XV, n’avait coûté à cet âge qu’une dépense de 130 000 livres. Il a fait des représentations au Contrôleur général et l’état dressé par le sieur Bourboulon a été réformé. »

Bourboulon, trésorier de Mme la Comtesse d’Artois, avait voulu faire sa cour en donnant un grand état de maison au futur enfant de la princesse. Il acheta en outre une charge d’intendant des menus. Turgot trouva que ces diverses places étaient peu compatibles avec les fonctions de ce commis au trésor royal, ce qui l’a engagé à lui de dire se retirer.

V. — Mariage de la princesse Clotilde, sœur de Louis XVI.

Le 21 août eut lieu le mariage de Mme Clotilde avec le prince de Piémont, plus tard roi sous le nom de Charles-Emmanuel IV. Turgot prêcha l’économie pour les fêtes qui auraient lieu à l’occasion de la noce. Horace Walpole écrivait le 20 août :

« M. Turgot, au grand désespoir de lady Merrycoke, ne veut permettre d’autres dépenses qu’un seul banquet, un bal et un spectacle à Versailles ».

Dans ce spectacle, on joua le Connétable de Bourbon, de Guibert, qui n’eut d’ailleurs aucun succès. Après en avoir rendu compte, Walpole écrivit : « Ce sera la fin des spectacles, car M. Turgot est économe. »

VI. — Mariage de Mlle de Guébriant.

Lettre de la Reine (Marie-Antoinette) à Turgot.

[A. L., original.]

23 septembre.

Je vous ai parlé, Monsieur, du mariage de Mlle de Guébriant[7]. Ses parents n’ont agi que sur la promesse que je leur ai donnée de faire assurer le douaire et je devais y compter. Pour lors, je serais fort fâchée que ce mariage manquât. J’ai entendu parler d’intérêts dans les traités qui se font pour la Bretagne[8]. M. de Penthièvre[9] en étant gouverneur, il serait assez naturel que Mlle de Guébriant y eut quelque avantage. Si ce moyen n’est pas praticable[10], cherchez, je vous prie, quelque autre expédient pour terminer une affaire qui m’intéresse fort et soyez bien persuadé de mon estime.

Antoinette.

VII. — Dépenses de la Reine.

En juin, la Reine consentit, sur les représentations de Turgot, qu’une fête projetée à Marly et dont le duc de Duras était l’ordonnateur, n’eut pas lieu. Le Roi ne s’en souciait nullement, mais n’avait pas osé résister à la volonté supposée de la Reine et aux instances de son premier gentilhomme (Journal de Véri)[11].

VIII. — Traitement de la princesse de Lamballe.

Lettre de Mercy à Marie-Thérèse, 19 octobre. — « Entre temps, il subsiste encore des difficultés sur le traitement pécuniaire à attribuer à la princesse de Lamballe. Les anciens états fixaient les appointements d’une surintendante à 15 000 livres et 30 000 livres d’extraordinaire pour tenir une table à la cour. Quand Mlle de Bourbon eut la charge, elle trouva moyen… de faire augmenter ses appointements sous différentes dénominations, jusqu’à concurrence de 150 000 livres. La princesse de Lamballe forme aujourd’hui pareilles prétentions, et elles ne sont point faciles à satisfaire dans un moment où le gouvernement s’occupe de retranchements et d’économies. Cependant, le comte de Maurepas a saisi cette circonstance pour se remettre en grâce auprès de la Reine et il s’est chargé de trouver et de faire agréer au Roi des expédients au moyen desquels il sera pourvu aux désirs de la princesse de Lamballe. Il en résulte que le vieux ministre est maintenant fort bien auprès de la Reine. S. M. est pareillement fort contente du Sr de Malesherbes, lequel est entré pour beaucoup dans les arrangements dont il vient d’être question. Il n’y a que le contrôleur général qui soit encore traité froidement par la Reine, mais j’espère que pendant ce séjour à Fontainebleau, il y aura moyen de ramener S. M. sur le compte d’un Ministre duquel elle n’a aucun sujet de se plaindre et qui en toutes occasions lui a marqué du zèle et un respectueux attachement. »

Journal de Véri. — « La retraite de la comtesse de Noailles qui était dame d’honneur de la Reine a amené des changements à la cour. »

« La princesse de Lamballe a été déclarée surintendante de la maison de la Reine, place qui était supprimée depuis plusieurs années. Le peuple qui voit recréer une place de pur faste, dispendieuse, et embarrassante par ses prérogatives, augure mal de l’avenir.

