1774
164. — L’ÉPIZOOTIE
I. Lettre à l’intendant de Bordeaux (Esmangard) sur l’épizootie[1].
(Les mesures à prendre relèvent de l’administration et non des cours.)
[A. N., F12, 151. — Foncin, 578.]
6 octobre.
M., j’ai reçu la lettre que vous m’avez écrite le 17 du mois dernier, par laquelle vous m’apprenez que la maladie des bestiaux qui règne dans la généralité de Bayonne a pénétré dans celle de Bordeaux, malgré toutes les mesures que vous avez mises en usage, pour la prévenir. J’approuve que vous ayez fait publier l’Arrêt du Conseil concernant les précautions à prendre pour empêcher la communication, mais vous n’auriez pas dû engager le Parlement à rendre un arrêt. Les ordres à donner en pareilles circonstances étant de pure administration, doivent émaner de l’autorité du Roi[2] et ne peuvent regarder les Cours, uniquement destinées à rendre la justice, en exécution des lois que S. M. leur a fait connaître. Je vous prie de continuer à prendre les mesures que vous croirez les plus capables d’arrêter les progrès de cette maladie et à m’informer de tout ce que vous aurez fait et du succès des remèdes qui auront été administrés[3].
2. Circulaire aux Intendants des généralités où l’épizootie s’est manifestée: Auch, Bordeaux, Orléans.
(Demande de renseignements.)
12 octobre.
J’ai reçu, dans leur temps, les différentes lettres que vous m’avez écrites au sujet de la maladie de bestiaux qui s’est déclarée dans différents lieux de votre généralité. Je désire être informé plus exactement des progrès de cette maladie, des différentes mesures prises dans les lieux où elle s’est manifestée, pour guérir les bestiaux malades et préserver ceux qui n’ont point encore été attaqués. Le moyen qui me paraît le plus simple et en même temps le plus exact pour me donner connaissance de l’état des choses à cet égard est de m’adresser une carte de votre généralité sur laquelle vous ferez marquer d’une manière bien distincte les villes, bourgs, villages où la maladie s’est déclarée et vous voudrez bien m’informer à chaque courrier du changement qui sera survenu dans l’état des choses et de tout ce qui pourra avoir rapport à ce malheur. Je serai par là plus à portée de juger de la nature du soulagement que le Roi devra accorder, et des précautions qu’il peut être nécessaire de prendre pour arrêter les progrès d’un mal aussi fâcheux.
3. Lettre à l’Intendant de Bayonne (d’Ayne.)
(Arrestation d’un contrevenant aux ordonnances.)
25 octobre.
Je vous envoie, M., deux requêtes du sieur Lafitte, négociant au bourg du Saint-Esprit, près de la ville de Bayonne, qui demande à être reçu appelant d’une ordonnance que vous avez rendue le 30 septembre, en vertu de laquelle il a été constitué prisonnier, sous prétexte qu’il a été trouvé en contravention à l’Arrêt du Conseil du 31 janvier 1771 concernant les précautions à prendre contre la maladie des bestiaux. Par la seconde requête, il conclut à ce qu’il soit ordonné qu’il sera mis en liberté aux offres de se représenter toutes les fois qu’il en sera requis et de donner, à cet effet, bonne et justifiante caution. Je vois avec peine que vous vous soyez cru obligé de prendre ces voies de rigueur, surtout contre un négociant connu, tel que le sieur Lafitte. Je vous prie de le faire mettre en liberté, à moins que vous n’y voyiez un très grand inconvénient et de faire tout ce qui sera possible pour que cet événement ne nuise pas à son crédit.
4. Lettre au secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences[4].
(Constitution d’une commission de l’épizootie.)
[A. N., F12 151. — Henry, 208. — Foncin, 579.]
Compiègne, 18 novembre.
