1775
184. — LES PARLEMENTS ET LES TRIBUNAUX.
I. — Pensions aux membres des Conseils supérieurs supprimés.
1. Lettres au Garde des Sceaux.
[A. Affaires étrangères ; 1375, f° 149, 161 et s. ; 1383, f° 108.]
Première lettre.
Paris, 12 avril.
J’ai l’honneur de vous remettre ci-joint l’état que j’ai fait dresser des pensions à accorder aux différents officiers qui composaient les neuf conseils supérieurs. Il a été formé sur ceux que vous m’avez communiqués et d’après les observations, que nous avons faites conjointement. Vous verrez, Mgr, que les noms de ceux auxquels vous avez jugé vous-même qu’il ne fallait point donner de pension sont restés en blanc. Il n’y a que M. Charpentier, second président du Conseil de Châlons, et de Champflour, procureur général de celui de Clermont, que j’ai pensé n’être pas dans le cas d’obtenir un dédommagement, attendu qu’ils ont chacun une pension de 3 000 francs. Au surplus, si vous croyez qu’ils méritent de nouvelles grâces du Roi, vous voudrez bien remplir les noms de ces officiers de la somme que vous jugerez convenable de leur accorder et m’en faire part. Vous verrez aussi que j’ai été d’avis que, des 1 800 francs donnés à M. Dilleau, procureur général du Conseil supérieur de Poitiers, il y en eut 800 de réversibles sur la tête de ses deux filles à raison de 400 chacune.
Relevé des sommes que pourraient coûter les pensions proposées pour les officiers des Conseils supérieurs et du Parlement de Bretagne qui ont été supprimés.
Conseil supérieur de Clermont 17 000
— — de Lyon 15 600
— — de Bayeux 25 600
— — de Rouen 23 800
— — de Poitiers 28 200
— — de Douai 5 000
— — d’Arras 9 800
— — de Blois 22 900
— — de Châlons 17 100
Officiers entrés en 1771 au Parlement de Bretagne et qui n’y sont pas rentrés 19 700
Officiers entrés après les démissions du Parlement de Boulogne et conservés sans charges en 1769 et qui n’ont pu rentrer en 1774 6 000
Total 191 000
État de ce que coûtaient au Roi pour leurs gages, les officiers des Conseils supérieurs et ceux des Parlements de Bretagne qui n’ont pu rentrer dans ce Parlement.
CONSEIL SUPÉRIEUR DE CLERMONT
Le premier président 6 000
2 présidents à 4 000 chacun 8 000
19 conseillers à 2 000 chacun 38 000
1 procureur général à 4 000 chacun 4 000
2 avocats généraux à 2 400 chacun 4 800
2 substituts à 1 000 chacun 2 000
Total 62 800
CONSEIL SUPÉRIEUR DE LYON
Le premier président 6 000
2 présidents 8 000
20 conseillers 40 000
1 procureur général 4 000
2 avocats généraux 4 800
2 substituts 2 000
Total 64 800
CONSEIL SUPÉRIEUR DE BAYEUX
Le premier président 6 000
2 présidents 8 000
20 conseillers 40 000
1 procureur général 4 000
1 avocat général 2 400
2 substituts 2 000
Total 62 400
CONSEIL SUPÉRIEUR DE ROUEN
Le premier président 6 000
2 présidents 8 000
17 conseillers 34 000
1 procureur général 9 000
2 substituts 2 000
Total 59 000
CONSEIL SUPÉRIEUR DE POITIERS
(Même composition que le Conseil de Lyon.) 64 800
CONSEIL SUPÉRIEUR DE DOUAI
(Même composition que le Conseil de Lyon.) 64 800
CONSEIL SUPÉRIEUR D’ARRAS
(Même composition que le Conseil de Lyon.) 64 800
CONSEIL SUPÉRIEUR DE BLOIS
Le premier président 6 000
2 présidents 8 000
19 conseillers 38 000
1 procureur général 4 000
1 avocat général 2 400
2 substituts 2 000
Total 60 400
CONSEIL SUPÉRIEUR DE CHÂLONS
(Même composition que le Conseil de Lyon.) 64 800
Officiers non compris dans la rentrée du Parlement de Bretagne et qui y étaient entrés en 1771. Il y en a 19 57 000
Officiers entrés dans le Parlement après la démission de 1767, conservés par les lettres patentes de 1769 et qui n’ont pas été conservés en 1774. Il y en a 6 qui font 18 000
Les officiers ci-dessus coûtaient donc au Roi 643 600
Les pensions proposées coûteront 191 000
Il y aura désormais à payer pour 452 600
Il sera juste de rendre à ceux qui ont payé leurs provisions ce qu’ils pourront avoir déboursé pour cet effet.
