Oeuvres de Turgot – 101 – Lettres à Du Pont de Nemours

101. — LETTRES À DUPONT DE NEMOURS.

XLII. — (La Lettre du Conseiller.)

Limoges, 3 janvier.

J’ai reçu, mon cher Du Pont, vendredi seulement votre lettre du dimanche que j’aurais dû recevoir mercredi. Je l’attendais avec bien de l’impatience.

On n’a point remis votre lettre à Barbou[1], à cause de sa maladie ; mais Desmarets l’a montrée à sa femme qui lui a dit que cela ne souffrirait aucune difficulté, que son mari avait été trompé et vous remplacerait le papier de mauvaise qualité, et qu’il prendrait une autre fois des mesures pour n’être pas dupe de ses fournisseurs.

Adieu, je vous embrasse, en attendant mon retour dont le jour n’est pas encore décidé.

XLIII. — (La Lettre du Conseiller. — Le Parlement. — La Réponse du Roi. — Les Conseillers Saint-Vincent et Michaud de Monblin. — L’Avis aux honnêtes gens. — Phénomènes à Paris. — Les pommes de terre. — Joly de Fleury.)

Limoges, 4 janvier.

J’ai reçu, mon cher Du Pont, ce matin, une lettre de vous encore sans date et que je présume avoir été retardée d’un courrier puisque vous m’annonciez par celui de Saint-Avel[2] que vous m’écririez pour le mardi. Puisque le Conseiller veut absolument se risquer dias in luminis auras, je lui donne ma bénédiction ; mais, en ce cas, j’opine à le faire paraître dès à présent sans attendre le recueil par numéros[3], d’autant plus que ce recueil devant être volumineux sera difficile à répandre. Il me semble d’ailleurs que le brillant du Parlement de Paris a si fort éclipsé celui de Rouen[4] que ce qu’on dira à celui-ci sera presque un almanach de l’année passée. Mais c’est le propre des faibles de n’oser s’attaquer au corps d’armée et de sabrer quelques misérables détachements.

Nous causerons sur tous vos projets qui m’ont un peu fait rire. Vraiment, M. le médecin à l’émétique, vous croyez qu’on vous écoutera. Donnez-nous des remèdes bénins, anodins, qui endorment le malade jusqu’à ce qu’il meure. Voilà ce qu’il nous faut.

Il s’en faut bien que je trouve la Réponse[5] telle qu’il fallait, elle est faible et sans dignité. Qu’est-ce que la garniture des marchés dont on daigne parler ? Qu’est-ce que l’aisance du laboureur devenue une cause de la cherté actuelle et associée avec les terreurs populaires et les manœuvres des mal intentionnés ? Qu’est-ce que cet appel du Parlement de Paris aux autres Parlements ? Comme si tous les Parlements réunis devaient faire la loi au législateur. Qu’est-ce enfin que le silence sur les états des Halles et de la place Maubert ? Oh Quelle différence de cette réponse à votre projet !

Comment M. de Saint-Vincent[6] n’a-t-il pas mis les commissaires dans le cas de l’exclure pour ensuite dénoncer aux Chambres cette exclusion qui aurait été une infraction formelle de toutes les règles connues et un attentat de quelques particuliers sans pouvoirs, contre les droits mêmes du Parlement, et voilà comme l’homme est de glace aux vérités ; il est de feu pour le mensonge.

Ce petit ou grand M. de Monblin[7] se montre un bien digne fils de son digne père, le fameux Montaran. Il y a longtemps qu’il est un des grands intrigailleurs des bandes noires[8] auxquelles vous voulez qu’on donne leur congé. Vu l’état actuel, étant donné (a + b + c + d + e) x if = 0, ce projet ne saurait être proposé sérieusement ; mais ce serait une excellente plaisanterie à faire que de publier cet édit avec les remontrances assaisonnées de citations et d’algèbre.

Je ne sais si le Conseiller n’aurait pas percé par les mugissements sourds du dieu des Égyptiens[9] ; on me parle d’une réponse au Parlement de Rouen qu’on dit excellente et qu’on n’a pas pu se procurer. J’imagine que c’est de la Lettre du Conseiller qu’on a voulu me parler ; c’est une raison pour le laisser courir plus à son aise.

Au moyen des douze exemplaires que l’Archevêque de Toulouse m’a renvoyés de l’Avis aux honnêtes gens, vos 130 suffiront à peu près. Vous avez raison de ne plus m’envoyer ce que j’ai à Paris ; il vaut autant que je fasse partir le tout ensemble.

Vous avez à Paris de bien beaux phénomènes : une étoile qui s’éteint[10], une planète qui s’envole, un axe de la terre qui s’incline de cinq degrés de plus et qui, pour rendre le prodige encore plus incroyable, augmente la durée des jours d’hiver au lieu de les diminuer ! Nous n’avons rien de pareil à Limoges et, pour nous consoler de votre supériorité sur nous, nous disons que si la durée des jours est augmentée à Paris, la somme de lumière ne l’est certainement pas.

Le pain mêlé de pommes de terre est très bon ; j’en ai mangé et fait manger à tout le monde à ma table. Mais il n’y a pas de profit, il vaut mieux manger la pomme séparément et diminuer la dose du pain.

Je ne puis comprendre que la police ait eu la bêtise de confirmer les préjugés du peuple ; si c’est mon cher cousin qui a fait cette expédition, je n’ai rien à dire, elle est dans l’ordre ; car si l’on mangeait des pommes de terre, le blé ne serait pas si cher, et si le blé n’était plus si cher, les larmes du peuple ne feraient pas un si bel effet dans son pathos et il ne serait pas un aussi grand personnage, il ne serait plus qu’un grand homme de cinq pieds neuf pouces entre œil et bât.

Je ne sais ce que j’ai pu vous dire dans ma lettre du 22, d’où vous tirez ces conséquences auxquelles je n’ai point pensé contre l’avantage de nourrir le plus d’hommes avec le moins de terre possible, en ajoutant le mot bien nourrir. Cet avantage est incontestable, quoique le passage subit, qui n’attendrait pas les progrès de la population, dût avoir un très grand inconvénient par l’anéantissement des revenus jusqu’à ce que le nombre des consommateurs fût venu remplir le vide ; mais, il en est ainsi de l’augmentation de culture ; il faut que l’augmentation de subsistance et celle de la population se fasse du même pas et s’excite réciproquement par de légères oscillations toujours peu éloignées de l’équilibre, mais c’est ce qui arrivera toujours avec la liberté, mot qui compose à lui seul tout le catéchisme  politique.

Je ne vous réponds pas sur l’article de la voix consultative[11], les distinctions que vous êtes obligé de faire prouvent suffisamment que ce mot ne doit pas être placé dans une réponse aux Remontrances, où il ne faut rien qui exige des analyses fines, mais de bonnes vérités bien palpables.

Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasse et serai sûrement à Paris du 15 au 20.

Dans les vers de dix syllabes[12], et non dissyllabes corrigés, mettre :

Qui des catins en son temps le héros.

S’est fait depuis, souteneur des dévots.

Desmarets vous fait mille compliments.

XLIV. — (Voyage de Turgot.)

Limoges, 10 janvier.

Je ne vous écris, mon cher Du Pont, que pour vous dire de ne plus m’écrire. Je n’arriverai qu’à la fin de la semaine prochaine ; il est inutile que vous veniez au-devant de moi, les mauvais chemins rendant nécessairement le moment de mon arrivée incertain. D’ailleurs, je n’aurai pour vous ni dinde, ni pâté aux truffes. Adieu, je vous embrasse. M. de La Valette est mieux. Desmarets vous fait mille compliments.

XLV. — (L’imprimeur Barbou. — Situation de Du Pont. Les Éphémérides. L’Examen de l’examen. — Le marquis de Mirabeau. —Chinki, par l’abbé Coyer. — D’Angivillier. — Le Dauphin.)

Limoges, 13 janvier.

