1775
185. — LA CORVÉE DES CHEMINS.
1. Projet de Circulaire aux Intendants sur l’abolition de la corvée.
[A. L. minute.]
Versailles, 1er février.
Vous apprendrez sans doute, M., avec autant de plaisir que j’en ai à vous l’annoncer, qu’ayant rendu compte au Roi des principes qui ont été suivis jusqu’à présent dans la confection des grandes routes par corvées, S. M. m’a ordonné de m’occuper sans délai des moyens de soulager ses sujets d’une charge qui leur est aussi onéreuse. J’ai cru devoir, avant de proposer au Roi de rendre une loi définitive sur cette partie importante de l’administration, en conférer avec vous et vous prier de me faire part de vos réflexions. Les raisons qui ont décidé S. M. à l’abolition des corvées vous sont à peu près connues et vous avez sûrement gémi plus d’une fois d’être obligé à les commander. Je ne crois pas cependant inutile d’entrer dans quelques détails sur cette matière. Mais l’objet le plus important de cette lettre est de vous exposer les différents moyens qui me paraissent les plus convenables pour suppléer à la corvée sans ralentir la construction des grandes routes et surtout sans que les fonds destinés à ces travaux puissent être détournés à d’autres objets, car je n’ai point dissimulé au Roi cette difficulté, la seule qui vraisemblablement ait pu empêcher les administrateurs qui m’ont précédé de céder au vœu du public et sans doute à leur propre vœu sur la suppression d’une charge aussi dure ; c’est surtout sur les moyens qui m’ont paru propres à lever cette difficulté unique que je vous demande le secours de vos observations[1].
2. Circulaire aux intendants pour la suspension de la corvée.
[A. Vignon, pièces justificatives, III, 92. — A. Calvados, C. 3375. — A. Marne. — Neymarck, II, 408.]
Paris, 6 mai.
Le Roi, informé de l’excessive cherté des blés dans quelques provinces du Royaume, causée par la mauvaise récolte de l’année dernière, m’a ordonné de lui présenter tous les moyens de soulager principalement les malheureux journaliers des campagnes que cette cherté réduit souvent à la misère.
Dans cette circonstance, S. M. a pensé qu’il n’était pas naturel de les surcharger d’un travail infructueux pour eux en les commandant, comme les autres années, aux corvées pour les grands chemins. Cette espèce de contribution, toujours trop onéreuse pour ceux qui en sont chargés, devient impraticable dans les lieux et dans les temps où les peuples ont tant de peine à se procurer leurs subsistances par leur travail. Le Roi s’est proposé de faire enfin cesser cette contribution, et je vous ferai incessamment connaître ses intentions définitives ; mais j’ai cru devoir en attendant vous informer des ménagements que son amour pour ses peuples le porte à leur accorder provisoirement. En conséquence, vous voudrez bien suspendre les ordres pour les corvées, surtout dans tous les lieux de votre généralité où la misère causée par la cherté du pain se sera fait sentir.
Comme je prévois que vous avez déjà donné des ordres pour la corvée de ce printemps et que plusieurs paroisses auront achevé leurs tâches, vous pouvez les décharger de celles de l’automne. À l’égard de celles qui n’auront pas encore fini ou même commencé les tâches qui leur auront été distribuées, vous ne les presserez point et surtout vous éviterez de prononcer aucune condamnation pour cet objet. Vous tâcherez d’engager ces paroisses à convertir en argent leur contribution à la corvée. Cette méthode est infiniment préférable en tout temps, mais surtout dans un moment de cherté de denrées, comme celui-ci, parce qu’elle donne occasion d’ouvrir des ateliers où les plus pauvres trouvent leurs subsistances. Vous voyez, par ce que je vous mande, que l’intention du Roi n’est pas d’arrêter les travaux faits à prix d’argent aux dépens des communautés qui auront préféré cette manière de faire leur tâche. Quoiqu’elle occasionne une imposition et que cette imposition, faite au marc la livre de la taille, soit sûrement onéreuse, cependant elle ne tombe que faiblement sur les journaliers que S. M. a principalement à cœur de soulager. Et ils sont amplement dédommagés de cette faible imposition par la certitude de pouvoir employer utilement leur temps ; et ce que je vous mande ne doit être appliqué qu’aux paroisses qui ont été commandées pour faire leur tâche en nature. Mais, en portant tous vos soins à l’exécution des intentions favorables du Roi, vous prendrez les précautions que vous croirez convenables pour que l’entretien des routes ne souffre que le moins qu’il sera possible de cette cessation de travail. Ainsi, vous voudrez bien faire suspendre tous les ouvrages nouveaux qui pourront l’être sans aucun danger imminent de dépérissement.
À l’égard des entretiens, vous ferez faire les plus urgents sur les fonds des travaux de charité que vous emploierez à cet usage, préférablement à tous les autres. Vous voudrez bien, en conséquence, vous faire donner par l’ingénieur des ponts et chaussées qui sert près de vous, les états exacts de ces ouvrages, à commencer par les plus indispensables et vous le chargerez d’y faire travailler incessamment après avoir pris les mesures nécessaires pour faire payer les ouvriers qui y auront été employés. Vous concerterez avec lui les moyens les plus propres à mettre cette comptabilité en règle. Je vous prie de me mander, en m’accusant la réception de cette lettre ce que vous aurez fait en conséquence.
3. Circulaire aux Intendants leur communiquant pour avis deux projets de déclaration.
[Vignon, III, pièces justificatives, 93. — A. Calvados, C. 3375. — A. Marne. — Neymarck, II, 410.]
28 juillet.
Vous verrez, M., par deux projets de déclaration que je joins à ma lettre, que l’intention du Roi est qu’il ne soit plus commandé de corvées à l’avenir et que cette contribution en nature soit suppléée par une imposition sur tous les biens-fonds situés dans votre généralité. Je vous prie de faire vos réflexions sur ces deux projets.
Le premier est destiné à être enregistré au Parlement et le deuxième à la Cour des Aides seulement. Je vous prie de m’envoyer, le plus promptement que vous pourrez, vos observations sur ces deux projets ou de me marquer si vous ne les croyez pas susceptibles d’observation. Et cependant, vous voudrez bien vous conformer aux vues de S. M. sur cet objet important, en supprimant dès à présent toute espèce de commandement pour la corvée en nature.
