Oeuvres de Turgot – 068 – Lettres à Du Pont de Nemours

68. — LETTRES À DU PONT DE NEMOURS.

(Du Pont de Nemours a donné, dans L’Enfance et la Jeunesse de Du Pont de Nemours racontées par lui-même, les renseignements ci-après au sujet de ses relations et de sa correspondance avec Turgot.

« Mon livre sur l’Exportation et sur l’importation des grains est un de mes écrits qui a eu le plus de succès ; l’édition fut épuisée en deux mois… Mais ce qui fut bien plus flatteur et plus utile, ce qui a infiniment contribué au bonheur et à l’honneur de ma vie, c’est que je dois à ce livre le commencement de l’amitié qu’a daigné m’accorder M. Turgot. À peine l’eut-il lu qu’il vint me demander chez mon père et qu’il me montra une estime, une confiance, un tendre intérêt qui, de sa part, était plus touchant qu’on ne peut dire. Il me mena chez les Messieurs Trudaine père et fils, occupés alors à rédiger l’Édit rendu en juillet 1764 pour établir la liberté du commerce extérieur des blés et consolider celle de l’intérieur.

« Nous y travaillâmes tous quatre séparément et réunis. M. de L’Averdy ne voulut pas en adopter le dispositif tel que nous le lui avions proposé et, pendant qu’on mettait la dernière main à la loi salutaire dont nous étions les moteurs et les auteurs, je faisais d’avance dans un mémoire intitulé l’Anti-restricteur, la critique des défauts qu’on y introduisait et l’exposition des dangers qui en résulteraient…

« Tant que M. Turgot a vécu, il a reçu au moins 1 800 lettres de moi auxquelles il en a répondu environ 1 000. Il avait conservé la plupart des miennes qui m’ont été rendues ; j’ai toutes les siennes, elles sont très curieuses ».

Une note de l’éditeur de L’Enfance et la Jeunesse de Du Pont de Nemours fait connaître que les lettres de Du Pont de Nemours à Turgot ne se trouvent pas parmi les papiers conservés par la famille de l’ancien Constituant.

Quant aux lettres de Turgot à Du Pont, beaucoup ont disparu ; il en reste pourtant encore plusieurs centaines ; ce sont celles que nous publions.)

I. (Édit de juillet 1764 sur le commerce des grains.)

Le vendredi au soir.

Je sors de chez M. de Montigny[1], M., j’ai voulu d’abord prendre l’extrait de la Déclaration que vous me demandiez mais il a fait mieux, il m’a confié pour vous la Déclaration même[2]. Mais il vous prie de ne la communiquer à personne parce qu’elle ne doit point être publique avant d’avoir passé au Parlement, et si vous y faites des observations, il est essentiel que vous ne paraissiez avoir eu connaissance des dispositions que par le bruit public.

M. le Contrôleur général a fait encore de nouveaux changements au préambule de M. de Montigny et n’en a pas voulu faire à son dispositif. La Déclaration ne gagne pas à cela et l’on vous laisse à combattre tous les monstres contre lesquels vous aviez aiguisé vos armes[3]. Je vous souhaite bon courage et bon succès, j’y applaudirai de bien bon cœur.

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[1] Trudaine de Montigny, adjoint à son père Daniel Trudaine, qui avait, dans ses attributions d’Intendant des Finances, le détail du commerce.

[2] Le projet de Déclaration sur la liberté du commerce des grains auquel fut ensuite substitué l’Édit de 1764 sur le même objet.

[3] Dans l’Anti-restricteur dont il est parlé ci-dessus.

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