Œuvres de Turgot. 004. — Faculté, décision de dispense d’âge
1746
4. — FACULTÉ DE THÉOLOGIE : DÉCISION ACCORDANT À TURGOT UNE DISPENSE D’ÂGE POUR SOUTENIR SA TENTATIVE, AVEC LETTRE DE LOUIS XV
[B. N., Actes de la Faculté. — Nourrisson, p. 169.]
I. 29 Septembre 1746. LETTRE DU ROI AUX MEMBRES DE LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE.
(Cette lettre fut d’abord adressée au syndic de la Sorbonne.)
De par le Roi, chers et bien amés, le sieur Anne-Robert Jacques Turgot, clerc tonsuré du diocèse de Paris, nous ayant représenté que n’ayant pas encore l’âge requis par vos statuts pour être admis aux examens nécessaires pour soutenir sa thèse de bachelier, il vous suppliait de lui en accorder la dispense ; et désirant traiter favorablement le dit sieur Turgot, nous vous faisons cette lettre pour vous dire qu’il nous sera agréable que vous receviez favorablement sa supplique, lorsqu’il se présentera pour subir les examens qui doivent précéder sa thèse de bachelier, nonobstant qu’il n’ait encore l’âge requis par vos statuts, et sans néanmoins tirer à conséquence ; si n’y faites faute, car il est notre bon plaisir. — Donné à Versailles, le 29 septembre 1746. Signé : Louis, (et plus bas) Phélypeaux.
II. — 1er Octobre. DÉCISION PROVISOIRE DE LA FACULTÉ. — M. Turgot aulam comitiorum ingressus est, postula vit que a sacra Facultate ut sibi liceret ante annum ætatis vigesimum primum, tum subire examina prævia ad tentativam, tum ipsam tentativam propugnare… Cum D. syndicus postulasset ut legerentur epistolæ regiæ a se acceptæ et ad se directæ quibus rex christianissimus jubet ut S. Facultas M. Turgot petita concedat, observatum est non ad sacrum ordinem, ut moris est, directam esse epistolam, sed ad Sorbonæ syndicum, qui nullus est, conclusumque fuit, lecta epistola regia, indulgendum esse M. Turgot, ob regis potentissimam commendationem, et ob Urbi variisque, S. Facultatis ordinibus præstita officia ab illustrissimo patre dum fasces prœfectorias gereret ; voluit tamen sacer ordo tum ut M. Turgot accederet proximis comitiis gratias acturus, invisis prius MM. antiquioribus, tom ut D. syndicus postularet ab illustrissimo comite de Maurepas ut vellet litteras regias solitæ formæ restituere, ante quam in Commentariis describerentur[a].
III. — 4 Novembre. — DÉCISION DÉFINITIVE DE LA FACULTÉ. — Lecta est a scriba epistola regia, eaque solitæ formæ restituta, quam rex christianissimus indulsit M. Turgot[b].
La tentative. — À Paris, pour devenir bachelier en théologie, il fallait avoir étudié deux ans en philosophie, trois en théologie, et avoir soutenu deux examens, l’un de philosophie, l’autre sur la partie de la Somme de saint Thomas qui comprend le Traité de Dieu et des Attributs de la Trinité et des Anges.
Lorsque les examinateurs étaient unanimes à reconnaître la capacité du candidat, sa thèse était signée par le Président, et le syndic donnait jour pour la soutenir dans l’année.
Cette thèse portait le nom de tentative. Si le candidat réussissait, il pouvait se préparer à la licence. Les bacheliers portaient la soutane, le manteau long, la fourrure d’hermine doublée de soie noire.
Dans le courant de la licence, il y avait la mineure, la sorbonique et la majeure.
« Chacune de ces thèses exigeait, dit Morellet (Mémoires), des études dont quelques-unes peuvent bien être regardées comme fort inutiles… mais toutes exerçaient l’esprit. Pour soutenir avec distinction ces exercices théologiques, il fallait quelque talent de parler, quelque adresse à démêler l’objection et à y répondre. Turgot me disait souvent en riant et parodiant le mot de Mme de la Ferté à Mme d’Olonne : « Mon cher abbé, il n’y a que nous, qui avons fait notre licence, qui sachions raisonner exactement. »
« Il ne faut pas croire que les absurdités théologiques nous échappassent… Je me souviens, qu’en nous avouant, l’abbé Turgot et moi, notre embarras, nos doutes ou plutôt notre mépris pour les sottises dont notre jeunesse avait été bercée, le nom de sophismes, donné par les théologiens, aux raisonnements par lesquels le socinien Crellius prouve que 1 et 1 font 3 nous faisait pâmer de rire. Je pourrais citer beaucoup d’exemples de questions importantes, de métaphysique, de morale publique et privée, de politique, de droit, qui entraient dans nos études et qui nous occupaient bien plutôt que les futilités théologiques. »
Extraits de lettres du Prévôt des Marchands à son fils Chevalier pendant l’année 1746.
26 mars. — « L’abbé te fera le détail des expériences qu’il a vues sur l’électricité ; elles sont inconcevables. »
16 mai. — « Je ne mènerai ni d’Ussy (fils ainé du Prévôt des Marchands), ni l’abbé en Normandie… ; l’abbé parce qu’il a deux examens à faire pour être maître-ès-arts et deux examens et une grande thèse avant le 15 décembre pour être bachelier ; ainsi, il n’a pas de temps à perdre. »
13 août. — « D’Ussy ni l’abbé ne viendront (à Bons, en Normandie)… ; l’abbé pour faire deux examens et se préparer à sa thèse de baccalauréat qu’il doit soutenir au mois de décembre. »
17 novembre. — « Votre frère l’abbé se dispose à soutenir dans le mois de janvier sa thèse de bachelier. »
Les thèses de Turgot, pas plus que son Panégyrique de Sainte-Ursule n’ont été retrouvées.
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[a] « M. Turgot a été introduit et a demandé à la Faculté la permission, avant d’avoir atteint sa vingtième année, de subir les examens préliminaires de la tentative et de soutenir cette tentative même.
« Le syndic a demandé à donner lecture d’une lettre royale qu’il a reçue et par laquelle le Roi Très Chrétien a ordonné à la Faculté d’accorder à M. Turgot sa demande ; il a été observé que la lettre du Roi n’avait pas été adressée, suivant l’usage, à la Faculté, mais au syndic de la Sorbonne qui est sans qualité.
« Il a été décidé, après lecture de la lettre Royale, que la demande de M. Turgot serait accordée, eu égard à la puissante recommandation du Roi et en souvenir des services que, pendant son administration, le très illustre père de M. Turgot a rendus à la Ville de Paris et aux divers ordres de la Faculté. Elle a exigé toutefois que M. Turgot témoignât expressément sa reconnaissance dans la prochaine assemblée, après avoir préalablement rendu visite aux anciens. Elle a enjoint en outre au syndic de demander au comte de Maurepas de vouloir bien mettre la lettre du Roi en due forme avant qu’elle fût transcrite sur les registres. » Maurepas. (1701-1781) était alors Ministre de la Marine et de la Maison du Roi.
[b] « Lecture a été faite de la lettre du Roi, remise en due forme (c’est-à-dire adressée aux membres de la Faculté et non au syndic de la Sorbonne). »
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