73. — LES CORVÉES POUR LE TRANSPORT DES ÉQUIPAGES ET POUR LE LOGEMENT DES TROUPES.
I. — Lettre au Contrôleur général sur l’abolition de la corvée pour le transport des équipages.
[D. P., IV, 367.]
(Suppression en Franche-Comté. — Plan à suivre dans le Limousin. — Inconvénients de cette corvée et, en général, des impôts en nature.)
Limoges, 19 avril.
M., depuis que je suis chargé de l’administration de cette province, je n’ai pu m’empêcher d’être vivement frappé des désordres qui accompagnent le transport des équipages de troupes, auquel sont assujettis les habitants des lieux de passage et des paroisses circonvoisines, du dérangement que cette corvée apporte dans les travaux de l’agriculture, et de l’impossibilité d’y mettre un ordre qui en adoucisse le joug. Je me suis occupé, en conséquence, des moyens que l’on pourrait employer pour faire remplir ce service d’une manière moins onéreuse à la Province. J’ai su que depuis longtemps les États de Languedoc ont pris le parti de traiter avec des entrepreneurs qui se chargent de faire ces transports aux dépens de la province moyennant un prix convenu, et qu’en 1752 M. de Beaumont[1], alors intendant de Franche-Comté, rendit à cette province le service d’y introduire le même usage qui s’y est perpétué, mais qui n’a encore été étendu à aucune autre.
J’ai cru que vous ne trouveriez pas mauvais que je procurasse le même avantage à la généralité de Limoges, en faisant un marché avec des entrepreneurs qui s’engageraient comme en Languedoc et en Franche-Comté, à fournir les voitures et les chevaux.
Ces entrepreneurs établiraient dans chaque lieu d’étape des sous-traitants, commis ou agents, qui conduiraient les troupes d’un gîte à l’autre ; mais ne pourraient faire de fournitures que sur un ordre expédié par le subdélégué dans le lieu du départ, et visé ensuite par le subdélégué ou autre personne de confiance à ce commise dans celui de l’arrivée. Ce visa constatera que la fourniture ordonnée aura été faite, et sera la pièce justificative sur laquelle l’entrepreneur touchera le payement des chevaux compris dans l’ordre qu’il aura rapporté.
Je pense que, pour assurer le service et l’économie dans ce service, il devra être payé comptant. Le retard du payement renchérirait le service d’une manière beaucoup plus dispendieuse que ne seront les moyens d’en procurer l’avance.
Cette espèce de fourniture est sujette à trop de variétés imprévues, pour qu’il soit praticable d’imposer tous les ans une somme fixe qui en paye la dépense ; mais l’intendant peut être autorisé par un Arrêt du Conseil, pour tout le temps que durera le traité, à imposer chaque année le montant du compte qu’il arrêtera des fournitures payées par le préposé du receveur général ; et, pour dédommager celui-ci de l’avance qu’il en aura faite, on lui passera dans son compte le sol pour livre en sus. Outre ce sol pour livre, l’arrêt du Conseil permettrait l’imposition d’un autre sol pour livre pour frais de recouvrement, dont quatre deniers seraient attribués aux collecteurs, quatre aux receveurs des tailles, et quatre au préposé chargé des avances dans la caisse duquel les receveurs particuliers versent les deniers de l’imposition ; au moyen de quoi ce préposé aurait seize deniers pour livre du montant de ses avances.
Ce serait trop si l’argent lui rentrait exactement aussitôt après son compte rendu ; car, ses avances étant faites à différents temps dans le courant de l’année, il y en aura toujours une partie dont il ne pourrait réclamer l’intérêt pour l’année entière ; mais il faut considérer que ces fonds ne lui rentreront qu’après le recouvrement de l’imposition, et que ce recouvrement, suivant la même marche que celui des impositions ordinaires, ne pourra le plus souvent être achevé que dans le courant de la seconde année. En envisageant la chose sous ce point de vue, l’avantage fait au préposé ne paraîtra pas trop fort.
Il est indifférent que le commis à la recette générale chargé de ces avances les fasse en son propre nom, ou dans sa qualité de commis à la recette ; et il ne serait pas difficile de trouver un autre homme qui les fasse aux mêmes conditions.
Rien ne sera plus simple que le compte à rendre de sa gestion. Il ne s’agit que de faire un relevé des ordres donnés pour la fourniture, sur lesquels on aura payé, et qui auront été gardés quittancés pour servir de pièces justificatives au compte.