Je dois vous prévenir, en même temps, que l’intention du Roi est bien qu’il ne soit plus exigé de ses sujets aucun travail gratuit, qui est particulièrement onéreux à ceux qui n’ont que leurs bras ; mais S. M. n’entend pas, sous le nom de corvée, les impositions qui ont été faites dans plusieurs paroisses et même dans quelques généralités entières pour y suppléer, cette forme se rapprochant, au contraire, de celle qu’elle veut qui soit observée dans toute l’étendue de son royaume. Je vous prie d’employer ces sommes, provenant du rachat de la corvée, principalement à perfectionner les entretiens, ainsi que je vais vous l’expliquer plus en détail.
Pour parvenir à l’exécution du plan arrêté par le Roi, vous voudrez bien faire faire par l’ingénieur qui sera près de vous, le plus tôt qu’il vous sera possible, un état des routes et autres ouvrages de corvées dont vous croyez le plus instant de s’occuper et vous m’enverrez, ou à M. Trudaine, cet état avec vos observations sur le plus ou moins d’utilité de ces ouvrages ; je les ferai examiner et M. Trudaine ou moi nous vous renverrons cet état, en vous marquant celles dont vous devez vous occuper dans la campagne prochaine ; vous ferez faire par le même ingénieur, ou par les sous-ingénieurs, des devis et détails exacts de ces ouvrages qui seront examinés et vous seront envoyés pour que vous puissiez faire procéder aux adjudications que vous passerez aux entrepreneurs les plus intelligents et les plus honnêtes que vous pourrez trouver. Je vous prie de recommander aux ingénieurs la plus scrupuleuse attention pour les prix et pour toutes les conditions des devis, car il est à désirer qu’on n’ait plus à revenir sur ces adjudications. Cependant, comme il peut se faire qu’il se présente dans l’exécution des obstacles qu’on pourrait n’avoir pas prévus et qu’il y a des natures d’ouvrages qui ne sont pas susceptibles de calcul exact, je vous autorise, dans les cas qui vous paraîtront l’exiger absolument, à passer des sommes à valoir qui ne doivent jamais excéder le dixième du montant total de l’adjudication. Ces sommes ne pourront être employées que sur vos ordres, sur le compte qui vous en aura été rendu par l’ingénieur et en sera compté en détail, à l’effet de quoi, il sera tenu des attachements exacts par le sous-ingénieur chargé de la suite de l’ouvrage ; il est à désirer, autant qu’il est possible, que chaque adjudication puisse être exécutée en entier dans l’espace de l’année ; mais, lorsque vous croirez nécessaire de passer une adjudication plus étendue, vous voudrez bien la délivrer par partie dont chacune sera exécutée dans le cours de l’année.
Dans le même esprit, vous voudrez bien faire faire des devis des entretiens des ouvrages déjà faits et me les adresser en même temps ; vous en passerez ensuite des baux de six ou neuf années et les ingénieurs suivront l’exécution de ces baux de manière que vous puissiez vous assurer de la perfection des entretiens.
Je vous recommande une attention particulière pour cet article. Il ne suffit pas d’assujettir les entrepreneurs à une ou deux réparations par année, ainsi qu’il en a été usé jusqu’à présent. Il faut qu’ils aient un atelier toujours existant sur les routes de manière que les réparations soient faites aussitôt qu’on s’apercevra des plus petites dégradations. Par ce moyen, on évitera les grands accidents qui pourraient donner lieu à des réparations dispendieuses. Je me propose de vous envoyer incessamment une instruction détaillée, tant sur la manière de pourvoir aux entretiens avec le plus d’économie, que sur les moyens de meilleures constructions de chaussées à prix d’argent et par la voie des adjudications.
Lorsque ces adjudications et baux auront été passés, vous voudrez bien en faire former un projet d’état du Roi dans la même forme usitée pour les autres ouvrages des Ponts et chaussées, où chaque nature d’ouvrage sera détaillé aussi bien que le montant de l’adjudication ; je vous le renverrai avec mon autorisation.
Vous verrez, par le projet de déclaration ci-joint, que l’intention du Roi est que cet état du Roi, signé de moi, soit déposé au greffe de la Cour des Aides, afin que cette Cour soit en état de voir l’emploi de l’imposition. Vous ferez dresser un rôle des biens-fonds situés dans chaque paroisse de votre généralité et vous répartirez la somme à laquelle montera cet état du Roi sur tous ces biens-fonds dans la proportion de leur valeur. Comme le Roi regarde la construction des chemins comme une charge de la propriété, son intention est qu’elle soit supportée par tous les propriétaires privilégiés ou non privilégiés, sans aucune exception, et dans la même forme qui a lieu pour la reconstruction des églises et presbytères.
Vous aurez soin, à la fin de chaque année, de faire dresser un état de situation de tous les ouvrages qui auront été faits dans l’année, et ce sera sur cet état de situation qu’on pourra juger de la nécessité de diminuer ou d’augmenter l’imposition de l’année suivante ; si les sommes destinées à l’exécution de la totalité, ou de partie d’une adjudication n’ont pu être consommées dans l’année, il sera juste d’en faire la déduction sur le montant de l’imposition de l’année suivante ; si, au contraire, quelque ouvrage imprévu vous avait obligé d’excéder la somme qui y avait été destinée (ce que vous ne ferez qu’après m’en avoir prévenu) il faudra ajouter à cette imposition le montant de l’avance dans laquelle vous aurez constitué l’entrepreneur.
Je ne vous parle point ici de la manière dont les entrepreneurs seront payés ; c’est un article sur lequel je compte m’expliquer avec vous quand vous m’aurez envoyé vos observations en réponse à cette lettre ; mais je crois qu’il faudra toujours les tenir en avance, au moins du cinquième de ce qu’ils auront fait dans l’année et au plus du tiers et, comme les recouvrements rentreront de mois en mois, cela vous mettra en état de faire commencer les ouvrages avant même que l’imposition soit en recouvrement.
