Amédée Desjobert, « L’Algérie », Journal des économistes, mai 1847.
L’ALGÉRIE.
OBJETS À TRAITER.
Nous ne traitons pas ici les parties de la question d’Afrique qui appartiennent à la politique. Nous ne recherchons pas quelle influence peuvent avoir sur la puissance de la France l’emploi au dehors d’une armée de 100 000 hommes constamment renouvelée, et une dépense annuelle arrivée aujourd’hui à 125 millions. Nous ne recherchons pas quel peut être le meilleur genre d’occupation du pays. Nous ne demandons pas si la soumission des indigènes offre quelque réalité, quelque sincérité, quelques gages de durée ; quel mode de gouvernement leur appliquer et quelles relations avoir avec eux. Nous n’examinons pas quel peut être le meilleur système d’administration à l’égard des colons à établir dans l’ancienne régence, quelles relations politiques entre eux et la France. Nous avons traité ces questions ailleurs[1].
Nous plaçant au point de vue de l’économie politique, nous demandons à cette science quel peut être, pour le bonheur et le bien-être de la population française, l’avantage de l’entreprise poursuivie en Afrique.
Dans l’examen de cette question, nous avons suivi les errements d’Adam Smith, de sir Henry Parnell, Chalmers, J. B. Say : c’est avec les doctrines des économistes que nous avons combattu depuis quatorze ans une entreprise qui n’a pu prendre naissance que dans l’ignorance des faits passés et des connaissances acquises. Nous aurions désiré que quelque plus habile eût pris cette tache : M. Blanqui disait en 1837: « La question d’Alger est de notre domaine[2]. » Nous espérons aujourd’hui que, membre de la Chambre des députés, il ne se bornera pas à dire à la tribune qu’Alger nous coûte 125 millions, et que la colonisation militaire est mauvaise, et qu’il indiquera les moyens de réaliser les espérances consignées dans le rapport qu’il faisait à l’Institut en 1840. Nous espérons qu’au moment où les libre-échangistes anglais renversent la bannière coloniale, elle ne sera pas relevée par les libre-échangistes français[3].
Cette entreprise d’Afrique est une entreprise de colonisation. Ceux qui la conseillent à la France se proposent de s’emparer d’un territoire occupé par une population africaine, musulmane, belliqueuse, et d’y transporter une population française, chrétienne et travailleuse. Ils espèrent que cette population nouvelle prospérera et fera fructifier le sol africain. Ils espèrent par là ouvrir à la mère patrie des relations commerciales avantageuses.
Il est facile de voir, en parcourant les divers établissements fondés par les Européens sur le globe, qu’il n’y a aucune analogie entre ce que nous entreprenons en Algérie et ce qui a été fait autre part. Nous avons précédemment établi cette différence[4].
Nous ne discuterons ici que ces deux points de la question.
1° La colonisation de l’Algérie telle que les colonistes prétendent l’opérer. À ce sujet nous examinerons les trois questions suivantes : Quelle population cultivera ? — Quelles terres seront cultivées ? — Quel système de colonisation à suivre ?
2° Le régimeéconomique des produits. À ce sujet nous examinerons les questions suivantes : Quels produits seront créés ?— À quel prix ? —Quel régime de douanes à établir ? — Quel commerce avec l’Algérie ou par l’Algérie ?
CHAPITRE PREMIER.
COLONISATION.
SOMMAIRE.
§ Ier. — Quelle population cultivera?— Une population existe en Algérie. — Que deviendra-t-elle ? — Quelle population la remplacera ? — Le Français peut-il s’acclimater, son enfant peut-il s’élever en Algérie ?
§ II. Quelles terres seront cultivées?— Les terres sont occupées.— Quelle est la valeur du sol nu ? — Quelles dépenses pour le mettre en valeur ? — Quel mode de culture suivre ? — Le mode des indigènes ou le mode européen ?
§ III. Quel système de colonisation?— État actuel de la colonisation. — Colonisation spontanée. — Subventionnée. — Militaires libérés. — Colonisation militaire. — Système du maréchal Bugeaud. — Du général de Lamoricière. — Du général Bedeau. — Projets du gouvernement.
§ Ier. Quelle population cultivera ?
Les peuples qui ont entrepris des établissements au dehors de leur territoire ont résolu la question du travail colonial d’une manière différente suivant leur but et le pays où ils agissaient.
Tantôt ils ont fait cultiver par la population indigène, comme les Anglais dans l’Inde, les Espagnols aux Philippines et les Hollandais à Java ; dans ces pays la population est facile à gouverner, travailleuse, et les cultures sont profitables. Rien de pareil n’existe en Algérie.