« Les embarras à décider ont occasionné plusieurs conférences entre la Reine, Maurepas, et Malesherbes. Les deux ministres ont été contents d’elle et marchent maintenant d’accord avec elle.

« Le rapprochement de la Reine et de Maurepas a eu lieu dans le mois de septembre. Ceux qui l’avaient négocié avaient arrangé que la Reine lui donnerait audience sous quelque prétexte. C’est peut-être à ce rapprochement que l’on doit attribuer la facilité de Maurepas dans la création de la place de surintendante. Quelqu’un m’a dit qu’on faisait un crime à Turgot de n’avoir pas mis obstacle à cette résurrection d’abus. « Voyez, ai-je dit à Maurepas, comme M. Turgot est malheureux, on rejette sur lui un tort qui ne vient que de vous. — J’ai fait des représentations, mais que dire à une Reine qui dit à son mari devant moi que le bonheur de sa vie dépend de cela. » Ce serait bien pis encore si l’on savait à quel point la princesse de Lamballe et le duc de Penthièvre, son beau-père, ont fait les dédaigneux. Ce n’est qu’à force d’argent qu’on les a fait consentir. »

IX. — Maison du Roi.

Journal de Véri. — Septembre. — « Loin de réformer, le Roi vient de céder sur des augmentations de places à la cour. Maurepas ne fait pas non plus la résistance qui serait de son devoir. L’un et l’autre se laissent aller dans chaque occurrence parce que l’objet est de peu de valeur. Peu de ministres peuvent soutenir une résistance continuelle sur de petits objets. »

Novembre. — Malesherbes me dit : « Je pourrais préparer les matériaux de la réforme, mais on se trompe fort si l’on s’attend à ce que je la fasse ; j’en suis incapable par caractère, j’ai trop envie de trouver que quiconque entre dans mon cabinet a raison. D’ailleurs, c’est un travail qui n’a nulle analogie à ce que j’ai fait jusqu’à ce jour. Il m’excède au point que j’ai besoin d’efforts pour me rendre à mon bureau dont j’approchais toujours avec joie.

« Maurepas m’a dit aussi : « Tous les ordonnateurs de la maison du Roi ont donné leurs états de dépenses à Malesherbes et on n’y a pas trouvé grandes réformes à pouvoir faire. Je lui ai fait observer qu’il était bien singulier qu’il en coûtât pour payer les valets, les chevaux et la table d’une famille plus que les rois de Sardaigne et de Naples n’ont de revenu total et plus que le roi de Prusse n’en avait les dix premières années de son règne. » La maison civile du Roi monte à 33 millions par an. »

X. — Pension de Mme Jules de Polignac.

Journal de Véri. — « Marie-Antoinette voulut faire accorder une pension à Mme de Polignac, Turgot s’y opposa ; la pension fut donnée malgré lui, mais la Reine décida que la comtesse écrirait néanmoins au contrôleur général pour le remercier suivant l’usage.

« Turgot répondit sèchement à ses remerciements : « Je n’ai point eu de part à la grâce qui vous a été accordée. »

« La Reine voulut que la comtesse répliqua : elle rédigea une lettre douce et la montra à Marie-Antoinette. Celle-ci la prit, alla chez le Roi et entre eux deux, ils firent un modèle à recopier. Mme de Polignac le trouva si déplacé qu’elle ne voulut pas l’écrire. Elle fut obligée de le faire sur l’ordre de la Reine et du Roi ; Turgot reçut la lettre et n’éleva aucune plainte à son sujet. »

XI. — Le Chevalier de Luxembourg.

(Soulavie raconte l’anecdote ci-après : Au mois de décembre, le chevalier de Luxembourg, capitaine des Gardes du Roi, en survivance du prince de Tingry, et l’un des plus jolis hommes de la cour, voulait épouser Mme de Mazarin qui avait une grande fortune. Marie-Antoinette qui le protégeait lui fit espérer une pension de 40 000 francs sur les États de Bourgogne. La princesse de Tingry, qui avait des motifs personnels de s’intéresser au chevalier, se chargea de la solliciter du Contrôleur général. Turgot refusa une première fois de donner audience à cette princesse ; elle insista ; il finit par la recevoir, mais lui déclara que son devoir était de s’opposer au succès de la demande qu’elle formulait. Mme de Tingry s’adressa alors à Malesherbes, qui, se cachant de Turgot, obtint un bon du Roi. Turgot fit ensuite inutilement des reproches à son collègue. M. de Luxembourg eut sa pension et les journaux étrangers annoncèrent son triomphe sur le ministre des finances au mois de janvier 1776 (Mémoires, III, 80).

