112. — LA TAILLE.
I. — Avis sur l’imposition pour l’année 1771.
[D. P., VI, 70.]
(Situation lamentable de la Province. — La statistique des récoltes.)
Limoges, 15 octobre.
[Turgot commence par observer que le brevet expédié pour l’année 1771 se montait à 1 942 293 l., comme celui qui l’avait été pour l’année 1770 ; mais que, le Roi ayant en 1770 accordé un moins-imposé de 450 000 l., si ce nouveau brevet était suivi, la Province éprouverait une augmentation réelle de 450 000 l. sur ses impositions.
Il rend compte ensuite de l’état des diverses récoltes, un peu meilleur en général que n’avait été celui de l’année précédente, mais qui, dans un quart de la Province, avait été encore plus faible, et n’avait dans aucune partie été au niveau de l’année commune.
Puis il passe à son Avis et rappelle, conformément à ses demandes antérieures, qu’il faudrait accorder à la Généralité une diminution d’impôt de 700 000 l.]
En quelque temps que ce fût, nous nous ferions un devoir d’insister avec force sur les preuves de cette surcharge, et sur la nécessité d’y avoir égard ; nous nous attacherions à lever les doutes et les difficultés qui ont pu jusqu’ici suspendre la décision du Conseil ; mais ce motif, tout-puissant qu’il est, n’est que d’une faible considération en comparaison de ceux qui parlent en ce moment en faveur de cette malheureuse province ; motifs dont la force impérieuse ne peut manquer de déterminer la justice, la bonté, nous osons dire la sagesse même du Roi, à prodiguer à une partie de ses sujets dénués de toute autre ressource les soulagements et les secours les plus abondants.
Personne n’ignore l’horrible disette qui vient d’affliger cette généralité. La récolte de 1769 était, en tout genre, une des plus mauvaises qu’on eut éprouvées de mémoire d’homme : les disettes de 1709 et de 1739 ont été incomparablement moins cruelles. À la perte de la plus grande partie des seigles s’était jointe la perte totale des châtaignes, des blés noirs et des blés d’Espagne, denrées d’une valeur modique, dont le paysan se nourrit habituellement une grande partie de l’année, en réservant, autant qu’il le peut, ses grains pour les vendre aux habitants des villes. Un si grand vide dans les subsistances du peuple n’a pu être rempli que par une petite quantité de grains réservés des années précédentes, et par l’immense importation qui s’est faite de grains tirés, ou de l’étranger, ou des provinces circonvoisines. Le premier achat des grains importés a été très cher, puisqu’aucune des provinces dont on pouvait recevoir des secours n’était dans l’abondance ; et les frais de voiture dans une province méditerranée, montagneuse, où presque tous les transports se font à dos de mulet, doublaient souvent le prix du premier achat.
Pour que de pareils secours pussent arriver, il fallait que les grains fussent montés à un prix exorbitant ; et en effet, dans les endroits où le prix des grains a été le plus bas, le froment a valu environ 45 l. le setier de Paris, et le seigle de 33 à 36 l. Dans une grande partie de la Province, ce dernier grain a même valu jusqu’à 42 l. C’est à ce prix qu’a constamment payé sa subsistance un peuple accoutumé à ne payer cette même mesure de seigle que 9 l. et souvent moins, et qui, même à ce prix, trouve le seigle trop cher, et se contente de vivre une grande partie de l’année avec des châtaignes ou de la bouillie de blé noir.
Le peuple n’a pu subsister qu’en épuisant toutes ses ressources, et en vendant à vil prix ses meubles et jusqu’à ses vêtements ; une partie des habitants ont été obligés de se disperser dans d’autres provinces pour chercher du travail ou des aumônes, abandonnant leurs femmes et leurs enfants à la charité des paroisses.
Il a fallu que l’autorité publique ordonnât aux propriétaires et aux habitants aisés de chaque paroisse de se cotiser pour nourrir les pauvres ; et cette précaution indispensable a achevé d’épuiser les propriétaires même les plus riches, dont la plus grande partie du revenu était déjà absorbée par la nécessité d’avancer à leurs colons, qui n’avaient rien recueilli, de quoi se nourrir jusqu’à la récolte. On ne peut pas même supposer que le haut prix des grains ait pu être favorable aux propriétaires. La plupart n’avaient pas assez de grains pour suffire à la quantité de personnes qu’ils avaient à nourrir ; et il n’en est presque point, même parmi les plus riches, qui n’aient été forcés d’en acheter pour suppléer à ce qui leur manquait, surtout dans les derniers temps qui ont précédé la récolte, laquelle, pour surcroît de malheur, a été cette année retardée d’un mois. Les seuls, à qui cette cherté ait pu être profitable, sont les propriétaires de rentes seigneuriales et de dîmes qui avaient des réserves des années précédentes ; mais ces revenus n’appartenant qu’à des privilégiés, il n’en résulte aucune facilité pour l’acquittement de la taille et autres impositions roturières.