Deuxième lettre.
Versailles, 6 mai.
(Accusé de réception de la décision conforme du Roi.)
Troisième lettre.
Versailles, 8 juillet.
J’ai examiné l’état que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser, des traitements que vous jugez convenable d’accorder aux officiers du Parlement de Grenoble qui n’ont pas été conservés dans les places qu’ils occupaient depuis 1771. Puisque vous pensez que ces officiers sont dans le même cas que ceux du Parlement de Bretagne et qu’ils doivent être traités de la même manière, je ne puis qu’approuver la fixation que vous avez faite de leurs récompenses ; j’ai l’honneur de vous renvoyer ces états afin que vous puissiez prendre en conséquence les ordres du Roi.
Quatrième lettre.
Fontainebleau, 14 octobre.
Je me propose de faire expédier dans mes bureaux les ordonnances de toutes les pensions accordées aux magistrats, mais pour y parvenir, il serait nécessaire que vous voulussiez bien me fixer les époques à compter desquelles elles doivent partir, si c’est du jour de la suppression des cours, ou de la date des Bons du Roi, et dans ce dernier cas, comme toutes les ampliations que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser ne porteront point de dates, je ne pourrais que suivre celles de vos lettres auxquelles ces ampliations étaient jointes ; je crois devoir aussi vous observer, Mgr, que toutes les pensions étant sujettes à la retenue des dixièmes graduels ordonnée par l’arrêt du Conseil du 29 janvier 1770, dont j’ai l’honneur de vous envoyer un exemplaire, celles des magistrats s’y trouveront pareillement assujetties à moins que vous ne pensiez qu’il convienne de déroger en leur faveur aux dispositions de cet arrêt et alors, il serait à propos que vous eussiez la bonté de prendre les ordres du Roi par un seul Bon qui exempterait des retenues généralement toutes les pensions accordées aux officiers des Parlements et autres cours supprimés. Je vous prie de vouloir bien me marquer vos intentions à cet égard.
Cinquième lettre.
Fontainebleau, 28 octobre.
J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire relativement aux pensions qui ont été accordées aux magistrats.
Vous me marquez qu’il me paraît juste de les faire courir du jour de la suppression et de les exempter des retenues attendu leur modicité.
La modicité de la plupart de ces pensions ne permettant pas, en effet, de les assujettir à aucune retenue, ne penseriez-vous pas, Mgr, que celles qui excèdent 2 000 francs doivent les supporter ?
Quant à l’époque de laquelle elles doivent courir, j’ai l’honneur de vous observer que tous les brevets de ces pensions que M. de Malesherbes a fait expédier portent qu’elles n’auront lieu qu’à compter de la date des Bons du Roi, conformément à la lettre que vous lui avez écrite le 3 août dernier, dont il vient de m’adresser une copie.
Il ne peut y avoir de contradiction entre la date des brevets et celles des ordonnances ; vous voudrez donc bien, Mgr, d’après ces réflexions, prendre les ordres définitifs de S. M. Aussitôt que vous me les aurez communiqués, je ferai des réponses positives à cet égard à tous les magistrats qui me demandent les époques auxquelles ils seront payés de leurs pensions.
Sixième lettre.
Versailles, 18 novembre.
J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire relativement aux retenues que doivent supporter les pensions accordées aux magistrats et aux époques à compter desquelles elles auront lieu.