Cette anecdote paraît fausse. Mme de Mazarin, qui avait, en effet, une très grosse fortune, avait épousé le duc de Villequier dont elle était séparée. Elle fut traitée durement par Louis XVI pour ses galanteries et l’empressement qu’elle avait mis à faire partie de la société de la Du Barry. « On ne peut, a dit d’elle Mme du Deffant, pousser l’héroïsme de la bassesse et du ridicule à un plus haut degré. »

Quant au Chevalier de Luxembourg, il fut un moment l’un des favoris de Marie-Antoinette, mais son ambition et sa mauvaise tête l’avaient fait mettre à l’écart (Lettre de Mercy du 15 novembre).

En 1777, le chevalier reçut l’ordre de se démettre de sa charge de capitaine des Gardes du corps, laquelle fut donnée au fils du prince de Tingry (Correspondance secrète publiée par de Lescure, I, 121). On fit courir à cette occasion des bruits fâcheux sur la conduite de la Reine).

XII. — Le comte de Guines.

(Le parti Choiseul soutenait avec passion, contre le parti d’Aiguillon, la cause du comte de Guines, ambassadeur en Angleterre, qui avait à soutenir devant les tribunaux une accusation scandaleuse. Son secrétaire, Tort de la Sonde, lui reprochait d’avoir abusé des secrets d’État pour jouer à la Bourse de Londres. De gros agiotages avaient été provoqués par des bruits de guerre entre la France et l’Espagne au sujet des îles Fakland. Tort affirmait avoir servi de prête-nom à l’ambassadeur dans ses spéculations et l’accusait de l’avoir ensuite désavoué pour se dispenser de payer ce qu’il lui devait. Tort réclamait des sommes considérables. Il fut mis à la Bastille le 28 avril 1771 pour faux avis donnés à des agioteurs et n’en sortit que le 26 janvier 1772.

De Guines prétendit que la querelle de Tort avait été suscitée par le duc d’Aiguillon, ancien ministre des affaires étrangères.

D’Aiguillon et de Guines voulurent faire imprimer leur correspondance ministérielle ; le Roi se montra disposé à communiquer à ce dernier ce qui était dans le dépôt des affaires étrangères ; Vergennes fit observer qu’on ne pouvait livrer au public des correspondance de ce genre et en porta des copies au Conseil ; on y vit que d’Aiguillon avait été très impartial et que de Guines l’accusait mal à propos ; d’ailleurs, on ne pouvait pas admettre que le secret des correspondances politiques fut violé dans un intérêt particulier. Mais, sur l’intervention de la Reine et malgré le sentiment des ministres, Louis XVI finit par accorder à l’ambassadeur la permission qu’il demandait.

Il fut décidé que deux lettres seraient préparées, l’une pour d’Aiguillon, lui déclarant que sa conduite avait été reconnue impartiale, et l’autre pour de Guines. Ces lettres furent corrigées par le Roi. Le parti Choiseul accusa faussement Turgot d’avoir fait repousser la demande de de Guines)[12].

XIII. — Maison de Mesdames, tantes du Roi.

Mesdames jouissaient en vertu du testament de Louis XV d’une dotation annuelle de 200 000 livres. Mesdames Victoire et Sophie, qui avaient une même maison, se séparèrent en juin. Marie-Antoinette écrivit à sa mère le 22 :

 « Il a fallu faire une maison à ma tante Sophie ; cela fait encore de la dépense ; j’en suis fâchée. »

Le château de Bellevue fut mis à leur disposition.

—————

[1] Le prince Eugène-Marie-Louis, né en 1758.

[2] Archevêque de Paris.