Je vous prie, M., de vouloir bien prévenir (l’Académie), qu’il y a déjà longtemps qu’il règne une maladie épidémique sur les bestiaux dans le pays de Labour et une partie de la Navarre, qui a même pénétré dans quelques paroisses de la Guyenne ; cette maladie a jusqu’à présent résisté à toutes les mesures qui ont été employées pour en arrêter le cours. Je crois qu’un objet aussi intéressant mérite l’attention particulière de l’Académie. En conséquence, je la prie de vouloir bien le plus promptement qu’il sera possible désigner un nombre de commissaires proportionné à l’importance de l’objet pour s’occuper des moyens les plus propres à faire cesser ce fléau. Je désire que MM. de Malesherbes, Trudaine de Montigny, Duhamel, Tenon[5] et vous, soyez du nombre des commissaires. L’Académie voudra bien y joindre ceux de ses membres qu’elle jugera les plus propres à remplir sur cet objet les intentions du Roi. Il est à désirer qu’au moins deux de MM. les Commissaires puissent se transporter sur les lieux pour observer par eux-mêmes l’état des choses, et en rendre compte à ceux de leurs confrères qui resteront à Paris. M. Trudaine remettra à MM. les Commissaires toutes les pièces qui seront nécessaires et tous les comptes qui me seront rendus. Je voudrais fort que l’Académie procédât sans délai à cette nomination[6].
5. Lettres aux Intendants d’Auch (Journet) et de Bayonne (d’Ayne).
(Inexécution des ordonnances relatives à l’épizootie et de la mission de Vicq-d’Azir.)
6 novembre.
Je reçois, MM., une lettre de M. Bourgelat, directeur général de l’École vétérinaire[7], qui m’envoie une copie de celle que le Sr Guiot, élève, lui a écrite, par laquelle il lui mande le peu d’exactitude qu’on a employée dans l’exécution des ordonnances que vous avez rendues à l’occasion de la maladie épizootique. Il lui observe qu’on contrevient journellement aux dispositions de l’Arrêt du Conseil du 31 janvier 1771 et que la communication du mal ne fait que s’accroître. Je vous avoue que je suis bien étonné d’une pareille conduite de la part des propriétaires de bestiaux, dans une circonstance aussi triste où l’on devrait mettre tout en usage pour couper court à ce fléau. Si l’on ne prend des mesures très promptes pour remédier aux différents abus qui se commettent à ce sujet, il est à craindre que le mal ne pénètre dans les lieux de votre généralité qui n’ont point encore été attaqués et qu’il ne se répande ensuite dans les provinces voisines, et peut-être plus loin. Je vous prie donc de redoubler vos soins pour un objet qui mérite autant d’attention, de donner tous les ordres que vous croirez nécessaires pour parer aux abus, et de veiller à ce qu’ils soient exécutés avec toute la célérité que la circonstance exige. J’écris à M. le Comte de Fumel, commandant en Guyenne, pour l’engager à contribuer en tout ce qui pourra dépendre de lui au succès des mesures que vous croirez devoir prendre à ce sujet, en faisant faire des cordons de troupes dans tous les endroits où il sera jugé convenable d’en placer pour empêcher la communication dans les provinces voisines.
Je dois aussi vous observer que j’ai pris les ordres du Roi pour envoyer d’abord en Guyenne et ensuite dans les provinces voisines M. Vicq-d’Azir, membre de l’Académie des Sciences et professeur en médecine à Paris. Il est chargé de faire des recherches sur la cause et sur le véhicule de la contagion et sur les moyens de la détruire ou d’en ralentir les progrès, conformément à une instruction que je lui ai fait remettre et dont il vous donnera communication. Il est parti le 2 de ce mois. Vous voudrez bien, lorsqu’il sera auprès de vous, lui faire donner les secours et assistance dont il aura besoin pour remplir l’objet de sa mission, le faire aider par ceux des élèves de l’école vétérinaire qui sont employés dans votre généralité et, de plus, lui faire fournir les manœuvres ou les gardes qui lui seraient nécessaires. Vous voudrez bien aussi pourvoir aux dépenses que ces différents objets pourront occasionner après qu’elles auront été concertées avec vous.
