Œuvres de Turgot et documents le concernant, volume 3
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1775
195. — LES TRANSPORTS DE TROUPES
I. Arrêt du Conseil sur les convois militaires.
[D. P., VIII, 36. — D. D, II, 385.]
(Corvées pour les convois militaires. — Leur remplacement par une imposition[1]. — Simplifications dans la marche des convois.)
29 août.
Le Roi s’étant fait rendre compte, en son Conseil, des mesures prises jusqu’à présent dans les différentes provinces de son royaume pour assurer le service des convois militaires ; S. M. a reconnu que, depuis quelques années, on était parvenu à affranchir les habitants de la campagne, dans neuf généralités, de la corvée accablante à l’aide de laquelle ces transports s’exécutent dans les autres généralités ; ce service onéreux est fait dans ces neuf généralités à prix d’argent, en conséquence des marchés particuliers que les intendants ont été autorisés à faire avec des entrepreneurs, et la dépense en est acquittée au moyen d’une imposition particulière sur ces généralités. Les succès de cet établissement, les avantages infinis que ses peuples en retirent, n’ont pas permis à S. M. de laisser les autres généralités supporter plus longtemps le fardeau de ces sortes de corvées.
Si jusqu’à présent les difficultés locales ou d’autres considérations de cette espèce ont retardé l’effet du zèle des intendants à qui l’administration en est confiée, S. M. a pris de justes mesures pour seconder leurs efforts, en réunissant au service des étapes celui des convois militaires, dont les entrepreneurs généraux des étapes sont déjà chargés dans ces neuf généralités, et en établissant une imposition générale proportionnée à cette dépense qui, étant répartie sur les différentes généralités de pays d’élection et des pays conquis, fera disparaître les impositions locales, et mettra une juste proportion dans la contribution des différentes provinces.
S. M. a prévu, en même temps, qu’au moyen de cette entreprise générale, plusieurs de ces convois, qui étaient obligés de suivre les routes particulières d’étapes, ce qui occasionnait, à chaque lieu où les troupes séjournaient, de nouveaux chargements et déchargements, pourraient se faire directement par les grandes routes, et d’une manière beaucoup moins fatigante et plus économique, du lieu du départ des troupes à celui où elles ont ordre de se rendre ; de sorte qu’à l’expiration des trois années pour lesquelles S. M. a ordonné qu’il serait passé un marché général auxdits entrepreneurs des étapes, il serait possible d’obtenir une diminution considérable dans la dépense qu’occasionnera ce service difficile à monter aujourd’hui, et de réduire dans la même proportion l’imposition destinée uniquement à cette dépense ; ses peuples reconnaîtront, dans ces dispositions, la bienfaisance constante de S. M., son attention pour tout ce qui peut intéresser les progrès de l’agriculture et le sort des habitants des campagnes, si dignes de son affection particulière :
À compter de l’année prochaine 1776, et jusqu’à ce qu’il plaise à S. M. en ordonner autrement, il sera compris chaque année, dans le second brevet des impositions accessoires de la taille des vingt généralités de pays d’élections, une somme de 1 114 497 livres ; et à compter de la même année, il sera également fait une imposition annuelle sur le département de Metz, sur celui de Lorraine et de Bar, et sur le comté de Bourgogne, d’une somme de 85 503 livres, revenant lesdites deux sommes à celle de 1 200 000 livres ; laquelle, non compris les taxations ordinaires qui seront pareillement imposées, sera répartie de la manière suivante :
(Suit le tableau de répartition.)
Seront lesdites sommes employées sans aucun divertissement pendant la durée du marché qui sera passé incessamment aux Entrepreneurs généraux de la fourniture des étapes, au paiement de la dépense qu’occasionne le service des convois militaires et transports des équipages des troupes, dont ils seront chargés, aux charges et conditions convenables…
Et au moyen de cette imposition de 1 200 000 livres, les impositions particulières établies jusqu’à présent pour les convois militaires dans les généralités de Soissons, Chalons, Limoges, Bordeaux, Grenoble, Metz, Comté de Bourgogne, Lorraine et Bar, montant à la somme de 627 765 l. 1 s. 3 d., cesseront d’avoir lieu à compter de ladite année 1776…
2. Circulaire aux Intendants sur la suppression des corvées pour le transport des troupes.
[A. Calvados.]
Versailles, 21 septembre.
Le Roi, voulant donner à ses peuples une nouvelle preuve de l’attention qu’il apporte à tout ce qui peut contribuer à leur soulagement, a donné les ordres nécessaires pour que les corvées qu’exige le service des convois militaires, n’eussent plus lieu à compter du 1er janvier 1776. S. M., en conséquence, a ordonné une imposition générale qui est comprise dans le deuxième Brevet, pour subvenir à cette dépense.
Vous sentirez mieux que personne les avantages de ce plan qui supplée, par une cotisation générale, à la surcharge que les fournitures locales ne font porter que sur la portion des habitants de la campagne établis le long des routes d’étapes. Leur position qui les assujettit déjà au logement des troupes, les laissera encore seuls chargés de ces convois d’autant plus onéreux que souvent ils s’exécutent dans le temps le plus précieux pour les travaux de la campagne.
Les entrepreneurs généraux des étapes sont chargés de ces établissements pour le 1er janvier 1776, tant par rapport à l’analogie des deux services que parce que l’obligation leur en a été prescrite par le résultat du Conseil du 28 décembre 1773. Ils l’ont déjà monté dans plusieurs généralités à la satisfaction de MM. les Intendants et du Conseil ; et je ne doute pas qu’ils n’aient le même succès dans les autres généralités.
On ne doit pas se dissimuler, cependant, les difficultés que cet établissement doit éprouver dans les commencements. Je vous prie, en conséquence, de leur procurer tous les secours qui pourront dépendre de vous, et de donner vos ordres aux subdélégués et aux officiers municipaux de votre département pour qu’ils concourent, de leur part, à faciliter les moyens d’établir un service aussi intéressant pour les peuples. Je m’en repose sur votre zèle et sur vos soins.
Si les entrepreneurs généraux négligeaient quelques-unes des mesures nécessaires pour surmonter les difficultés locales, vous êtes autorisé par le nouveau résultat qui vient d’être arrêté au Conseil, à pourvoir à ce nouveau service, à leurs frais, risques et périls ; mais, en même temps, je vous demande de les aider dans ces commencements ; ce n’est pas sans peine que l’on introduit les choses les plus utiles, quand elles contrarient l’usage et l’habitude.
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[1] L’équité de cette répartition diminua la dépense même pour les Provinces déjà soumises à la payer en argent. La perfection du service la diminua pour toutes (D. P., Mém., 258).
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