Comme tous les éclaircissements que je vous demande et l’envoi des états ci-dessus mentionnés doivent emporter du temps et qu’il est nécessaire cependant de parer à l’entretien des ouvrages déjà faits qui pourraient dépérir, sans y employer le secours des corvées que S. M. veut qu’il n’ait plus lieu à l’avenir, si vous avez fait faire par les paroisses de votre généralité des abonnements pour remplacer la corvée, ainsi qu’il est usité dans plusieurs provinces, vous continuerez de faire ces abonnements et le prix en sera employé suivant l’usage qui a lieu dans votre généralité. Si, au contraire, les corvées ont continué jusqu’aujourd’hui à être employées en nature, vous bornerez les ouvrages à faire cette année aux entretiens des ouvrages déjà faits que vous ferez perfectionner le plus qu’il sera possible et vous supprimerez tous les ouvrages neufs à l’exception de ceux déjà commencés et dont la continuation serait indispensable et, dans ce cas, vous auriez soin de m’en prévenir pour subvenir à cette dépense. Vous voudrez bien imposer sur les paroisses qui auraient dû y être employées les sommes nécessaires pour faire cet entretien. Je ferai autoriser ces impositions par Arrêt du Conseil et vous leur accorderez sur leurs autres impositions des modérations du montant de cette imposition extraordinaire, ainsi qu’il en a été usé dans la généralité de Limoges.
J’ai déjà mandé le 6 mai dernier que l’intention du Roi était que les fonds de charité fussent, autant qu’il est possible, employés à la réparation des chemins et à suppléer en cette partie à la cessation des corvées. Je ne puis qu’insister de nouveau sur cette destination d’un fonds dont l’emploi doit être le soulagement des pauvres, ce qui sera par là de la plus grande utilité.
PROJET DE DÉCLARATION
I. — Il ne sera plus exigé de nos sujets, à compter du 1er octobre prochain, aucun travail gratuit sous le nom de corvée ou sous quelqu’autre dénomination que ce puisse être, soit pour la construction des chemins, soit pour tout autre ouvrage public. Défendons à tous ceux qui sont chargés de l’exécution de nos ordres d’en commander ou exiger.
II. — Il sera procédé par nos ordres dans chaque généralité à des adjudications, soit de nouvelles constructions des routes et autres ouvrages nécessaires pour la communication des provinces et des villes entre elles, soit de l’entretien des dits ouvrages, et le montant des dites adjudications sera arrêté tous les ans par nous en notre Conseil et constaté par un état signé en la forme ordinaire par le contrôleur général de nos finances.
III. — Réservons à nous et à notre Conseil la connaissance des dites adjudications et de l’exécution de toutes les clauses qui pourront y être contenues, circonstances et dépendances icelles interdisant à toutes nos cours et juges.
IV. — Le montant des sommes portées au dit état arrêté en notre Conseil sera imposé chaque année dans chaque généralité sur tous les possédants fonds, privilégiés ou non privilégiés, en la même forme que les sommes destinées à la construction ou réparation des Églises et Presbytères, et, dans le cas où les dites sommes n’auraient pu être consommées dans l’année, l’imposition de l’année suivante en sera d’autant moins considérable, de manière qu’elle soit toujours proportionnée au progrès des ouvrages.
V. — Les dites sommes ne pourront, sous aucun prétexte, être employées à aucun autre usage, ni versées dans notre Trésor Royal ; elles demeureront entre les mains des Trésoriers établis par nous pour les dépenses des Ponts et chaussées, lesquels ne pourront en vider leurs mains qu’en celles des adjudicataires des Travaux et ne pourront les dits trésoriers être valablement quittes envers nous qu’en justifiant par quittance valable du dit emploi. Faisons très expressément défense aux dits trésoriers de se dessaisir des dits deniers pour toute autre destination, même pour verser dans notre Trésor Royal, sous quelque prétexte que ce puisse être ; enjoignons à nos Chambres des Comptes d’y tenir la main exactement et leurs faisons défense, à peine de manquer à la fidélité qu’ils nous doivent, de passer d’autre emploi et d’obtempérer sur cet objet à tous ordres, arrêts ou lettres patentes qui pourraient nous être surpris, contraires aux dispositions du présent article.
VI. — L’état arrêté par nous du montant des adjudications, mentionné en l’art 2, sera déposé tous les ans en nos Cours des aides chacune pour leur ressort, et dans le cas où les dites adjudications n’auraient pas été remplies et où il n’aurait pas été fait distraction des sommes non employées dans l’état de l’année suivante, permettons et même enjoignons aux dites Cours de nous faire leurs représentations et de nous demander que la dite imposition soit suspendue jusqu’à ce que les dites adjudications aient été remplies.
VII. — La dite imposition sera faite sur les possédants fonds dans la proportion de la valeur desdits fonds, ainsi qu’il sera expliqué par la Déclaration que nous nous proposons de rendre à cet effet et d’adresser à nos Cours des aides pour y être exécutée selon sa forme et teneur.
PROJET DE DÉCLARATION À FAIRE ENREGISTRER EN LA COUR DES AIDES
I. — La Déclaration du sera exécutée selon sa forme et teneur. En conséquence, il sera fait tous les ans par l’intendant de chaque généralité un rôle desdites réparations sur tous les biens fonds appartenant tant aux privilégiés qu’aux non privilégiés, et la somme contenue en notre état énoncé en l’art 2 de ladite Déclaration du sera répartie en proportion de la valeur desdits biens fonds.
II. — Il sera fait mention dans ledit état du montant de l’adjudication de chacun des ouvrages séparément et du prix des baux d’adjudication des entretiens pour l’année courante et, à la tête de l’état de l’année suivante, il sera fait une récapitulation sommaire desdites sommes et des ouvrages qui auront été faits dans l’année en exécution desdites adjudications.
Et les dites adjudications contiendront, non seulement les ouvrages nécessaires, mais encore les estimations des maisons et héritages appartenant aux particuliers et qu’on sera obligé de traverser ou de démolir.
III. — La partie des sommes ci-dessus énoncées qui n’aurait pas été consommée dans l’année précédente sera déduite du montant de l’imposition de l’année courante et celles qui auront été avancées par lesdites adjudications pour ouvrages imprévus dans le prix de la main d’œuvre ou des matériaux et approuvées par nous en notre Conseil seront ajoutées au montant de ladite imposition.
IV. — Attribuons aux intendants et commissaires départis dans nos provinces et à nos bureaux des finances dans la généralité de Paris la connaissance réservée à nous et à notre Conseil par l’article 3 de la Déclaration du des adjudications passées en conséquence de ladite Déclaration et de toutes les contestations qui pourraient être relatives auxdites adjudications, soit pour le prix des ouvrages, soit pour quelqu’autre cause que ce soit, sauf l’appel en notre Conseil.