6. Lettre à Bourgelat, directeur de l’École vétérinaire.
(Infractions à ses avis)[8].
[A. N., F12 151.]
6 novembre.
J’ai reçu, M., votre lettre du 29 du mois dernier avec les copies qui y étaient jointes de celle que le Sr Guiot vous a écrite, et de celle qu’il a écrite au Sr Chabert à l’occasion de la maladie épizootique. M. Trudaine m’a aussi fait voir les instructions que vous lui avez envoyées sur cet objet important. Je ne puis qu’applaudir aux bonnes vues qui vous animent et aux soins que vous vous êtes donnés jusqu’à présent pour couper court à ce fléau, mais je suis fort surpris du peu d’exactitude qu’on a employé dans l’exécution des ordonnances d’intendants rendues d’après votre avis. Je vais écrire très fortement à ces intendants ainsi qu’à M. le Comte de Fumel. Au surplus, recevez, je vous prie, mes remerciements de tous les renseignements que vous avez bien voulu me donner à ce sujet. Ils contribueront beaucoup à éclairer M. de Vicq sur les divers objets de la mission dont je l’ai chargé.
7. Lettre à l’Intendant de Bordeaux[9].
(Mission de Vicq-d’Azir.)
[A. N., F12 151. — Foncin, 579.]
29 novembre.
Sur le compte qui a été rendu, M., tant par vous que par M. le Comte de Fumel, des progrès rapides de la maladie épizootique qui règne dans votre généralité[10] et de l’insuffisance des remèdes qui ont été tentés jusqu’à présent, soit par les élèves de l’école vétérinaire, soit par les médecins du pays, j’ai pris les ordres du Roi pour envoyer d’abord en Guyenne, ensuite dans les provinces voisines M. Vicq-d’Azir, membre de l’Académie des Sciences et professeur en médecine à Paris. Il est chargé de faire des recherches sur la cause et sur le véhicule de la contagion, sur les moyens de la détruire et d’en ralentir les progrès conformément à une instruction que je lui ai fait remettre et dont il vous donnera communication.
Le mal est tel qu’il paraît superflu de tenter de nouveaux remèdes pour sauver quelques individus en laissant infecter et périr le reste de l’espèce les symptômes, le cours de la maladie et ses ravages dans l’intérieur des animaux attaqués paraissent suffisamment observés et décrits par les artistes vétérinaires. L’objet principal aujourd’hui et celui qui doit surtout occuper M. d’Azyr est de reconnaître, par tous les moyens qu’on peut tirer de la physique et de la chimie, s’il est possible de corriger et de purifier l’air putride qui porte à la contagion d’un lieu dans un autre, d’examiner et d’analyser avec tout le soin possible le véhicule de la contagion, pour étudier les moyens de le débarrasser des parties putrides et contagieuses. En conséquence, il est autorisé à sacrifier des animaux sains pour découvrir les causes de la communication, à faire les expériences et les dépenses qu’il jugera nécessaires pour y parvenir. Vous voudrez bien, M., lui faire donner les secours et assistance dont il aura besoin pour remplir l’objet de sa mission, le faire aider par ceux des élèves de l’École vétérinaire qui sont employés dans votre généralité et de plus lui faire fournir les manœuvres ou les gardes qui lui seraient nécessaires. Vous voudrez bien pourvoir aussi aux dépenses que ces mesures pourront occasionner après qu’elles auront été concertées avec vous. M. de Vicq doit partir pour Bordeaux le 2 décembre. Il serait à propos qu’il pût conférer à son arrivée avec les élèves des Écoles vétérinaires pour éviter des pertes de temps[11].
8. Lettre aux Intendants du Languedoc et de Mautauban[12].
(Abatage des dix premières bêtes dans les paroisses où se montre l’épizootie.)