Non seulement la disette de l’année dernière a épuisé les ressources des artisans, des paysans aisés, et même des propriétaires de fonds ; elle a encore fait sortir de la Province des sommes d’argent immenses qui ne peuvent y rentrer par les voies ordinaires du commerce, puisque celles-ci ne suffisent ordinairement qu’à remplacer ce qui sort annuellement pour les impositions, pour le payement des propriétaires vivant hors de la Province, et pour la solde des denrées qu’elle est dans l’habitude de tirer du dehors. Nous ne pensons pas que cette somme s’éloigne beaucoup de 3 600 000 l. à 4 millions, somme presque égale au montant de la totalité des impositions ordinaires.
Le calcul en est facile : on ne pense pas qu’on puisse porter le vide occasionné par la modicité extrême de la récolte des grains, et par la perte totale des châtaignes, des blés noirs et des blés d’Espagne, à moins du tiers de la subsistance ordinaire. Qu’on le réduise au quart, c’est-à-dire à trois mois : on compte environ 700 000 personnes dans la Généralité ; réduisons-les par supposition à 600 000, et retranchons-en le quart pour les enfants, ne comptons que 450 000 adultes consommant chacun, deux livres de pain par jour, l’un portant l’autre. Il s’agit de pain de seigle composé de farine et de son, qui, par conséquent, nourrit moins que le pain de froment ; si nous entrions dans le détail de ceux qui vivent de froment, nous trouverions une somme plus forte, et nous voulons tout compter au plus bas.
Le setier de seigle, mesure de Paris, fait 300 livres de pareil pain ; 450 000 personnes en consomment 900 000 livres par jour, et par conséquent 3 000 setiers de seigle, mesure de Paris ; c’est par mois 90 000 setiers, et pour les trois mois 270 000 setiers.
Le setier de seigle acheté au dehors n’a pu parvenir dans la plus grande partie de la Généralité, à moins de 27 à 30 ou 33 l. le setier. Mais, comme tous les lieux ne sont pas également éloignés des abords, et comme il faut soustraire la partie du prix des transports payée dans l’intérieur de la Province, ne comptons le setier qu’à 24 l. l’un portant l’autre. Les 270 000 setiers sont donc revenus à 6 480 000 l., et il aurait fallu cette somme pour remplir un vide de trois mois dans la subsistance de la Généralité. C’est tout au plus si les réserves des années précédentes ont pu fournir un mois ou le tiers du vide ; il faut donc compter 4 320 000 l. de dépense. Et en supposant, pour tabler toujours au rabais, que les magasins aient pu fournir encore le tiers d’un mois, l’argent sorti effectivement de la Province se réduira à 3 600 000 l. C’est le plus faible résultat du calcul.
Les contribuables ne peuvent cependant payer les impositions qu’avec de l’argent ; et où peuvent-ils en trouver aujourd’hui ? Aussi les recouvrements sont-ils infiniment arriérés. Les receveurs des tailles sont réduits à l’impossibilité de tenir leurs pactes avec les receveurs généraux. Les collecteurs sont dans une impossibilité bien plus grande encore de satisfaire les receveurs des tailles.
Dans ces circonstances cruelles, le Roi a bien voulu accorder des secours extraordinaires à la Province. Ils ont été publiés et reçus avec la plus vive reconnaissance. Mais nous blesserions les sentiments paternels de S. M., nous tromperions sa bienfaisance, si nous lui cachions que ces secours, très considérables quand on les compare aux circonstances où se trouve l’État, ne sont qu’un faible soulagement lorsqu’on les compare à l’immensité des besoins de la Province. Nous ne parlons pas des fonds destinés aux approvisionnements, aux distributions et aux travaux publics ; c’est un objet de 300 000 livres, qu’on doit sans doute soustraire des 3 600 000 l. sortis de la Province pour l’achat des grains. Nous réduirons donc le déficit qui a eu lieu à 3 300 000 l., et nous nous renfermerons dans ce qui regarde les impositions.
