ŒUVRES DE TURGOT ET DOCUMENTS LE CONCERNANT
TROISIÈME PARTIE
TURGOT INTENDANT DE LIMOGES (1761-1774)
LE PRÉSENT VOLUME S’ÉTEND DE 1761 À 1767 ;
LE VOLUME SUIVANT DE 1768 À 1774.
Abréviations.
D. P. Œuvres de Turgot, édition Du Pont de Nemours.
B. N. Bibliothèque Nationale.
A. L. Archives du château de Lantheuil.
A. N. Archives Nationales.
A. H. V. Archives de la Haute-Vienne.
A. Cor. Archives de la Corrèze.
A. C. Archives du Calvados.
S. D. Sans date.
Les notes de Turgot sont indiquées par des chiffres ; celles de l’éditeur, par des lettres.
1761.
44. — NOMINATION DE TURGOT À LA PLACE D’INTENDANT DE LIMOGES.
I. — Lettre à Choiseul[1] pour demander l’intendance de Grenoble.
[A. L., minute.]
22 avril 1760.
M., on vient de m’assurer que M. de La Porte quittait l’Intendance de Grenoble. Comme l’arrangement projeté pour M. de La Corée ne subsiste plus, je prends la liberté de vous prier de me proposer au Roi pour cette Intendance. Je suis le plus ancien des Maîtres des Requêtes qui sont à placer, et j’ose dire que je ne suis pas un de ceux qui ont le moins travaillé, soit au Conseil, soit pour acquérir les connaissances utiles dans la carrière à laquelle j’étais destiné. Je me flatte aussi que les services de mon père et mon âge peuvent me rendre susceptible de l’Intendance de Grenoble sans en avoir eu auparavant une moins considérable.
Quoique j’aie peu l’honneur d’être connu de vous, j’ai cru que la position dans laquelle je suis, par rapport aux places de ce genre, m’autorisait à vous demander directement celle-ci. J’aurais peut-être un titre à faire valoir auprès de vous, ayant l’honneur d’être parent assez proche de Mme la Duchesse de Choiseul[2] ; mais les circonstances ne m’ayant jamais mis à portée d’être personnellement connu d’elle, je n’ai qu’à regretter de n’avoir pas eu l’occasion de mériter ses bontés et les vôtres.
Extraits de Lettres de l’Intendant de La Michodière à Turgot.
[A. L., Originaux.]
(Voyage de Turgot dans l’Est et en Suisse ; séjour chez Voltaire ; propos de Joly de Fleury. — Le poste de Prévôt des marchands de Lyon ; l’intendance de Grenoble ; celle de Bretagne. — Les Recherches sur la population.)
Lyon, 3 novembre 1760. J’ai attendu le temps où vous devez être arrivé à Strasbourg pour répondre à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Je vous demande la continuation des sentiments que vous avez la bonté de me témoigner ; les miens vous son acquis et j’espère que notre liaison sera de longue durée.
Je ne suis pas étonné que le plaisir de vivre avec M. de Voltaire et de le voir dans la plus grande intimité vous ait engagé à séjourner à Genève plus longtemps que vous ne le comptiez. Sa société est charmante et il y a bien à profiter dans sa conversation. Il n’y a que de très petits esprits qui puissent trouver à redire à ce qu’on loge chez un homme comme M. de Voltaire, mais le monde en est rempli.
M. de Fleury[3] est un homme superficiel dont je crois que les connaissances ne sont pas fort étendues ; on ne s’imagine pas qu’il ait été chez M. de Voltaire pour y réfléchir ; mais on pourrait ne pas avoir la même idée sur votre voyage ; au surplus, avec un peu de fermeté d’esprit, et je crois que vous n’en manquez pas, on se met au-dessus des sots propos.