[3] La comtesse de Brionne, née Rohan-Rochefort, était alliée par son mari à la maison d’Autriche et voulait faire reconnaître pour ses enfants un rang intermédiaire aux princes étrangers entre les princes du sang et la noblesse. Elle passait pour la maîtresse du duc de Choiseul et intriguait sans cesse.

D’après la Correspondance Métra (1er mai), elle remit à la Reine un mémoire anonyme qui contenait une peinture vive et touchante de la situation malheureuse où se trouvait la France et une critique très forte des opérations du ministère. La conclusion était qu’il fallait remettre à la tête de l’administration le seul homme capable de remédier à tant de maux, autrement dit le duc de Choiseul. La Reine présenta ce mémoire au Roi qui, pressé au bout de quelques jours de donner une résolution sur son objet, répondit avec feu : « Qu’on ne me parle jamais de cet homme ! »

Ce propos est rapporté dans une lettre de Marie-Thérèse à Mercy du 2 juin.

Dans la lettre de Louis XVI, c’est d’un autre mémoire qu’il s’agit : il était relatif au prince de Lambesc, fils de Mme de Brionne, lequel avait été grand-écuyer de Louis XV.

[4] Fils du Mlle de Chambors, tué par le Dauphin fils de Louis XV. Le marquis était l’ami d’enfance de Turgot.

[5] À la place de confesseur du Roi. L’abbé Maudoux, pieux et honnête homme, avait été sous Louis XVI, confesseur du roi, du dauphin et de la dauphine. Il resta sous Louis XVI confesseur de la Reine ; il fut nommé confesseur du Roi à la mort de l’abbé Soldini (au commencement d’avril 1775). Mercy regardait ce dernier comme un homme très médiocre, même d’une honnêteté suspecte. On voit, par la lettre de Maurepas, qu’on n’attendait pas qu’il fut mort pour s’occuper de sa succession.

[6] Il naquit le 6 août 1775.

[7] Mlle de Guébriant était fille d’un commandant de la marine à Rochefort (mort en 1760). Elle épousa en décembre 1775 le marquis de Las Cazes qui fut ensuite colonel du régiment de Penthièvre.

[8] Avec les États de Bretagne pour la perception des impôts.

[9] Un des parents de Mlle de Guébriant était premier gentilhomme du duc de Penthièvre.

[10] Une lettre de Mercy à Marie-Thérèse, du 20 octobre, explique comment les choses s’arrangèrent :

« La Reine, à la prière de la princesse de Lamballe, s’était chargée de faire assurer la dot d’une demoiselle de Guébriant, fille de la dame de compagnie de ladite princesse de Lamballe. Ces sortes de grâces étaient très communes sous le règne précédent et étaient devenues un abus coûteux que le nouveau contrôleur général se hâta de faire réformer par une disposition très expresse du Roi. Cependant, il s’ensuivit que la promesse de la Reine restait compromise ; mais, comme le Sr Turgot était de la meilleure volonté et ne se trouvait en peine que pour la forme, je proposai, pour expédient, celui de donner à l’augmentation de la cassette de la Reine un effet rétroactif, de prendre pour date de cette augmentation le mois de juillet passé et de former de cinquante mille francs échus au mois d’octobre l’assurance de la dot de la demoiselle de Guébriant, ce qui fut d’abord adopté par le ministre ; de façon que la parole de la Reine se trouvera acquittée sans violer la disposition du Roi sur l’abolition des assurances de dot. »

La cassette de la Reine fut portée de 96 000 à 200 000 livres à compter du mois de juin ; c’est sur les 100 000 livres formant le premier versement que Marie-Antoinette donna 50 000 livres à Mlle de Guébriant.

[11] Une modiste qui était devenue un personnage important aux yeux de la Reine lui avait fait une robe pour le Sacre. Pour que cette robe ne fut pas fanée par le voyage, elle proposa à la duchesse de Cossé, dame d’atours, de la faire porter à Reims sur un brancart, en déclarant que cela coûterait seulement 12 louis. La duchesse ne voulut point se prêter à cette folie. La modiste alla chez la Reine qui, en l’embrassant, lui dit de faire le voyage elle-même avec la robe et ordonna à sa femme de chambre de lui faire payer de sa cassette tous les frais qui montèrent à 40 ou 50 louis.

[12] Voir ci-dessous, p. 435.

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