La Généralité avait obtenu, en 1770, 30 000 l. de moins sur le moins-imposé qu’en 1769, c’est-à-dire, 250 000 l., au lieu de 280 000. Quand la misère générale se fut développée au point qu’il fallut pourvoir à la subsistance gratuite de près du quart des habitants de la Province, nous prîmes la liberté de représenter à M. le contrôleur général qu’il n’était pas possible que des malheureux qui n’avaient pas le nécessaire physique pour subsister, et qui ne vivaient que d’aumônes, payassent au Roi aucune imposition, et nous le priâmes d’obtenir des bontés du Roi une augmentation de moins-imposé suffisante pour décharger entièrement d’imposition, non seulement les simples journaliers, mais encore une foule de petits propriétaires dont les héritages ne peuvent suffire à leur subsistance, et qu’on avait été obligé de comprendre dans les états des pauvres à la charge des paroisses. M. le contrôleur général a eu la bonté d’accorder en conséquence un supplément de moins-imposé de 200 000 l. [1] Mais cette somme n’a pas suffi pour remplir l’objet auquel elle était destinée. Il a fallu se borner à décharger de l’imposition les simples journaliers ; et l’on n’a pu supprimer la taxe des petits propriétaires non moins pauvres que les journaliers. Nous avons fait relever le tableau de ces cotes qui subsistent encore : quoique ceux qu’elles concernent aient été compris dans l’état des charités de leur paroisse, la totalité monte à environ 90 000 l. Voilà donc 90 000 l. imposées sur des personnes qui n’ont pas eu de quoi se nourrir. Comment peut-on espérer qu’ils le payent ? Est-il possible que les collecteurs en fassent l’avance ? Non, sans doute ; voilà donc une non-valeur inévitable.
D’après ce tableau douloureux des maux qu’a déjà essuyés la Province, et de la situation où la laisse la disette de l’année dernière, nous ne doutons point que, quand même la récolte de cette année serait abondante, l’épuisement des habitants n’exigeât les plus grands soulagements, et ne les obtint de l’amour du Roi pour ses peuples ; que sera-ce si nous y ajoutons le récit plus funeste encore des maux que lui présage le vide de la récolte actuelle ! Nous avons fait voir dans l’état que nous en avons envoyé au Conseil, que dans les deux tiers de la Généralité, et malheureusement dans la partie la plus pauvre et la moins à portée de tirer des secours du dehors, la récolte des seigles n’a pas été meilleure en 1770 qu’en 1769 ; que ce qu’on a recueilli de plus en châtaignes et en blé noir ne suffit pas pour remplacer le vide absolu de toutes réserves sur les années antérieures, puisque ces réserves sont épuisées, au point que non seulement on a commencé à manger la moisson actuelle au moment où on la coupait, c’est-à-dire trois mois plus tôt qu’à l’ordinaire, mais encore que la faim a engagé à couper les blés verts pour en faire sécher les grains au four. Ce n’est pas tout ; il faut compter que le quart de la Généralité n’a pas même cette faible ressource. La production des grains y a été du tiers à la moitié de celle de 1769 ; et, dans la plus grande partie de ce canton, l’on n’a pas recueilli la semence. On ne peut penser sans frémir au sort qui menace les habitants de cette partie de la Province déjà si cruellement épuisés par les malheurs de l’année dernière. De quoi vivront des bourgeois et des paysans qui ont vendu leurs meubles, leurs bestiaux, leurs vêtements pour subsister ? Avec quoi les secourront, avec quoi subsisteront eux-mêmes des propriétaires qui n’ont rien recueilli, qui ont même pour la plupart acheté de quoi semer, et qui, l’année précédente, ont consommé au delà de leur revenu pour nourrir leurs familles, leurs colons et leurs pauvres ? On assure que plusieurs domaines dans ce canton désolé n’ont point été ensemencés faute de moyens. Comment les habitants de ces malheureuses paroisses pourront-ils payer des impôts ? Comment pourront-ils ne pas mourir de faim ? Telle est pourtant leur situation sans exagération aucune.
Nous savons combien les besoins de l’État s’opposent aux intentions bienfaisantes du Roi ; les peuples sont pénétrés de reconnaissance pour les dons qu’il a faits en 1770 à la Province ; mais de nouveaux malheurs sollicitent de nouveaux bienfaits, et nous ne craindrons point de paraître importuns et insatiables en les lui demandant au nom des peuples qui souffrent. Nous craindrions bien plutôt les reproches les plus justes, si nous pouvions lui dissimuler un objet si important, et pour son cœur, et pour ses vrais intérêts. À proprement parler, nous ne demandons point, nous exposons les faits.
Le relevé des cotes que nous n’avons pu supprimer l’année dernière et qui concernent des particuliers nourris de la charité publique, monte à 90 000 l., qu’il est impossible de ne pas passer en non-valeur : ci 90 000 l.
Il est physiquement impossible, d’après les détails dans lesquels nous venons d’entrer, de faire payer aucune imposition aux paroisses de la Montagne. Nous avons fait relever les impositions de ces paroisses ; elles montent, en y joignant celles de quelques paroisses de vignobles entièrement grêlées, à 539 000 l.
Le reste du Limousin est aussi maltraité et souffrira davantage que l’année dernière, et il a au moins besoin des mêmes soulagements. Il a eu, l’année dernière, sa part des 450 000 l. de moins-imposé ; et comme nous évaluons cette partie de la Généralité à peu près aux cinq douzièmes, il faut mettre en compte les cinq douzièmes de 450.000 l., c’est-à-dire 187 500 l.
