81. — LETTRES À HUME.
[A. L., originaux. — Léon Say, David Hume, 135.]
I. (Oraisons funèbres par Boisgelin. — Concours sur l’impôt indirect. — La jalousie du commerce. — J.-J. Rousseau ; opinions de Malesherbes et autres personnes à son sujet.)
23 juillet.
M. l’évêque de Lavaur[1], en partant pour la Bretagne, m’a chargé, M., de vous adresser de sa part l’Oraison funèbre qu’il a faite du roi de Pologne, aussitôt que j’en trouverais l’occasion. Mlle de Lespinasse m’en annonce une dont je profite avec grand plaisir pour me rappeler aussi à votre souvenir. Je crois que vous serez content de l’Oraison funèbre, et il n’y a aucun suffrage dont l’auteur puisse être aussi flatté que le vôtre.
Je suis tenté de vous envoyer en même temps une bagatelle[2] d’un genre bien différent ; c’est le programme d’un Prix académique que je me suis avisé de promettre sur un sujet dont nous avons quelquefois disputé. Le meilleur moyen de terminer cette question, comme toutes les autres, est de la faire discuter par le public. J’ai tâché d’exposer nettement l’état de la question, et les différentes faces sous lesquelles on peut la considérer. Je voudrais bien que vous puissiez avoir le temps de nous donner vos idées. Nous recevrions les pièces quoiqu’en anglais. Nos philosophes économiques, sectateurs de Quesnay, soutiendront fortement le système de leur maître. C’est un système dont les écrivains anglais sont fort éloignés quant à présent ; il est trop difficile d’en concilier les principes avec l’ambition de monopoliser le commerce de l’univers, pour espérer qu’ils l’adoptent d’ici à longtemps. Il serait, cependant, bien à désirer que M. Pitt et tous ceux qui conduisent les nations, pensassent comme Quesnay sur tous les points. J’ai bien peur que votre fameux démagogue ne suive des principes tout différents et ne se croie intéressé à entretenir dans votre nation le préjugé que vous avez appelé Jealousy of trade[3]. Ce serait un grand malheur pour les deux nations. Je crois, cependant, l’épuisement assez égal de part et d’autre pour que cette folie ne fût pas longue. Il faut espérer qu’elle n’aura pas lieu, et que la paix vous permettra d’effectuer les promesses, que vous avez faites à vos amis de ce pays-ci, de revenir les voir. Je m’étais bien flatté de vous y retrouver à mon retour du Limousin, et je ne suis pas un de ceux à qui cette privation a été le moins sensible.
J’ai pris aussi bien de la part au chagrin que vous ont causé l’extravagance et l’ingratitude de Rousseau[4]. Je me trouvais dernièrement chez Mlle de Lespinasse lorsque M. d’Alembert reçut votre lettre[5]. L’abbé Morellet y vint aussi. Nous nous réunîmes tous dans le même avis, et d’Alembert se chargea de vous écrire nos communes réflexions. Je vous avoue, cependant, que mon premier penchant avait été de vous confirmer dans le parti auquel vous inclinez de ne pas imprimer quant à présent, et je ne suis revenu à l’avis commun que d’après la considération que les choses n’étaient plus entières : que votre première lettre au baron d’Holbach[6] avait été aussi publique qu’elle pût l’être ; qu’aux yeux de tous les partisans de Rousseau qui sont en grand nombre, vous étiez devenu son accusateur, et, comme tel, obligé de justifier les imputations et les qualifications dont vous l’aviez noirci.