Je ne vois pas qu’il puisse se glisser aucun abus dans cette comptabilité. L’unique crainte qu’on pourrait avoir serait qu’il ne fût donné des ordres pour une plus grande quantité de fournitures que celles qui doivent être accordées aux troupes suivant l’ordonnance. Mais un pareil abus est tout aussi possible quand les fournitures sont faites en nature que quand elles seront faites en argent. Il sera toujours moins onéreux dans ce dernier cas, et il doit même être moins commun, puisque le payement des fournitures fera nécessairement passer tous les ordres sous les yeux de l’intendant, qui pourra, s’il apercevait qu’il en eût été donné mal à propos, prendre les précautions convenables pour réprimer cet abus commis, et empêcher de le renouveler.
Peut-être est-ce dans cette vue qu’on a établi en Franche-Comté un inspecteur de ces fournitures, dont les appointements sont passés en dépense. Mais j’espère que je pourrai me passer d’inspecteur, sauf à tenir compte au préposé de quelques menues dépenses en frais de régie, qu’il sera obligé de faire pour assurer le service dans quelques cas pressés.
Je désire beaucoup que vous approuviez le projet d’Arrêt du Conseil que je vous soumets pour remplir ces vues et organiser cet établissement.
Avant de vous rien proposer, j’ai cherché à m’assurer d’un entrepreneur ; je n’ai pu trouver que deux particuliers qui aient voulu se charger de cette fourniture, et je leur ai fait faire la soumission que je joins à cette lettre. Vous verrez par cette soumission que je suis obligé de donner quatre francs par cheval ; mais aussi les entrepreneurs se contentent de l’étape pour leur tenir lieu des vingt sols d’ordonnance dont ils sont privés.
J’ai encore été obligé de passer aux entrepreneurs le prix d’une demi-journée par cheval pour les séjours que font les troupes suivant leurs routes. Cette augmentation m’a paru indispensable, parce que la rareté des chevaux dans les paroisses, où les travaux se font avec des bœufs, mettra les entrepreneurs dans l’impossibilité de fournir des chevaux à chaque lieu d’étape : ils seront forcés, par conséquent, de conduire les équipages avec les mêmes chevaux depuis l’entrée de la Généralité jusqu’à la sortie et, par conséquent, de les nourrir sans rien faire pendant les séjours.
Mais je ne crois pas que cette légère augmentation dans les prix doive mettre obstacle à un établissement dont l’avantage et la nécessité me sont aussi démontrés. D’ailleurs, il y a grande apparence que ces prix diminueront dans la suite. Lors du premier marché passé par M. de Beaumont, le prix était de cent sols par cheval. Il a diminué depuis à chaque renouvellement. Les entrepreneurs ne traitent qu’en tremblant lorsqu’il s’agit d’un établissement nouveau dont ils ne connaissent pas encore la portée ; c’est par cette raison que je n’ai voulu traiter dans ce premier moment que pour une seule année.
Je ne pense pas que vous trouviez aucune difficulté dans la forme. J’espère aussi que la soumission dont j’ai l’honneur de vous envoyer copie suffira pour rendre l’arrêt dans lequel vous autoriserez ce traité. Je compte bien en rédiger les conditions dans une forme plus étendue, et y spécifier en détail les différentes précautions auxquelles doivent être assujettis les entrepreneurs pour assurer le service. Mais j’ai désiré, avant de mettre la dernière main à cet engagement, d’avoir votre approbation. D’ailleurs, la rédaction de ces différentes clauses exige beaucoup de réflexions et un travail assez long, et je n’ai pas cru pouvoir trop hâter le moment de délivrer cette province d’un joug très onéreux, en profitant sans délai de l’offre des entrepreneurs.
Je vous serai très obligé de vouloir bien faire expédier l’Arrêt que j’ai l’honneur de vous demander, et de me faire part de votre décision à cet égard le plus tôt qu’il vous sera possible.