Enfin, quoique l’Angoumois ait été un peu moins maltraité que le reste de la Généralité, il s’en faut beaucoup qu’il soit dans l’abondance, et l’épuisement où l’année dernière l’a mis nous autoriserait, dans d’autres temps, à solliciter pour cette partie de la Province des soulagements très forts. Du moins, ne peut-on pas le charger plus qu’il ne devait l’être en 1769, lorsque l’on n’avait fixé ses impositions que d’après les premières apparences de sa récolte. Alors, il aurait du moins joui de sa portion du moins-imposé de 250 000 l. En regardant cette province comme le tiers de la Généralité, c’étaient 84 000 l. qui lui avaient été accordées. On ne peut pas cette année lui en donner moins. C’est donc encore 84 000 l. à joindre aux sommes ci-dessus.
Ces quatre sommes additionnées font ensemble 900 500 l.
Encore une fois, nous exposons, nous calculons, nous ne demandons pas ; nous sentons combien cette demande peut paraître affligeante ; nous ne proposons le résultat de nos calculs qu’en tremblant, mais nous tremblons encore plus de ce que nous prévoyons, si les circonstances ne permettaient pas à S. M. de se livrer à toute l’étendue de ses bontés. Nous sentons que d’autres provinces les solliciteront, et que quelques-unes y ont des droits que nous sommes loin de combattre. Mais nous oserons représenter que les provinces qui ont souffert l’année dernière n’ont pas éprouvé une misère aussi forte que celle du Limousin, et surtout que la misère n’y a ni commencé d’aussi bonne heure, ni duré aussi longtemps ; que la plupart d’entre elles seront cette année dans l’abondance ; que plusieurs de celles qui souffriront cette année n’ont point souffert l’année dernière. Le Limousin est peut-être la seule sur laquelle le fléau de la disette se soit également appesanti pendant deux années entières. C’est en même temps celle qui est, par sa position au milieu des terres, la plus éloignée de tout secours, sans canaux, sans rivières navigables, sans chemins ouverts dans la partie la plus affligée, presque sans manufactures et sans commerce. C’est en même temps une de celles où les impositions sont habituellement les plus fortes, où les recouvrements sont de temps immémorial le plus arréragés ; nous osons croire que tant de motifs lui donnent des droits aux grâces du Roi qu’aucune province ne peut lui disputer. Serait-il donc injuste de verser sur elle dans sa détresse, une partie du moins-imposé que, dans des temps plus heureux, le Roi accorde à des provinces plus riches, et qui du moins, cette année, n’ont essuyé aucun accident extraordinaire ? Nous osons l’espérer.
Nous ne parlerons point ici des secours d’autres genres qui seront encore indispensables pour assurer les approvisionnements et pourvoir à subsistance des pauvres, en leur procurant des secours et du travail, ni même des mesures à prendre pour adoucir la rigueur des recouvrements ; nous nous réservons d’écrire en particulier sur cet objet à M. le Contrôleur général. Nous nous bornons, quant à présent, à mettre sous les yeux du Roi l’état, nous osons dire désespéré, d’une partie de ses enfants, et le calcul non pas de leurs besoins, mais de ce dont il paraît nécessairement indispensable de les soulager. Ce calcul, que nous croyons avoir fait en toute rigueur, monte à 900 000 l.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES À LA SUITE DE L’ÉTAT DES RÉCOLTES DE 1770
I. Sur ce qui reste des récoltes précédentes. — On a déjà observé, dans le premier état envoyé au mois de juillet, que la cruelle disette dont la Province vient d’être affligée a consommé beaucoup au delà de ce qui pouvait rester des récoltes précédentes en tout genre de subsistances, et qu’une partie des habitants seraient exactement morts de faim sans le secours des grains, importés soit des autres provinces, soit de l’étranger. La détresse où se sont trouvées la plus grande partie des familles les a obligées de vendre à vil prix, pour se procurer de l’argent, non seulement tout ce qui pouvait rester des denrées de toute espèce recueillies des années précédentes, mais même la plus grande partie de leurs effets. Je ne vois qu’une denrée dont il puisse rester quelque chose, mais en petite quantité, et seulement dans les élections de Brive et d’Angoulême : c’est le vin. La dernière récolte en a été très modique , mais, ce vin ne se débitant que pour la consommation du Limousin et des cantons de l’Auvergne qui l’avoisinent, le débit en a été réduit presque à rien, les consommateurs étant obligés de réserver toutes leurs ressources pour avoir du grain.
II. Comparaison de la récolte en grains de cette année à l’année commune. — On aurait fort désiré pouvoir remplir entièrement les vues proposées dans la lettre de M. le Contrôleur général, du 31 mai dernier. Mais, quelques soins qu’aient pu prendre les personnes chargées de cette opération, il n’a pas été possible de parvenir à une précision satisfaisante.
