Cette notice est due à la plume de Simon Jacob, neveu de Clicquot-Blervache. Publiée primitivement sans nom d’auteur dans le Journal de Reims en 1796 puis la même année dans le Magasin Encyclopédique. Rééditée en brochure en 1815 avec le nom de l’auteur et suivi d’observations de l’abbé de Saint-Léger.
Source : Notice sur la vie et les ouvrages de M. Clicquot-Blervache, Magasin encyclopédique ou Journal des sciences, des lettres et des arts, seconde année, tome 4ème, p.52-62
Notice sur la vie et les ouvrages de feu M. Clicquot-Blervache
Simon Clicquot-Blervache, ci-devant chevalier de l’ordre de Saint-Michel, inspecteur-général du commerce, honoraire de l’académie d’Amiens, et correspondant de la société d’agriculture de Paris, né à Reims le 7 mai 1723, vient d’être enlevé aux lettres, qu’il cultivait avec succès, et dont il faisait ses délices ; à ses concitoyens, dont il n’a cessé de servir les intérêts avec zèle dans les différentes places qu’il a occupées ; à sa famille, dont il était tendrement chéri et respecté ; à ses amis, qui savaient apprécier la solidité de son commerce, les agréments et les douceurs de sa société ; à tous les gens de bien qui l’ont connu, et dont les regrets honorent sa mémoire. Il est mort le 13 thermidor, an quatrième de la République (31 juillet 1796, v. st.), à sa maison de campagne à Beloy, commune d’Écueil, village à deux lieues de Reims, où il passait, depuis qu’il avait cessé d’habiter Paris, la plus grande partie de l’année, au milieu des siens, livré aux travaux de l’agriculture, à l’étude et à la méditation des moyens qui pouvaient contribuer à l’encouragement et à la perfection d’un art dont il avait, de bonne heure, appris à connaître toute l’importance et l’utilité.
Ses concitoyens le nommèrent procureur-syndic de la ville de Reims en 1760. Il développa, dans cette place, les qualités d’un parfait citoyen, d’un administrateur sage et éclairé. Il eut, en plusieurs circonstances, occasion d’y montrer également celles d’un négociateur habile. Les différentes députations à Paris, dans lesquelles les intérêts de la ville l’appelèrent, le firent avantageusement connaître des ministres, et particulièrement de M. Trudaine, et lui valurent, en 1765, la place d’inspecteur-général du commerce, qu’il exerça avec distinction jusqu’en 1790.
L’académie des sciences, belles-lettres et arts d’Amiens couronna, en 1755 , un mémoire qu’il lui présenta, et qui fut imprimé sous le titre de Dissertation sur l’effet que produit le taux de l’intérêt de l’argent sur le Commerce et l’Agriculture.
Il obtint, au jugement de la même académie, en 1756, un second prix pour un nouveau mémoire présenté et publié sous le nom de Dissertation sur l’état du Commerce en France depuis Hugues-Capet jusqu’à François Ier.
Une troisième couronne fut encore décernée, en 1757, par cette même compagnie, à un autre mémoire qu’il lui adressa sur les Corps de Métiers, et qui fut imprimé en 1758 sous le nom de M. Delisle.
L’académie d’Amiens n’est pas la seule qui ait rendu justice aux productions utiles de M. Clicquot-Blervache. Celle de Châlons-sur-Marne reçut de lui, en 1783, sous le nom d’un Savoyard, un excellent mémoire sur les moyens d’améliorer en France la condition des laboureurs, des Journaliers, des hommes de peine vivant dans les campagnes, et celle de leurs femmes et de leurs enfants. Cet ouvrage obtint le suffrage de l’académie de Châlons, qui s’empressa de lui adjuger la récompense qu’il méritait. L’auteur l’a refondu et publié depuis, en 1789, sous le titre de l’Ami du Cultivateur, par un Savoyard, en deux volumes in-8°. Cet ouvrage contient deux parties, chacune divisée en plusieurs sections, et chaque section en plusieurs chapitres. Dans la première partie, M. Clicquot-Blervache traite à fond de l’origine et de l’établissement des institutions féodales, de l’influence des droits féodaux sur l’agriculture et sur les mœurs, des surcharges onéreuses qu’ils font peser particulièrement sur le peuple ; du clergé, de la dîme, des abus introduits dans sa perception, des moyens à employer pour diminuer les effets de la féodalité sur l’agriculture et ses agents, et des avantages que leur procurerait l’affranchissement des devoirs féodaux.