V. — Le prix des ouvrages, dont la construction sera nécessaire ou utile à tout le Royaume ou à toute la généralité, sera imposé sur les biens fonds de toutes les paroisses de la généralité ; mais, dans le cas où il en aurait été ordonné par nous qui ne seraient utiles qu’à une ou plusieurs paroisses, la répartition du prix sera faite seulement sur les propriétaires des fonds situés dans lesdites paroisses en la même manière.
VI. — La répartition de ladite imposition sera faite par nos intendants, et le recouvrement en sera fait par nos receveurs des tailles qui videront leurs mains, mois par mois, en celles des commis de notre Trésorier général des Ponts et Chaussées.
VII. — Ne pourront nos Cours des aides prendre aucune connaissance des clauses des adjudications, ni de l’utilité ou inconvénients des différents ouvrages par nous ordonnés, nous réservant à nous seuls la connaissance desdits objets ; mais, dans le cas où il parviendrait à leur connaissance que les sommes imposées n’ont point été employées, sans qu’il ait été fait mention dans l’état du Roi qui fera déposer tous les ans en leur greffe, lesdites Cours pourront aux termes de l’article de notre Déclaration du demander la suppression de cette partie de l’imposition.
Réponses des Intendants.
(D’après le résumé fait par Vignon, III, 96)
JULLIEN, intendant d’Alençon. — Depuis six ans, cet intendant suit, dans sa généralité, la forme adoptée par Turgot dans la généralité de Limoges. Il a porté le chiffre des travaux des routes jusqu’au quart du principal de la taille, et toutes les communautés ont accepté volontiers le rachat de la corvée en argent. Il ne fait aucune observation sur les projets et les approuve entièrement.
D’AGAY, intendant d’Amiens. — Il a partout reconnu dans les deux projets « les grandes vues qui dirigent l’administration de Turgot et les sentiments de bienfaisance et d’humanité qui la distinguent si particulièrement ». Il trouve qu’on a pourvu à tout.
Dans sa généralité, les communautés n’étaient point abonnées pour leurs tâches, mais les exécutaient elles-mêmes. Il a révoqué ses mandements pour la corvée, de sorte qu’on ne travaille point cette année. Malgré les 20 000 livres de fonds de charité accordées à sa généralité, les routes se trouveront entièrement dégradées après l’hiver, et il en coûtera beaucoup pour les réparer. Il évalue à 4 ou 500 000 livres le montant annuel de la corvée.
JOURNET, Intendant d’Auch. — Approbation sans réserve ; il va tâcher d’engager les communautés à faire leurs tâches à prix d’argent, ce qui est presque inconnu dans cette généralité.
Au sujet du premier projet de Déclaration, il fait observer que l’ordre de Malte se prétend exempt de toute contribution quelconque ; il propose de spécifier textuellement qu’il ne sera pas exempt ; il signale les difficultés d’exécution de l’art. 7 jusqu’au renouvellement du cadastre qui est entièrement fautif.
Sur la seconde déclaration, il fait observer que, dans sa généralité, sont des parties qui sont pays d’États, qui ont leurs fonds spéciaux, leurs travaux distincts, qui, en outre, sont du ressort de divers Parlements et de diverses Cours des Aides.
ESMANGARD, Intendant de Bordeaux. — Il approuve le remplacement de la corvée par une imposition, mais il redoute le mode proposé par l’art. 4. Il craint des « réclamations sans nombre, des remontrances de la part des Cours. On représentera la triste situation des provinces et surtout de celle de Bordeaux, entièrement épuisée… On perdra de vue le soulagement opéré par la suppression de la corvée pour n’offrir que l’image d’une charge nouvelle. » On représentera les exemptions « comme un privilège de la naissance et de l’état civil ». La réponse serait facile ; mais ces débats et l’emploi des voies d’autorité auraient des inconvénients ; il y aurait aussi des difficultés résultant du dépôt des états aux greffes des cours qui auront frondé la loi.
Il propose de remplacer cette imposition pour la généralité de Bordeaux par une autre au marc la livre de la taille (qui est réelle et sans exception dans trois élections), et de la capitation, qui frappe sur tout le monde, par un simple arrêt du conseil, comme le 2e brevet de la taille avec dépôt aux bureaux des finances et non aux greffes des Cours. Il restera, dans ce système, l’exemption du clergé, mais on y parera par une demande spéciale à ce corps. Il termine en insistant sur l’ « avantage de ne point mettre les Cours dans le cas de prendre connaissance d’un objet qui tient entièrement à l’administration et dont le Conseil seul a connu jusqu’ici ».
DUPRÉ DE SAINT-MAUR, Intendant de Bourges. — Il approuve les principes des projets de déclaration mais il croit que « leur exécution souffrira plus de difficultés en Berry que dans toute autre province. » Là, il n’y a pas 1/20 des routes à l’entretien ; presque rien n’est fait ; l’impossibilité de trouver des fonds suffisants empêchera de continuer plus d’un quart des ouvrages. Bourges, Châteauroux et Donzy sont les seules villes qui se soient soumises depuis deux ou trois ans à une imposition représentative de la corvée. Or, les privilégiés, qu’atteindrait le nouveau système, ne contribuent point à ces abonnements qui sont à la charge des seuls taillables. Il signale les difficultés des adjudications dans les commencements à cause du défaut d’entrepreneurs aisés ; le cinquième de garantie est trop élevé. Les fonds appartenant au Roi et les bois sont exempts de contribuer aux réparations des églises et presbytères ; il serait injuste qu’ils le fussent de la nouvelle imposition. Crainte du détournement des fonds et du rétablissement de la corvée. Les fermages actuels sont établis en raison de ce que la corvée est acquittée par les fermiers ; il serait juste que les fermiers payassent le nouvel impôt jusqu’à leur expiration, Actuellement, l’administration ignore le produit des biens ecclésiastiques. Quelle forme prescrira-t-on pour le déterminer ?
DE FONTETTE, Intendant de Caen. — Il approuve le nouveau plan pour les provinces où la corvée en nature subsiste encore. « Mais, il y a, dit-il, sept ans que je l’ai anéantie dans ma généralité, et à cela près que l’imposition ne porte que sur les taillables et qu’il n’y a point de caisse où elle soit versée, ma généralité a l’avantage inestimable de se trouver précisément dans la position heureuse où vous voulez mettre celles des provinces du Royaume qui ne s’y trouvent pas. »
Les tâches sont déjà distribuées ; les entrepreneurs qu’il a pressés pour faire subsister les pauvres doivent être avancés ; il n’y aura donc cette année ni suspension, ni changement dans la généralité.