Je ne comptais plus vous écrire, mon cher Du Pont, mais vos dernières lettres exigent réponse sur quelques articles ; ainsi je vous dirai :

1° Que j’ai reçu de vous huit lettres seulement ; celle qui me manque est celle du 8 décembre ; encore suis-je persuadé que vous ne l’avez point écrite, car celle qui est partie le 11 et que j’ai sous les yeux me paraît être la seconde que vous m’ayez écrite et non la troisième.

2° Voici la réponse de M. Barbou, celle qui a accompagné votre sixième, ou plutôt de son commis, car il est encore trop malade pour écrire. Elle est telle que vous pouvez la désirer et telle qu’elle devait être. Il fera prendre le mauvais papier par son frère de la rue Saint-Jacques qui saura bien en trouver l’emploi.

3° Je ne pense pas que vous deviez encore vous décourager sur les mauvaises impressions et les coups de corne. Je sonderai moi-même le terrain et j’espère que je pourrai un peu détruire l’idée qu’on avait de vous, si tant est qu’on l’eut. Je certifierai que vous êtes une très bonne tête et qui est très près de la juste température mitoyenne entre l’eau bouillante et le terme de la glace. Je tâcherai aussi d’aiguillonner de mon côté Desmarets. Cet Apis devrait pourtant être bien content de vous dans le nouveau volume[13] dont je suis enchanté.

4° Et non moins enchanté du parti que vous avez pris de donner séparément l’Examen de l’examen[14]. Cela s’appelle lever noblement les difficultés ; il est dommage que vous ne puissiez pas aussi donner gratis au public les œuvres prolixes de M. B.[15] Vous y gagneriez, je crois, plus que vos frais. Votre extrait de Chinki[16] est très agréable et celui du Ne quid nimis un chef-d’œuvre. Il n’y a que la plaisanterie de M. Pincé[17] que je n’aime pas à moins qu’elle n’ait rapport à quelque ouvrage de Forbonnais sous ce nom, auquel cas il aurait fallu une note pour expliquer ce que c’est.

5° Je suis fort aise que vous ayez vu d’Angivillier ; c’est un garçon qui a de l’esprit, des connaissances et une âme très honnête.

6° J’ai été ci-devant opposé à toute dédicace[18], cependant, vu les vents qui soufflent, l’exemple d’Arion est fort tentant et je me range à l’avis du docteur et de M. de Saint-Mégrin, pourvu que la dédicace soit très bien faite et noble sans affectation, chose difficile. Au reste, votre volume ne sera pas publié le 20 janvier et nous aurons encore le temps d’en causer. Une dédicace s’imprime fort bien après tout le reste du volume.

Vous m’apprenez que la mouche du coche est une abeille, mais j’y trouve cette différence, c’est qu’avec l’autre mouche, le coche allait, du moins suivant son fidèle historien, Jean de La Fontaine, au lieu que je doute fort que le coche aille avec celle-ci. Cela ne vient pas de la différence des mouches, mais sans doute de la différence des bourbiers ; je plains les pauvres chevaux !

Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasse, et je sens bien vivement tous les témoignages de votre amitié. Mes compliments à Mme Du Pont.

Je me rappelle qu’Arion vivait dans un temps et nous dans un autre. Les naturalistes prétendent que l’animal qui lui fut si utile a beaucoup perdu de ses bonnes qualités et qu’aujourd’hui il n’a plus ni l’oreille aussi sensible, ni le caractère aussi officieux. Le pauvre Arion se noierait sans trouver qui vînt l’aider à nager[19].

XLVI. — (L’Amabed de Voltaire.)

Dimanche, à 1 heure de l’après-midi.

Je rentre sans avoir trouvé M. Trudaine qui est parti pour Compiègne. Je lui écris sur-le-champ afin que dans ce voyage, il décide quelque chose ; j’espérais que vous ne seriez pas encore venu ; mais je me suis mis bien en colère contre vous de trouver Amabed[20] chez mon portier. Comment ne l’avez-vous pas envoyé cacheté ? Du moins, fallait-il monter et mettre cette brochure sur mon bureau. Je vous embrasse pourtant, malgré ma colère et vous envoie le mémoire de M. Rivalz que j’ai demandé pour vous. Mille compliments au docteur.

XLVII. — (La Lettre du Conseiller.)

Voici, mon cher Du Pont, la Lettre du Conseiller de Rouen que vous me redemandez. Je serai aussi fort aise de voir M. Le Trosne et de lui donner à dîner. Vous n’avez qu’à me faire dire le jour qui vous conviendra à tous deux. Je n’ai vu de livres, ni du Parlement de Paris, ni de celui de Grenoble. Je vous embrasse. Mon rhume de cerveau va mieux. Je dîne demain à Châtillon.

La pendule est-elle prête à partir ?

XLVIII. — (Les Remontrances des États du Languedoc.)

Mercredi.

J’ai oublié hier, mon cher Du Pont, de vous demander, pour l’Archevêque de Toulouse, 200 exemplaires des Remontrances des États du Languedoc. Vous me ferez plaisir de me les envoyer avec la note du prix.

J’ai vu l’abbé de Mauvoisin qui m’a inquiété sur votre mal de poitrine. Je crains de ne pouvoir aller vous voir. Donnez-moi de vos nouvelles par la petite poste.

XLIX. — (Sartine, lieutenant de police.)

Samedi matin.

J’ai vu M. de Sartine, mon cher Du Pont, il me dit que, malgré les vacances, vous pouviez vous adresser à M. Marin ou à lui pour demander le mandat. Il m’a même dit que vous pouviez venir ce matin chez lui. Je ne sais trop cependant s’il ne vaut pas mieux vous adresser à Marin, à moins que l’audience, en occupant M. de Sartine de beaucoup d’objets, ne le rende moins précautionné. Je vous embrasse.

XL. — (Les Éphémérides.)

Limoges, 1er Août à 10 heures du soir.

Je reçois, mon cher Du Pont, votre lettre d’avant-hier, et quoique pressé à l’excès, j’y réponds sur-le-champ deux mots en me réservant d’y répondre plus au long de Verteuil.

Je ne veux, dans ce moment, que vous tranquilliser en vous mandant de ne pas être inquiet du moment présent, et que j’y pourvoirai avant que la distribution du mois prochain vous mette dans l’embarras. Je ne sais si je suis bien aise ou fâché que vous ayez écrit à M. Trudaine. Je n’aimerais pas trop que vous lui eussiez cette obligation. J’aimerais encore moins qu’il ne voulût pas la mériter. D’un autre côté, il n’est pas mal qu’il sache positivement votre situation.

Adieu, mon cher Du Pont. Ne perdez point le courage et croyez que vous n’êtes point sans un ami. Je vous embrasse.

XLI. — (Situation de Du Pont. — Trudaine. — Paresse de Turgot.)

Verteuil, le 5 août.

Je ne pus, mon cher Du Pont, vous écrire qu’un mot mardi dernier en recevant votre lettre à 10 heures du soir au moment où le courrier de Paris allait partir et où j’allais me coucher, accablé du travail du jour pour me lever à 4 heures du matin et me mettre en route pour ici. Je n’ai pas besoin de vous dire combien j’ai été pénétré de vos deux lettres. Je crains, dans le petit billet que je vous ai écrit, de ne m’être pas assez expliqué pour vous tranquilliser sur le moment présent. Mon projet est d’écrire directement au contrôleur général, mais auparavant je veux récrire à M. Trudaine pour le prier de me marquer ce qu’il a fait, parce qu’il faut bien que je le sache pour en prendre mon texte. Je serais vraiment bien fâché contre lui de n’avoir pas répondu à ma lettre si je ne savais que sa santé a encore empiré à Compiègne et qu’il est parti pour Montigny dans un état inquiétant. Comme, en attendant le succès de ces nouvelles tentatives, je compte vous envoyer par l’abbé de Mably qui est ici et qui doit partir de Limoges le mardi 22, pour arriver à Paris le 28, une petite boîte où il y aura 25 louis. Mais, comme en attendant, il ne faut pas retarder la publication de votre volume, je mande par ce courrier à M. Cornet[21] qui a reçu 180 francs pour moi, prix d’une commission que j’ai faite à Brive, de me les faire passer et, pour cet effet, de vous les remettre sous prétexte que vous avez une occasion pour les envoyer au manufacturier de Brive. Ainsi, vous pouvez aller les prendre chez M. Cornet, lequel demeure rue Saint-Avoye, vis-à-vis la rue du Plâtre. Répondez-moi à Limoges par le premier courrier ; j’y trouverai votre lettre en arrivant. Mandez-moi ce que M. Trudaine vous a répondu. Si, comme la chose serait possible, il avait arrangé votre affaire sur la caisse du Commerce[22], je ne chargerai point l’abbé dé Mably des 25 louis, attendu que j’ai aussi un peu besoin d’argent, ayant beaucoup dépensé cette année.