Tantôt, après avoir exterminé la population indigène, ainsi que les Européens ont fait aux îles Banda, à Bourbon, à Maurice et dans les Antilles, ne pouvant travailler eux-mêmes, les Européens y ont transporté une population étrangère pour la faire travailler à l’état d’esclavage. Probablement la France ne prendra pas la résolution d’exterminer les Arabes : ce n’est pas au moment où l’Angleterre a aboli l’esclavage et où l’on fait des efforts pour la suivre dans cette voie, que l’on voudrait donner un éclatant démenti à la civilisation en réhabilitant l’esclavage en Afrique.
Tantôt, après avoir exterminé ou refoulé des populations de chasseurs, comme ils l’ont fait dans l’Amérique du Nord, ils ont remplacé ces populations par des cultivateurs européens. Ici encore il n’y a pas d’analogieà établir entre le Kabyle sédentaire ou l’Arabe nomade et le Peau-Rouge chasseur. Le Kabyle ne peut emporter avec lui ses arbres fruitiers et sa maison, ni l’Arabe emporter ses troupeaux et ses charrues comme le Peau-Rouge emportait son fusil. L’Arabe et le Kabyle en se retirant trouve le désert, c’est-à-dire la mort, tandis que le Peau-Rouge trouvait tout un continent de forêts, suite immense de ses anciennes demeures. Et cependant quelle lutte acharnée depuis trois siècles entre lui et l’Européen !
Cet exemple est celui proposé par les plus modérés des colonistes algériens. Les uns cependant protestent contre l’extermination, et y conduisent sans le vouloir : les autres, sans la proclamer, s’y résignent assez facilement ; certains savants en professent la théorie, ils ont découvert que l’Arabe est du genre des animaux antédiluviens et doit disparaître comme eux[5].
Quoi qu’il en soit, l’extermination[6]est loin d’être accomplie : la population africaine n’est pas clairsemée comme celle du Peau-Rouge : portée à 8 millions par M. le maréchal Bugeaud, elle ne peut s’élever à moins de 2 millions et demi. Si l’on continue encore pendant quinze à vingt ans, les colonistes pourront s’établir en paix sur l’Afrique dépeuplée : alors quelle population y établiront-ils ? Ils ne proposent pas à la France de sacrifier ses armées et ses finances[7]pour des Mahonnais, Espagnols, Italiens, Maltais, Allemands, Prussiens et autres étrangers, formant aujourd’hui plus de la moitié de la population européenne de l’Algérie[8]. C’est aux Français qu’ils veulent assurer le bénéfice colonial.
Suivant les colonistes, la population française est trop considérable. Ils veulent lui trouver ce qu’ils appellent un débouché. Ils semblent ignorer que l’homme sans capital ne peut rien, que l’on ne peut faire sortir de France un travailleur, sans faire sortir de France aussi le capital nécessaire pour mettre son travail en activité[9]; la question économique est donc de savoir si les capitaux de la France seront employés plus utilement pour la population française en Algérie qu’en France. C’est ce que nous examinerons au chapitre II. Mais ici nous ne pouvons nous empêcher de nous élever contre ces excitations meurtrières à l’émigration, excitations que M. Rossi flétrit si énergiquement. MM. les philanthropes ressemblent par trop, dit-il, à ceux de nos médecins qui, pour se débarrasser de leurs malades, les envoient mourir loin[10].
Dans leur ardeur colonisatrice, les colonistes algériens ne se sont pas même demandési l’Algérie permettait l’acclimatement des Français, et il faut aujourd’hui qu’en présence de la mortalité effrayante que subissent notre armée et la population civile, on soit obligé d’examiner cette question. Le Français s’acclimate-t-il ? Ses enfants s’élèvent-ils en Algérie ? Nous parlons du Français, et non de ces populations espagnoles, italiennes et maltaises qui, venant d’un pays à climat plus analogue, supportent mieux que nos compatriotes l’influence du climat africain.
Les colonistes algériens ont toujours confondu sous le même nom de colonie tout établissement d’Européens hors d’Europe ; ils n’ont pas réfléchi que dans les climats différents de ceux que l’Européen habite en Europe, il travaille peu de corps. Le plus souvent il commande, administre, ou fait le commerce dans les villes.
Les races française et anglaise travaillent au Canada, dans les parties nord des États-Unis et à la Nouvelle-Hollande ; mais dans le sud des États-Unis, aux Antilles, aux Guyanes et aux îles Maurice et Bourbon, ce sont les noirs qui travaillent ; dans l’Inde, c’est l’Indou.
Les Espagnols, il est vrai, travaillent un peu à Cuba et à Porto-Rico, Mais ils habitaient en Europe un pays à climat plus chaud que les Français et les Anglais. Ils travaillent aussi un peu dans l’Amérique, surtout lorsque l’altitude du sol rachète la latitude de la contrée, comme au Mexique et au Pérou, ou lorsque le climat est particulièrement favorable, comme à Buenos-Aires ; et encore ce travail ne peut-il être comparé au travail exécuté en France et en Angleterre. Aux Philippines, c’est l’indigène qui travaille.