ROUILLÉ D’ORFEUIL, Intendant de Champagne. — « Je suis intimement persuadé qu’il n’y a point d’opération plus nécessaire au soulagement du peuple que le changement de l’administration des corvées des chemins…
« Jusqu’à présent, on a fait usage en Champagne des corvées des habitants de la campagne pour exécuter et entretenir les chemins : car les habitants des principales villes, qui sont en même temps exempts de taille, ont aussi été dispensés des travaux publics »…
Abus de la corvée : « Disproportion dans la distribution des tâches confiée à une multitude d’employés subalternes ; argent reçu par les piqueurs pour favoriser des habitants au préjudice des autres ; impossibilité d’en avoir la preuve ; mécontentement des corvoyeurs ; humeur de ceux qui les conduisent ; faux dénombrements donnés par les syndics ; peu d’exactitude de la part des inspecteurs, qui ne se trouvent point souvent sur les routes quand les communautés y arrivent ; temps perdu en déplacements et frais de voyages ; inconvénients de détourner les habitants de leurs travaux dans des temps précieux ; tous abus enfin de la plus dangereuse conséquence…
Vices des punitions. Éviter la prison et les amendes ; il a employé l’adjudication des tâches pour les gens aisés et pour les manœuvres ; le travail sous la garde des cavaliers de maréchaussée payé par les récalcitrants.
Il demande que la contribution ne porte pas seulement sur les possédants fonds, mais en même temps sur les négociants, marchands, artisans et même journaliers, en proportion des facultés de chacun, parce que tout le monde profite des chemins. On suit cette règle en Champagne pour les travaux des églises et presbytères et autres, intéressant les communautés. Désigner en outre comme contribuables le clergé, la noblesse, et l’ordre de Malte, puis les biens-fonds des domaines du Roi et des Princes.
Pour éviter le détournement des fonds ou même son soupçon dans le peuple, continuer à attribuer des tâches à chaque ville ou communauté, avec faculté d’exécution directe ou de mise en adjudication.
Propositions pour le recouvrement des fonds par des collecteurs élus par les contribuables ou par des préposés d’office.
Ajouter que chaque généralité ou province ne pourra être imposée que pour les ouvrages relatifs aux chemins qui sont dans l’étendue de chacune, afin que le montant de l’imposition soit religieusement employé dans la même province qui l’aurait payé…
DE GARNERANS, Intendant de la province de Dombes. — Observations de forme.
Porter les sommes non consommées en revenant bon pour l’année suivante plutôt que de réduire l’imposition ; on serait toujours à temps de faire cette réduction si, après expérience de quelques années, on reconnaissait l’impôt supérieur aux besoins.
DE LA CORÉE, Intendant de Franche-Comté. — La suppression de toute corvée capitale ou personnelle est un règlement infiniment avantageux et fort désirable pour tout le Royaume…
« Il n’en n’est pas de même de la corvée en nature et réelle, telle qu’elle existe en Franche-Comté. L’on ne voit pas qu’il y ait, pour cette province, le moindre avantage à l’abolir, puisque cette charge y est proportionnée à la valeur des fonds autant que pourrait l’être la nouvelle imposition, puisqu’elle n’est jamais exigée rigoureusement en nature et puisque tout contribuable est libre de s’en racheter, non par une somme payée à l’État (qui, malgré sa vigilance, l’administrerait toujours mal et à grand frais), mais en se faisant remplacer, soit par des domestiques et ouvriers à la journée, soit par un entrepreneur du lieu même, avec qui il traite à bien meilleur compte et qu’il surveille bien mieux que ne peut faire l’administration…
« L’abolition générale des corvées ne pourrait donc être avantageuse à la Franche-Comté, puisque des trois moyens qui sont à son choix pour acquitter cette charge, ou par soi-même, ou par des domestiques et gens de journée, ou par argent, il ne resterait absolument que le dernier, qui est souvent le plus lourd. Quoi qu’on puisse dire, il y a dans les campagnes beaucoup plus de journées mortes que d’argent superflu. Mais l’imposition forcée et effrayante qu’il faudrait substituer à une infinité de petites contributions volontaires ou à un travail modéré et devenu presque insensible par l’habitude, ferait une grande sensation à l’abord et aurait des suites bien dangereuses.
« L’on ne peut, d’après l’expérience, évaluer à moins de 800 000 l. le montant de l’imposition nécessaire. Quelle régie immense et difficile !
« Les vues patriotiques du magistrat qui aura établi une nouvelle méthode se seront communiquées à tous les coopérateurs qui s’épuiseront en efforts pour la faire réussir. Leur intégrité pourra se soutenir ; mais ce zèle et cette ferveur active, qui ne sont pas moins essentielles, se ralentiront infailliblement, tandis que le public, qui s’ennuie de tout, trouvera maint abus où il n’en voyait d’abord aucun.
« Du moment où commencera une gestion aussi considérable que celle dont il s’agit, il n’y aura pas d’ingénieur, employé et entrepreneur dont la probité ne soit soupçonnée.
« La multiplicité des formes et des écritures auxquelles on les assujettira n’y remédieront pas et il est à craindre que ce ne soit le moyen le plus propre à masquer les négligences et à favoriser la cupidité.
« Si, pour prévenir ce mal, les états et les ouvrages sont soumis, comme il le paraît, à la vérification de quelque Cour souveraine, ce sera une compagnie, composée en entier de seigneurs et gros propriétaires, offensés de la perte de leurs privilèges, supportant impatiemment une contribution qui leur paraîtra excessive, et toujours trop disposée d’ailleurs à la croire mal employée et à blâmer en général les opérations de finances.
« Il faudra donc autant d’adjudicataires que de routes neuves, et un entrepreneur pour cinquante lieues au plus d’entretien : c’est-à-dire qu’il faudra au moins et subitement vingt entrepreneurs dans la province, espèce de profession qui y est inconnue, qu’il faut créer, et qui ne peut jamais s’établir que petit à petit, non plus que les bandes et les chefs d’ouvriers, outils, équipages, etc.
« Faudra-t-il commander des ouvriers d’autorité ?