Décembre.
Il est très instant, M., et très pressant de couper toute communication entre les paroisses de votre généralité où le bétail est infecté et de l’empêcher d’aller où il est encore sain. On travaille inutilement depuis 8 mois à guérir les bêtes malades. Partout où la contagion pénètre, tout est détruit ; il paraît que les secours de l’art sont épuisés tant de la part des artistes vétérinaires que des médecins qui s’en sont occupé. Tous s’accordent à regarder cette maladie comme une fièvre putride, inflammatoire et pestilentielle, qu’il n’est pas possible de guérir, et qui se répand très rapidement par la seule communication des bestiaux. Il ne reste plus qu’un parti à prendre. Il est violent, mais nécessaire, c’est de faire tuer, dans chaque village où la contagion commencera à se manifester, les premières bêtes qui en seront attaquées pour qu’elles n’infectent pas le reste de la province et peut-être, de proche en proche, tout le bétail du Royaume. Ce sacrifice peut seul, quant à présent, arrêter le progrès de la contagion, comme on l’a éprouvé avec succès dans la Flandre autrichienne ces dernières années. En faisant tuer 128 bêtes dans la châtellerie de Courtray, on en a conservé plus de 25 000, suivant les informations qui ont été prises par les directeurs des écoles vétérinaires. Ces considérations m’ont déterminé à prendre les ordres du Roi pour vous autoriser à faire tuer et enterrer aussitôt avec leurs cuirs, les 8 ou 10 premières bêtes qui seront malades dans chaque village, après que les symptômes de la maladie auront été constatés par les procès-verbaux des maréchaux que vous aurez commis pour les visiter, le Roi se réservant d’indemniser les propriétaires des bêtes sacrifiées en leur accordant, même dès à présent, si vous le jugez nécessaire, le quart ou le tiers de leur valeur, suivant l’estimation que vous en ferez faire et les états que vous m’enverrez. Vous voudrez bien me faire part des mesures que vous aurez prises à ce sujet et faire en sorte que cet ordre soit exactement exécuté sans délai. Vous pouvez y employer la maréchaussée[13].
9. Lettre à l’Intendant de Bayonne (D’Ayne) transmettant un Arrêt du Conseil qui a cassé des Arrêts du Conseil supérieur de Pau.
13 décembre.
J’ai rendu compte au Roi, M., des différents arrêts du Parlement de Pau qui concernent la maladie des bestiaux, et dont vous m’avez informé successivement. S. M. ayant reconnu, ainsi que vous l’avez observé, qu’ils contrarieraient les dispositions des ordonnances que vous et M. Journet avez fait publier sur cet objet, il a été rendu un Arrêt du Conseil qui casse et annule ceux de ce parlement et ordonne l’exécution de celui du Conseil du 31 janvier 1771. J’ai envoyé l’expédition en parchemins à M. Journet en le priant de le rendre public et de tenir la main à son exécution et de continuer à prendre les mesures qu’il croira les plus propres à arrêter les progrès de ce fléau. Comme il est bon que vous ayez connaissance de cet arrêt, j’en joins ici la copie.
10. Arrêt du Conseil renouvelant les prescriptions antérieures.
(Abatage pour les dix premières bêtes malades.)
[Recueil des Édits, 1774, 2e sem. — D. P., VII, 83. — D. D., II, 477.]
18 décembre.
