Œuvres de Turgot – 200 – La surintendance des Postes

Œuvres de Turgot et documents le concernant, volume 4

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1775

200. — LA SURINTENDANCE DES POSTES

(Nomination de Turgot. — Il refuse les profits de la place. — Le duc de Choiseul. — Le chevalier de Montmorency. — Le cabinet noir).

1. Commission de la charge de Surintendant des Postes.

[A. L., originaux. — A.N., F212 345.]

Arrêt du Conseil.

Versailles, 3 septembre.

Le Roi, ayant jugé à propos d’établir par Arrêt de son Conseil du 7 août dernier une administration royale des diligences et messageries pour tout son royaume et ayant ordonné que le service des diligences qui seront établies sur les différentes routes sera fait par les chevaux de poste, S. M. a pensé que le Contrôleur général, étant chargé de veiller à cette manutention, il serait utile pour en assurer le succès de lui donner l’autorité nécessaire sur les maîtres de poste aux chevaux qui doivent y concourir et, à cet effet, de lui confier toutes les fonctions de la charge de surintendant des postes, supprimée par Édit du mois d’août 1726, à quoi voulant pourvoir,… le Roi… ordonne que les fonctions de la charge de surintendant des postes seront exercées par le Sr Turgot.

Lettres Patentes.

Louis…

Par arrêt, aujourd’hui rendu en notre conseil d’État, nous aurions, pour les causes contenues en icelui, ordonné que les fonctions de la charge de surintendant des postes seront exercées par notre amé et féal, conseiller en tous nos Conseils, Contrôleur général de nos finances, et que, sur ledit arrêt, toutes lettres patentes nécessaires seraient expédiées et désirant qu’il ait sa pleine et entière exécution :

À ces causes, de l’avis de notre Conseil qui a vu le dit arrêt… nous avons conformément à icelui ordonné et, par ces présentes signées de notre main, ordonnons que les fonctions de la charge de surintendant des postes seront exercées par ledit Sr Turgot…

***

Turgot refusa les profits attachés à cette place. Il la prit notamment pour pouvoir réformer le bureau du secret que dirigeait Rigoley d’Oigny mais il n’y put parvenir[1].

Le dernier bail des postes avait été fait pour 9 années et, chaque année, il devrait revenir au ministre 25 000 livres de profits, ce qui fit 225 000 livres pour le duc de Choiseul qui en était titulaire et qui se fit payer d’avance.

Dans une dépêche de Mercy à Kaunitz du 16 août 1778, il est raconté que la Reine se mit en avant pour demander la place de surintendant en faveur du Chevalier de Montmorency. Le Roi avait accédé sur-le-champ à la proposition de suppression. La Reine en fut si contrariée que, lorsque le contrôleur général se présenta devant elle, elle ne lui adressa point la parole ; mais celui-ci s’en ressentit si peu qu’il déclara à ses amis avoir été bien content de la réception de la Reine.

Journal de Véri. — 9 août 1774. — « Le goût si commun parmi les princes de faire ouvrir les lettres n’est pas aussi faible chez Louis XVI que je l’avais espéré. Il ne s’étend pas encore aux affaires domestiques des particuliers, mais comment répondre des bornes en ce genre pour la suite des temps ? »

Mai 1775. — « On a fait sentir à Louis XVI l’odieux, et même le danger, de l’ouverture des lettres à la poste. Dès que les méchants savent qu’on en fait usage, la calomnie et la noirceur ont un moyen sûr d’arriver au trône. Le Roi a senti la justesse de cette observation et son intention est de mettre des bornes à cette infamie.

« Maurepas a une indulgence, je n’ai pas osé dire une faiblesse criminelle, pour laisser au Roi son habitude de lire les lettres de la poste. Une dame de province devait être présentée à la Cour ; le Roi s’y était d’abord refusé en disant qu’elle n’avait point ses titres. ‘Comment le savez-vous, demanda Maurepas, ses papiers ne sont pas encore entre les mains du généalogiste ? — Je le sais par son mari. — Son mari est actuellement en province. — Je le sais par la voie que vous savez ; il le lui a écrit, à elle.’

« Dans les premiers moments du règne, Maurepas fit sentir au Roi l’inconvénient d’un pareil usage. Louis XVI avait promis d’ordonner à D’Oigny de ne lui apporter que ce qui regardait les affaires d’État. L’amusement que le jeune Roi y trouve l’a empêché. C’est par là qu’il a acquis la connaissance en mal de tout le monde. On a été longtemps à en chercher l’origine dans ceux qui entouraient sa personne, elle était dans la poste et dans la méchanceté de celui qui choisissait les extraits. De là, chez le prince, ce que l’on avait reconnu dans son grand-père, mauvaise opinion de tout le monde et méfiance générale. »

7 septembre. — « J’ai fait un séjour de 48 heures à Pontchartrain. Le Garde des Sceaux s’y est aussi trouvé et Turgot y est venu passer un jour. Maurepas parla au Roi de son voyage à cette terre. ‘Je sais, lui dit le Roi, que vous avez un rendez-vous avec quelqu’un qui y passe.’ Le Roi n’en pouvait être instruit que par les lettres (celles de Véri).

« Turgot prétend cependant que si Maurepas l’eut bien voulu, ou s’il le voulait encore fortement, il parviendrait à détourner le Roi de l’ouverture de lettres. Il prétend encore qu’il n’y a rien que Maurepas ne lui fasse adopter avec de la constance. »

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[1] Voir aux Questions diverses, tome V, 1775 (suite), un arrêt du Conseil relatif au Secret des Postes.

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