Le premier élément de cette comparaison est entièrement ignoré, je veux dire l’année commune de la production. Tous les états qu’on est dans l’usage d’envoyer chaque année au Conseil, et celui-ci même qu’on a été obligé de dresser d’après les états des subdélégués, ne peuvent donner que des idées vagues, puisqu’on s’exprime toujours par demi-année, tiers ou quart d’année, et qu’on ne s’est jamais occupé de se faire une idée fixe de ce qu’on entend par année commune. Le penchant naturel qu’ont les hommes à se plaindre vivement du mal, et à regarder le bien-être comme un état naturel qui n’est point à remarquer, fait que le plus souvent les laboureurs, dans leur langage, appellent une pleine année celle où la terre produit tout ce qu’elle peut produire. C’est à cette abondance extraordinaire, et qu’on ne voit que rarement, qu’ils rapportent leur évaluation de moitié, de tiers ou de quart d’année, évaluation qu’ils ne font d’ailleurs que d’une manière très vague, et plus souvent au-dessous qu’au-dessus. La véritable mesure à laquelle on doit comparer les récoltes pour juger de leurs différences, n’est point cette extrême abondance qui ne sort pas moins de l’ordre commun que la disette ; mais l’année commune ou moyenne formée de la somme des récoltes de plusieurs années consécutives, divisée par le nombre de ces années. On n’a point rassemblé de faits suffisants pour connaître cette année moyenne. Elle ne peut être formée que d’après des états exacts de la récolte effective des mêmes champs ou des dimes des mêmes paroisses pendant plusieurs années, et cela dans un très grand nombre de cantons différents. C’est en comparant au résultat moyen de ces états la récolte actuelle des mêmes champs ou, si l’on veut, des dimes actuelles des mêmes paroisses, qu’on saurait exactement la proportion de la récolte actuelle à la production commune, ce qui serait très utile pour guider les négociants dans leurs spéculations sur le commerce des grains, en leur faisant connaître les besoins et les ressources respectives des différents cantons ; car l’année commune est nécessairement l’équivalent de la consommation habituelle, puisque le laboureur ne fait et ne peut faire produire habituellement à la terre que ce qu’il peut débiter habituellement, sans quoi il perdrait sur sa culture, ce qui l’obligerait à la réduire. Or, il ne peut débiter que ce qui se consomme, ou dans le pays, ou ailleurs. Ainsi, dans un pays où, comme en Angleterre et en Pologne, on exporte habituellement une assez grande quantité de grains, la production commune est égale à la consommation, plus l’exportation annuelle ; et, tant que la culture est montée sur ce pied, on ne peut pas craindre la disette ; car, dans les mauvaises années, les prix haussent, leur haussement arrête l’exportation, et la quantité nécessaire à la consommation des habitants demeure.
Dans les pays, au contraire, où la subsistance des peuples est fondée en partie sur l’importation, comme dans les provinces dont les grains ne forment pas la principale production, et dans les États où une fausse police et le défaut de liberté ont resserré la culture, la production commune est égale à la consommation, moins la quantité qui s’importe habituellement.
Dans ceux où les importations, pendant un certain nombre d’années, se balanceraient à peu près avec les exportations, la production commune doit être précisément égale à la consommation.
D’après ce point de vue, il est vraisemblable qu’il doit être infiniment rare que la production soit réduite, du moins dans une étendue très considérable, au quart, au tiers et même à la moitié d’une année commune. Ne fut-ce que la moitié, ce serait un vide de six mois de subsistance. Il n’est pas concevable que les réserves des années précédentes, jointes à l’importation, pussent remplir un pareil vide ; un vide d’un sixième seulement épouvante, quand on considère les sommes immenses qu’il faudrait pour y suppléer par la voie de l’importation. Il n’y a point de province qui n’en fût épuisée. L’année dernière, en Limousin, a été une des plus mauvaises dont on ait mémoire ; les états qui furent envoyés au Conseil évaluaient la production du seigle à un tiers et à un quart d’année, suivant les cantons. Un pareil vide sur la production commune, joint au déficit total des menus grains et des châtaignes, n’aurait jamais pu être suppléé, et j’en conclus que la production réelle surpassait de beaucoup le quart ou le tiers de la production commune.