Je pense ainsi que vous, Mgr, que les circonstances peuvent engager à dispenser de toutes retenues les pensions au-dessous de 2 000 francs. Il se peut aussi que celles au-dessus, jusqu’à 4 000 francs, ne soient pas dans le cas de supporter 3 dixièmes et qu’il soit convenable de n’en exiger qu’un ; mais comme c’est déroger à une loi générale, et peut tirer à conséquence, il faudra que vous vouliez bien prendre le Bon du Roi et m’en envoyer l’ampliation. Afin même d’éviter toute méprise des prétentions sans titre pour la même grâce et des plaintes mal fondées, il serait nécessaire que vous eussiez la bonté de faire mettre la décision de S. M. au pied d’un état qui contiendrait le nom des pensionnaires et le montant des pensions non sujettes à retenues ou à la retenue d’un seul dixième. À l’avenir, vous feriez insérer dans les mémoires sur lesquels interviendrait le Bon du Roi, la dispense ou le montant de la retenue, au moyen de quoi il n’y aurait à craindre aucune erreur lors des expéditions des ordonnances.
Quant aux époques d’où ces pensions doivent courir, puisque vous jugez que ce ne peut être que de la date des brevets qui en ont été délivrés, je donnerai des ordres dans mes bureaux pour que l’on s’y conforme dans l’expédition des ordonnances.
À l’égard des pensions pour lesquelles il n’aura pas été expédié de brevets, on partira de la date des lettres pour lesquelles vous m’avez annoncé la décision du Roi : n’y en ayant point sur les ampliations qui y étaient jointes, je vous prie à l’avenir de vouloir bien les faire mettre aux ampliations.
II. — Remboursement d’offices du Parlement de Normandie supprimés en 1771.
1. Lettre à l’intendant de Caen au sujet de l’imposition pour le remboursement de ces offices.
[A. Calvados, C. 3124.]
Fontainebleau, 26 octobre.
J’ai reçu la lettre que vous m’avez écrite le 12 de ce mois relativement à la portion contributive de votre généralité dans l’imposition pour le remboursement des offices supprimés du Parlement de Normandie.
Le rétablissement des Cours ne doit rien changer à cette imposition pour 1775, ainsi que je l’ai marqué à M. de Fontette.
Elle subsiste dans tout le Royaume et le recouvrement en est même fait dans la plus grande partie des provinces. Il est indispensable que vous vous occupiez du soin de mettre ces objets en règle le plus promptement qu’il vous sera possible. Vous n’y trouverez aucun obstacle de la part du Parlement ; il a senti la nécessité de laisser, pour cette année, subsister les choses sur le même pied que les précédentes, et il a enregistré purement et simplement les lettres patentes qui lui ont été adressées pour ordonner la continuation de cette imposition sur les trois provinces de Normandie. Vous en trouverez ci-joint copie, elles lèvent tous les obstacles que vous redoutez, et je ne doute point que les propriétaires de fonds ne se soumettent sans réclamation à les exécuter[1].
II. — Décisions diverses.
1. Arrêt du Conseil évoquant et renvoyant au Parlement des contestations relatives à l’abbaye de Saint- André-en-Gouffern.
[D. P., VII, 291.]
14 mai.
(Après avoir montré au Parlement de Paris que le Roi ferait respecter son autorité dans toutes les matières importantes au repos et à la subsistance de ses sujets, il était bon de lui manifester aussi que S. M. ne gardait point de trop fort souvenir de la conduite que cette cour s’était permise et ne l’en traiterait pas avec moins de bienveillance dans les autres occasions.
On saisit celle des procès relatifs aux biens de l’abbaye de Saint André-en-Gouffern qui avait été mise en économats, procès qui se trouvaient suspendus pendant la vacance de cette Abbaye, en exécution de la Déclaration du 20 février en 1725. Le 14 mai 1775, un Arrêt du Conseil et des Lettres patentes sur cet arrêt évoquèrent au Conseil ces procès et les renvoyèrent à juger, en vertu de cette évocation, à la Grand-Chambre du Parlement de Paris, défendant à toutes autres cours d’en connaître. — Du Pont.)
2. Arrêt du Conseil cassant une sentence arbitraire du baillage d’Estaing [2]
[D. P., VIII, 69.]
23 septembre.
