118. — LA TAILLE.
I. — Avis sur l’imposition pour l’année 1772.
[D. P., VI, 304.]
Limoges, 15 octobre.
[Après avoir observé que le brevet de la taille pour l’année 1772 avait été arrêté à la somme de 1 942 293 l. 2 s., comme celui de l’année 1771 ; mais qu’en 1771 deux arrêts postérieurs ayant accordé une diminution de 270 000 l., l’imposition effective de 1771 n’avait été que 1 672 293 l. 2 s., en sorte que, si on laissait subsister l’imposition telle que le portait l’arrêt du Conseil, il y aurait une augmentation réelle de 270 000 l., ce qui ne pouvait être l’intention du Roi, Turgot rend compte de l’état des récoltes, qui ne promettaient d’abondance qu’en châtaignes ; puis il passe à son Avis et fait une fois encore le tableau de la situation de la Province].
Au motif de la surcharge ancienne et trop prouvée dont la Province se plaint dans les temps les plus heureux, et qui l’a jetée forcément dans un retard habituel sur le payement de ses impositions, qui ne sont jamais payées qu’en trois ans, se joignent l’approche d’une disette en 1772, à la suite des trois disettes consécutives qui ont déjà épuisé toutes les ressources des peuples, disette qui doit être et plus cruelle et plus étendue que celle de 1771, puisque le vide des récoltes s’est fait sentir dans toute la Généralité. L’état du canton de la Montagne en particulier ne laisse envisager de ressources contre la famine absolue que la bienfaisance de S. M.
Un vide de 4 millions sur la masse d’argent qui circulait dans la Province, et qui en est sorti pour payer les grains qu’elle a été forcée de tirer d’ailleurs, vide qu’aucun commerce n’a pu remplacer et que la nécessité de tirer encore des grains des autres provinces et de l’étranger augmentera nécessairement ;
Une masse d’arrérages sur le recouvrement des impositions de près de 2 500 000 l., c’est-à-dire des cinq huitièmes de la totalité des impositions de la Province, arrérages dont plus de moitié se sont accumulés dans l’espace de vingt et un mois par l’effet nécessaire des deux dernières disettes, qui ont ainsi doublé le mal qu’avaient fait à cet égard huit années d’une guerre ruineuse ;
Enfin, la diminution des ressources ordinaires de la Province par l’affaiblissement du commerce des bestiaux, résultant de la perte totale des foins et de la diminution dans la consommation de Paris ;
Sans doute des motifs aussi forts, aussi touchants, ne sollicitent pas moins la justice et même la sagesse du Roi que sa bonté paternelle, en faveur d’une partie de ses peuples, accablée d’une suite de fléaux successifs qui l’ont réduite à l’état le plus déplorable. Il nous suffit d’en avoir mis le tableau sous ses yeux. Nous n’osons nous fixer à aucune demande. L’année dernière, nous avions éprouvé la même crainte ; nous avions exposé les faits, calculé les besoins de la Province, en observant que nos calculs n’étaient point des demandes. Nous sentions combien le résultat en était effrayant et peu proportionné aux besoins actuels de l’État, puisque ce résultat montait à 900 000 l. Nous ne demandions ni n’espérions même pas ce secours ; mais nous avons été vivement affligé de n’obtenir que 270 000 l., somme qui ne nous a permis que de soulager imparfaitement la Montagne et quelques parties du Limousin, et qui nous a laissé dans l’impuissance de faire sentir à l’Angoumois les effets de la bienveillance du Roi. En 1770, nous avions du moins obtenu un moins-imposé de 450 000 l., et toute la Province s’en était ressentie. Nous devons dire, et nous croyons avoir prouvé, que ses besoins sont beaucoup plus considérables, et nous osons supplier S. M de vouloir bien y proportionner ses bontés.
II. — Circulaire aux subdélégués au sujet des ateliers de charité.
[A. municipales de Tulle]
Limoges, 10 février.
Je vous envoie, M., quelques exemplaires d’une instruction sur la régie des Ateliers de Charité que je me propose d’établir dans votre subdélégation pour employer les fonds que le Roi a bien voulu destiner à procurer du travail aux pauvres. J’ai tâché de rendre les détails dans lesquels je suis entré assez clairs pour qu’ils n’aient besoin d’aucune explication. Ainsi, je vais me borner à vous indiquer ce que vous aurez personnellement à faire pour concourir à l’exécution des vues de S. M. Il me paraît nécessaire que vous commenciez par lire l’Instruction avant d’achever de lire cette lettre dont tous les détails y sont relatifs.
Vous y verrez que vous devez être chargé non seulement de la police des Ateliers, mais encore de la manutention générale de cette question, de la direction des payements, du choix des caissiers, de l’arrêté de leurs comptes, ainsi que de ceux des conducteurs, des mesures à prendre et des marchés à faire pour procurer aux ouvriers des subsistances à leur portée. Vous aurez aussi nécessairement à vous concerter avec les sous-ingénieurs chargés de la direction des travaux, soit pour leur indiquer des sujets capables de conduire les ateliers, soit pour leur procurer les différentes facilités dont ils peuvent avoir besoin pour remplir leur commission.
Je n’ignore pas que les détails dont je charge les subdélégués par l’Instruction que je vous adresse sont de nature à ne pouvoir être suivis que par une personne résidant sur les lieux et, comme mon intention n’est pas de borner les travaux aux abords des chefs-lieux de subdélégation, j’ai senti que vous ne pouviez remplir par vous-même ces détails sur les ateliers éloignés de vous ; aussi ai-je annoncé dans l’Instruction que ces détails pourraient être remplis, à défaut de subdélégué, par le commissaire que je nommerais pour en tenir lieu. C’est à vous que je m’adresse pour que vous m’indiquiez à portée des lieux où je ferai travailler et qui seront trop loin de votre résidence des personnes en qui je puisse avoir confiance et qui veuillent bien remplir cette commission. Le but de ces travaux et le motif qui les fait entreprendre me donnent lieu d’espérer que vous pourrez trouver parmi les seigneurs ou parmi les curés ou autres ecclésiastiques des personnes qui, par zèle pour le soulagement des pauvres, prendront volontiers la peine qu’exige l’inspection des ateliers. Ce choix est une des choses les plus pressantes dont vous aurez à vous occuper. Le surplus de cette lettre regardera donc autant que vous ces commissaires, chacun pour le district dont il se sera chargé[1].
P. S. — Vous recevrez une seconde lettre qui vous indiquera les travaux particuliers que je me propose de faire entreprendre dans l’étendue de votre subdélégation et les mesures plus spéciales qu’ils exigeront de vous.
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[1] L’Instruction de Turgot est conforme à ses circulaires précédentes.
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