Je n’ai pu me procurer la comparaison des dîmes de 1769 et 1770 avec l’année commune que dans quatre ou cinq paroisses d’un canton voisin du Périgord, qui paraît n’avoir été ni mieux, ni plus maltraité que la plus grande partie de la Province. Dans ces paroisses, la dîme a donné, en 1769, environ 83 p. 100 de la production commune, et en 1770 90 1/2 pour 100 de la production commune. Si c’était là le taux général, le vide sur le seigle en 1769 aurait été d’un peu moins d’un cinquième sur la consommation, et serait à peu près d’un dixième en 1770. On a vu quelle effrayante disette s’en est suivie. Il est vrai que le vide total des menus grains a beaucoup contribué à cette disette ; mais aussi il y avait, dans cette province, des réserves assez abondantes provenant des années 1767 et 1768, qui ont fait une espèce de compensation. Au surplus, il faut avouer que toute conséquence tirée de faits recueillis dans un canton aussi borné serait prématurée et qu’il faut attendre, pour fixer ses idées, qu’on ait pu rassembler des faits sur un très grand nombre de paroisses répandues dans plusieurs provinces.
III. Comparaison de la récolte de 1770 à celle de 1769. — Malgré les obstacles que mettent à ces recherches la défiance généralement répandue et le soin que chacun prend de se cacher du Gouvernement, et la difficulté encore invincible de se former une exacte idée de la production commune, on est venu à bout de recueillir un assez grand nombre de comparaisons des dîmes de 1770 à celles de 1769, et malheureusement le résultat est effrayant, par la grandeur du mal qu’il annonce. Il est moins universel qu’en 1769, mais il y a des cantons où il est plus grand. Je distinguerai la Généralité en trois parties relativement à la production des grains.
L’Angoumois et une partie du Limousin ont pour productions principales en grains le froment, quoique cette production n’occupe qu’environ le sixième des terres, le reste étant occupé par le blé d’Espagne, par les fèves et surtout par les vignes. Quoi qu’il en soit, il paraît que la production de cette année est, dans cette partie, d’environ 140 pour 100 de celle de l’année dernière, c’est-à-dire qu’elle est de deux cinquièmes plus forte. À la vérité, l’année dernière était extrêmement mauvaise. Je regarde cette partie de pays comme formant environ les cinq douzièmes de la Généralité. Dans la seconde partie du Limousin, faisant à peu près le tiers de la Généralité, je vois que les dîmes, comparées à celles de 1769, sont les unes de 109, d’autres de 107, de 103, de 100, de 99 et quelques-unes de 90 seulement pour 100, c’est-à-dire les plus favorisées, d’un dixième plus fortes, et celles qui le sont le moins, d’un dixième plus faibles ; d’où je conclus qu’en faisant une compensation, la récolte du seigle y est égale à celle de l’année dernière. Enfin, la troisième partie de la Généralité est ce qu’on appelle particulièrement la Montagne, qui s’étend le long de la généralité de Moulins et de celle d’Auvergne. Elle comprend toute l’élection de Bourganeuf, environ la moitié de celle de Tulle, et du tiers au quart de celle de Limoges, en tout le quart à peu près de la Généralité. Ce canton n’a point de châtaigniers, et il s’y trouve moins de prairies que dans le reste du Limousin ; mais, quoiqu’il y ait des landes assez étendues, on y recueille ordinairement beaucoup plus de seigle qu’on n’en consomme, et cette partie est regardée comme le grenier de la Province. C’est là principalement que se font les grosses réserves qui, dans les années disetteuses, se répandent sur les différentes parties qui souffrent. Quoique la dernière récolte n’y eût pas été bonne, il en est cependant sorti beaucoup de grains pour le reste du Limousin et pour le Périgord, et la misère excessive s’y est fait sentir plus tard qu’ailleurs ; mais, cette année, elle est portée au dernier degré et cela dès le moment présent. Dans un très grand nombre de domaines, on n’a pas recueilli de quoi semer. Je vois, par les états de dîmes, que dans plusieurs paroisses la récolte n’y est que dans la proportion d’environ 38 pour 100 de celle de 1769 ; dans quelques autres, de 56 pour 100. Compensation faite, ce n’est pas la moitié de l’année dernière ; encore est-ce un grain maigre, retrait, qui ne donne presque aucune farine et qui est mêlé de beaucoup d’ivraie. Il n’est pas possible d’exprimer la désolation et le découragement qui règnent dans ce malheureux canton, où l’on assure que des domaines entiers sont restés sans culture et sans semence, par l’impuissance des propriétaires et des colons.