« Les bénéfices des entreprises monteront fort haut : il se fera des fortunes scandaleuses qu’on reprochera beaucoup plus qu’on ne regrette aujourd’hui le temps mal employé par les corvoyeurs. »
PAJOT DE MARCHEVAL, Intendant de Grenoble. — Il a toujours regretté la corvée et désiré son rachat ; mais il était arrêté par injustice de la répartition de l’imposition qui ne pouvait se faire que sur les seuls taillables. « Il ne doute pas que le plus grand nombre n’applaudisse à sa suppression et ne se soumette sans répugnance à une imposition qui doit affranchir d’un service aussi dur, aussi onéreux, et aussi injuste que celui de la corvée. »
« Je ne répondrais pas cependant que notre parlement, qui est en même temps Cour des aides, ne fit, lors de l’enregistrement de deux déclarations, quelques représentations pour maintenir les exemptions qui ont eu lieu jusqu’à présent. » Il compte sur l’efficacité d’un préambule fortement motivé.
Il n’exigera plus aucune corvée ; mais il sera fort embarrassé pour pourvoir à l’entretien des routes faites. Il demande qu’on mette une grande célérité dans l’exécution du projet.
Dans l’art. 7 du deuxième projet de déclaration, il demande une formule spécialement applicable au Dauphiné, pour assujettir à l’imposition tous les possédants fonds, privilégiés ou non, mais il pense qu’il en faudrait aussi faire porter une partie sur les citoyens non possesseurs de fonds qui profitent aussi de l’utilité des chemins. Il voudrait que les facultés mobilières et l’industrie en supportassent une partie, de 1/8 dans les villes, 1/10 dans les bourgs, et 1/12 dans les communautés villageoises, ainsi qu’il est réglé pour la taille en Dauphiné par le règlement du 24 octobre 1639. Il propose pour la première année une imposition de 200 000 l., sauf à réduire ultérieurement.
TABOUREAU, Intendant du Hainaut. — Il approuve en principe la suppression de la corvée ; il se borne quant à présent à quelques observations générales sur les projets de déclaration.
Il demande l’imposition par tête à raison des facultés connues. Cette manière est conforme à la coutume et aux lois du Hainaut.
Il n’est pas d’avis que l’on envoie au greffe de la Cour des aides les projets des ouvrages d’après lesquels se feront annuellement les impositions. Il craint sur cela les prétentions du Parlement de Flandre qui, dans plusieurs circonstances, s’est prétendu Cour des aides.
La répartition de la somme annuelle à imposer et la confection d’un rôle des biens-fonds de chaque paroisse lui présentent de grandes difficultés. Il faudrait d’abord un cadastre, ouvrage long et dispendieux. La province s’est abonnée pour le vingtième ; il propose de suivre la proportion de cet abonnement.
Il insiste pour qu’il n’y ait personne d’exempt de cette imposition. Il observe que le duc d’Orléans et l’ordre de Malte possèdent des biens considérables en Hainaut et ne paient pas le vingtième.
DE LA GALAISIÈRE, Intendant de Lorraine. — Il approuve entièrement la suppression des corvées. Dans sa généralité, il proposait aux communautés le rachat en argent ; mais les assemblées, presque toujours conduites par un esprit de cabale et de méfiance pour tout ce qui est présenté par le gouvernement, ne profitèrent pas pour le dixième de la faculté qui leur était offerte.
Quant au danger du détournement des fonds, il ne croit pas que la précaution prise dans les projets arrête ceux des successeurs de Turgot, qui voudraient donner atteinte à la loi. Il n’est que trop de moyens de vaincre la résistance momentanée des tribunaux dans un État où le Roi est le seul maître et où tout plie sous son autorité. Il trouve que la protestation du Roi à ce sujet compromet sa majesté souveraine, sans présenter une garantie sérieuse d’efficacité ; il en demande la suppression. Il voit surtout un grand danger à l’intervention des tribunaux. Les Cours des aides ou Chambres des comptes profiteront du dépôt des états dans leurs greffes pour vouloir se mêler de l’emploi des sommes, des adjudications, etc. De là, des usurpations sur le pouvoir administratif ou au moins des conflits continuels.
Plus loin, il donne une évaluation de l’entretien annuel au chiffre de 800 000 livres au moins pour 474 lieues de routes. Il propose des travaux neufs en 1776 pour 180 000 livres.
DE CALONNE, Intendant de Metz. — « Une loi favorable aux cultivateurs et dont l’objet est de les délivrer du fardeau le plus onéreux a des droits sur la reconnaissance de tout le Royaume. » Avant de décider, on en a sans doute pesé les inconvénients et les avantages ; il se bornera à quelques observations de rédaction et de forme.
Art. 1er. — Ce sont sans doute les corvées royales que cet article supprime ; quant aux corvées seigneuriales, il n’en est pas question, puisqu’il ne s’agit que d’ouvrages publics ; elles sont donc conservées. Mais il existe dans sa généralité des corvées commandées par le bureau des trésoriers de France pour la réparation des chemins qui servent à la communication des villages. La défense prononcée de commander ou d’exiger aucune corvée, etc., s’applique-t-elle aussi à celles-ci ? Elles présentent d’ailleurs beaucoup d’abus.
Les dispositions des articles 3, 5, 6 de la première déclaration, 4 et 7 de la seconde, lui paraissent devoir soulever des difficultés et des conflits.
« On sait, dit-il, que les cours ont pour principe de ne reconnaître formellement aucune attribution aux intendants et il n’est pas d’usage d’exiger qu’elles y mettent elles-mêmes le sceau par leur enregistrement. Ainsi, quoique l’attribution portée à l’article 4 de la deuxième déclaration soit du nombre de celles qui ont toujours eu lieu et qu’elle ne paraisse pas susceptible d’exciter aucune réclamation lorsqu’elle continuera de s’exercer, comme par le passé, en vertu d’arrêts du conseil seulement, il est à croire qu’on ne parviendrait pas sans difficulté à la faire enregistrer aux Parlements et aux Cours des aides.
Les articles 4 et 7 du projet de déclaration pour les Cours des aides amèneront infailliblement des conflits et des incidents de compétence et donneront à ces Cours prétexte de se saisir d’une administration qui a toujours été et doit être dans la main du Conseil et des intendants.