Quelques personnes ont eu, depuis, des idées différentes. Je vous citerai en particulier M. de Malesherbes, qui a l’extrait de votre lettre et de celle de Jean-Jacques. Vous savez l’intérêt vif qu’il a toujours pris à celui-ci, et qu’à l’enthousiasme assez naturel qu’inspire l’éloquence de cet auteur, il joint un sentiment fondé sur la connaissance personnelle de l’homme. Il croit que les torts qu’il a eus avec vous peuvent s’expliquer par la seule violence de son caractère, aussi impétueux que défiant, sans être obligé de recourir aux manœuvres réfléchies dont vous l’avez cru coupable. Il a dit qu’il a vu une scène toute semblable à la vôtre, qui s’était passée vis-à-vis du libraire Guérin, auquel Rousseau avait de très grandes obligations. Quelques circonstances ayant fait traîner en longueur l’impression d’Émile, Rousseau s’imagina que Guérin, qui était assez lié avec les jésuites, leur avait communiqué son manuscrit, et s’était entendu avec eux pour le perdre. Il écrivit à ce libraire, son ami et son bienfaiteur, une lettre toute semblable à celle qu’il vous a écrite. Ce fut M. de Malesherbes qui se chargea lui-même de remettre la lettre de Rousseau. Il eut toutes les peines du monde à le faire revenir de cette extravagance, et alors il montra un repentir aussi vif que l’avait été sa fureur. M. de Malesherbes a été témoin de plusieurs scènes de cette nature, d’après lesquelles il est resté convaincu que Rousseau avait la plus malheureuse facilité de se livrer aux soupçons les plus injustes et les plus insensés contre ses meilleurs amis ; qu’il s’abandonnait alors à toute l’impétuosité de son caractère, mais qu’il n’y avait dans toute cette conduite ni manoeuvre, ni noirceur. D’après cette idée, si Rousseau avait seulement varié sur l’article de la pension[7] ; si, après avoir cédé à vos conseils, à ceux de Milord maréchal[8], en consentant à l’accepter, il s’en était repenti ; si votre crime à ses yeux était, non d’avoir supposé un consentement qu’il nierait avoir donné, ce qui serait d’une mauvaise foi atroce, mais plutôt de l’avoir engagé à donner ce consentement que la résolution de ses pensées lui représente comme son déshonneur : il y aurait, ce semble, dans son fait, plus de folie que de noirceur.
La lettre ne désavoue pas son consentement ; ainsi seule, elle n’établit pas sa manœuvre odieuse. Vous croyez avoir des preuves que, plusieurs mois auparavant, il préparait cette scène, et lors même qu’il paraissait le plus gai. C’est là le point décisif, et c’est sur quoi vous ne devez pas craindre de vous étendre, car les preuves sont d’autant plus nécessaires, qu’une scélératesse aussi profonde et aussi atroce est véritablement inconcevable. On n’y voit point un intérêt qui ait pu le déterminer ; celui de se targuer du refus d’une pension du Roi serait l’idée du monde la plus absurde, après avoir donné son consentement, avoir écrit à Milord maréchal, remercié M. Conway[9] et le général Graeme ; peut-il démentir ces témoignages ?
Quand il n’y aurait que le vôtre seul, pourrait-il imaginer que, dans la position où vous êtes vis-à-vis de lui, on ne vous croirait pas par préférence sur un fait qui se serait passé entre vous deux ? Le motif de secouer les obligations qu’il vous a n’est pas plus vraisemblable. Je le concevrais s’il devait vivre en société avec vous, si son orgueil pouvait jamais souffrir de l’espèce d’avantage que vous donnaient sur lui les services que vous lui aviez rendus ; mais lorsqu’il vous avait insulté, vous étiez déjà loin de lui. Il ne devait jamais passer sa vie avec vous et, par conséquent, jamais il ne devait sentir le poids de la reconnaissance, s’il est vrai qu’elle pèse tant à son orgueil.
Voilà bien des motifs qui feraient douter, non de son tort vis-à-vis de vous, mais que ce tort ait été précédé d’une manœuvre réfléchie qui en constaterait la noirceur et l’atrocité. Vous trouverez peut-être que nous mettons bien de la subtilité à trouver dans l’action de Rousseau que de la folie. Il est sûr que vous, qui avez présentes toutes les circonstances, vous pouvez juger beaucoup mieux que nous des principes de sa conduite. Mais il est bon que vous sachiez l’impression qu’a faite votre écrit sur des personnes à la vérité prévenues pour Rousseau, mais qui certainement le sont encore plus pour vous, qui savent que votre caractère et votre conduite ne peuvent être exposés au plus léger nuage et qui, sur quelque fait que ce soit, n’auront pas le plus léger doute, lorsque vous aurez parlé.