Les inconvénients des trop grandes propriétés et exploitations, les moyens de les diminuer, l’utilité des baux à longs termes ; les inconvénients des communes, les avantages qui résulteraient de leur partage, l’utilité des dessèchements ; les impôts, leur quotité, leur répartition, le danger des emprunts, plus préjudiciables au peuple que l’établissement des impôts ; les corvées, l’utilité des chemins publics ; les manufactures, l’avantage de leur établissement dans les campagnes, par rapport au commerce, celui des établissements des arts et métiers dans les mêmes lieux, relativement à la condition de ceux qui les habitent ; le vœu de l’auteur pour la formation des administrations provinciales par toute la France : tels sont les objets qui forment la matière de la seconde partie.
Un style pur, agréable et correct, une diction partout claire, simple, aisée, et cependant élégante et nerveuse, une logique également soutenue et suivie, l’éclat des lumières nouvelles répandues dans cet écrit, sont les principaux caractères qui le distinguent. La manière dont M. Clicquot-Blervache a su traiter et approfondir tous ces différents sujets, les notes qui les accompagnent ne peuvent que donner une très haute idée de son savoir, de son érudition et de l’étendue de ses vues. Cet ouvrage sera toujours un livre intéressant, dans lequel on reconnaîtra facilement, par le développement des principes qui y sont exposés, qu’ils ont été, en quelque sorte, le présage des grands changements que l’on a vu s’opérer depuis dans l’administration et le gouvernement tant intérieur qu’extérieur de la France.
Ce fut encore en 1789 que M. Clicquot-Blervache mit au jour et fit imprimer ses Considérations sur le traité de Commerce entre la France et la Grande-Bretagne, dans lesquelles il réfute, avec autant de netteté que de méthode et de précision, les principes qui ont donné lieu à ce traité, et les bases sur lesquelles il se trouve appuyé.
L’académie des inscriptions et belles-lettres, dans sa séance publique de Pâques de la même année, couronna un autre ouvrage du même auteur sous le titre de Mémoire sur l’état du Commerce intérieur et extérieur de la France depuis la première Croisade jusqu’au règne de Louis XII. Ce mémoire, imprimé à Paris en 1790, renferme des recherches savantes et instructives sur tout ce qui appartient à l’histoire du commerce, que l’auteur décrit d’une manière qui lui est propre, et dans laquelle il offre à la fois des faits curieux, des vérités utiles, et les réflexions les plus judicieuses.
En 1778 l’académie d’Amiens, après avoir honoré d’un triple laurier, à trois époques consécutives, les différents ouvrages que M. Clicquot-Blervache lui avait présentés, lui fit écrire par M. Baron, son secrétaire perpétuel, qu’elle venait de le nommer l’un de ses honoraires.
Au mois d’août de la même année, il ne crut pas pouvoir mieux témoigner à cette compagnie sa sensibilité pour cette marque éclatante d’estime et la reconnaissance qu’elle lui inspirait, qu’en lui adressant un discours rempli d’observations profondes et neuves sur les avantages et les inconvénients du Commerce extérieur. On ne peut que regretter beaucoup qu’il ne l’ait pas rendu public, ainsi qu’un autre écrit en deux volumes in-8°., ayant pour titre : Essai sur le Commerce du Levant, divisé en deux époques ; la première, de 1666 à 1730 ; la seconde, de 1730 à 1750, ouvrage auquel l’auteur, suivant le manuscrit qui est dans les mains de sa famille, paraît avoir travaillé en 1770 et 1771, dans le temps qu’il occupait la place d’inspecteur-général du commerce et des manufactures.
En 1787, il présenta à la société d’agriculture de Paris, et publia un autre Mémoire sur la possibilité et sur l’utilité d’améliorer la qualité des laines de la Province de Champagne. Il encourageait, par l’exemple et le précepte, à la campagne où nous avons dit qu’il habitait une partie de l’année toutes les tentatives et les procédés qui pouvaient contribuer à l’amélioration des bêtes à laine, et il eut la satisfaction de voir le succès répondre à ses désirs.
Ces travaux de tous genres, marqués au coin du patriotisme le plus pur, lui méritèrent, en 1788, l’honneur d’être admis au nombre des correspondants de cette société.
