Œuvres de Turgot et documents le concernant, volume 3
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1775
190. — LES TRAVAUX PUBLICS
I. La Police du roulage.
Arrêt du Conseil.
[D. P., VII, 373.]
8 juillet.
L’arrêt règle le nombre de chevaux qui pourront être attelés aux charrettes en hiver et en été et proroge pendant cinq ans, l’attribution donnée aux Intendants par arrêt du 7 août 1771, concernant la police du roulage.
II. La navigation intérieure.
1. Arrêt du Conseil sur les impositions pour travaux des canaux de Picardie et de Bourgogne, ainsi que pour autres travaux de navigation intérieure.
[D. P., VIII, 8.]
1er août.
Le Roi s’étant fait représenter, en son Conseil, les Arrêts, par lesquels le feu Roi a ordonné qu’il serait réparti, pendant les années 1774 et 1775, au marc la livre de la capitation, une somme de 419 873 l. 8 s. 5 d., y compris les taxations, sur toutes les généralités des pays d’élections et pays conquis, laquelle serait employée aux ouvrages à faire au Canal de Picardie, qui doit former la jonction de l’Escaut à la Somme et à l’Oise, et à celui de Bourgogne, qui réunira l’Yonne à la Saône, S. M. s’est pareillement fait représenter l’état des différentes autres sommes imposées dans quelques-unes des généralités des pays d’élections, pour travaux relatifs à la navigation. Elle a jugé qu’il était conforme aux principes d’une sage administration de réunir ces impositions en une seule contribution générale, afin de ne point surcharger les généralités qui supportent ces impositions particulières et de faire contribuer toutes les provinces dans une juste proportion, à des dépenses qui intéressent également les différentes provinces…
La répartition de 419 983 l. 8 s. 5 d., ainsi que les impositions particulières ordonnées dans les généralités d’Auch, Lyon, Montauban et Bordeaux, pour différents travaux de navigation, cesseront d’avoir lieu à l’avenir ; au lieu d’icelles, il sera imposé dans le second brevet que S. M. fera arrêter incessamment en son Conseil pour les impositions accessoires de la taille à lever en l’année prochaine 1776, sur les pays d’élections, une somme de 721 905 livres et celle de 78 096 livres sur les pays conquis. [1]
2. Arrêt du Conseil sur la navigation de la Charente[2].
[D. P., VIII, 65. — D. D., II, 404.]
20 septembre.
Le Roi, étant informé que la navigation de la rivière de Charente a toujours été un objet de l’attention des Rois ses prédécesseurs, qui se sont successivement proposé d’accorder au vœu des provinces qu’elle arrose de faire faire sur cette rivière les ouvrages nécessaires, soit pour la rendre navigable depuis Civray jusqu’à Angoulême, soit pour en perfectionner la navigation depuis Angoulême jusqu’à Cognac ; que, les circonstances s’étant trop souvent opposées à cette dépense, le projet n’en avait été repris que dans ces derniers temps ; que le feu roi, par les arrêts du Conseil du 2 février 1734 et du 28 décembre 1756, aurait d’abord voulu pourvoir à faire cesser les obstacles apportés à ladite navigation par les entreprises des riverains, à l’effet de quoi le Sr intendant de Limoges avait été commis pour connaître de toutes les contraventions nées et à naître à ce sujet ; que, par un autre arrêt du Conseil du 2 août 1767, le Sr Trésaguet, ingénieur en chef des ponts et chaussées de ladite généralité de Limoges, avait été chargé de dresser les plans, devis et détails estimatifs des ouvrages à faire pour établir la navigation de la Charente depuis Civray jusqu’à Angoulême, et la perfectionner depuis Angoulême jusqu’à Cognac ; et S. M., s’étant fait représenter lesdits arrêts, plans, devis et détails estimatifs rédigés en conséquence par ledit Sr Trésaguet, contenant l’estimation de tous les ouvrages d’art et du montant des sommes qui pourront se trouver dues en indemnité aux propriétaires des terres riveraines sur lesquelles on prendra le chemin de halage, et à ceux qui possèdent, en vertu de titres légitimes, des moulins, usines ou pêcheries qu’il pourrait être nécessaire de détruire ou de reconstruire autrement, S. M., a reconnu tous les avantages qui résulteront des ouvrages proposés, non seulement pour plusieurs provinces fertiles que la Charente traverse dans son cours, dont les productions accroîtront nécessairement de valeur, mais même pour tout le Royaume, par les nouvelles et faciles communications que l’exécution de ces ouvrages donnera à des villes déjà commerçantes et à d’autres propres à le devenir ; elle a cru, de sa bonté paternelle pour ses sujets, de ne pas différer à les faire jouir d’un bien désiré depuis tant d’années ; à l’effet de quoi, elle a ordonné qu’il fût fait des fonds suffisants, tant pour l’exécution desdits ouvrages que pour le payement des indemnités qui pourraient être dues légitimement à aucuns propriétaires à raison des dommages qui leur seraient occasionnés. À quoi voulant pourvoir…, le Roi étant en son Conseil…
Approuve les plans, devis et détails estimatifs dressés par Sr Trésaguet, inspecteur général des ponts et chaussées, et ingénieur en chef de la généralité de Limoges… (et ordonne la mise en adjudication des travaux).