Malheureusement, j’ai plus besoin de temps que d’argent, sans cela, j’aurais un grand plaisir à répondre à la partie sensible de votre lettre qui m’a fait un bien grand plaisir, et à laquelle je réponds du moins bien du fond de mon cœur, car, j’ai le temps d’avoir un sentiment, si je n’ai pas le temps de l’exprimer.

J’aurais bien des observations à vous faire sur le dernier volume des Éphémérides[23] et je suis vraiment fâché de n’en avoir pas le temps. Vous me direz qu’il manque toujours aux paresseux ; je ne l’ai pourtant pas été depuis que je suis ici. Savez-vous que cette paresse est pour moi un vrai malheur et souvent aussi sensible que ceux dont vous vous plaignez. Corrigez-vous-en, direz-vous. Je me le suis bien dit aussi, et c’est là ce qui rend le mal plus sensible, car je n’en connais pas de plus cruel que la honte et les remords et c’est à quoi expose la paresse. Adieu, mon pauvre ami, je vous embrasse de tout mon cœur.

Je vous renvoie la lettre de M. de Fourqueux, apostillée de ma main ; vous en ferez l’usage que vous voudrez.

LII. — (Situation de Du Pont.)

Les Courrières, 20 août.

J’ai reçu, mon cher Du Pont, trois lettres de vous auxquelles toutes mes courses m’ont empêché de répondre. J’ai à peine aujourd’hui le temps de vous dire un mot pour profiter du départ de l’abbé de Mably qui vous porte avec ma lettre 17 louis 1/2, ce qui avec les 180 livres que vous prendrez chez M. Cornet font les 25 louis, car les circonstances me font adopter la réduction que vous proposez, à condition, et non autrement, que vous m’avertirez franchement du moment où vous aurez besoin de davantage. Je m’arrangerai pour que cela ne me gêne pas. J’ai bien peur que vos idées auprès de M. Bertin ne soient très difficiles à conduire à bien, attendu qu’il ne dispose d’aucun fonds et je ne puis d’ailleurs agir un peu efficacement qu’à Paris. Je ferai, au reste, une tentative auprès de M. d’Invau, dût-elle ne rien produire. Je penserais comme vous et je serais moins scrupuleux sur les excédents de capitation, si les revenants bons en étaient versés au Trésor Royal, mais tout est employé pour l’utilité de la Province, et c’est pour cela que j’ai la force de ne vous en rien donner.

Je suis vraiment inquiet de M. Trudaine. Je serais bien affligé de sa perte, et pour moi, et pour la chose publique. Je ne doute pas que M. de Fourqueux ne succède à toutes ses places. Pour vous donner des avis sur les Éphémérides, il faudrait du temps et vous voyez à la hachure de mon style que je n’ai pas un instant pour causer avec mes amis, mais j’aurai toujours celui de les aimer. Je tâche de profiter de vos deux avis Vale et labora. Je fais assez bien l’un et l’autre depuis quelque temps, et je vous rétorque vos souhaits de tout mon cœur, en vous embrassant.

J’ai vu tous les mémoires, excepté celui de M. Nerva.

LIII. — (Les Éphémérides. — La Compagnie des Indes. — L’abbé Morellet. — Mme Du Pont. — Le duc de Lauraguais.)

Limoges, 31 août.

Vous devez avoir des morceaux de M. des Essarts[24] sur des Analyses des biens fonds et les États de recettes et dépenses de deux domaines de M. de l’Épine. Vous me ferez plaisir de me renvoyer tout cela.

J’ai reçu à la fois, mon cher Du Pont, vos deux lettres du mardi et du dimanche et votre volume de juillet[25] dont je suis très content, si ce n’est que je suis fâché qu’ayant eu autant du matériaux étrangers vous n’ayez pas un peu regagné d’avance. Je vous exhorte à forcer de rames pour rattraper le courant. J’ai été surtout content de votre morceau sur les Finances d’Angleterre ou plutôt sur l’histoire du règne d’Henri second. Le morceau sur les vins est excellent[26]. Comment avez-vous fait pour passer M. G. avant M. B.[27] et comment celui-ci a-t-il pris la remise d’un de ses Dialogues[28] à l’ordinaire prochain ? Je vous vois accablé de matières et de matières intéressantes. Cela doit faire venir un peu plus de souscripteurs. Comme l’affaire de la Compagnie des Indes[29] intéresse beaucoup le public, vous ferez bien de faire tirer cet article séparément ; cela aura deux utilités, l’une de se bien vendre et l’autre de faire circuler un échantillon des Éphémérides. Mais, par cette raison même, je vous recommande d’éviter plus que le feu le jargon économiste, de dire la justice tout court et non la justice par essence, expression ambitieuse qui ne dit rien de plus quand il s’agit d’applications particulières.

Un autre avis que je ne veux pas oublier, c’est de ne plus parler des feuilles de surérogation que vous donnez dans les Éphémérides ; ce petit calcul de désintéressement a l’air d’y mettre de l’importance. À la bonne heure, d’avoir fait la remarque une fois ; mais tous les mois, mais plusieurs fois dans celui-ci, mais parler encore de la scrupuleuse exactitude de vos confrères sur le nombre de leurs pages, c’est beaucoup trop assurément.

La Lettre du Parlement de Grenoble[30] est bien, mais on peut faire mieux et j’y trouve du verbiage et de ces choses à demi vues qui ne sont ni vraies, ni fausses.

L’abbé Morellet me paraît très malheureux, car le déchaînement contre lui est extrême, et il a l’air d’avoir écrit pour une mauvaise besogne[31]. Je ne crois pourtant pas que l’on ait voulu substituer un nouveau monopole à l’ancien, ni que M. de la Borde[32] soit pour rien là-dedans. Son commerce exclusif des piastres suffit pour lui et les siens et est bien moins risquable ; d’ailleurs, le Contrôleur général n’est nullement bien avec lui. Je crois que toutes ces restrictions[33] qui vous blessent avec raison viennent de ce qu’on n’a pas osé prendre un ton entièrement décidé sur les principes, et aussi de ce que les avis, étant partagés dans le Conseil, on a pris des partis mitoyens. On a voulu procurer aux officiers de la marine de la Compagnie de l’emploi et donner la préférence pour les passeports à ceux qui les emploieraient, et puis, dès qu’il a été question de passeports, le ministre de la Marine a voulu en donner. Les autres restrictions tiennent à l’envie de conserver un fantôme de compagnie. Celle du port de Lorient tient peut-être aux plaintes de la Bretagne qui a représenté que la suppression de la Compagnie ruinait une de ses plus belles villes. Enfin, je crois que celui que vous appelez mon ami le négatif, n’a mis dans tout ceci aucune des mauvaises intentions que vous lui supposez, mais que le dépendaillement de l’administration ne permettant pas qu’on embrasse l’ensemble d’aucune besogne pour en faire marcher toutes les parties d’accord, il a manqué la sienne, comme on en a manqué bien d’autres et comme on en manquera encore.

On a trouvé le contrat que vous me demandez ; on en fait l’expédition.

Je vous fais mon compliment sur la grossesse de Mme Du Pont et souhaite que l’enfant naisse sous de meilleurs auspices qu’il n’a été conçu. Qu’il mange du beurre et du miel pour apprendre à rejeter le mal et à choisir le bien et qu’avant qu’il sache l’un et l’autre, les règlements, les privilèges exclusifs, les prohibitions, les impôts indirects et tous les ennemis de Jérusalem soient anéantis et nous l’appellerons

Accelera, spolia detrahe festina prœdari[34]

ce qui ne signifie pas que nous en ferons un financier, mais un destructeur des financiers.