Parmi les différents ouvrages que M. Clicquot-Blervache a publiés, ou qui sont restés manuscrits entre les mains de ses héritiers, nous ne devons pas passer sous silence un mémoire infiniment important, sous tous les rapports, pour la ville de Reims, sur la Navigation de la rivière de Vesle. Cet ouvrage, qui n’a jamais été rendu public, que l’auteur avait présenté en 1775 à M. Turgot, alors contrôleur-général des finances, est le fruit du travail et des recherches qu’il avait faites pendant son syndicat dans le chartrier de la ville. Divisé en trois parties, il développe, dans la première, les avantages que procurerait à cette cité et à son commerce la navigation de la rivière qui baigne ses murs. Dans le second , M. Clicquot-Blervache s’attache à démontrer et à prouver la possibilité de rendre cette rivière navigable. Dans le troisième, il présente un état de la dépense que cette entreprise occasionnerait. Il produit, à l’appui de ce projet , dont il sollicitait alors l’exécution auprès du gouvernement, des faits d’une vérité frappante, des expériences constatées par différents procès-verbaux, et plusieurs pièces justificatives rapportées à la fin de son mémoire. Cet écrit, d’ailleurs, est semé de réflexions profondes, de notes historiques et critiques, de détails utiles et précieux, qui, indépendamment du motif puissant d’intérêt que l’auteur offre à ses concitoyens, en font un monument propre à servir un jour à compléter l’histoire de la ville dans laquelle il a pris naissance.
Nous regrettons beaucoup de ne pouvoir faire connaître toutes les productions sorties de la plume de cet homme de lettres, estimable par les talents de son esprit, et non moins distingué par les qualités de son cœur, et l’assemblage heureux des vertus publiques et privées qu’il a constamment pratiquées. Outre les productions que nous venons de citer, il existe de lui un grand nombre d’ouvrages manuscrits, dans lesquels on en remarque un, entre autres, sur la droiture du cœur, aussi nécessaire que la justesse de l’esprit dans la recherche de la vérité ; un Éloge de Sully ; plusieurs mémoires sur le commerce et les manufactures ; des notes, des observations et des réflexions importantes sur divers objets de littérature, de philosophie, d’histoire, de politique et d’économie ; un recueil assez étendu de différents morceaux de poésie, qui renferme des odes, des épîtres, etc., dont quelques-unes ont été imprimées, mais dont le plus grand nombre est resté dans son porte-feuille, que ses amis les plus intimes, à qui il en avait quelquefois fait l’ouverture, n’ont jamais cependant pu dérober à sa modestie. Ces amusements de sa première jeunesse, auxquels il n’attachait aucune importance, attestent son goût pour les lettres, pour les arts agréables, autant que ses autres écrits manifestent son amour pour les choses utiles, l’étendue de son esprit, la variété de ses connaissances, la profondeur de son jugement, et la sagesse de ses vues. Toutes ces qualités, que relevait encore en lui la droiture de son cœur, répandaient sur ses ouvrages, sur ses discours, dans son entretien, l’éclat d’une éloquence touchante et noble, persuasive et simple, lumineuse et concise, aussi éloignée de l’enflure et du faux brillant, que de toute espèce d’exagération, dont il était ennemi par caractère autant que par principes. Il avait, de bonne heure, contracté l’habitude d’une vie laborieuse, persuadé que l’occupation suivie fait l’homme de bien et le bon citoyen. Dans sa jeunesse, au milieu de l’âge mûr, comme au déclin de ses ans, il consacrait aux muses les moments de loisir que lui laissaient, par intervalles, les travaux, les plus sérieux dont il était sans cesse occupé. Il se délassait avec elles des fatigues d’un esprit dont les ressorts étaient perpétuellement en action et tendus vers tout ce qui pouvait contribuer au bonheur de ses semblables en général, et à l’avantage de ses concitoyens en particulier.
Qu’il nous soit permis de citer, entre autres preuves de son talent pour la poésie, le commencement d’une épître adressée à un de ses amis peu d’années avant sa mort. On jugera, par ces derniers fruits de son automne, de l’éclat dont devait briller les premières fleurs de son printemps, développées et mûries ensuite, dans son été, aux rayons de l’étude, de la réflexion, d’un goût sûr et délicat, nourri et entretenu longtemps par la lecture de tout ce que pouvait offrir de plus exquis dans tous les genres la littérature ancienne et moderne :
« En vain mon ami me convie
À lui crayonner l’examen
De ce que j’ai vu dans ma vie,
Je remets toujours à demain :
À l’amitié cédant enfin,
Je vais contenter son envie.