Je ne connais point du tout Rousseau, que je n’ai vu que des instants dans le temps qu’il allait chez le baron d’Holbach ; mais je fais beaucoup de fond sur l’opinion de M. de Malesherbes, qui l’a connu intimement et qui craint que votre juste indignation ne vous ait induit en erreur sur le vrai principe des torts d’un homme, dont les torts les plus légers seraient inexcusables. Au reste, il n’est personne dans ce pays-ci qui puisse imaginer que votre réputation coure le plus léger risque dans toute cette affaire. Personne au monde n’imaginera que vous avez demandé une pension pour Rousseau afin de le déshonorer, parce que, excepté lui, personne ne pensera qu’une pension l’eût déshonoré. Quant à ce que le roi d’Angleterre, ou plutôt ses ministres, auraient été un peu compromis, il me semble que la folie de Rousseau, bien loin de vous noircir, vous excuse et qu’il est clair que si l’on peut vous blâmer, ce n’est que d’avoir mis trop de zèle à lui rendre service, et de n’avoir pas assez craint les inconséquences de sa mauvaise tête. Quant aux accusations de Rousseau de vous être entendu avec ses ennemis, je le répète, elles sont si extravagantes qu’elles ne peuvent pas trouver croyance auprès de ses meilleurs amis et qu’elles portent leur réfutation avec elles. De tout cela, il résulte que l’impression et la publication de cette histoire ne peuvent avoir d’objet que de vous justifier des imputations le scélératesse, de noirceur et d’atrocité que vous avez faites à Rousseau, et dont il est impossible qu’il ne soit pas instruit.
Il est certain que, si vous avez des preuves de la manœuvre dont vous le soupçonnez, il est bon de les donner au public, et quelque fâcheux qu’il soit de voir l’humanité déshonorée par le caractère de ceux dont les talents lui font le plus d’honneur, il est essentiel avant tout que le vrai soit connu, et qu’on ôte à l’hypocrite le masque qui le rend dangereux.
Je pense que d’Alembert a insisté pour que vous nous envoyiez votre manuscrit avant de rien publier. Comme les amis de Rousseau sont principalement dans ce pays-ci, nous serons plus à portée de connaître exactement l’effet de l’ouvrage et de prévoir les objections. L’abbé Morellet est sur cela entièrement de mon vis. Vous pouvez adresser les paquets à M. de Montigny pour en éviter le port à d’Alembert. Pour moi, je crains d’être en Limousin quand vous aurez fini l’ouvrage, car je dois partir au commencement de septembre, et il y aurait de l’indiscrétion à vous en demander une seconde copie.
Mme Du Pré[10] est à Montigny pour jusqu’au mois de novembre.
Adieu, M., je vous souhaite tout le bonheur que mérite la bonté de votre âme ; et je suis bien persuadé que le mauvais succès que vous venez d’éprouver ne vous dégoûtera pas de faire du bien. Vous trouverez votre récompense en vous-même, et l’estime et l’amitié de tous les honnêtes gens vous dédommageront de l’ingratitude d’un méchant ou d’un fou.
Personne ne désire plus que moi de mériter quelque part dans votre amitié et n’est avec un attachement plus sincère, etc.
II. (J.-J. Rousseau. — Walpole. — L’impôt indirect.)
7 septembre.
J’ai trouvé ici, M., votre lettre du 5 août, à mon retour d’un voyage que j’ai été faire en Normandie. D’Alembert, qui venait alors de recevoir votre récit de l’histoire de Rousseau avec les lettres que vous y avez insérées, me l’a communiqué. Je vous crois à présent si ennuyé de cette affaire que je ne sais si je dois encore vous en parler. M. de Montigny m’a cependant dit que vous désiriez de savoir ma façon de penser. Vous imaginez bien qu’elle ne peut pas être douteuse sur le fond de l’affaire, et je crois qu’excepté Rousseau et peut-être Mlle Le Vasseur, il n’y a personne dans le monde qui s’imagine, ni qui eût jamais imaginé, que vous avez mené Rousseau en Angleterre pour le trahir, et à qui sa longue lettre et ses démonstrations ne fassent pitié. Mais je vous avoue que j’y vois toujours plus de folie que de noirceur. J’y vois des sophismes dont une imagination se sert pour empoisonner les circonstances les plus simples et les transformer au gré de la manie qui l’occupe Mais je ne crois point que ces extravagances soient un jeu joué et un prétexte pour secouer le poids de la reconnaissance qu’il vous doit. Il paraît sentir lui-même que personne ne le croira et qu’il se couvre d’opprobre, du moins pour le moment, aux yeux du public.