Comme l’amitié ne se mérite que par l’amitié, vous n’avez pas besoin de vous tourmenter pour me faire chancelier sur mes vieux jours. Je suis bien plus sensible au compliment que votre fils fait à mon portrait.

Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasse. Mes compliments à Mme Du Pont.

Encore un mot d’avis, vous semblez annoncer un examen du Mémoire de M. de Lauraguais[35]. Je serais fâché que vous vous compromissiez avec cet homme. C’est un fou méchant, avec lequel il ne faut avoir aucun rapport, pas même pour le réfuter, parce que ses sottises ne sont pas contagieuses. Connaissez-vous cet animal dont la ressource est, quand on le poursuit, de lâcher des exhalaisons si puantes que le chasseur le plus déterminé retourne sur ses pas ? M. de Lauraguais lui ressemble beaucoup. La partie de son Mémoire qui a été lue à la Compagnie[36] me paraît trop bien faite pour être de la même main que le reste.

Desmarets est encore en Auvergne où il a joint Mme d’Enville.

LIV. — (L’abbé Baudeau. — Les Éphémérides. — Quesnay.)

Limoges, 8 septembre.

Je suis fort aise, mon cher Du Pont, d’apprendre le retour de l’abbé Baudeau. Faites-lui je vous prie, mille et mille félicitations de ma part. Je lui dois une lettre depuis qu’il est parti, mais il m’excusera volontiers, car malgré son activité, il est paresseux aussi à sa manière. Les arrangements dont vous me faites part sont plus économiques et plus philosophiques que laconiques et c’est une raison pour que ses amis ne les divulguent pas, car il faut respecter la décence et les lois établies, lors même qu’on n’est pas attaché aux principes qui les ont fait établir, surtout lorsqu’on porte certaine livrée.

Le retour de l’abbé peut vous être utile, non seulement du côté pécuniaire, mais aussi du côté littéraire ; il devrait bien vous prêter un coup de collier pour vous remettre au courant et même pour vous mettre en avance de quelques mois.

Je n’ai pas grande foi à la trisection nouvelle du Docteur[37]. Pour être bonne, il faut qu’elle soit contraire à l’ancienne qui était fausse, car la trisection est trouvée par l’hyperbole et si la trisection par la règle et le compas ne coïncide pas avec celle-là, ce ne peut être qu’un paralogisme.

Vous aurez incessamment les éclaircissements que vous avez demandés pour un de vos amis.

Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasse bien tendrement. Bien des compliments à Mme Du Pont et mes amitiés au Docteur.

Caillard vous remercie. Desmarets est encore en Auvergne avec Mme d’Enville.

LV. — (La poste. — Baudeau. — Lauraguais.)

Limoges, 29 septembre.

J’ai reçu, mon cher Du Pont, deux lettres de vous par le même courrier, dans l’une desquelles vous vous plaignez d’une lettre de bureau que j’ai signée et qui vous a coûté 3 l. 6 s. de port. Je suis fâché de ce dernier article et ce n’est pas par ma faute. J’avais bien recommandé à M. de Beaulieu de faire une double enveloppe pour M. Trudaine. M. de Beaulieu l’avait bien recommandé au commis qui a fait le paquet. Cela ne prouve-t-il pas qu’il faut faire soi-même jusqu’aux enveloppes de ses lettres ? Et concluez de là comment le gouvernement doit aller, et vous me demandez si je suis content de moi. Je crois qu’on ne le sera que dans la Louisiane, lorsqu’on y sera gouverné par l’ordre naturel. En attendant, on s’obstine à la rendre aux Espagnols et cela retardera un peu l’exécution de vos grands projets. Ceux de l’abbé Baudeau ne sont pas tout à fait si pacifiques, mais il y a une furieuse distance de Cronstadt à Constantinople et la nation Russe n’a pas deux flottes à risquer.

Je vous approuve fort de briser sur toutes les avances de M. de Lauraguais et de vous en tenir à faire paisiblement vos Éphémérides. J’attends avec impatience votre nouveau volume.

Ne soyez plus fâché, je vous prie, car je serais fâché de votre fâcherie et d’autant plus qu’elle est injuste. Je vous avais écrit deux jours auparavant pour vous-même, et vous savez qu’un intendant a au moins aussi peu de loisirs qu’un journaliste.

Adieu, je vous embrasse bien tendrement.

LVI. — (Les Éphémérides. — La Caisse de Poissy. — Le commerce des Indes. — La corvée. — Les faits. — Lauraguais).

Limoges, 17 octobre.

J’ai reçu, mon cher Du Pont, votre lettre du 9 et votre note proscrite[38] que je vous renvoie après en avoir fait tirer copie, car l’explication que vous donniez de la caisse de Poissy est une bonne chose. Il faudra trouver moyen de placer cela quelque part. Je suis fâché pour M. de Sartine qu’il s’oppose à la publication de ce morceau et je vous plains de la commission dont il vous a chargé d’être votre propre censeur. M. de Sartine a au fond de bonnes intentions, mais sur toute chose, il craint de se compromettre. J’ai encore plus regret à votre temps et d’autant plus que je ne goûte pas trop votre manière d’envisager la question du commerce des Indes[39]. Elle n’est pas si neuve que vous le pensez et il y a bien longtemps qu’on a écrit que le commerce des Indes est par lui-même ruineux. Il est vrai qu’on en a donné de mauvaises raisons ; c’est, dit-on, parce que ce commerce se fait en argent. Mais indépendamment de ces raisonnements antiques, l’abbé Morellet a précisément dit comme vous que si le commerce de l’Inde a besoin pour se soutenir de compagnies, c’est-à-dire, s’il n’est pas lucratif par lui-même et indépendamment des secours du gouvernement, il est plus avantageux à l’État qu’il ne se fasse point et qu’on tire les marchandises des autres nations. Vous ne devez pas dire autre chose, car si vous vouliez dire plus, vous sortiriez de la question. La question est et doit être celle de la liberté, et doit être résolue par la liberté. Que le commerce soit lucratif ou non, c’est là l’objet particulier des spéculations du négociant qui saura bien faire ou ne pas faire ce commerce suivant qu’il conviendra à ses intérêts. L’affaire de l’homme d’État est de lui dire : faites ce que vous voudrez ; ce n’est point à lui à examiner si le commerce est bon ou mauvais ; si le commerçant y gagne, il est bon ; s’il y perd, il est mauvais. Dans le premier cas, il se fera ; dans le second, il ne se fera pas. Or, ce que je dis là, l’abbé Morellet l’a dit. Il semblerait, d’après votre lettre, que vous regardez, au contraire, comme la vraie question importante de savoir s’il est avantageux de faire le commerce de l’Inde directement. Or, c’est si peu la vraie question que le seul résultat pratique, qui est la liberté, en est indépendant. Si cette considération pouvait influer sur le résultat pratique, il s’ensuivrait qu’au cas où le commerce de l’Inde fût mauvais et désavantageux, il faudrait le défendre. Vous n’admettrez sûrement pas cette conséquence. Donc, votre question, que vous regardez comme la principale, n’a aucune conséquence pratique pour l’homme d’État. Elle n’en a guère que pour le négociant qu’elle doit déterminer à faire ou à ne pas faire le commerce.

J’ai une autre observation à vous faire sur l’article de votre journal[40] où vous avez inséré ma note. Je vous avais bien prié de ne plus disputer sur ma méthode et celle de M. de Fontette[41]. Ne voyez-vous pas que, puisque que l’on a entamé cette dispute sur un mot très léger que vous en aviez dit à mon grand regret, l’amour-propre de M. de Fontette a été choqué de la préférence et que, par conséquence, cette dispute, en se prolongeant, ne peut que l’aigrir contre moi plus encore que contre vous.