Depuis que vous avez quitté Lyon, le Consulat s’est imaginé de demander une augmentation d’octrois et par conséquent d’impositions pour payer 2 000 000 de livres dont le receveur de la ville est en avance. Ces gens-là veulent apparemment chasser les ouvriers de leur ville. Je crois que M. le Contrôleur général a mal accueilli leur demande et qu’elle ne réussira pas. Voilà le moment, si on en savait profiter, où il faut mettre de l’ordre dans une partie de l’administration. Il serait de l’intérêt de la ville et du commerce qu’on donnât la place de Prévôt des marchands à un maître des requêtes, et qu’on le mit sur le pied des intendants. Si ce projet avait lieu, je serais fort aise qu’elle vous fût destinée. Nous serions bien d’accord ensemble et ferions de bonne besogne…
Lyon, 20 décembre 1760. Je vous crois de retour à la Capitale, mon cher confrère, et que vous avez repris les fonctions tristes et paisibles du Conseil. Je suis bien empressé de savoir de vos nouvelles et de votre voyage et d’apprendre que vous êtes arrivé en bonne santé. Vous avez dû souffrir en route du mauvais temps qu’il a fait… Je vous ai écrit à Strasbourg chez M. de Lucé ; j’ignore si vous avez reçu ma lettre.
La mort de M. de Tourny n’a fait aucun changement dans le Conseil qui put vous être avantageux. Mais M. De la Porte ne retournera pas à Grenoble, et je crains fort que M. Le Bret soit hors d’état de continuer ses fonctions ; j’espère, par conséquent, vous trouver doublement mon confrère lorsque je serai à Paris. Je souhaite que vous ayez l’Intendance de Bretagne. Vous n’y serez pas chargé des impositions et vous vivrez avec des gens moins mécontents que ceux qui habitent les pays d’élections…
Lyon, 7 février 1761. … Je suis étonné que le Contrôleur général se soit servi de l’expression bien jeune, lorsqu’on lui a parlé de vous pour l’Intendance de Bretagne. Sa place ne lui a pas donné vingt ans de plus et puisqu’à quarante ans, il est chargé de l’administration des finances, un homme de trente-cinq peut être Intendant de Bretagne. Il aurait, à ce qui me semble, mieux fait de donner pour raison que l’Intendance de Bretagne était destinée pour la récompense d’un ancien intendant. Je ne prévois pas cependant quel peut être celui qu’il y destine, à moins que ce ne soit M. de Blossac qui est de la province, homme de condition, et qui n’est pas dans le cas de passer sa vie à Poitiers. Vous aviez raison de désirer cette place qui est fort agréable et moins sujette que les autres aux tracasseries, où le peuple est plus à l’aise et qui doit fournir du travail dans les plus belles parties du commerce, matière qui est plus de votre goût que toute autre. Au surplus, je crois qu’à cet égard il n’est pas nécessaire de se donner des mouvements, parce que souvent ce sont les choses qu’on désirait le plus dont on se soucie le moins lorsqu’on les possède et vous auriez grand tort de regarder une cascade comme un dégoût, surtout si on envoie en Bretagne un intendant déjà ancien, tel, que M. de Blossac…
Je vous suis obligé des états que vous avez eu la bonté de m’envoyer ; ils dérangent un peu mes calculs ; car, à partir de ce que vous m’avez envoyé et supposant qu’il en est de même dans toutes les paroisses, la population serait bien plus considérable que je la suppose…[4]
II. — Commission d’Intendant de la généralité de Limoges.
[A. L., original ; A. H. V., C. 99.]
Versailles, 8 août 1761.
Louis, par la grâce de Dieu… à notre amé et féal conseiller en nos conseils, maître des requêtes ordinaires de notre hôtel, le sieur Turgot, salut. Connaissant votre capacité et affection à notre service et étant persuadé que vous nous en donnerez de nouvelles preuves avec beaucoup de zèle et d’application, nous avons fait choix de votre personne pour remplir la place de Commissaire départi en la généralité de Limoges au lieu du sieur Pajot de Marcheval… que nous en retirons pour passer à celle de Grenoble…
Liste des intendants de Limoges de 1710 à la Révolution.
Boucher d’Orsay, de 1710 à 1715 et de 1724 à 1730.
Le Clerc de Lesseville, comte de Charbonnière, de 1716 à 1718.
Le Tonnelier de Breteuil, marquis de Fontenay-Trésigny, de 1718 à 1723.
Aubert, marquis de Tourny, de 1730 à 1743.