De plus, la précaution prise contre le détournement de l’imposition « qui sera superflue si, comme on doit le présumer, la volonté du Roi est toujours la même à cet égard, sera-t-elle suffisante si, dans des circonstances extraordinaires et par des motifs qu’on ne peut prévoir, cette volonté venait à changer ? Les enregistrements et les formalités les plus multipliées pourraient-elles empêcher qu’une nécessité jugulante ne prévalut sur toute autre considération ; qu’alors, sans déroger à ce qui aurait été solennellement prescrit par rapport à la destination des fonds dont il s’agit, on n’en suspendait pour quelque temps l’emploi pour les faire servir à des besoins plus pressants, plutôt que de multiplier davantage les impositions nouvelles ; et que, par suite on se trouvât réduit, pendant la durée de cette suspension, à recourir à l’usage des corvées et à en exercer encore le droit inaliénable pour remédier à la dégradation des grandes communications. »
Autre observation : l’imposition actuelle pour les Ponts et chaussées n’est établie par aucune loi enregistrée, et les Cours n’ont à en prendre aucune connaissance. La différence de formalités pour deux impositions de même genre et destinées au même objet ne paraîtra-t-elle pas étrange ?
DE PONT, Intendant de Moulins. — Il approuve entièrement le remplacement de la corvée par une imposition. Il en avait déjà opéré le rachat dans sa généralité depuis 1770 par un système imité de celui de M. de Fontette, et il communique au contrôleur général un exemplaire imprimé de la lettre qu’il écrivit à cet effet à ses subdélégués le 15 novembre 1769, dont l’objet est de déterminer les communautés à se racheter de leur corvée par une contribution en argent de 4 sols pour livre de la taille servant à payer les adjudicataires de leurs tâches en n’imposant que 2 livres aux simples manœuvres. Il observe toutefois qu’il n’a aucun fonds pour l’année, attendu que les paroisses, instruites de la suppression de la corvée en nature, ont refusé de souscrire leurs abonnements ordinaires.
Il insiste pour que personne ne soit exempt de l’imposition et que l’on désigne nommément les communautés religieuses, les ecclésiastiques, l’ordre de Malte, tous les propriétaires possesseurs d’héritages, immeubles et droit réels, privilégiés ou non, exempts ou non, les biens des Princes du sang, du domaine de S. M. dans les lieux taillables, villes franches, abonnées ou tarifées, proportionnément à leur valeur.
DE CYPIERRE, Intendant d’Orléans. — La suppression des corvées était désirée depuis longtemps et produira les plus grands biens.
Mais il observe que l’obligation imposée par Arrêt du Conseil aux voituriers, revenant à vide de Paris à Orléans, de voiturer du pavé pour l’entretien de la chaussée, ne doit pas être regardée comme corvée et doit être maintenue.
Il craint beaucoup d’inconvénients du dépôt des états au greffe des Cours des aides, et que l’administration et les commissaires départis ne soient inquiétés par ces Cours.
Il propose de prendre les vingtièmes pour base de l’imposition, si l’on ne veut y assujettir que les propriétaires, en y ajoutant ceux qui ne sont pas sujets aux vingtièmes ; toutefois, la Cour des aides pourrait faire quelque difficulté, parce que le nouvel impôt doit être perpétuel, tandis que les vingtièmes ne sont que momentanés.
DE BLOSSAC, Intendant de Poitiers. — Le système proposé sera un grand soulagement pour le peuple ; mais il présente beaucoup de difficultés dans son exécution. Il propose de réunir à cette imposition celle pour les ouvrages d’art. Il observe que les biens-fonds sont déjà grevés de nombreuses charges et craint qu’on ne décourage la culture et qu’on n’engage ainsi les fonds à se placer dans le commerce. Il propose de ne commencer la suppression de la corvée que l’année suivante, pour n’être pas obligé de suspendre les entretiens pour lesquels il n’est plus temps de faire une imposition provisoire. Le défaut de commerce en Poitou rend l’argent rare ; on trouvera difficilement des entrepreneurs. Ceux-ci emploieront des bras dans la saison des travaux de campagne. Difficulté de répartition de l’imposition.
DELAPORTE, Intendant du Roussillon. — Il fait observer qu’il conviendrait d’assujettir à l’imposition, non seulement les possesseurs de fonds, mais aussi le commerce et l’industrie qui tirent de si grands avantages de la facilité des communications. Les usages, pour les constructions d’églises et de presbytères, varient dans les différentes provinces. Ne pas maintenir l’assimilation proposée qui donnerait lieu à contestations. Il craint que l’article 6 n’amène des conflits avec les tribunaux qui voudront s’immiscer dans l’administration des Ponts et chaussées. Il y a en Roussillon une foule d’exempts de toute espèce qu’il sera difficile d’assujettir à l’imposition ; il sera nécessaire d’en faire une mention claire et expresse.
DE CHAZERAC, Intendant de Riom. — Il n’a rien reconnu dans le projet qui ne soit profitable au bien du service. Cependant, il craint le déplaisir de la noblesse et des privilégiés et la difficulté pour les collecteurs de faire le recouvrement.
DE CROSNE, Intendant de Rouen. — L’exécution du nouveau plan procurera un grand soulagement dans les campagnes et sera avantageuse à la construction des routes qui pourra être suivie avec plus de soins, et à moins de frais. Mais la disposition qui ordonne le dépôt de l’état au greffe de la Cour des aides pourra être la source de bien des difficultés et des entraves à l’administration. Il propose de ne faire des baux d’entretien qu’après avoir mis les routes en bon état. Il ne peut faire une imposition provisoire cette année parce que tout le public est prévenu de la prochaine loi pour la suppression des corvées. Suivant la faculté qu’il laissait aux communautés, les unes exécutaient en nature, les autres rachetaient leur tâche ; mais aucune ne consentira à racheter une corvée dès à présent supprimée.
DE MONTHYON, Intendant de la Rochelle. — Longue déclamation contre la corvée et applaudissement à sa suppression. Observations de détail sur les projets de déclarations. Refusera-t-on une communauté qui voudra s’imposer des corvées pour certains travaux d’intérêt local ?
Il conviendrait de limiter la proportion de l’imposition, comme à la moitié du vingtième, pour éviter les excès de zèle. Quelques craintes sur les réclamations des privilégiés et l’intervention des Cours. Les impositions pour les églises et presbytères varient de forme suivant les généralités. Comment compter sur l’engagement de ne jamais détourner les fonds lorsqu’en ce moment même les fonds des Ponts et chaussées se portent au trésor royal et sont employés à d’autres objets ? Faire l’imposition sur le revenu plutôt que sur les fonds, dont l’évaluation donnera lieu à beaucoup de discussions. On ne connaît pas le produit des biens ecclésiastiques.