Je suis aussi un peu fâché que, dans la note sur la Caisse de Poissy, vous avanciez que le commerce des bestiaux ait baissé en Limousin ; il est certain, au contraire, que depuis trois ans, il a été très florissant. Il faut tâcher d’éviter en politique de raisonner par les faits. Les faits sont bien plus difficiles à constater que les principes et souvent le fait faux nuit dans l’esprit du lecteur au principe vrai.

Quelque chose que dise et fasse M. de Lauraguais, tenez-vous à mille lieues de lui, il vaut mieux être son ennemi plus tôt que plus tard, car, en l’étant tout de suite, on n’a du moins à craindre ni trahison, ni abus de confiance, etc., etc., et un ennemi aussi connu que celui-là par son absurdité ne peut être à craindre que par ses noirceurs.

Je suis bien sensible au souvenir de Mme Du Pont ; vous ne me marquez pas ce qu’elle désire de moi.

Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasse.

LVII. — (Accident. — Les Éphémérides. — L’abbé Baudeau.)

Limoges, 24 octobre.

Je commence, mon cher Du Pont, pour ne pas l’oublier comme je l’ai déjà fait, par vous dire que j’ai reçu pour vous 58 l. de M. de Nauclas[42], sur quoi M. de Beaulieu a retenu les 15 l. 5 s. pour l’expédition des actes que vous aviez demandés. Reste 43 l. 15 s. que je vous enverrai à Paris, si vous le voulez, ou que je garderai à compte de vos remboursements, si vous l’aimez mieux, sauf à vous les reprêter quand vous voudrez. Maintenant, il faut vous remercier de vos inquiétudes sur mon passage de la Gartempe où je n’ai pas couru le moindre danger, mais bien mon postillon, qui s’est jeté dans l’eau pour sauver mon cheval et ma voiture. Ce n’était point à Monterolle où la Gartempe ne passe pas, ni sur un pont, mais au passage d’un très mauvais bac dans un lieu où cette rivière est assez forte et très rapide ; le bac s’en allait avant que la voiture fût tout à fait entrée. Le cheval attaché à la voiture est tombé dans l’eau et s’y serait noyé si mon postillon n’eût sauté dans la rivière. Je voyais tout cela de l’autre bord. Cette aventure m’eût été fort agréable si elle m’eût procuré votre visite, mais les Éphémérides en auraient trop souffert. Il faudrait que l’abbé Baudeau vous aidât de façon à vous faire gagner trois mois d’avance ; alors vous seriez un heureux journaliste, surtout si les souscriptions affluaient un peu.

Je suis fort aise que cet abbé se soit si bien arrangé sans simonie et qu’il l’ait fait sans péché. J’espère que, s’il n’a pu encore vous payer ce qu’il vous doit, cela ne tardera pas longtemps. Je n’entends pas trop comment il voulait que l’Impératrice de Russie rappelât ses troupes ; il avait donc aussi parole du Turc qu’il rappellerait les siennes et des confédérés qu’ils resteraient tranquilles.

Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasse et vous prie de compter toujours sur mon amitié. Bien des compliments à Mme Du Pont.

À propos, si vous m’écrivez dans l’intervalle du mardi 31 au samedi 11, écrivez-moi à Angoulême et non à Limoges. Mais mettez votre lettre à la boîte avant 8 heures du matin, le samedi et le mardi, car vos lettres, faute de cette précaution, sont toujours retardées d’un courrier.

LVIII. — (Les Éphémérides. — Le commerce des Indes. — Les Mirabeau. — La guerre entre la Russie et la Turquie. — Maladie de Trudaine.)

Angoulême, 7 novembre.

J’ai reçu, mon cher Du Pont, votre billet du 22 à Brive où j’étais alors. Si j’avais été à Limoges, j’aurais remis sur-le-champ votre lettre à M. Barbou et, comme celui-ci faisait partir une voiture de papier pour M. Gombert, il en aurait destiné quatre balles pour nous. Malgré ce contretemps, Desmarets, qui l’a vu, m’a dit de sa part que vous auriez votre papier dans le mois de novembre ou, au plus tard, au commencement de décembre. Je vois avec peine que vous êtes arriéré de deux mois, si l’abbé Baudeau ne vous donne un bon coup de collier.

Je persiste à penser que la discussion sur l’avantage du commerce des Indes en lui-même n’est point la question principale à traiter, mais bien une question accessoire, pour répondre à l’objection tant répétée : « mais le commerce des Indes ne peut se faire sans Compagnie ». À quoi deux réponses : 1° le commerce des Indes peut se faire sans compagnie ; 2° il n’est pas nécessaire que le commerce des Indes se fasse et, s’il est vrai que la France en particulier ne puisse faire ce commerce sans compagnie, c’est une preuve démonstrative que ce commerce n’est pas avantageux à la France et qu’il vaut mieux pour elle tirer les marchandises de l’Inde par toute autre voie que par un commerce direct.

Dans la vérité, vous accordez beaucoup trop facilement qu’il faut des places et des comptoirs fortifiés aux Indes pour y faire le commerce ; cette prétendue nécessité est un des prétextes dont se couvre l’esprit de monopole, mais ce prétexte est très frivole et je ne serais pas embarrassé de le démontrer : or, je vois avec peine que vous prenez cette nécessité pour base de vos raisonnements contre le commerce direct aux Indes et que vous en tirez des conséquences auxquelles vous attribuez une vérité absolue au lieu qu’elles n’ont qu’une vérité hypothétique.

J’ai trouvé ici votre lettre du 28. Je savais que le mari de Mlle de Mirabeau[43] avait été rappelé auprès de son père agonisant, précisément comme le prince Amazan dans la Princesse de Babylone[44]. L’abbé Baudeau pourra remplir le rôle du phénix, et raconter à la princesse les choses curieuses qu’il a vues dans ses voyages et il faut espérer qu’il ne se trouvera dans le cours du roman, ni roi d’Égypte, ni fille d’affaire.

À propos de l’abbé Baudeau, voilà les Russes triomphants et la flotte en chemin pour Constantinople. Que dites-vous de ces événements ?

Savez-vous que M. Trudaine va en Languedoc rétablir, s’il se peut, par le changement d’air, sa santé qui dépérit à vue d’œil. Son beau-père[45] fera le travail. J’ai bien peur que son pauvre gendre ne le lui laisse bientôt en propriété et ne revienne jamais de son voyage. Adieu, mon cher Du Pont, je vous embrasse ; portez-vous bien et ne vous tuez pas comme M. Trudaine.

À propos, que signifie tout ce bel éloge de la Virginie[46] ? Est-ce que vous ne savez pas que cette Virginie est une colonie à nègres ?

LIX. — (Le fils de Du Pont. — La goutte. — Le Journal du Commerce, les Éphémérides, la Gazette du Commerce. — Le commerce des Indes.)

Limoges, 29 novembre.

Je reçois, mon cher Du Pont, votre lettre par laquelle vous m’apprenez qu’il faut débaptiser M. Maher Mal Hal has bas[47]. Vous avez très bien fait d’accepter l’offre que vous a faite M. de Saint-Mégrin et d’y faire céder une chose qui n’était qu’en projet. Vous avez grande raison de penser que je n’en aimerai pas moins le père et n’en ferai pas moins mon possible pour rendre service à l’enfant.

J’ai bien peu de temps pour vous répondre. La goutte qui m’a pris à Angoulême, comme je vous l’ai peut-être mandé, m’enlevant une partie de mon temps, quoiqu’elle soit très légère et que je doive me tenir heureux d’en être quitte à si bon marché.

Je veux pourtant vous dire un mot sur la proposition de MM. du Journal du Commerce de réunir les deux privilèges[48]. Je ne vois point du tout que vous soyez sûr de leur succéder ab intestat. Ils pourraient s’arranger avec un auteur plus capable que De Grace et Yvon, l’abbé Roubaud par exemple, et il est très sûr que la forme de leur journal est plus propre, surtout si l’on y joint la Gazette[49], à attirer un grand nombre de souscripteurs. Je voudrais qu’ils voulussent, en réunissant les deux privilèges, évaluer le vôtre au tiers du total et vous céder, en outre, un tiers en pleine propriété, à la charge, par vous, de vous charger seul de la façon dont vous seriez maître absolu, soit pour le Journal, soit pour la Gazette, ainsi que des correspondances, détails d’impression, et vous leur rendriez un tiers un produit net. Je trouverais ce marché avantageux à tous égards et très propre à vous mettre au-dessus de vos affaires. Alors, vous pourriez soudoyer un bon traducteur anglais, ainsi que l’abbé Roubaud, pour vos extraits, sans compter les secours de l’abbé Baudeau et d’autres. La Gazette pourrait devenir aussi intéressante qu’elle est plate, et je suis persuadé que vous et les anciens propriétaires gagneriez beaucoup à cet arrangement ; bien entendu que vous n’entreriez pour rien dans les dettes antérieures.