Les temps ne sont plus où jadis
Mes faciles pinceaux, peut-être,
Sur le ton d’Horace mon maître,
Ont mérité d’être applaudis :
Si, privés de leur ancien lustre,
Ils n’offrent plus le même prix,
Ami, n’en soyez point surpris,
Les glaces d’un treizième lustre
En ont terni le coloris, etc., etc. »
Nous ne pouvons mieux terminer cette notice sur l’homme de lettres, le vrai citoyen, l’ami sincère, le fils, l’époux, le père le plus tendre, et le parent le meilleur, qui fait en ce moment l’objet des regrets de ses proches et de tous ceux qui lui étaient attachés par les liens du sang et de l’amitié, ou qui l’ont fréquenté et connu, qu’en lui appliquant à lui-même, pour donner une idée des qualités de son cœur, après avoir rendu justice à celles de son esprit, ses propres expressions, dans une de ses lettres à un des siens au sujet de son père malade, peu de temps avant qu’il eut la douleur de le perdre : « Les inquiétudes que me donne le triste état de mon père me tourmentent. Je me prépare, comme je puis, au funeste évènement qui n’est pas éloigné. La providence m’avait accordé un bon père, plein de vertu et de probité. Son âme était simple, ses mœurs pures, ses affections modestes, et ses actions sages. Je désire mériter un jour le jugement que les gens de bien porteront de lui lorsqu’il finira sa longue carrière. » Celle de M. Clicquot-Blervache a été remplie par l’exercice et la pratique de toutes les vertus qui constituent le parfait honnête homme, le bon citoyen, et par l’éclat des qualités et des connaissances qui distinguent l’écrivain solide, l’homme de goût, le philosophe instruit et éclairé, et le véritable ami de l’humanité. Le vœu qu’il formait pour lui-même, en parlant de son père, s’est accompli, puisque l’esquisse que nous venons de tracer des principaux traits qui le caractérisent atteste qu’il est descendu dans le tombeau emportant avec lui l’estime générale et les regrets universels de tous ceux qui l’ont connu.
Additions à cette notice, par M. de Saint-Léger
Paris, 12 novembre 1796.
L’auteur de l’excellente Notice sur M. Clicquot-Blervache ayant jugé à propos de garder l’anonyme, je ne peux lui adresser les observations suivantes ; mais j’espère qu’elles ne lui déplairont pas, puisqu’elles appartiennent à l’histoire littéraire, et que, de plus, elles contribueront à faire connaître les talents d’un homme dont je pleure sincèrement la perte avec tous ceux qui l’ont connu.
I. Le Mémoire de M. Clicquot-Blervache sur les Corps de Métiers, imprimé en 1758, in-12, sous le nom de Delisle, et sous le titre de la Haye, mais réellement à Amiens, chez la veuve Godard, avait paru quelque temps auparavant à Paris, sous le titre de Considérations sur les Arts et Métiers. Cet ouvrage, solidement pensé et fort bien écrit, ne fit pas une très grande sensation dans le public. Un de ces auteurs qui savent habilement profiter des circonstances, et s’approprier, sous une forme nouvelle, le travail d’autrui, imagina de répandre les principes de M. Clicquot, en leur donnant le cadre d’un roman philosophique ; je veux parler de l’abbé Coyer, dont le Chinki, imprimé trois ou quatre fois, n’est, à l’exception des sept premiers chapitres, que le plagiat le plus impudent du Mémoire couronné à l’Académie d’Amiens. J’avais lu ce Mémoire dès 1758, que l’auteur m’en donna un exemplaire. Chinki, Histoire Cochinchinoise, etc., parut en 1768 ; il ne tomba dans mes mains que plusieurs années après ; et, quand j’en pris lecture d’après les éloges que lui prodiguaient certaines gens, je fus si indigné du vol, que je le dénonçai au Public dans l’Année littéraire de Fréron, tome II de 1775, pages 250 et suivantes. Pour ne pas laisser le moindre doute sur la réalité du plagiat, je mis en regard, et sur deux colonnes, différents morceaux du Mémoire et du Roman ; et il résulta, de ce parallèle, une preuve, sans réplique, que Coyer, écrivant son Chinki, avait sous les yeux le Mémoire académique, et qu’il en avait pris toutes les idée et tous les faits ; qu’il en avait même copié des phrases entières, sans faire la moindre mention de l’ouvrage qu’il pillait sans pudeur. L’abbé Coyer n’ayant rien à répondre à cette démonstration, ne répondit rien en effet, et il mourut en juillet 1782. On réimprima son Chinki dans le recueil, en sept volumes in-12, de ses œuvres, sans dire un mot du plagiat ; mais le continuateur de l’Année littéraire ne manqua pas (tome huitième de cette année 1782) de le rappeler au public, et de renvoyer au Fréron de 1775. C’est donc à M. Clicquot, ou plutôt aux raisons développées dans son Mémoire, que les partisans de la suppression des jurandes et corps de métiers furent redevables de l’édit donné à ce sujet en 1775, et qui demeura, pour lors, sans effet.