Il avoue qu’il sacrifie et son intérêt et même sa réputation, et il est certain que cette affaire lui fait un tort irréparable, l’isole du genre humain, et lui ôte tout appui contre les persécutions auxquelles ses opinions, et encore plus les traits de sa misanthropie, l’exposeront toujours. Je persiste donc à ne le croire que fou, et je suis affligé que l’impression trop vive qu’a faite sur vous sa folie vous ait mis dans le cas de la faire éclater et de la rendre irrémédiable ; car le bruit qu’a fait votre lettre au baron[11] est pour Rousseau une démonstration que ses conjectures étaient fondées sur la vérité même. Il a bien mandé à Mme de Boufflers[12] qu’il ne se plaignait pas, et que cette lettre qui vous a donné lieu de le diffamer comme le dernier des hommes n’était écrite qu’à vous. L’éclat que vous avez fait lui a fait tout le mal possible, et sa lettre ne vous en a fait aucun. Les gens sensés qui se mettront à votre place sentiront combien ce mouvement de vivacité était naturel, en voyant tant de services payés par tant d’outrages ; aucuns n’excuseront Rousseau d’avoir conçu des soupçons aussi atroces sur des motifs aussi frivoles ; mais quelques-uns de vos amis, et moi en particulier, regretterons que vous vous soyez laissé aller à cette première impression, et que vous ne vous soyez pas contenté de répondre simplement à Rousseau qu’apparemment il était devenu fou, sans en écrire à Paris avant d’avoir vu le fond de ses soupçons.
J’ai lu avec attention la lettre de Rousseau à M. Conway[13]. Elle contient sans doute un refus pour le moment, mais il est certain que M. Conway et vous, vous vous êtes trompés si vous y avez vu qu’il exigeait que la pension fût publique, et qu’il fit de ce changement la condition de son acceptation. Votre erreur à cet égard a été pour lui une confirmation de ses soupçons, et peut-être a-t-elle contribué à vous tromper dans la suite sur les motifs de sa conduite, et à vous faire substituer un système de noirceur réfléchie, à l’extravagance sombre et soupçonneuse dont vous avez été justement blessé, mais dont Rousseau se trouve être cruellement la victime. Sa grande lettre explique tout. Il est clair qu’il n’a refusé la pension que parce qu’il ne voulait pas vous la devoir, et non pour se faire aux yeux du peuple un mérite de son refus. Il convient que vous l’avez demandée de son aveu. On voit évidemment que la lettre de M. Walpole[14], qu’il a sottement imputée à D’Alembert, est cause de tout, et que c’est sa publication dans les papiers publics qui a fait revivre les puériles remarques qui remplissent sa lettre, et auxquelles il n’aurait sans cela fait aucune attention sérieuse.
Dans toute cette affaire, il s’en faut beaucoup que je trouve M. Walpole innocent. Je trouve la plaisanterie sur Rousseau, dans le moment où il l’a faite, une chose très malhonnête, j’en ai eu cette idée dès le premier moment, et les effets qu’elle a produits ne sont pas propres à me faire changer d’avis. Je n’ai pas vu, sans une sorte d’indignation, l’air de triomphe de cet homme sur un événement dont il est la cause.
Après vous avoir dit aussi franchement mon avis, vous serez surpris, peut-être, de me voir presque revenu à l’avis de faire imprimer. La folie de Rousseau est telle qu’il a écrit ici différentes lettres, dans lesquelles il regarde votre trahison comme si constante, et les démonstrations comme si terrassantes pour vous, qu’il vous défie de publier les pièces sans vous déshonorer, à moins que vous ne les falsifiiez ; ce ne sont pas ses termes, mais c’en est le sens. Si cette espèce de défi devenait public à un certain point, et faisait plus d’impression en Angleterre qu’il n’en peut faire en France, peut-être seriez-vous obligé d’imprimer. Mais en ce cas, je voudrais retrancher tout récit, toute imputation de mensonge, toutes notes, excepté quelques-unes nécessaires pour rétablir simplement les faits importants, comme celui de la scène qui s’est passée la veille de son départ pour Wooton. Encore voudrais-je que, dans ces notes, vous disiez simplement le fait, sans traiter Rousseau de menteur, sans vous abaisser à le prouver ; vous devez être cru sur ce que vous direz, et vous le serez. Je ne mettrais autre chose à la tête, sinon que les discours répandus sur la querelle, etc., et l’espèce de défi que M. Rousseau vous fait d’en publier ce qui s’est passé, vous obligent à regret à publier les accusations de M. Rousseau contre vous, et que vous croyez leur publication une réponse suffisante ; voilà quel est actuellement mon penchant. Mais, comme je ne vois à cela rien de pressé, je crois que vous ferez bien de vous donner tout le temps d’y réfléchir. Plus vous mettrez dans cette affaire de modération et même d’indifférence, plus le tort de Rousseau deviendra évident.