(Le baillage avait appliqué sans droit une amende de 100 livres au profit de la Charité : l’arrêt du Conseil condamna les juges au paiement de la même somme entre les mains du régisseur pour le Roi des amendes lui appartenant. — Du Pont).
III. — Lettre au procureur général Dudon au sujet d’inculpations contre lui.
[A. L., minute en marge d’une lettre de Dudon du 2 septembre.]
Versailles, 15 septembre.
J’ai reçu, M., les lettres et mémoires que vous m’avez adressés à l’occasion des inculpations qu’on a cherché à vous faire. M. le garde des sceaux auquel vous avez envoyé le même mémoire vous a sans doute répondu. Cet objet regarde particulièrement son ministère, mais vous devez attendre de lui toute la justice que vous méritez. Je serai fort aise d’y contribuer. Je me rappelle avec plaisir la correspondance que nous entretenions lorsque j’étais intendant de Limoges et je vous prie d’être persuadé de la sincérité des sentiments avec lesquels… [3]
————
[1] Rétablissement du Parlement de Pau. — « Ce rétablissement fut arrêté uniquement entre M. le Garde des Sceaux, M. de Malesherbes, et M. le contrôleur général. Les autres ministres ne s’en sont mêlés en rien, et le Roi lui-même s’en rapportant entièrement au zèle des ministres n’a fait que signer l’édit comme une suite du plan général adopté il y a un an…
« Les démissionnaires se regardaient d’abord comme si heureux de rentrer avec les autres qu’ils avaient offert à M. le contrôleur général de payer la finance des charges des autres (nommés membres du Conseil supérieur par Maupeou) parce qu’ils donnaient pour raison d’éluder le rétablissement de ces offices en charges que plusieurs n’étaient pas en état de payer. M. Turgot répondit que c’était une folie. » (Mémoires secrets)
[2] Étain en Barrois.
[3] Les Parlements rétablis ne voulaient pas recevoir les gens du Roi qui avaient exercé devant les parlements provisoires et usaient de procédés inqualifiables pour les empêcher de remplir leurs fonctions. Il en fut ainsi à Grenoble pour le procureur général de Moydieu et à Bordeaux pour le procureur général Dudon. Celui-ci, qui comptait trente-cinq ans de services des plus honorables et avait courageusement aidé Turgot dans ses efforts pour combattre la disette du Limousin en 1770, fut dénoncé sans le moindre fondement comme prévaricateur. Les motifs qu’invoqua le Parlement furent les suivants :
1° Un arrêt de la Chambre des enquêtes du 23 juin 1775 interdit au sénéchal de Bazas d’employer dans ses sentences la qualification « La Cour sénéchale », dont il avait été usé de tout temps ; le lieutenant général de Bazas demanda respectueusement au Président de la Chambre quelle expression devait être employée ; la Chambre prit cette demande en mauvaise part ; Dudon défendit le lieutenant général : celui-ci fut néanmoins assigné par décret pour être ouï. Au lieu d’envoyer le décret par le greffier, Dudon écrivit simplement au lieutenant de se présenter devant la Chambre ; celle-ci inculpa Dudon pour prévarication dans l’exercice du ministère public.
2° En 1774, un procès considérable fut engagé devant le lieutenant criminel de Bordeaux par un nommé Arditley, contre deux fermiers, Montardier et Pouard ; ils furent décrétés de prise de corps et emprisonnés. Pouard obtint expédition de son interrogatoire et le fit signifier ; Montardier ne put l’obtenir du greffier ; il s’adressa à Dudon qui donna ordre de le délivrer. Le procureur général fut accusé de prévarication pour ce second motif.
3° Sur la demande du Procureur général d’Aix, Dudon fit arrêter un individu accusé de vol et une jeune fille que cet individu avait enlevée. L’argent volé fut restitué. Le procureur général d’Aix fut d’avis de libérer les prisonniers, ce qui fut fait. Mais le greffier de l’hôtel de ville de Bordeaux s’opposa à ce que les effets fussent retirés, sous prétexte d’opposition. Dudon, saisi de la question, donna tort au greffier ; il fut encore accusé de prévarication.
Dudon fut dénoncé successivement à la 1ère Chambre, puis au Parlement assemblé.
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