De Barbery, sieur de Saint-Contest, de 1743 à 1751.
De Chaumont, de la Milière, de 1751 à 1756, mort à Limoges.
Pajot de Marcheval, de 1757 à 1761, ensuite Intendant de Grenoble, puis Conseiller d’Etat.
Turgot, de 1761 à 1774.
Lenoir, en 1774. Il fut nommé à Limoges, mais ne fut pas installé. Le 6 août 1774, comme il venait de remercier le Roi de sa nomination, il apprit qu’il venait d’être nommé lieutenant de police[5].
Nicolas d’Aine, de 1774 à 1783, beau-frère du baron d’Holbach et auteur des traductions de l’Économie de la vie humaine de Dodsley (1752) et des Eglogues de Pope (1753).
Meulan d’Arbois, de 1784 à 1790, beau-frère de Sartine et père de Mme Guizot (Pauline de Meulan).
On ne sait pas bien comment étaient organisés et composés les bureaux de l’Intendance de Limoges. En 1783, on y comptait une douzaine de commis décorés du nom de Secrétaires. (A. Leroux, Introduction à l’inventaire des Archives de la Haute-Vienne). Quant au traitement des Intendants, il était le suivant, d’après une note inédite :
Appointements 12 000 livres.
Gardes 3 600 —
Troisième quartier des gages du Conseil 1 500 —
Appointements d’un Secrétaire 1 200 —
Total 18 300 —
À déduire, retenue de 1/10, 1 830 livres.
Appointements du Secrétaire, 1.200 livres, et des gardes, 3.600 livres, total
6 630 —
Restait net 11 670 —
Mais plusieurs intendants avaient des allocations supplémentaires : celui de Paris recevait à ce titre 19 000 livres ; ceux de Soissons, de Rouen, d’Orléans, de Caen, 12 000 livres ; ceux d’Amiens, de Moulins, d’Alençon, 6 000 ; celui de Châlons, 16 000.
Liste des subdélégués de l’intendance de Limoges.
Élection de Limoges.
De l’Épine Limoges.
De Juniat, conseiller au siège royal Bellac.
Du Pain, maire Le Dorat.
De Feu, avocat Laval-Magnac.
Paignon, avocat au Parlement Saint-Yrieix.
Dumontel, avocat au Parlement Chalus.
Chaumont Lubersac.
Martin du Reynau Pierre-Buffière.
Deshoumeaux, avocat Chateau-Poinsat.
De Saint-Priest, avocat La Souterraine.
De la Noaille, chevalier d’honneur au bureau des finances. Saint-Léonard.
De la Vialle, juge Eymoutiers.
Mallebay de Massé, avocat Saint-Junien.
Élection d’Angoulême[6].
De Boisbedeuil, avocat Angoulême.
Dujardin (pour le petit Angoulême)
Marantin, commissaire des guerres La Rochefoucauld.
De Boisbedeuil des Essarts Baignes.
Prévost du Las Ruffec.
Dupuy Saint-Jean Chabanais.
Élection de Tulle.
De Monestier, receveur des tailles Tulle.
De la Combe, gouverneur de Tulle Tulle.
De Cueille, avocat Treignac.
Lachau Meymac.
Lacoste Neuvic.
Duteil Ussel.
Château, avocat Bort.
D’Ambert de Cérillac, avocat Egletons.
Élection de Brive.
De Salés Brive.
De Cleydat, procureur du roi à la sénéchaussée Uzerche.
Massoulie, capitoul de Toulouse Beaulieu.
Élection de Bourganeuf.
Roulier du Marçay, avocat Bourganeuf.
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[1] Choiseul (1719-1785), Ministre des Affaires étrangères de 1758 à 1761 et de 1766 à 1770, Ministre de la Guerre et de la Marine en 1761.
[2] L’origine de cette parenté n’a pu être déterminée.
[3] Omer Joly de Fleury (1715-1810), avocat général, puis président.
[4] La Michodière s’occupait de ses Recherches sur la population qui ont paru sous le nom de Messance.
[5] Mort en 1807.
[6] Non compris Du Tillet de Villars et de La Valette, dont les bureaux furent supprimés par Turgot.
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