IV. Prix des grains après la moisson. — Le prix du froment dans l’Angoumois, quoique assez haut, n’a encore rien d’effrayant : il n’est que de 24 à 26 ou 27 l. le setier, mesure de Paris. Il n’en est pas de même du seigle dans le Limousin : il est actuellement à Limoges entre 22 et 24 l. le setier de Paris, c’est-à-dire au même prix où il était en 1770 au mois de février, et lorsqu’on s’occupait d’exécuter l’Arrêt du Parlement de Bordeaux qui ordonnait aux propriétaires et aux aisés de se cotiser pour subvenir à la subsistance des pauvres. Mais, dans les autres parties de la Province plus reculées, il est à un prix beaucoup plus haut : à Tulle il vaut près de 31 l. le setier de Paris. Dans la Montagne, il est encore plus cher, et l’on est près d’en manquer. Ce haut prix est l’effet de l’inquiétude généralement répandue par le déficit sensible des récoltes de toute espèce. La hausse du prix ne fut pas aussi rapide l’année dernière, parce qu’on n’avait point prévu toute l’étendue du mal et qu’on n’avait pas calculé l’effet de la perte des châtaignes et du blé noir, et parce qu’on comptait sur les réserves des années précédentes ; mais l’expérience du passé a rendu ceux qui ont des grains plus précautionnés. La plupart des propriétaires, qui avaient vendu une partie de leur récolte pour faire de l’argent, se sont trouvés dépourvus de grains et obligés d’en racheter à un prix excessif pour nourrir leurs domestiques, leurs colons et les pauvres dont ils ont été chargés. Dans la crainte d’éprouver le même inconvénient, aucun ne vend ses grains et, par une suite des mêmes causes, tout bourgeois, tout paysan au-dessus de la misère veut, à quelque prix que ce soit, faire sa provision. De là, le resserrement universel des grains, cause aussi réelle de cherté que le prétendu monopole est chimérique.
V. Bestiaux. — On a été fondé à craindre une maladie épidémique sur les bêtes à cornes, et déjà elle s’était déclarée avec assez de violence dans quelques paroisses de l’élection de Brive et de celle de Limoges; mais, par les précautions qu’on a prises, les progrès du mal se sont arrêtés, et il ne paraît pas qu’il se soit étendu. Le prix des bêtes à cornes a baissé sensiblement depuis quelque temps. Si cette baisse subsistait, elle ferait perdre au Limousin la seule ressource qui lui reste pour remplacer une faible partie des sommes immenses qui sont sorties l’année dernière de la Province, et qui en sortiront encore cette année pour acheter des grains. Les bêtes à laine et les cochons ont essuyé l’année dernière, ainsi que les volailles, une très grande mortalité ; elle continue encore sur les cochons, et c’est une perte d’autant plus funeste, dans cette malheureuse année, que l’engrais de ces animaux est une des principales ressources des petits ménages de campagne.
VII. Situation générale de la Province. — L’Angoumois, qui fait à peu près le tiers de la Généralité, sans être dans l’abondance, ne souffrira pas autant que l’année dernière. Sa production en froment a été assez bonne, de même que celle des blés d’Espagne ; et les fèves, dont le peuple consomme beaucoup, y ont assez bien réussi. On a lieu de croire que, quoiqu’il ne reste rien des anciennes récoltes et que celle-ci ait été, par conséquent, entamée au moment même de la moisson, les habitants auront de quoi subsister, d’autant plus que les deux provinces du Poitou et de la Saintonge qui l’avoisinent, et qui dans les meilleures années contribuent à l’approvisionner, ont elles-mêmes récolté beaucoup de froment. L’on croit, cependant, que les recouvrements pourront être difficiles, même dans cette partie de la province : 1° à cause de l’épuisement d’argent, dont il est sorti beaucoup l’année dernière pour acheter des grains au dehors ; 2° parce que les propriétaires ont été obligés de s’épuiser pour subvenir à la nourriture de leurs colons et des pauvres ; 3° enfin, parce que les vignes qui forment la principale partie de leur revenu, ne donneront que très peu de vin, d’une qualité médiocre.
Quant au reste de la Généralité, qui comprend le Limousin et la Basse-Marche, les craintes qu’on avait annoncées au commencement de l’été ne se sont que trop réalisées, et l’on sait à présent avec certitude que le cours de l’année 1771 sera encore plus désastreux que celui de 1770. La récolte en seigle n’est pas meilleure, dans les cantons les mieux traités, qu’elle ne l’a été en 1769 ; et, quoique celle des blés noirs et des châtaignes n’y soit pas entièrement nulle, elle est si médiocre qu’elle ne peut certainement entrer en compensation ou remplacement des réserves qu’on avait alors, et qui restaient des années antérieures. Ce n’est pas tout. Le canton de la Généralité qui est ordinairement le plus abondant en grains se trouve dans le dénuement le plus absolu, au point qu’il n’y a pas eu de quoi semer dans la moitié des domaines. Ce malheureux canton n’a pas même la ressource la plus modique en châtaignes, et les blés noirs y ont plus mal réussi qu’ailleurs. Les habitants sont d’autant plus à plaindre, que les cantons voisins de l’Auvergne et de la généralité de Moulins sont hors d’état de les secourir, étant presque aussi maltraités. Le reste du Limousin est lui-même dans la disette, et paye les subsistances à un prix exorbitant. Ce prix sera encore augmenté par les frais de transport pour arriver à ce canton montagneux, enfoncé dans les terres, et où pendant l’hiver la neige met encore un obstacle invincible aux communications, déjà difficiles par elles-mêmes. Et comment pourront payer des grains à ce prix excessif de malheureux habitants privés pendant deux ans de récolte, à qui des propriétaires épuisés par la nécessité d’acheter des subsistances au plus haut prix pour nourrir eux et leurs familles, leurs domestiques, leurs colons, les pauvres de leurs paroisses, ne peuvent plus donner ni secours, ni salaires ? De quelque côté qu’on tourne les yeux, on ne voit aucune ressource pour la subsistance de ces malheureux.
