Oeuvres de Turgot – 168 – Questions diverses

1774

168. — QUESTIONS DIVERSES[1]

I. Hospice à l’école de chirurgie à Paris.

Édit portant Établissement de l’hospice. 

[Recueil des édits, 1774, 2e sem. — D. P. VII, 98. — D. D., II, 469.]

(Registré au Parlement le 7 janvier 1775.)

Versailles, 26 décembre.

Le Roi, notre très honoré seigneur et aïeul, persuadé que les arts utiles à la société contribuent à l’avantage ainsi qu’à l’ornement des États, n’a cessé, pendant le cours de son règne, de donner des marques de sa protection à tous les établissements qui pouvaient en favoriser les progrès ; c’est ce qu’il a surtout accompli et exécuté par rapport à la chirurgie, qui lui a paru mériter d’autant plus d’attention qu’elle tient un rang important entre les arts nécessaires à la conservation de l’humanité, et qu’il en avait lui-même reconnu l’utilité dans les différentes guerres qu’il avait eu à soutenir, dans lesquelles les chirurgiens avaient conservé à l’État un grand nombre d’officiers et de soldats qui seraient demeurés victimes de leur bravoure sans les secours de cet art salutaire. C’est par cette considération qu’après avoir établi, par son Édit du mois de septembre 1724, cinq places de professeurs au collège de chirurgie de Paris pour y enseigner gratuitement les différentes parties de cet art salutaire ; qu’après avoir, par ses Lettres-patentes du 8 juillet 1748, confirmé l’établissement de l’Académie royale par celles du mois de mai 1768, réglé la police et la discipline des écoles de chirurgie, il aurait assuré aux chirurgiens le rang honorable et distingué qu’ils devaient occuper dans la classe des citoyens ; enfin, après avoir étendu aux chirurgiens des provinces une partie des mêmes avantages, et pourvu, par différents règlements que sa sagesse lui a dictés, à tout ce qui pourrait contribuer à la perfection des études et des exercices capables de former les meilleurs sujets dans cette partie essentiel de l’art de guérir, le Roi notre aïeul, ne voulant rien laisser à désirer pour la perfection des divers établissements qu’il avait ordonnés en faveur de la chirurgie et des chirurgiens, s’était aussi déterminé à transférer le chef-lieu des écoles et de l’Académie royale de chirurgie de Paris dans un lieu plus spacieux[2], où les maîtres et les étudiants pussent suivre avec plus d’ordre et de tranquillité les différents exercices qui y ont été établis. Cet édifice, commencé sous son règne, nous a paru d’une utilité si sensible pour le bien de nos sujets, que non seulement nous nous sommes empressé d’en ordonner la continuation dès notre avènement au trône, mais que nous avons voulu même en poser la première pierre, qui deviendra le premier monument et un témoignage toujours subsistant de l’engagement que nous avons pris, et que nous renouvellerons toujours avec satisfaction, de concourir en tout ce qui dépendra de nous au soulagement de l’humanité… Et pour contribuer de notre part à rendre cet établissement plus parfait en joignant la pratique à la théorie, nous avons jugé à propos d’y fonder, avec un nouveau professeur de chimie chirurgicale, un hospice de quelques lits destinés à recevoir différents malades indigents, attaqués de maladies chirurgicales extraordinaires, qui ne pourraient se procurer ailleurs les secours de l’art aussi utilement que dans le centre de la chirurgie, et à portée d’être chaque jour aidés des lumières et de l’expérience des professeurs et autres grands maîtres qui s’y rendent pour leurs différents exercices…

Art. Ier. Nous avons fondé, établi et érigé ; fondons, établissons et érigeons dans les nouvelles écoles de chirurgie de Paris un hospice de six lits, dans lequel seront reçus autant de malades indigents de l’un ou de l’autre sexe, attaqués de maladies chirurgicales graves et extraordinaires, dont le traitement long et dispendieux ne pourrait être suivi dans les hôpitaux. Défendons, sous quelque prétexte que ce puisse être, d’y recevoir et admettre aucuns malades attaqués de maladies ordinaires, et dont le traitement est suffisamment connu.

II. Seront lesdits malades reçus audit hospice sur l’avis de notre premier chirurgien, par délibération du bureau d’administration du Collège et Académie royale de chirurgie, établi par Lettres-patentes du 24 novembre 1769, auquel bureau nous attribuons toute connaissance des comptes, revenus, dépenses, régie et administration dudit hospice, sous l’inspection de notre premier chirurgien.

III. Les malades seront visités par les professeurs et les autres maîtres en chirurgie, qui, après avoir consulté sur l’état des malades, nommeront ceux d’entre eux qu’ils jugeront à propos pour faire en leur présence les opérations et pansements nécessaires, et en suivre spécialement le traitement.