Le Roi s’étant fait rendre compte de l’état et des progrès de la maladie contagieuse qui s’est répandue depuis plus de huit mois sur les bêtes à cornes dans les généralités de Bayonne, d’Auch et de Bordeaux, et qui commence à se communiquer dans celles de Montauban et de Montpellier ; informé, par les commandants et intendants desdites provinces, que la maladie se répand de plus en plus par la communication des bestiaux ; qu’elle n’a épargné qu’un très petit nombre d’animaux dans les villages où elle a pénétré ; que tous les remèdes qui ont été tentés pour en arrêter le progrès, soit par les médecins du pays, soit par les élèves des écoles vétérinaires que S. M. a fait passer dans les dites provinces pour les secourir, n’ont eu jusqu’à présent que peu de succès et qu’ils laissent peu d’espérance de pouvoir guérir les animaux affectés de cette contagion, qui s’annonce avec les caractères d’une maladie putride, inflammatoire et pestilentielle ; qu’il est important et pressant de recourir aux moyens les plus efficaces pour empêcher que ce fléau, en continuant de s’étendre de proche en proche, ne se répande en peu de temps dans d’autres provinces du Royaume ; que, dans les États étrangers limitrophes qui ont été infectés de la même maladie pendant les années précédentes, on n’est parvenu à conserver la plus grande partie du bétail qu’en sacrifiant un petit nombre d’animaux malades dès qu’ils ont eu les premiers symptômes de cette maladie ; que ce parti, tout rigoureux qu’il est, est cependant le seul qui reste à prendre pour prévenir les progrès d’une contagion ruineuse pour les propriétaires des bestiaux, et destructive de l’agriculture dans les provinces exposées à ses ravages.
Dans ces circonstances, … le Roi … en renouvelant les ordres les plus précis pour faire exécuter exactement, dans toutes les provinces infectées et dans celles qui sont limitrophes, l’Arrêt du Conseil du 31 janvier 1771, a ordonné et ordonne ce qui suit :
Art. Ier. Toutes les villes et les bourgs et villages voisins de ceux où la contagion est présentement établie seront visités par les artistes vétérinaires, les maréchaux ou autres experts qui auront été pour ce commis par les intendants desdites provinces, à l’effet de reconnaître et de constater l’état de santé ou de maladie de toutes les bêtes à cornes dans lesdites villes et les villages et bourgs.
II. Dans le cas où quelques animaux se trouveraient attaqués de la maladie contagieuse annoncée par des symptômes non équivoques, il en sera dressé procès-verbal par lesdits artistes, maréchaux ou experts, en présence du syndic de la communauté dans lesdits villages, et en celle des officiers municipaux dans les villes ou dans leurs faubourgs ; et il sera constaté en même temps, par ledit procès-verbal ou par un acte de notoriété y joint, qu’aucun animal dans ladite ville, ou ledit bourg ou village, n’est mort précédemment de la contagion.
III. Aussitôt après la confection desdits procès-verbaux, lesdites bêtes malades seront tuées et enterrées avec leurs cuirs, jusqu’à concurrence des dix premières seulement, à la diligence desdits syndics et officiers municipaux, dans chaque ville, bourg ou village où ladite contagion commencera à se déclarer.
IV. Les Srs intendants et commissaires départis dans les provinces feront payer à chaque propriétaire le tiers de la valeur qu’auraient eue les animaux qui auront été sacrifiés, s’ils eussent été sains ; et ce, sur l’estimation qui en sera faite par lesdits artistes, maréchaux et experts, à la suite de leursdits procès-verbaux, laquelle indemnité sera imputée sur les fonds à ce destinés par S. M.
V. Les dits Srs intendants enverront à la fin de chaque mois au Sr Contrôleur général des finances l’état des villes, bourgs et villages où la maladie aura pénétré, ensemble l’état du nombre et qualité des bêtes malades qui auront été tuées dans lesdits lieux de leur généralité, et des sommes qui leur auront été payées en indemnité, à raison du tiers de la valeur de chaque animal, ainsi que des autres dépenses nécessaires pour l’exécution de présent arrêt.
VI. Fait S. M. très expresses inhibitions à tous propriétaires de bestiaux de cacher ou recéler aucune bête saine ou malade lors des visites qui seront faites en exécution du présent arrêt, à peine de 500 livres d’amende payable par corps et sans pouvoir être modérée.