LE PELETIER, Intendant de Soissons. — La forme des rôles pour les reconstructions d’églises et de presbytères ne peut être suivie pour l’imposition qui doit suppléer à la corvée parce que cette sorte d’imposition ne se fait pas seulement sur les possédants fonds. Il demande si les Princes du sang contribueront aussi en proportion des biens qu’ils possèdent. Il expose la difficulté de dresser les rôles, les contestations auxquelles ils donneront lieu et propose l’organisation d’une administration à cet effet. Comprendre dans la nouvelle imposition celle qui se fait déjà pour les Ponts et chaussées. Maintenir aux intendants la connaissance exclusive des contestations sur la répartition de l’imposition. Les corvées se font généralement en nature dans sa généralité ; il n’a aucun moyen d’y suppléer provisoirement.
DE CLUZEL, Intendant de Tours. — Sur le projet de déclaration pour la Cour des aides : s’expliquer très littéralement sur la proportion de la répartition entre les taillables et non taillables, les fermiers et propriétaires, etc. Prendra-t-on pour base le vingtième ? Le clergé y serait-il assujetti et, à son égard, prendra-t-on pour base les décimes ? Sans un énoncé bien explicite, les oppositions se multiplieront à l’infini. Il est contre tous les principes de taxer l’industrie ; il est cependant fâcheux que les commerçants des villes, qui profitent le plus des grandes routes et les détruisent le plus, ne contribuent en aucune manière à les réparer. Donner à l’article 2 un effet rétroactif pour évaluer et payer les fonds dont on s’est déjà emparé.
4. Arrêt du Conseil ordonnant dans la généralité de Tours une imposition pour remplacer la corvée des chemins.
[Vignon, III, pièces justificatives, 105.]
20 septembre.
S. M. s’étant fait rendre compte en son Conseil de l’état où se sont trouvées les différentes routes ouvertes dans l’étendue de la généralité de Tours au moment où elle a adressé ses ordres pour faire cesser les corvées dont ses sujets taillables étaient précédemment chargés pour leur confection ou réparation, elle a reconnu qu’il était d’une nécessité indispensable, pour ne pas perdre le fruit desdits travaux, d’adopter le plan qui lui a été proposé d’imposer sur les paroisses de ladite généralité les sommes auxquelles se serait montée la totalité de leurs ouvrages sur lesdites routes, tant pour le restant de la corvée du printemps de la présente année que pour celle qu’elles auraient dû faire en automne, suivant l’état estimatif qui en aurait été fait, sur les ordres du Sr intendant et commissaire départi, par le Sr de Limay, ingénieur en chef des ponts et chaussées en ladite généralité, lequel état aurait été représenté à S. M. et se serait trouvé monter à la somme de 230 341 livres…
Sur quoi… le Roi, étant en son Conseil… approuve l’état estimatif fait par l’ingénieur en chef des ponts et chaussées de la généralité de Tours, des ouvrages à faire pour l’entretien et confection des routes de ladite généralité pendant le restant de la présente année ; autorise, en conséquence, ledit Sr intendant et commissaire départi en icelle à procéder aux adjudications au rabais des ouvrages y contenus, dans les formes ordinaires et accoutumées ; et pour subvenir au paiement desdits ouvrages, ordonne S. M. que la somme de 230 341 livres, … sera imposée sur les élections dénommées au dit état.
Lesquelles sommes seront départies par ledit Sr intendant sur les différentes paroisses comprises en l’état dudit ingénieur, en proportion et au marc la livre de la taille de chacune desdites paroisses et imposées sur les habitants taillables par des rôles particuliers qui seront faits par des collecteurs qui seront nommés par lesdits habitants, sinon d’office par ledit Sr intendant ou ses subdélégués ; lesquels rôles seront, par lui ou ses subdélégués, vérifiés et rendus exécutoires, et ce nonobstant les défenses, portées par les commissions des tailles, d’imposer autres et plus fortes sommes que celles y contenues…
Voulant S. M. que les sommes provenant dudit recouvrement soient employées sans aucun divertissement, au paiement des ouvrages nécessaires pour l’entretien et confection des parties des routes que lesdites paroisses auraient dû faire en la présente année.
5. Lettre à Trudaine de Montigny.
[Vignon, III, pièces justificatives, 106.]
28 décembre.
Toutes réflexions faites, mon ami, je pense que, pour répondre aux objections que fera le Parlement sur la quotité indéfinie de l’imposition destinée à remplacer les corvées, il faut reprendre notre première idée de faire enregistrer tous les ans aux Cours des aides l’état arrêté au Conseil. Je crois que la déclaration, telle que je vous l’envoie, brochée d’après votre premier projet, à de légers changements près, ne prête point aux craintes que nous ont témoignées les intendants, puisque les Cours des aides n’auront aucun prétexte de se mêler des directions des chemins, ni des clauses des adjudications.
Je crois que, comme il s’agit d’impositions et de recouvrements, il serait fort utile de communiquer ce projet à M. d’Ailly, qui pourrait nous y faire ses observations. Je voudrais bien que vous pussiez me renvoyer le tout après-demain.
Vous avez dû recevoir aujourd’hui ma réponse à vos questions. Je demande à M. d’Ormesson la note que vous désirez.
Je vous embrasse, et j’ai grande impatience de vous voir, ainsi que M. de Fourqueux.
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[1] Nous ne savons pour quel motif cette circulaire ne fut pas envoyée. La suppression de la corvée des chemins devait entraîner une dépense de 10 à 12 millions d’après le nombre de journées que fournissaient les corvées. La dépense réelle devait toutefois être inférieure parce que les journées libres et payées par entreprises font plus d’ouvrage que les journées forcées et sans salaire. Outre la difficulté de trouver des ressources pour couvrir cette dépense, on objectait à la suppression la crainte des fraudes qui pouvaient se glisser dans les marchés de travaux, où devaient intervenir 30 intendants, 200 subdélégués, et plus de 300 ingénieurs et piqueurs des Ponts et chaussées. L’exemple de ce qui se passait dans les bâtiments du Roi, dans les ouvrages militaires, dans les travaux des églises paroissiales, des presbytères et dans les ponts n’était pas rassurant. La troisième objection était que les fonds destinés à remplacer la corvée fussent détournés de leur destination lorsque le trésor aurait besoin d’argent.
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