En vous proposant, M., le plan contenu dans cette lettre, et en vous le présentant comme infiniment moins onéreux aux peuples que les fournitures en nature qui ont eu lieu jusqu’ici, je sens que vous ne devez pas m’en croire sur ma parole, et je dois sans doute vous développer les motifs qui déterminent ma façon de penser. Je suis cependant retenu par la crainte de ne vous dire que des choses trop connues, et qui n’ont véritablement éprouvé aucune contradiction lorsque M. de Beaumont a proposé, en 1752, un arrangement de la même nature pour la Franche-Comté. Cependant, l’exemple qu’il a donné n’ayant été imité nulle part dans le Royaume, il peut n’être pas inutile d’insister sur des vérités qui, toutes communes qu’elles soient dans la théorie, n’ont pas encore assez influé sur la pratique de l’administration. Je crois donc devoir vous présenter mes réflexions ; mais je ne les ai placées qu’à la fin de cette lettre pour ménager vos moments, et afin que si, comme j’ai lieu de l’espérer, elle vous trouve convaincu d’avance, vous puissiez vous épargner l’ennui de les lire.
La première objection qui se présente contre le transport par corvée des équipages des troupes est l’extrême inégalité dans la répartition d’une charge très forte. Elle tombe tout entière sur un petit nombre de paroisses que le malheur de leur situation y expose, et dont une partie est encore de plus chargée de l’embarras et de la dépense du logement ; tout le reste de la Province en est absolument exempt. Vraisemblablement, cette charge ne s’est présentée dans l’origine que comme une simple fourniture peu onéreuse, et dont les particuliers seraient dédommagés par le payement qu’ils reçoivent. Chaque cheval est payé à raison de vingt sols, suivant l’ordonnance ; et quant à ceux qui sont fournis gratis aux invalides et soldats hors d’état de marcher, l’étape dédommage de ce payement ; mais dans la réalité, ce prix n’a aucune proportion avec la charge imposée aux propriétaires des voitures.
Les journées doivent être de cinq à huit lieues et il y en a de dix à quinze. Il faut compter trois jours pour aller au rendez-vous, pour faire le transport ordonné et pour revenir. Il faut que les chevaux soient accompagnés d’un conducteur pour les ramener ; tous ces frais sont fort au-dessus du payement qu’on donne, et ce qui le prouve sans réplique, c’est que dans les provinces où l’on a essayé de faire faire ces transports par entreprise et à prix d’argent, les entrepreneurs ont exigé depuis trois livres dix sols jusqu’à quatre et même cinq livres au delà de ce que règle l’ordonnance. Le payement accordé aux propriétaires des chevaux n’est donc que le cinquième ou tout au plus le quart de la charge qu’ils supportent. Le surplus est une véritable imposition.
La charge augmente infiniment par le défaut de liberté dans la fourniture. Un entrepreneur a fait son calcul et ses arrangements avant de conclure son traité. Ses chevaux et ses voitures n’ont pas d’autre destination, et le salaire qu’on lui paye est un gain pour lui. Mais un malheureux paysan, à qui on vient demander son cheval au moment où il en a besoin pour ses labours ou sa récolte, serait encore bien loin d’être dédommagé par le gain dont l’entrepreneur se contenterait. Or, le service des transports des troupes se fait en tout temps ; les saisons les plus précieuses pour le travail de la campagne ne sont pas exceptées.
C’est surtout dans les pays où l’on se sert de bœufs au lieu de chevaux pour les labours et les voitures que ces inconvénients se font sentir. Ces animaux sont bien plus faibles et surtout plus lents que les chevaux, et beaucoup plus sujets aux accidents inséparables d’une longue route. Ils ont quelquefois quinze lieues à faire, sans compter l’aller et le retour du lieu du départ, chez eux, qui vont souvent à trois ou quatre lieues. Pour peu que le temps soit mauvais, et que les bœufs soient surchargés ou maltraités, il est très commun qu’on soit obligé de les laisser une ou deux semaines sur la litière : qu’un seul soit dans ce cas, l’attelage devient inutile. Il n’est pas rare d’en voir périr dans ces courses extraordinaires. Aussi, un très grand nombre de propriétaires préféreraient de donner 15 à 20 fr. plutôt que d’être obligés de fournir une voiture à quatre bœufs. Il résulte de là que chacun cherche à se soustraire à cette corvée ; de là aussi les contraventions multipliées, le ralentissement, et quelquefois l’interruption du service, par la désobéissance des particuliers commandés. Les plus voisins du lieu du départ en sont punis avant ceux qui ont désobéi ; on est obligé de commander au hasard ceux qui se trouvent sous la main, et les officiers envoient ordinairement des soldats avec les syndics pour contraindre les bouviers à marcher, source intarissable de désordres et de vexations. On condamne les délinquants à l’amende : nouvelle charge qui, quoique encourue volontairement, n’est pas moins ruineuse pour les cultivateurs. Ces amendes n’arrêtent point les contraventions, parce que, quoiqu’elles soient assez fortes, on aime autant en courir le risque que de s’exposer à ceux qui sont inséparables de la course des bœufs. Si les amendes étaient plus fortes, il ne serait pas possible de les faire payer.