Je persiste à penser que les établissements de souveraineté sont parfaitement inutiles pour le commerce des Indes. Vous me feriez trembler par vos prophéties sur la guerre.

LX. — (La goutte. — Les Éphémérides. — Écrits de Turgot : les Collecteurs, les Richesses, les Foires et marchés. — L’Épine, Desmarets, Le Trosne, Trudaine.)

Limoges, 1er décembre.

La besogne et la goutte me pressaient si fort, mon cher Du Pont, lorsque je vous ai écrit ma dernière lettre que je ne vous parlai seulement pas de l’état de votre santé. J’avais pourtant un avis bien important à vous donner, c’était de ne point vous obstiner contre cet état de malaise et d’insomnie dont vous m’aviez parlé. Deux jours de mouvement modéré, de dissipation et de repos d’esprit suffisent pour guérir ce mal et on les regagne ensuite avec usure au lieu qu’en s’obstinant à lutter contre la nature, on ne fait rien et l’on risque de se donner une maladie très dangereuse et très peu propre à avancer la besogne.

Autre avis : c’est que, jusqu’à ce que vous ayez rattrapé le courant, de ne rien faire qui exige des recherches, mais bien des extraits qui se fassent currente calamo : des extraits des Saisons, de Chinki Qu’avez-vous fait de Zimeo[50] ? Vous m’allez dire que la faute est faite : « Hé, mon ami, tire-moi du danger, tu feras après ta harangue ». Cela vous est bien aisé à dire à un pauvre goutteux, encore plus accablé de sa besogne que vous. Je ne puis vous donner le morceau sur les Collecteurs ; il ne saurait être imprimé ; mais je vous fais un sacrifice en vous envoyant un morceau sur la richesse, très imparfait, qui a besoin de développement ; mais il faut se saigner pour ses amis et ce sera pour vous 80 pages. J’y joindrai un morceau sur les foires et marchés que vous connaissez et qui n’est qu’un réchauffé de mon article de l’Encyclopédie.

Tout cela d’ailleurs aurait besoin d’être extrait et travaillé pour en tirer parti.

M. de l’Épine vous donnera un morceau assez long sur les solidarités des rentes.

M. Desmarets un relevé du nombre des journées de voitures sauvées pour la culture depuis que les transports d’équipages de troupes se font par entreprise. Est-ce que M. Le Trosne a perdu sa fécondité ? Il donnait tant de choses au Journal du Commerce. Je vous écrirai mardi en vous envoyant par M. de Fourqueux ce que j’aurai de prêt.

Je vous embrasse. J’ai de bonnes nouvelles de M. Trudaine et très bonnes. Voici la réponse de Barbou. Ma goutte va mieux ; mais n’est pas finie.

XLI. — (Les Réflexions sur les richesses.)

Limoges, 2 décembre.

Voici, mon cher Du Pont, le morceau sur les richesses que je vous ai promis ; il n’est pas bon, mais il est long, quoique trop court. Il remplira beaucoup de papier et c’est ce qu’il vous faut. Il contient 101 paragraphes, nombre consacré, comme les 1001, pour ces sortes de choses. De plus, j’y ai ajouté des sommaires marginaux qu’il ne tiendra qu’à vous de mettre en titres, ce qui occupera encore beaucoup d’espace. J’y ai même ajouté une petite préface ; enfin, j’ai fait de mon mieux, bien fâché de ne pouvoir faire mieux. J’ai bien peur de ne pouvoir vous envoyer le mémoire de M. de l’Épine sur les rentes solidaires ; il ne sait ce qu’il est devenu. Pour le morceau sur les foires, c’est si peu de chose, détaché de l’avis dans lequel il est enchâssé, qu’on ne saurait ce que c’est. Prenez donc le peu que je vous donne et tâchez que l’abbé Baudeau et M. Le Trosne vous en donnent autant ; vous serez tout de suite au courant, pourvu que vous ne vous obstiniez pas à des travaux difficiles. Du remplissage, je vous en prie : un extrait de Ziméo avec un éloge des bons Quakers qui viennent de mettre leurs esclaves en liberté. Voilà ce qui vous avancera. Si vous m’en croyez, vous commencerez tout de suite à faire imprimer mon morceau pour le journal de novembre, ou si celui-ci était commencé, pour celui de décembre, cela vous avancerait tout de suite de la moitié d’un journal, car je suis épouvanté de votre retard qui est de près de quatre mois[51]. Donnez-moi une autre lettre que C[52], celle-ci étant connue de bien du monde. De plus, point de panégyrique, je vous prie. Mettez ma préface si elle vous convient, ou ne la mettez pas, vous en êtes le maître.

Faites-moi le plaisir d’en faire tirer à part un cent ou un cent et demi que je payerai pour pouvoir en donner à mes amis. De plus, je veux vous faire valoir tous mes sacrifices ; je n’ai pas renoncé à faire un jour de ce morceau quelque chose de passable. J’avais fait faire, à cet effet, la copie que je vous envoie suivant les principes de l’abbé Morellet[53] : il faut, pour me la remplacer, que vous me fassiez tirer deux exemplaires en papier de Hollande bien collé ; il faudra disposer les pages en format in-4°, mais ne tirer que d’un seul côté, l’autre devant rester blanc, ainsi chaque feuille ne servira que pour une planche. Il est inutile de s’occuper de la disposition des pages, mon projet étant de couper chaque feuille en quatre carrés et d’arranger les pages comme un jeu de cartes. Il faut que chaque page soit au milieu de son carré, afin que j’aie de la marge pour écrire.

Adieu, je vous embrasse. Vous voyez par le style de ma lettre que je suis fort pressé. Le tout vous parviendra sous l’adresse de M. Boutin. Ce circuit est plus court que celui de M. de Fourqueux.

Vous ai-je mandé que M. Trudaine va fort bien ?

LXII. — (Le fils de Du Pont. — Le cérat. — Bruits d’exil de Baudeau. — Les Éphémérides. — Desmarets. — La Défense du siècle de Louis XIV, par Voltaire.)

Limoges, 12 décembre.

Tous les maux tombent à la fois sur vous, mon pauvre Du Pont ; je suis fâché de n’avoir pas été à portée lorsque votre fils s’est brûlé de vous indiquer un remède excellent contre toute espèce de brûlure, c’est le cérat, c’est-à-dire un onguent de cire et d’huile d’olive qu’on fait fondre ensemble à une chaleur très douce dans une proportion telle que la chaleur de la peau le tienne dans un état de mollesse sans le liquéfier. On l’emploie aussi pour les gerçures sous le nez qu’occasionne le froid et vous en avez peut-être fait plusieurs fois pour cet usage. Il me paraît peu vraisemblable que la simple chaleur de l’eau bouillante ait pu affecter le tendon d’Achille. Ce que je crains plus, c’est qu’on n’ait imprudemment traité la plaie avec de l’eau-de-vie qui, en sa qualité d’astringent, aura pu faire crisper les tendons déjà retirés par la chaleur et qu’il fallait, au contraire, relâcher.

Il ne faut pas à vos maux ajouter des craintes sans fondement. L’exil de l’abbé Baudeau n’est nullement vraisemblable et si cette nouvelle était vraie, ce ne serait pas en qualité d’économiste, mais peut-être comme s’étant mêlé des affaires de Pologne d’une autre manière que notre ministre ne l’eût désiré. Je souhaite que M. d’Invau vous permette d’écrire sur la limitation actuelle du commerce des Indes et je le souhaite surtout à cause du dérangement que son refus mettrait dans l’impression de vos feuilles.

