Les monuments mégalithiques et leur conservation

Les monuments mégalithiques et leur conservation 

(Bulletin Monumental, t. 57, 1891, p. 281-282.)

CHRONIQUE

Les monuments mégalithiques et leur conservation. — On n’ignore pas à quelles dégradations sont trop souvent exposés les monuments mégalithiques, isolés dans nos campagnes, et qui tantôt sont détruits par des paysans désireux d’y chercher des trésors qu’ils y croient cachés, tantôt abimés par la pure malveillance de gens qui n’en comprennent pas l’intérêt, aussi lisons-nous avec plaisir la circulaire de M. le Ministre des travaux publics sans nous faire cependant beaucoup d’illusions sur les résultats qu’elle pourra produire :

 

Paris, le 28 mai 1891.

Monsieur l’Ingénieur en chef,

L’administration des Beaux-Arts a signalé, à différentes reprises, à l’attention des autorités les actes regrettables commis au préjudice des ruines antiques, des monuments mégalithiques, dolmens, menhirs, alignements de pierres, etc., qui existent dans les diverses régions de la France ou de l’Algérie.

Un trop grand nombre de ces monuments ont été ainsi perdus pour l’histoire et pour l’art. Vous penserez avec moi que le gouvernement de la République ne saurait, par son silence, paraître approuver de semblables actes ou même se désintéresser de la question.

Je vous prie donc de vouloir bien appeler l’attention particulière des ingénieurs, conducteurs, etc., en un mot de tout le personnel placé sous vos ordres, sur la nécessité d’assurer le respect de monuments qui intéressent à un si haut degré l’histoire ou la préhistoire de la France et de ses possessions. Et il ne s’agit pas seulement des monuments qui, classés par les soins de la Commission des monuments historiques et celle des monuments mégalithiques, se trouvent déjà légalement protégés ; il s’agit aussi, dans ma pensée, des monuments auxquels cette protection ne s’étend pas et de ceux qui, par hasard ou par suite de fouilles faites par des particuliers ou entreprises pour des travaux d’intérêt général, viendraient à être découverts.

Dans cet ordre d’idées, votre action de surveillance et celle de votre personnel devra s’étendre aux entrepreneurs de travaux publics à qui, d’ailleurs, il pourrait être interdit formellement d’employer des matériaux de cette provenance. Il ne faudrait pas, en effet, que des monuments non encore reconnus et classés pussent être détruits et leurs débris servir par exemple à approvisionner un chantier.

Je ne vois pas, Monsieur l’Ingénieur en chef, quelles instructions absolument précises pourraient vous être données en cette matière. Vous voudrez bien prendre, suivant les cas, les mesures que vous jugerez les meilleures pour éviter la disparition de richesses qui seraient exposées, sans ces précautions, à être perdues pour l’art et l’archéologie. Je vous serai obligé, d’ailleurs, de me tenir au courant, le cas échéant, des faits qui se produiraient, afin que je puisse faire procéder, au besoin, à une enquête spéciale.

Je vous prie de m’accuser réception de la présente dont vous devrez donner connaissance à tout le personnel placé sous vos ordres.

Recevez, Monsieur l’Ingénieur en chef, etc.

Le Ministre des Travaux publics,

Yves Guyot.

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