À l’égard des recouvrements, on conçoit encore moins comment le Gouvernement pourrait tirer des impôts d’un peuple qui n’a pas le nécessaire physique pour subsister.
Tel est le résultat du cruel tableau qu’on est forcé de mettre sous les yeux du Conseil.
II. — Lettres à de Beaulieu, subdélégué[2].
(État des récoltes et détails divers.)[3]
[A. municipales de Tulle.]
Limoges, septembre.
Je ne vous conçois pas ; vous me parlez de la nécessité de prendre des mesures et vous avez raison, mais comment puis-je en prendre sans savoir la quantité de grains qui reste et la quantité d’argent dont je puis disposer[4]. Je devais recevoir immédiatement après mon arrivée l’état de l’opération pour me permettre de prendre un parti. Je l’ai depuis demandé à chaque courrier et vous ne m’en parlez pas encore. Je vous prie instamment d’assembler ces trois messieurs, de travailler avec eux à cet état et de ne les point quitter qu’ils ne l’aient fini. Vous me l’enverriez tout de suite.
Il est aussi nécessaire que je sache à combien est revenue chaque cargaison de Hollande et de Dantzig rendue à Charente, à Angoulême et à Limoges, comme aussi l’estimation des frais de grenier.
M. l’Archevêque de Toulouse doit passer à Limoges vers le vingt. Il faudra, quelques jours auparavant, remeubler mon ancienne chambre pour M. de Loménie. On pourra mettre M. l’Archevêque dans la mienne.
On ne m’a point mandé si l’on avait travaillé à relever le plancher de la salle d’audience.
Madame de Fer a été enterrée aujourd’hui. Le tonnerre tua hier au soir une femme au pont Saint-Martial. Il fit un orage considérable ; il tomba beaucoup de grêle, mais je ne pense pas qu’elle ait fait de mal puisque personne ne s’est plaint[5].
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[1] Ainsi le Gouvernement, sollicité par Turgot, secourut la Province de 750 000 l. : savoir, 450 000 en moins-imposé et 100 000 écus en argent.
En outre, tous les gens riches ou aisés se cotisèrent. Turgot donna tout ce qu’il avait pu économiser en plusieurs années, et emprunta plus de 20 000 francs sur ses biens-fonds pour les consacrer à de nouvelles œuvres de bienfaisance. (Du Pont.)
[2] Communiqué par M. Lafarge.
[3] Premier secrétaire de l’Intendant, « grand travailleur, intelligent, parfaitement honnête homme et fort estimé dans la province », disait de lui Turgot.
[4] Par lettre du 4 septembre, de Beaulieu avait fourni des renseignements sur l’état des récoltes d’été et d’automne, mais sans en avoir conféré avec ses collègues de Boisbedeuil et Brun.
[5] On trouve encore aux Archives de la Haute-Vienne les pièces ci-après (C. 106 ; C. 99, p. 169, 176) :
30 juillet. — Ordonnance d’abonnement aux Vingtièmes pour la paroisse de Subrevas.
25 janvier. — Ordonnance prescrivant à de l’Épine, subdélégué, et à Charpentier, directeur des vingtièmes, de procéder en présence des syndics des corps des marchands à une nouvelle répartition du premier vingtième entre les marchands et artisans de Limoges.
15 février. — Lettre à d’Ormesson au sujet des privilèges des officiers des eaux et forêts d’Angoulême.
19 octobre. — Lettre aux maire et échevins d’Angoulême portant que les habitants des villes franches ne doivent jouir d’aucune exemption de taille d’exploitation.
Du Pont a publié, dans son édition (V, 365) une circulaire aux curés pour pertes de bestiaux datée de Limoges, 14 janvier 1770, qui n’est qu’un rappel aux circulaires précédentes des 22 janvier 1763 et 24 janvier 1767 sur les pertes de bestiaux, les bêtes à laine, les salaires des collecteurs et des huissiers, la destruction des loups. — Voir tome III, p. 244 et 619.
Du Pont cite aussi (VI, 27) une autre circulaire aux curés de mars 1770 qui, dit-il, contenait à peu près les mêmes dispositions que celle du 10 février de la même année. Voir ci-dessus, p. 220.
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