VII. Enjoint S. M. aux lieutenants et officiers de police dans les villes, et aux Srs intendants et commissaires départis, de tenir la main à l’exécution du présent arrêt, qui sera publié et affiché partout où besoin sera ; et de rendre à cet effet toutes les ordonnances nécessaires, lesquelles seront exécutées nonobstant oppositions ou appellations quelconques. S. M. se réservant d’en connaître en son Conseil et seront tenus les officiers et cavaliers de la maréchaussée d’exécuter les ordres qui leur seront adressés par lesdits Srs intendants, pour assurer l’exécution du présent arrêt.
11. Circulaire aux Intendants de Bordeaux, Montauban, La Rochelle, Auch, Pau, Languedoc, pour prescrire l’abatage des bêtes malades.
[A. N., F12 151. — Foncin, 582.]
20 décembre.
Sur l’avis qui m’a été donné, M., par M. le Comte de Fumel, que ni le changement de saison, ni le grand froid n’ont retardé les progrès de la contagion dans les environs de Bordeaux et autres parties de votre généralité, je me suis déterminé à prendre les ordres du Roi pour vous autoriser à faire tuer dans les villages où la maladie commencera à se manifester les huit ou dix premières bêtes malades, en payant aux propriétaires le tiers de la valeur de chaque bête qui sera sacrifiée. Ce parti, quoique très onéreux, tant pour les particuliers que pour le Roi, devient indispensablement nécessaire, vu l’inutilité des remèdes qui ont été essayés sans aucun succès depuis plus de huit mois. En sacrifiant un petit nombre d’animaux dès que les premiers symptômes de la maladie seront constatés par les procès-verbaux des maréchaux que vous aurez commis ou des élèves de l’École vétérinaire, on pourra peut-être conserver le reste du bétail de chaque village, comme on l’a fait avec succès dans la Flandre autrichienne. Vous voudrez bien faire tenir des états exacts des bêtes qui ont été tuées. Je pense que le dédommagement qu’il conviendra d’accorder aux propriétaires des bestiaux que l’on aura fait tuer pourra être pris sur les fonds libres de la capitation et, s’ils ne sont pas suffisants, vous voudrez bien m’indiquer les moyens d’y pourvoir. Je vous prie de faire exécuter promptement vos ordres, ainsi que ceux qui ont été donnés pour interrompre toute communication des bestiaux avec ceux qui sont attaqués[14].
12. Lettres à l’Intendant du Languedoc (Saint-Priest) l’engageant à prendre conseil des circonstances pour les mesures de défense contre le fléau[15].
[A. N., F12 151.]
28 décembre.
Votre lettre du 21 de ce mois, M., ne fait que me confirmer les avis que je reçois de tous les côtés de la rapidité avec laquelle la maladie des bestiaux se répand sur les confins du Languedoc. M. l’archevêque de Narbonne[16] me mande le zèle des États de cette province pour faire les dépenses nécessaires pour arrêter autant qu’il sera possible les progrès du mal. Je ne puis dans une aussi cruelle circonstance et dans un moment aussi pressant, que vous autoriser, en exécutant les ordres du Roi dont je vous ai déjà prévenu, à prendre conseil des circonstances et à prendre toutes les mesures que votre prudence pourra vous suggérer après en avoir conféré avec M. le comte de Périgord, et MM. les archevêques de Narbonne et de Toulouse[17] et autres personnes des États que vous jugerez à propos de consulter. Je pense qu’en effet on ne peut prendre des mesures trop promptes et trop sûres pour couper le mal dans sa racine. Vous voudrez bien m’informer des ordres que vous aurez jugé à propos de donner et je proposerai au Roi de les autoriser.