Je ne sais pourquoi vous avez cru que ceux qui voudraient soutenir que l’impôt indirect est favorable aux propriétaires des terres, seraient exclus de concourir à mon prix. Je vous assure que si vous voulez nous donner un mémoire où la question soit envisagée sous ce point de vue, il sera très bien reçu. Il est vrai que les explications semblent diriger les auteurs à l’envisager sous un autre. Mais c’est qu’en effet j’ai donné le prix plutôt pour engager à travailler sur l’appréciation des effets de l’impôt indirect, évaluation encore incertaine pour moi quant à la quotité, que pour faire traiter la question générale, sur laquelle j’ai une conviction entière.
J’ai dit qu’on convenait que l’impôt indirect retombait en entier sur les propriétaires, parce qu’en effet j’ai cru que la plus grande partie de ceux mêmes qui défendaient l’impôt indirect pour d’autres raisons, en convenaient, surtout depuis quinze à vingt ans, et parce que la plus grande partie des gens avec qui j’ai eu occasion de converser sur cette matière en convenaient. Je sais bien que la pratique de tous les gouvernements n’est nullement conforme à ce principe ; mais vous savez aussi bien que moi que les principes pratiqués de tous les gouvernements ne se changent pas aussi aisément que les principes spéculatifs. Le système des finances de tous les peuples s’est formé dans des temps où l’on réfléchissait peu sur ces matières ; et quand on sera bien convaincu qu’il est établi sur des fondements ruineux, on aura encore beaucoup de peine et l’on sera bien du temps à déranger une machine toute montée, et à en substituer une autre. Vous savez aussi tout comme moi quel est grand but de tous gouvernements de la terre : soumission et argent. On cherche, comme on dit, à plumer la poule sans la faire crier ; or, ce sont les propriétaires qui crient, et l’on a toujours mieux aimé les attaquer indirectement, parce qu’alors ils ne s’aperçoivent du mal que quand la chose a passé en droit, et que d’ailleurs, les lumières ne sont pas encore assez répandues, ni les principes assez clairement démontrés, pour qu’ils attribuent le mal qu’ils souffrent à sa véritable cause.
Je suis toujours fâché de ne me pas trouver du même avis que vous. Mais je compte sur votre tolérance, et j’espère que mes hérésies ne me priveront point des droits que me donnent à votre amitié les sentiments que vous m’avez inspirés.
J’ai bien regretté le pauvre Ch. Macdonald.
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[1] De Boisgelin.
[2] Voir ci-dessus p. 430.
[3] Jalousie du commerce.
[4] Voir au sujet de la querelle de Rousseau et de Hume, les Confessions et la Correspondance de Rousseau, celle de Hume et l’Exposé succinct qu’il crut devoir publier sur l’incident. Hume avait dit de Rousseau le 10 mai 1766 : « Il est d’un cœur honnête et sensible ; mais ses accès (de mélancolie et de spleen) l’éloignent de la société, le remplissent d’humeur et donnent quelquefois à sa conduite un air de bizarrerie et de violence, qualité qui ne lui sont pas naturelles. » Il eut bientôt à vérifier par lui-même et à ses dépens la nature de ces accès.
[5] Probablement l’Exposé succinct dont il est parlé dans la note ci dessus.
[6] Le Baron d’Holbach (1723-1789) auteur du Christianisme dévoilé, sous le nom de Boulanger et du Système de la nature, sous le nom de Mirabaud.
[7] Pension que devait lui accorder le roi d’Angleterre.
[8] Georges Keit.
[9] Général et ministre d’État en Angleterre.
[10] Mme Du Pré de Saint-Maur, veuve de l’auteur de l’Essai sur la monnaie.
[11] D’Holbach.
[12] Le 30 août 1766. Œuvres de Rousseau, IV, p. 644, édition Furne.
[13] Du 22 mai 1766, id. IV, p. 615.
[14] Fausse lettre de Frédéric II à Rousseau, composée par Walpole, id. I, 353. — Horace Walpole (1718-1797), connu par plusieurs ouvrages et surtout par sa liaison avec Mme du Deffand.
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