À l’énormité du fardeau se joint un autre inconvénient, qui l’augmente encore : c’est l’impossibilité absolue de mettre quelque ordre dans les commandements. Quand il n’y aurait pas d’autre obstacle que l’incapacité des syndics de paroisses, il serait plus que suffisant. Il faudrait tenir des états exacts des voitures et des bestiaux de chaque espèce qui sont dans chaque paroisse, afin de faire marcher chacun à tour de rôle. Il faudrait former un état pour les bêtes de trait, un pour les bêtes de selle ; y conformer les différents commandements par ordre de numéros ; reprendre ceux qui ont passé leur tour pour des excuses valables ; passer par-dessus ceux qui l’ont devancé pour suppléer aux délinquants, ou dans des occasions imprévues. Un homme très intelligent aurait besoin de toute son attention pour suivre ces détails avec l’exactitude convenable, et l’on n’a, pour les exécuter, que des paysans parmi lesquels il est rare d’en trouver qui sachent lire.
Il ne suffirait même pas d’avoir fait ces états et de les vérifier tous les ans ; c’est encore une des suites de la culture à bœufs, que le nombre des bestiaux varie sans cesse dans chaque paroisse, parce qu’ils sont l’objet d’un commerce continuel. On les achète maigres, on les fait travailler quelque temps ; après quoi on les engraisse et on les vend gras pour en racheter d’autres, ce qu’on ne fait souvent qu’à l’instant précis où l’on en a besoin pour le travail, en sorte qu’il y a tel moment où un domaine du labourage de deux bœufs n’en a point du tout. Les bœufs à l’engrais donnent encore lieu à un très grand embarras. Il est certain qu’ils sont hors d’état de soutenir aucune fatigue, et que si on les commande on court risque de les faire périr. D’un autre côté, si on ne les commande pas, chacun prétendra que les bœufs qu’on lui demande sont à l’engrais, et chaque commandement deviendra un procès à juger entre les propriétaires et le syndic. Tout cela s’arrange, je le sais bien ; mais tout cela s’arrange au hasard, et sans égard pour la justice : les principaux bourgeois sont ménagés ; les faibles sont écrasés ; ils se plaignent inutilement, parce qu’il est impossible de juger si leurs plaintes sont bien ou mal fondées, et ils se lassent à la fin de se plaindre.
On doit compter encore pour beaucoup la difficulté de contenir les troupes dans les bornes et la modération prescrites par les ordonnances.
Le nombre des voitures qui doivent êtres fournies à raison de la force de chaque troupe est fixé ; le poids dont on peut les charger est spécifié ; mais les officiers exigent presque toujours plus qu’il ne leur est dû, et il est d’autant plus rare que les consuls des lieux de passage aient la fermeté de leur résister, qu’ils n’y mettent pas pour l’ordinaire un grand intérêt. Il est défendu d’exiger aucuns chevaux de trait pour leurs chaises, et j’ai vu plus d’un exemple d’officiers qui, ayant demandé des chevaux de selle, ont, à force de menaces et de coups, obligé les conducteurs de les atteler à des chaises, au risque d’estropier des chevaux faibles et qui n’avaient jamais tiré. Souvent des soldats à qui il est accordé, suivant leur route, un cheval gratis, se font payer par le propriétaire du cheval pour le dispenser d’exécuter le commandement. Ils font la route à pied et se font donner, en arrivant, l’étape du cheval et du conducteur. Il est encore très fréquent que, pendant la route, les soldats se jettent sur les voitures déjà très chargées ; d’autres fois, impatientés de la lenteur des bœufs, ils les piquent avec leurs épées ; et, si le paysan veut faire quelque représentation, vous imaginez bien que la dispute tourne toujours à son désavantage, et qu’il revient accablé de coups. Lorsque ces mauvais traitements peuvent être constatés, on en dresse des procès-verbaux, on les envoie au Ministre de la guerre, qui condamne l’officier conducteur à des dédommagements ; mais vous sentez, M., combien il doit être difficile de vérifier les faits avec assez de précision pour pouvoir demander cette satisfaction : aussi peut-on bien assurer que la plus grande partie des vexations de ce genre demeurent impunies. Le moyen que j’ai eu l’honneur de vous proposer rend tous ces abus impossibles, parce qu’un entrepreneur connu et instruit avec précision de ce qu’on a droit d’exiger de lui, n’est pas, comme un paysan, livré sans défense à la vexation ; il sait à qui il doit porter ses plaintes, et on peut toujours lui rendre justice.