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[1] La maladie était probablement venue d’Espagne par le pays basque. Déjà, elle s’était montrée dans le sud-ouest en 1771, et aussi en mai et juin 1774 (Paulet, Recherches historiques sur les maladies épizootiques, 2 in-8°, 1783) mais sans sortir des généralités de Pau et de Bayonne. Le 23 août, l’Intendant d’Auch annonça à l’Intendant de Bordeaux que la maladie s’était introduite dans sa généralité par des bœufs achetés à Saint-Justin, qu’il avait pris une ordonnance rendant exécutoire l’Arrêt du 31 Janvier 1771 et qu’il avait demandé à Bertin un élève de l’école vétérinaire.
L’Intendant de Bordeaux avait adressé aussi un rapport à Bertin. La maladie avait pénétré dans le Condomois par deux endroits à la fois ; la mortalité était considérable aux environs de Saint-Émilion. L’Intendant avait envoyé à ses subdélégués deux élèves de l’école vétérinaire, fait rendre un arrêt par le Parlement de Bordeaux et chargé la maréchaussée d’en surveiller l’exécution. (Foncin, 135).
[2] Les Parlements n’étaient pas encore rétablis.
[3] On trouve aux Archives nationales (F12, 151, 152) les lettres ci-après :
8 septembre. — Lettre à l’Intendant d’Auch : approbation des mesures déjà prises.
30 septembre et 25 octobre. — Lettres à l’Intendant d’Orléans : épizootie dans l’élection de Romorantin ; elle n’eut pas de suites.
2 novembre. — Lettre au Ministre de la guerre : demande d’envoi de chevaux de réforme dans la Guyenne.
12 novembre. — Lettre à l’Intendant de Bordeaux : invitation d’avoir à redoubler de zèle. Esmangard avait proposé à Bertin le 5 novembre l’abatage de toutes les bêtes malades comme le seul remède efficace, sauf à donner des secours aux propriétaires malheureux. Les jurats de Bordeaux avaient, de leur côté, chargé un médecin, syndic de leur ville, Doazan, d’étudier la nature de la maladie.
Lettre à l’Intendant de Bayonne : abatage des bêtes malades.
Lettre aux Syndics généraux du Béarn et au duc de La Vrillière : exemption de droits de douane pour les chevaux entrant dans le Béarn ; les fermiers généraux consentaient à l’exemption.
12, 18 et 20 novembre. — Lettres à l’Intendant d’Auch : remerciements pour renseignements fournis.
22 novembre. — Lettres aux Intendants du Languedoc et de Montauban, d’Orléans : approbation de mesures prises.
Lettre à l’intendant de Flandre et Artois : invitation à prendre des mesures de défense.
29 novembre. — Lettres au colonel, comte de Fumel et au Ministre de la guerre, au sujet de l’établissement d’un cordon de troupes. Lettre au Garde des Sceaux au sujet d’une défense faite par le Parlement de Bordeaux de signifier un arrêt du Conseil. (On lui demande communication de la réponse qu’il a dû faire à ce Parlement.)
La maladie, après avoir désolé le pays de Labour et toute la généralité d’Auch, continua à ravager le Condomois, les environs de Nérac, de Libourne et de Bordeaux, l’Agenois, Dommerie près Valence, bien qu’on eut suivi les instructions du médecin Doazan. Les élèves de l’École vétérinaire convenaient de leur impuissance. Les terres, en certains endroits, allaient rester en friche faute de bétail. D’accord avec l’Intendant Esmangard, le comte de Fumel établit des sentinelles pour cerner les pays infectés.
[4] Condorcet remplaçant Grandjean de Fouchy comme secrétaire perpétuel.
[5] Chirurgien ; dans l’édition Henry, on a imprimé « Lenoir ».
[6] L’Académie désigna Vicq d’Azir.
[7] D’Alfort.
[8] Le même jour, des instructions furent adressées au comte de Fumel et aux intendants Journet et D’Aine.
[9] Autres lettres contenues dans le registre des Archives nationales :
29 novembre. — Lettre à Bertin lui demandant des lettres de recommandation pour Vicq d’Azir. Des lettres de ce genre avaient déjà été données par Turgot.