IV. Et pour que lesdits malades trouvent dans le même lieu tous les secours nécessaires à leur guérison, nous avons établi et, par ces mêmes présentes, établissons l’un des maîtres en chirurgie de Paris, qui nous sera présenté à cet effet par notredit premier chirurgien, pour, en qualité de professeur, démonstrateur de chimie chirurgicale, tenir et avoir dans le lieu à ce destiné les médicaments tant simples que composés, et iceux délivrer pour le service desdits malades, lorsqu’il en sera requis sur un billet signé du trésorier. Ledit professeur sera en outre chargé de faire un cours de chimie chirurgicale aux élèves et étudiants dans l’amphithéâtre, aux jours et heures qui seront fixés par notredit premier chirurgien.

V. Nous avons attribué et, par ces présentes, attribuons une somme de 7 000 livres, tant pour le service des six lits établis par l’art. Ier, à raison de 1 000 livres par chacun, que pour les appointements du professeur établi par l’article précédent, laquelle somme de 7 000 livres sera payable par chaque année, sans aucune retenue, par les receveurs de nos domaines de la généralité de Paris, sur les simples quittances du trésorier de ladite administration ; de laquelle recette, ainsi que de la dépense à laquelle elle est destinée, il rendra chaque année un compte distinct et séparé, à notredit premier chirurgien et à ladite administration, dans la forme ordinaire.

VI. La dépense dudit hospice sera toujours proportionnée avec la recette, et celle-ci complètement employée sans aucune distraction au service desdits malades ; en sorte que, le cas arrivant où le nombre complet des malades et les frais extraordinaires qu’ils occasionneraient, engageraient dans des dépenses plus fortes que la recette, il ne serait reçu desdits malades que jusqu’à la concurrence des sommes dont l’administration aurait à disposer : comme aussi, s’il arrivait que la diminution dans le nombre des malades laissât lieu à quelque excédent dans la recette, ce qui en resterait serait réservé à subvenir dans d’autres circonstances à l’excédent des dépenses, lesquelles nous entendons être administrées et régies par lesdits administrateurs, avec la même économie et la même attention que de bons pères de famille doivent apporter à l’administration domestique ; nous reposant sur eux du meilleur emploi de ladite fondation, suivant les vues d’humanité qui nous ont déterminé à l’établir, sans que sous aucun prétexte les fonds que nous y destinons puissent être divertis ou employés à un autre usage.

II. Privilège de la Gazette du Commerce.

Lettre à de Cromot pour le rachat du privilège de ce journal.

[A. N., F12, 151. — Foncin, 583.]

13 décembre.

J’ai reçu, M., la lettre que vous m’avez écrite le 13 du mois passé. J’ai eu effectivement des vues de réunion de la Gazette[3] dont M. de Mesnard et vous avez le privilège. Je sais que vous avez fait des arrangements pour son exécution avec le Bureau de correspondance ; mais je crois qu’il serait plus utile au public que ces ouvrages périodiques fussent libres ; pour cela il faudrait que votre privilège fût rapporté, sauf à prendre des mesures pour vous rembourser des sommes légitimement payées. Je n’ai pris encore aucun parti définitif sur cet objet. J’écouterai volontiers les propositions que vous vous proposez de me faire à ce sujet.

III. Le Dictionnaire du Commerce de l’abbé Morellet.

(On lit dans les Mémoires de Morellet (I, 173) que le travail, qui lui avait été commandé par le Contrôleur général d’Invau pour montrer les inconvénients du privilège de la Compagnie des Indes ne lui avait valu aucune récompense du gouvernement. « Le ministre, dit-il, sortit de place avant d’accomplir sa promesse, mais cinq ans après, à l’arrivée de M. Turgot au ministère, une gratification perpétuelle de 2 000 livres sur la Caisse du commerce me fut décernée par un Arrêt du Conseil pour « différents ouvrages et mémoires publiés sur les matières de l’administration ». Ce sont les termes de l’Arrêt, je les rapporte pour faire observer que M. Turgot paya ainsi la dette de M. d’Invau, ou plutôt du gouvernement. »)

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[1] On trouve dans les Archives de la Marne, (Neymarck, II, 385), une Lettre du 23 novembre à l’Intendant de Champagne sur la forme de la correspondance avec le Contrôle général. Elle recommande de ne pas comprendre dans la même lettre des objets de différente nature, d’écrire à mi-marge et de mettre à mi-marge un extrait de la lettre à laquelle on répond.

Du Pont (Mém. VII, 104) cite aussi des lettres patentes de décembre confirmant les privilèges des habitants du Comtat et de la ville d’Avignon.

[2] Dès le commencement de son ministère, Turgot avait engagé le Roi à fonder dans ces écoles un hospice de six lits pour les maladies chirurgicales (Du Pont, Mém., 329). C’était une satisfaction donnée, conformément au désir de Quesnay, aux chirurgiens qui échappaient ainsi à la domination des docteurs de la Faculté. Le bâtiment est occupé maintenant par cette Faculté.

[3] La Gazette du Commerce avait toujours été hostile à la liberté du commerce des grains et aux économistes.

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