III. — Inspecteurs généraux de la navigation.
(Leur création.)
Septembre.
L’expérience avait fait voir qu’on ne peut examiner avec trop de soin les projets relatifs à la conduite des eaux et qu’on peut être dangereusement trompé, tant sur la dépense que sur la possibilité des canaux, proposés souvent avec plus de zèle que de lumières, quand on s’en rapporte trop à des ingénieurs qui ne sont pas toujours assez profondément géomètres. Pour prévenir cet inconvénient, M. Turgot crut devoir proposer de confier, avec le titre d’Inspecteurs généraux de la navigation intérieure, l’examen de tous les projets de ce genre ; et il indiqua pour ces places importantes D’Alembert, l’abbé Bossut, Condorcet. Ils ont commencé leur travail par des expériences fort curieuses sur la résistance des fluides, dont les détails et les résultats sont imprimés (Du Pont, Mém., 326)[3].
Les circonstances ne permettaient que des entreprises peu considérables ; Turgot y affecta 800 000 livres et s’occupa de former un plan général des travaux de navigation intérieure (Condorcet, Vie de Turgot, 85).
Les inspecteurs ont été supprimés par Clugny[4].
IV. — Compétence en matière de voirie.
Arrêts du Conseil sur la compétence des bureaux de finances.
Premier arrêt.
[D. P., VII, 374. — Anc. lois fr., XXII, 194.]
13 juillet.
(Le bureau des Finances avait ordonné la démolition d’une maison en péril. Le Parlement de Paris, par arrêt du 1er juin 1775, a défendu la démolition sous prétexte que la maison appartenait à une direction de créanciers en litige devant la troisième Chambre des Enquêtes.)
S. M., ayant reconnu que l’Arrêt du Parlement étant contraire au Édits et Règlements, par lesquels elle n’a attribué qu’aux bureaux des Finances seuls, sauf l’appel au Conseil, la connaissance des matières concernant la voirie sur les routes construites par les ordres de S. M., soit pour l’alignement des édifices bâtis le long de ces routes, soit pour leur démolition en cas de périls imminents…
Le Roi, étant en son Conseil, a cassé et annulé l’arrêt du Parlement de Paris, du 1er juin 1775, ainsi que ce qui s’en est ensuivi ou pourrait s’ensuivre ; en conséquence, ordonne que sur la demande du procureur de S. M., dont il s’agit, les parties procéderont au bureau des Finances de Paris, en la manière accoutumée.
Deuxième arrêt.
[D. P., VII., 379]
26 juillet.
Le Roi, étant informé de deux arrêts du Parlement de Paris, des 12 et 19 juillet 1775, par lesquels le Sr Hocquart de Coubron, seigneur de Vaux, prenant le fait et cause de son procureur fiscal, a été reçu appelant d’une ordonnance du bureau des Finances de Paris, du 5 dudit mois de juillet, portant, entre autres choses, évocation audit bureau d’une procédure criminelle, commencée en la justice de Vaux, à l’encontre des inspecteurs et des ouvriers commis par les ordres de S. M. à la fabrication du pavé dans les bois de Vaux, avec défenses d’exécuter sa dite ordonnance ; et S. M. considérant qu’Elle n’a confié qu’aux officiers dudit bureau des Finances, et l’exécution des règlements rendus sur cette matière, et la connaissance des contestations qu’elle pourrait occasionner, a ordonné que l’ordonnance du bureau des Finances du 5 dudit mois de juillet sera exécutée selon sa forme et teneur.
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[1] À cette époque, les canaux de Briare, d’Orléans, de La Fère, de Languedoc, le canal de l’Est et le canal Monsieur (du Rhône au Rhin), existaient. Le canal de Picardie et le canal de Bourgogne étaient en construction. « Tout y est en mouvement, disent les Mémoires secrets (VIII, 198), afin d’avancer ces ouvrages utiles ; malheureusement, celui de Picardie, commencé par feu M. Laurent, et si vanté, offre avant d’être fini une dégradation qui le rendra peut-être inutile ou exigera des dépenses effrayantes. Ce fameux aqueduc formé sous terre pour le passage des voyageurs n’étant point voûté s’éboula ; il faudrait le cintrer en pierre, ce qui est un ouvrage immense, et plus on tardera, plus le travail deviendra cher et difficile. »
[2] Turgot avait projeté ces travaux durant son Intendance. Voir tome II.
[3] La commission ainsi composée eut à s’occuper spécialement du canal de Picardie ; Turgot avait suspendu les travaux ; la commission se prononça nettement contre le projet par un rapport du 17 juillet 1776.
[4] « Ces Messieurs prétendent avoir mis pour condition qu’ils ne recevraient point d’appointements ; ce qui ne s’accorde pas avec les 6 000 l. qu’on leur attribuait dans le public » (Mém. secrets, VII, 281. — Journal historique, 7 mars).
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