II. L’auteur de l’éloge n’a pas manqué de parler du talent poétique de M. Cliquot[1] ; ce qui m’a rappelé une anecdote assez piquante. Lorsque la ville de Reims éleva, dans ses murs, une statue à Louis XV, il fut question d’une inscription à mettre au dessous du monument. Les pièces latines et françaises ne manquèrent pas ; on hésitait sur le choix : pour se tirer d’embarras, on imagina de présenter au Roi lui-même les meilleures pièces. Après les avoir lues avec attention, le Roi décida en faveur de la suivante :
C’est ici qu’un roi bienfaisant
Vint jurer d’être notre père :
Ce monument instruit la terre
Qu’il fut fidèle à son serment.
Elle était de M. Clicquot, qui fut d’autant plus flatté de la préférence, que la plupart des pièces présentées à cette espèce de concours, portaient les noms d’auteurs connus, et que la sienne était anonyme. Elle fut placée au bas de la statue[2] ; les gens de goût en ont approuvé le tour et l’expression faciles, mais sans en connaître l’auteur.
III. On dit, avec raison, dans la notice sur M. Clicquot, qu’indépendamment des ouvrages imprimés, il a laissé plusieurs notes précieuses sur des objets de littérature, de philosophie, de politique, d’histoire, etc. Ces notes, M. Clicquot les écrivait sur des cartes blanches des deux côtés, plus grandes que nos cartes de jeu. L’auteur rangeait ensuite ces cartes de manière à retrouver très promptement les objets dont il s’entretenait avec ses avis, ou sur lesquels il était consulté ; il m’en a montré plusieurs, et je peux dire, avec vérité, que l’on tirerait un grand avantage de la publication de cette espèce de mélanges. M. Clicquot méditait beaucoup ses lectures ; il lisait de tout, et rarement arrivait-il qu’un livre ancien ou moderne ne lui fournît matière à des notes pleines de sens, de jugement, de critique, et quelquefois même d’une finesse et d’une sagacité peu communes. Comme il avait une belle main, ces cartes, bien écrites, font un double plaisir : je ne le voyais jamais sans être sûr qu’à propos de quelque sujet de littérature ou de science, il me lirait quelques cartes qui m’apprenaient toujours quelque chose.
Je n’ajouterai rien au portrait qu’a fait de ses mœurs et de ses talents, l’auteur qui paraît l’avoir parfaitement connu. M. Clicquot avait un extérieur peu prévenant au premier abord ; mais, sous cette écorce, il recélait un cœur prêt à se répandre dans le sein de ceux qu’il jugeait dignes de son estime. Il eut une âme droite, un esprit juste ; et il est aisé de sentir combien la réunion de ces talents naturels à des connaissances aussi profondes qu’étendues, devait donner de charmes à sa conversation, et faire rechercher sa société.
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[1] J’ai vu de lui deux Odes imprimées ; l’une adressée, en 1747, au P. Féry, Minime, connu par des Mémoires hydrostatiques, et par quelques Poésies latines ; l’autre, sur la mort, en 1750, de M. Louis Levêque de Pouilly (frère de M. de Burigny, de l’Académie des inscriptions), auteur de la Théorie des sentiments agréables, imprimée, pour la troisième fois, en 1749, in-12 ; ouvrage finement pensé.
[2] Avec les changements que voici, que l’Académie crut devoir y faire :
De l’amour des français, éternel monument,
Instruisez à jamais la terre
Que Louis dans ces murs jura d’être leur père,
Et fut fidèle à son serment.
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