En juillet 1885, un jeune enfant recevait treize injections de moelles rabiques de moins en moins atténuées et devenait le premier être humain vacciné — Louis Pasteur venait de vaincre la rage. Le procédé même de la vaccination ne paraissait toutefois pas convaincant à tous. En septembre de la même année, le Journal des économistes rapportait expériences et discussions récentes et faisait part de doutes sur l’utilité de la vaccination contre différentes maladies contagieuses. L’auteur concluait même son article par un avertissement destiné à ceux qui voudraient que les populations se fassent inoculer « à tout propos et pour toutes les maladies, depuis la fièvre jaune jusqu’au rhume de cerveau, sans se demander un instant quelle sorte de macédoine tous les virus plus ou moins atténués peuvent produire sur l’organisme. »
L’organisation de la vaccination et la vaccination contre le choléra.
Extrait de la chronique mensuelle
par Edmond Rouxel
(Journal des économistes, septembre 1885, p. 466-467)
Au Congrès de Grenoble pour l’avancement des sciences, le docteur Rochard a exposé un plan d’organisation du service de la vaccine en France, dont voici les points essentiels :
« Il faudrait dans chaque arrondissement un médecin vaccinateur. Ces médecins seraient libres de choisir le mode de vaccination à leur convenance pourvu qu’ils se conformassent aux règles généralement admises et sanctionnées par l’expérience.
Quatre inspecteurs généraux, nommés par le ministre du commerce, comme les médecins vaccinateurs, sur la proposition du comité consultatif d’hygiène, seraient chargés de surveiller le nouveau service. Ils auraient en outre la mission de faire une enquête sur les lieux toutes les fois qu’une petite épidémie de variole viendrait à éclater sur un point de leur territoire, et de s’assurer que le service de la vaccination n’en est pas responsable. »
Question capitale.
« Pour faire fonctionner ce service, il faudra 362 médecins à 2 000 fr., soit 724 000 fr., et 4 inspecteurs à 12 000 fr. ; total, 772 000 fr. Or, la variole coûte chaque année à la France, en frais de traitement et de chômage d’une part, en pertes provenant des décès de l’autre, une somme qui varie entre 9 et 10 millions.
Si le système proposé avait pour effet de diminuer seulement de moitié le nombre des varioleux, et c’est se montrer bien modeste, il en résulterait une économie annuelle de 4 à 5 millions, somme six fois plus considérable que la dépense occasionnée par l’établissement du service qui aurait affranchi le pays de ce tribut. »
Malgré la modestie, jamais si n’a été mieux placé : les statistiques sont là pour nous prouver que la variole n’a point reculé devant la vaccine. Or, si la variole ne diminue pas, la dépense proposée sera en pure perte pour le public. Et si, diminuant ou non, la scrofule, le rachitisme, le typhus, la phthisie, etc., croissent coïncidemment, sinon conséquemment, avec la vaccination, comme les statistiques nous l’apprennent encore, que deviendra l’économie promise ?
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Il résulte des expériences faites par MM. P. Gibier et van Ermengen que « les injections sous-cutanées de culture du bacille virgule ne préservent pas du choléra les animaux sur lesquels on expérimente » ; que « la dose de deux centimètres cubes nécessaire pour vacciner un cobaye équivaut, relativement au poids, à une quantité qui ne serait guère inférieure à un demi-litre de liquide virulent pour un homme de poids moyen ».
Peste soit de la vaccination anticholérique ! Un demi-litre de culture ! excusez du peu ! Pourvu que nos vaccinateurs découvrent les microbes du rhume, du panaris, de la goutte et du reste, nous n’aurons plus qu’à nous coudre la bouche, nous absorberons obligatoirement assez de liquides de culture par la peau pour nous guérir de toute soif, passée, présente et future. Heureusement que, enfin ! on commence à voir le ridicule, pour ne pas dire le danger de cette manie. On lit à ce propos dans la France :
« Si les doctrines que nous combattons et qui resteront la honte de la médecine au XIXe siècle triomphent, on se fera inoculer à tout propos et pour toutes les maladies, depuis la fièvre jaune jusqu’au rhume de cerveau, sans se demander un instant quelle sorte de macédoine tous les virus plus ou moins atténués peuvent produire sur l’organisme. »
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