J’approuve fort le projet d’imprimer à la fois en trois imprimeries, et il me semble que je vous en ai proposé l’équivalent. Vous devez avoir reçu un paquet de moi, cela peut faire un bon remplissage pour deux volumes. Le mémoire de Desmarets sur les papeteries m’a paru faible et mal écrit ; il faudrait que vous ne vous en servissiez que comme de matériaux. Si vous le voulez, vous l’aurez. Vous aurez aussi quelque chose sur le tort qu’aurait fait à l’agriculture le transport par corvées des équipages des troupes en octobre et novembre 1769.

Je crois que vous ne feriez pas mal de faire imprimer la Défense du Siècle de Louis XIV avec un avis honnête pour Voltaire, par lequel vous annonceriez que vous lui répondrez. Vous rempliriez votre volume ; vous vous donneriez du temps pour répondre avec plus de calme et de gaieté. Vos lecteurs verraient avec plaisir un morceau de Voltaire qui vous saurait gré de cette réimpression. Comme je n’ai pas vu la brochure, je ne sais pas si elle est de nature à ne point alarmer les scrupules de Louis[54]. Je serais toujours fort aise de la voir. Adieu, je vous embrasse. Ma goutte n’est pas encore tout à fait passée.

LXIII. — (Le fils de Du Pont. — D’Invau et Terray. — L’abbé Baudeau et le Parlement. — Les Éphémérides, la Gazette du commerce. — D’Auxiron).

Limoges, 22 décembre.

Quelque envie que j’aie de vous écrire, mon cher Du Pont, je ne sais si je le pourrai, car le courrier presse pour partir. Si Mme Du Pont a déjà eu la petite vérole, elle a bien fait de garder son fils chez elle, mais si elle ne l’a pas eue, il est certain qu’elle court un danger réel de l’avoir dans sa couche. Je présume que cela n’est point à craindre, puisque vous ne m’en parlez pas.

Je crois bien qu’on a assez des critiques du public sans avoir besoin des vôtres. Mais on a raison et cela ne durera pas. Mais que deviendrons-nous, car celui-ci[55] avait de meilleurs principes que les autres qui n’en ont point[56].

Il est indigne de ne pas laisser Baudeau se défendre à ses risques, périls et fortune. Messieurs[57] ont donc le privilège exclusif de calomnier.

Il manque à notre volume[58] la feuille I, que je vous prie de m’envoyer. Je vous renverrai la feuille II, qui est double. Je suis fâché de plusieurs choses dans ce volume, mais vous êtes comme le Contrôleur général et il faut que la critique vous donne du répit. Je suis fâché en particulier d’un M. d’Auxiron[59] que vous louez et qui m’a tout l’air d’un homme fort médiocre et fort peu sûr dans ses calculs. N’imprimez point Voltaire et ne lui répondez point ; je vous dirai mes raisons mardi, on vient chercher mes lettres.

Savez-vous que la cherté des grains pourra bien me retenir ici longtemps.

LXIV. — (La mouture économique. — Les Éphémérides. — La Compagnie des Indes. — Gournay. — L’esprit de secte. — D’Auxiron, De Parcieux. — Quesnay et sa géométrie. — Le siècle de Louis XIV.)

Limoges, 26 décembre.

J’ai oublié, mon cher Du Pont, de vous demander la dernière fois ce que Bucquet[60] ou son commis demanderait pour faire le voyage du Limousin et dans quel temps il pourrait partir pour arranger quelques moulins et les adapter à la mouture économique. J’ai engagé Barbou à disposer ainsi un moulin considérable qu’il a sur la Vienne et je ne doute pas que plusieurs autres propriétaires profitent du séjour que fera dans la province le commis de Bucquet dont j’aurai soin d’annoncer la venue. Le comte de Broglie a fait venir en Angoumois un homme que lui a donné Malisset. Je ne sais laquelle des deux méthodes vaut le mieux.

Vous devez à présent avoir reçu mon morceau ainsi que mes différentes lettres. Si les bruits sur le changement de ministre se réalisent, vous pourrez vous passer de permission pour critiquer l’opération de la Compagnie des Indes. Quand vous serez quitte de toute inquiétude sur la petite vérole de votre fils, je compte que vous me le manderez.

Vous ne doutez pas de la part que je prends à toutes vos inquiétudes. Il y aurait trop de cruauté à critiquer votre dernier volume[61] dans lequel plusieurs choses m’ont fâché, comme par exemple vos doléances sur Sully, Fénelon et l’abbé de Saint-Pierre, qui m’ont rappelé ces savants qui s’assemblaient tous les ans pour pleurer la mort d’Homère. Il n’y a que M. de Gournay qu’il soit raisonnable de regretter, parce que, suivant le cours de la nature, il serait encore dans la force de l’âge.

Je suis fâché encore que vous repoussiez le reproche du ton de secte[62] de manière à prouver de plus en plus que ce reproche est juste. D’ailleurs, comme il est juste et trop juste, il ne faut pas y répondre, mais travailler à ne le plus mériter. Je suis fâché encore que vous vous pressiez si fort de juger entre M. de Parcieux[63] et M. d’Auxiron[64] qui me paraît, par la tournure de ses raisonnements et par son livre des Principes de tout gouvernement un de ces aventuriers qui écrivent sur tout sans rien savoir. Ce qu’il y a de bien sûr, c’est que De Parcieux s’était fort occupé d’une machine à feu et que ce n’est que d’après des calculs probablement plus exacts que ceux de M. d’Auxiron qu’il s’était décidé contre. Je sais que le peu de faits et de raisonnements physiques cités dans votre extrait ne préviennent pas en faveur de l’exactitude de M. d’Auxiron. Est-ce lui qui place Ingrandes en Normandie et qui y a vu une machine à feu ? J’ai vu aussi cette machine à La Chapelle-Montrelais en Bretagne, près d’Ingrandes, entre Nantes et Angers. C’est la même qui avait servi au dessèchement des moères et dont on s’était dégoûté. Pourquoi se presser si fort de décider sur la parole de gens qu’on ne connaît pas. C’est un peu le défaut de la secte et l’on sait que la critique sur les faits n’est pas le fort du Maître, ni de son disciple, l’Ami des hommes.

À propos du Maître, est-il vrai qu’il va faire imprimer sa géométrie[65]. C’est bien là le scandale des scandales ; c’est le soleil qui s’encroûte.

J’ai lu cette Défense du siècle de Louis XIV ; vous ne pouvez pas l’imprimer parce qu’il y a plusieurs traits qu’on vous ferait retrancher et que l’auteur serait plus fâché du retranchement que flatté de la réimpression. De plus, vous ne pouvez pas la réimprimer sans y répondre au long et il ne le faut pas, parce que toutes les idées sont confondues dans cet ouvrage, parce qu’il y a mille aveux qui détruisent tout ce que dit l’auteur, parce qu’il contredit mille faits qu’il rapporte dans ses autres ouvrages, parce qu’il argumente par autorité, parce qu’il pose la question sur les éloges personnels de Colbert et surtout de Louis XIV. Or, on ne peut répondre à tout cela : 1° sans être un peu long ; 2° sans entrer dans le détail d’une foule de faits sur lesquels il ne faut pas être inexact et sur lesquels on ne peut être exact sans se livrer à des discussions qui vous enlèveraient un temps précieux ; 3° sans faire un peu la satire personnelle de Louis XIV ; 4° enfin, sans désoler Voltaire et sans vous en faire un ennemi cruel. De tout cela, je conclus qu’il faut vous borner à une simple annonce dans laquelle vous annonceriez que vous ne répondez pas parce que vous êtes d’accord sur les points les plus importants, que vous convenez de toutes les grandes choses faites pour les arts, pour les lettres, que M. de Voltaire blâme sûrement comme vous l’esprit réglementaire, les privilèges exclusifs, la révocation de l’Édit de Nantes, la milice et les corvées qui ont été l’objet de votre critique, que le petit nombre de points sur lesquels il peut rester quelque différence dans l’expression, ne vous paraissent point assez importants pour vous engager dans une dispute contre un homme que vous aimez mieux admirer que combattre, etc.