Voilà, M., bien des détails pour démontrer une chose dont l’évidence est sensible pour peu qu’on y fasse attention ; mais il semble que le Gouvernement ait ignoré pendant longtemps combien il est important de ne pas immoler la liberté des sujets du Roi aux caprices et aux vexations de quelques particuliers, puisqu’il n’est aucune partie de l’administration où l’on ne soit pas tombé dans cette faute, par l’esprit d’économie le plus mal entendu qui fut jamais. J’aurai plus d’une occasion de vous mettre sous les yeux des abus de ce genre. En attendant, les observations que je viens d’avoir l’honneur de vous proposer peuvent servir, par leur trivialité même, à prouver combien il est avantageux au Gouvernement de tout payer en argent, parce que de cette manière seule il sait exactement ce qu’il lui en coûte, et que par là même il lui en coûte toujours infiniment moins. La dépense en argent est toujours prise sur les revenus ; la dépense en nature diminue souvent la source des richesses. La dépense en argent se répartit sur tous les sujets du Roi à proportion de leur fortune ; la dépense en nature frappe au hasard quelques particuliers et attaque la liberté, la plus précieuse certainement de toutes les propriétés.
II. — Lettre à l’intendant des finances d’Ormesson, sur le logement des troupes.
[Citée par d’Hugues, Essai, p. 133, 134, comme tirée des Archives de la Haute-Vienne.]
(Ainsi qu’on l’a vu p. 404, Turgot prit le parti de réunir, par régiments ou escadrons, les troupes en garnison dans le Limousin. Elles furent logées dans les villes de Limoges, de Brive, de Saint-Yrieix, et de Lubersac.
Choiseul avait désiré qu’il y eut un manège à Limoges et que des détachements y passassent tour à tour, ce qui chargeait la ville d’une augmentation de logement sans diminuer la charge des autres localités.
Turgot prit la résolution de réunir trois escadrons à Limoges et d’en laisser un à Brive. Cette dernière ville avait envisagé dans le séjour d’une troupe l’avantage de débiter plus facilement les denrées du canton et avait fait quelques dépenses pour approprier une maison au casernement d’un escadron.
La ville de Limoges se trouva chargée du logement et des fournitures de trois escadrons. Turgot pensa qu’il serait injuste de faire supporter à cette seule ville une charge aussi forte, tandis que l’avantage résultant de la plus grande consommation du fourrage et des autres denrées du pays se répartissait principalement sur les campagnes et de proche en proche sur toute l’élection. Il lui parut juste de partager l’imposition entre Limoges et le reste de l’élection, sauf à diminuer un peu, lors du département, la charge des paroisses trop éloignées.
Aux dépenses nécessitées par le casernement, il en ajouta une autre non moins considérable, mais qui, une fois faite devait servir pour longtemps. C’était l’acquisition d’une quantité suffisante de lits de caserne. En réunissant beaucoup de compagnies dans une seule ville, il devenait impossible d’assujettir les bourgeois à fournir en nature les meubles nécessaires ; il fallait souvent faire contribuer plusieurs maisons pour un seul lit. En outre, les meubles se détérioraient et s’égaraient de sorte que ce service devenait une imposition d’autant plus odieuse qu’il était impossible de la répartir avec égalité. On lit dans la lettre de Turgot :
« ……Je me suis déterminé volontiers à faire faire la dépense d’une certaine quantité de lits, car la Province, en temps de paix, n’étant jamais sans un régiment de cavalerie, on en aura toujours besoin, et si, comme je l’espère, on vient à bâtir des casernes, elles se trouveront toutes meublées ».)
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[1] Moreau de Beaumont, ensuite intendant des finances.
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