6 décembre. — Lettres aux Intendants de Montauban et du Languedoc, sur la marche de l’épizootie. (La maladie a pénétré dans le diocèse de Comminges. La lettre prescrit une entente avec le comte de Périgord pour l’établissement d’un cordon de troupes).
Lettre à Courrejols, négociant à Bayonne, au sujet du remboursement de droits sur des mulets qu’il a fait venir de Niort pour les besoins des cultivateurs. (On lui rembourse les droits).
13 décembre. — Lettre à Desangles, prévôt général de la maréchaussée de Montauban, au sujet de l’établissement d’un poste de cavalerie à Saint-Paul-d’Espis.
Lettre au Ministre de la guerre au sujet de l’envoi de chevaux dans les provinces ravagées.
À la même époque, le Parlement de Toulouse rendit un arrêt sur l’épizootie (12 novembre) et l’archevêque de Toulouse fit un mandement (25 novembre) [A. N., K. 906].
[10] La maladie désolait la province. Le 26 novembre, Esmangard avait demandé un dégrèvement sur les vingtièmes.
[11] Vicq d’Azir se mit, dès son arrivée à Bordeaux, en rapports avec Doazan, de Fumel et les élèves de l’École vétérinaire. Il trouva le port de Bordeaux et les boucheries infectés et proposa l’abatage de toutes les bêtes malades, en donnant aux paysans 50 écus par bœuf de 300 francs ; 90 livres pour une vache ; 48 livres pour les animaux plus jeunes et plus faibles. Doazan combattit ces propositions. Esmangard adopta le principe de l’abatage avec indemnité, mais en repoussant le tarif de Vicq d’Azir.
[12] Des lettres analogues furent adressées le même jour au comte de Fumel, et le 13 décembre au marquis de Faudras, commandant du Bas Armagnac.
[13] Les propositions de Vicq d’Azir tendant à un abatage général avaient paru excessives.
[14] À l’Intendant de Bordeaux, il fut indiqué qu’on pourrait faire venir pour remplacer les bêtes abattues des mulets du Rouergue, de la Haute-Auvergne et du Dauphiné.
[15] Autres lettres contenues dans le registre des Archives nationales :
13 décembre. — Lettre à l’Intendant d’Auch au sujet de l’inertie du subdélégué de Tarbes. (La lettre prescrit de le réprimander s’il est coupable).
28 décembre. — Lettre à de Sichard, accusant réception d’une lettre du Parlement de Bordeaux au Roi pour demander des secours en faveur de la Guyenne, et lettre au Garde des Sceaux. (L’intention du Roi est de faire tout ce qui sera possible.)
Lettre à l’Intendant d’Auch au sujet d’un nouvel arrêt du Parlement de Pau. (Quoique cet arrêt ne contint rien de contraire à la bonne police, la Cour n’aurait pas dû le rendre sans y avoir été autorisée. On demande à ce sujet l’avis de l’Intendant).
Lettre à. Bourgelat au sujet de remèdes inutiles. Bourgelat s’était plaint qu’un médecin, le Sr Faure de Beaufort, eut publié une brochure sur l’épizootie et eut en même temps vendu un remède : L’eau anti-putride. On lui répond que ce médecin passe pour un charlatan, mais qu’il n’y a pas de gros inconvénient « à ce qu’il prescrive des préservatifs et des remèdes anti-putrides ; s’ils ne sont pas utiles, ils ne pourront pas faire grand mal. »
Lettre à Vicq d’Azir l’encourageant à poursuivre ses recherches.
Lettre à de La Fargue, subdélégué à Dax, l’invitant à faire exécuter les ordonnances.
Lettres au Duc de La Vrillière et au Ministre de la guerre, leur demandant de faire donner par le Roi au comte de Périgord des pouvoirs étendus.
[16] De Dillon.
[17] De Brienne.
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