Comme je connais un peu le caractère de l’homme, si vous voulez m’envoyez votre annonce, j’en serai le censeur, et je ne laisserai rien passer qui puisse le choquer.

Voilà bien de la critique : mais vous rendrez justice à l’intention. Je ferai ici la collecte des souscriptions à renouveler. Vous n’avez répondu à aucune de mes lettres, mais je sais trop combien vous avez d’embarras pour vous en faire un reproche.

Je vous embrasse.

—————————

[1] Imprimeur de la Lettre du Conseiller.

[2] Paroisse du Limousin.

[3] Les numéros des Éphémérides.

[4] Par leurs Remontrances sur la question des grains.

[5] La réponse du Roi au Parlement du 19 décembre 1768 aux Remontrances présentées à la suite de l’Assemblée générale de police tenue le 28 novembre. En voici le texte :

Lu dans la séance du Parlement du 19 :

« Mes lois de 1763 et de 1764 sur la libre circulation des grains ont été applaudies par mon Parlement et reçues avec reconnaissance par mes différentes Cours.

« La cherté du blé, dans ma bonne ville de Paris, a produit un changement dans vos opinions.

« Vous auriez dû cependant remarquer que, malgré l’exportation, l’abondance s’était assez constamment soutenue dans les marchés, preuve que l’exportation n’était pas la cause de l’augmentation du prix.

« Cette augmentation est l’effet des craintes inspirées par les mauvaises saisons, des inquiétudes des esprits faibles ou prévenus, des artifices des gens intéressés ou mal intentionnés, de l’aisance même des laboureurs, cette portion si précieuse de mes sujets.

« Les précautions que j’ai prises ont déjà produit une diminution marquée et j’ai lieu d’attendre qu’elle viendra de jour en jour plus sensible.

« D’après ces considérations, je ne juge pas à propos de changer une loi en matière aussi délicate, surtout au moment où l’exportation est suspendue par la loi même qui l’autorise.

« Ce changement ne produirait aucun bien et pourrait à l’avenir être nuisible à mes sujets.

« Enfin, cette loi demandée depuis si longtemps et donnée avec tant de réflexion n’intéresse pas seulement le ressort de mon Parlement de Paris ; elle est commune à toutes mes provinces ; tous mes sujets sont également chers à mon cœur et je ne suis occupé que de leur bien général et particulier.

« Je ne pouvais donc me porter à une suspension ou modification quelconque de cette loi qu’autant que mes différentes Cours me représenteraient cette suspension ou modification comme utile à tout mon Royaume.

« Les habitants de ma bonne ville de Paris peuvent toujours compter sur mon attention à prévenir leurs besoins et à les soulager. »

[6] Robert de Saint-Vincent (1725 1799), conseiller au Parlement et fervent janséniste, l’un des chefs de l’opposition parlementaire.

[7] Michau de Honblin, conseiller aux enquêtes et fils de l’intendant du commerce Michau de Montaran, avait, à l’Assemblée de police, parlé contre la liberté du commerce des grains et vanté la réglementation.

[8] Le Parlement.

[9] Apis. Voir ci-dessus, p. 24.

[10] Il est difficile de saisir le sens de ces allusions.

[11] Voir la lettre du 22 décembre.

[12] Sur Omer Joly de Fleury.

[13] Éphémérides, 1768, t. XII.

[14] Examen du livre intitulé : Principes sur la liberté du commerce des grains, in-12, sous l’épigraphe, Ne quid nimis.

[15] Le marquis de Mirabeau.

[16] Chinki, histoire cochinchinoise, par l’abbé Coyer, joli pamphlet contre les corporations de métiers.

[17] Du Pont avait dit : « On sait que depuis feu M. Pincé, de raisonneuse mémoire, le goût pour trois raisons est depuis longue date dans la famille des Ne quid nimis. »

[18] Des Éphémérides au Dauphin.

[19] Allusion au Dauphin.

Sur la lettre de Turgot est cette note, probablement de Du Pont de Nemours : « Gardez-moi encore celle-ci, mon très cher ami, quoi qu’elle ne puisse guère prêter matière à la fureur des bœufs tigres ». Il est vraisemblable que Du Pont, dans la crainte d’être décrété par le Parlement, confia à un ami les lettres de Turgot.

[20] Par Voltaire.

[21] Notaire de Turgot.

[22] Les Éphémérides étaient publiées avec l’appui de l’administration.

[23] Tome VI de 1769.

[24] Boisbedeuil des Essarts.

[25] Il s’agit du volume d’août, approuvé par le censeur le 23.

[26] Lettres sur la liberté du commerce des vins, par M. G.

[27] Le marquis de Mirabeau.

[28] Dialogues entre un enfant et son gouverneur ; le 3e parut dans les Éphémérides d’août 1769.

[29] Révolution dans le commerce des Indes où Du Pont annonce l’arrêt du Conseil du 13 août 1769 qui suspendit la Compagnie et annonça les ouvrages de Morellet, Lauraguais, Necker sur ce sujet.

[30] Sur le commerce des grains, du 26 avril 1769.

[31] Sur la Compagnie des Indes.

[32] Fermier général.

[33] Dans l’Arrêt de suspension de la Compagnie.

[34] Turgot n’indique pas de nom de baptême, mais suggère à Du Pont dans quelle direction l’enfant devra être élevé.

[35] De Lauraguais, duc de Brancas (1733-1824), membre de l’Académie des Sciences, avait publié un Mémoire sur la Compagnie des Indes, précédé d’un Discours sur le commerce en général, Paris, Lacombe, in-4°.

[36] Des Indes.

[37] Quesnay s’était mis à faire des mathématiques et à chercher la trisection de l’angle, c’est-à-dire la quadrature du cercle.

[38] Par la censure.

[39] Dans le tome VIII de 1769 des Éphémérides.

[40] Lettre à M. N… ingénieur des ponts et chaussées, sur l’ouvrage de M. Du Pont qui a pour titre : De l’administration des chemins. Nous n’avons pu distinguer la note de Turgot du reste de l’article.

[41] Pour la suppression de la corvée en nature.

[42] Poujaud de Nauclas.

[43] La troisième fille du marquis, qui épousa le 18 novembre le marquis de Cabris.

[44] Roman de Voltaire, dans lequel Amazan, le phénix, le roi d’Égypte et une fille d’affaire jouent des rôles.

[45] De Fourqueux.

[46] Éphémérides, 1769, t. VIII : Lettre de M. H… au sujet d’un pays florissant qui n’a point de villes.

[47] Le fils de Du Pont.

[48] Celui du Journal du Commerce et celui des Éphémérides du citoyen.

[49] La Gazette du Commerce.

[50] Petit roman de Saint-Lambert sur l’esclavage, publié avec les Saisons.

[51] Le tome VIII des Éphémérides de 1769, qui devait paraître en septembre, ne fut visé par le censeur que le 13 octobre. Le tome IX, qui devait paraître en octobre, ne fut visé que le 4 décembre.

[52] Lettre dont avaient été signées les communications de Turgot aux Éphémérides.

[53] Turgot explique plus loin ces principes.

[54] Le censeur des Éphémérides.

[55] d’Invau.

[56] L’abbé Terray.

[57] Les membres du Parlement.

[58] Des Éphémérides, 1769, vol. IX.

[59] Voir la lettre ci-après.

[60] Bucquet d’un côté, Malisset de l’autre, avaient fait des applications de la mouture économique.

[61] Éphémérides de 1769, t. IX.

[62] Dans l’Avertissement, en tête du volume.

[63] De Parcieux (1703-1768), le célèbre auteur du livre Sur les Probabilités de la vie humaine.

[64] Comparaison (par d’Auxiron) du projet fait par M. De Parcieux, de l’Académie des Sciences, pour donner des eaux à la Ville de Paris, avec celui que M. d’Auxiron, ci-devant officier d’artillerie et actuellement capitaine réformé à la suite de la Légion de Hainaut.

[65] Recherches philosophiques sur l’évidence des vérités géométriques.

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