Le Hollandais ne travaille pas hors d’Europe : à Java, c’est le Malais, et à la Guyane, c’est le noir qui travaillent.
Le Portugais n’a jamais travaillé dans l’Inde ; au Brésil et à la Guyane, c’est le noir qui travaille pour lui.
On cherche aujourd’hui à faire émigrer le coulis de l’Inde à Maurice, à Bourbon et aux Antilles : les résultats sont peu satisfaisants ; à Maurice le nombre de ces travailleurs est réduit de 35 000 à 25 550. — Les émigrations des habitants de Madère aux Antilles, et celles provoquées par la loi de juillet 1845 pour nos colonies, ne peuvent encore être jugées.
En Algérie on voit aujourd’hui que si les populations méditerranéennes, dont nous avons parlé, résistent mieux, il n’en est pas de même des populations françaises et européennes du Nord. — On avait pensé qu’elles pourraient s’acclimater, on paraît reconnaître aujourd’hui que cet acclimatement est loin d’être certain. Le général Cavaignac met en doute la possibilité de cet acclimatement[11]. — Le général Duvivier dit que « l’expression qu’une masse d’hommes envoyée en Afrique s’y est acclimatée, est inexacte. Il n’y a pas eu acclimatement, il y a eu triage fait par la mort ; c’est un grand crible qui laisse passer rapidement tout ce qui n’est pas de telle force[12]. » — Le général Cubières dit à la Chambre des pairs : « Plus nos soldats servent sous cette latitude, plus ils s’affaiblissent[13]. » — Le commandant Thomas : « L’acclimatement de la race européenne présente de graves difficultés[14]. » — M. le docteur Boudin, qui a été pendant quatre ans médecin militaire en Algérie, et pendant sept ans à la tête de l’hôpital militaire de Marseille, où arrivent en si grand nombre les malades d’Afrique évacués sur la France, avait déjà mis en doute la réalité de ce prétendu acclimatement[15]. Le dernier travail complet et lumineux qu’il vient de faire, sous le titre de Études sur la mortalité et l’acclimatement de la population française en Algérie, paraît résoudre la question[16]. — Enfin, le docteur Périer, aussi médecin militaire, chargé par le gouvernement de la partie d’hygiène à la commission scientifique de l’Algérie, admet, il est vrai, l’acclimatement ; mais en voici les conditions : « Les pommettes se décolorent, le teint blémit, l’embonpoint s’efface, les forces physiques diminuent, et la tendance au repos, qui survient, se prononce de plus en plus… Plus tard, la nutrition est moins active, l’appétit se perd, la trame organique s’use en des proportions inaccoutumées ; enfin, les rides apparaissent, l’individu vieillit, il vieillit vite, comme on dit. D’autre part, les facultés intellectuelles et affectives doivent aussi payer le tribut en participant à l’atonie générale… Après plusieurs années de séjour, l’homme a revêtu comme une teinte d’indigène : il en accepte les mœurs et, jusqu’à un certain point, la tournure d’idées[17]. » L’acclimatement dont tels sont les symptômes est-il autre chose qu’une affreuse maladie qui ruine en même temps le physique et le moral ?
Au moins, disaient les colonistes, si les personnes nées en Europe s’acclimatent difficilement, les enfants des Européens, en naissant en Algérie, seront tout acclimatés. Ici, la difficulté paraît plus grande encore : les enfants européens s’élèvent difficilement et meurent dans un nombre effrayant. Les généraux Cavaignac[18], de Castellanne[19]et Fabvier[20], et les docteurs Worms[21], Périer[22]et Boudin[23], signalent cette difficulté.
Le remède qu’indique M. Périer est celui-ci : « Le mariage, l’implantation d’une race de sang mêlé, telle est encore la pierre angulaire de notre édifice dans l’avenir. Car c’est de la sorte seulement que nous parviendrons à fonder en Algérie une postérité durable[24]. » Et il espère ainsi rapprocher l’Évangile et le Koran, quand c’est l’Évangile et le Koran qui mettent un abîme entre les populations chrétiennes et les populations musulmanes.
Ainsi, qu’auront fait les colonistes ? Ils auront détruit une population dont la constitution et le genre de vie avaient subi l’effet du climat, pour chercher à y implanter une population qui, si elle résiste, devra subir les mêmes influences et arriver graduellement à la même constitution physique et morale.
§ II. Quelles terres seront cultivées ?
Les terres que les colonistes veulent cultiver en Algérie sont occupées. La légèreté seule a pu faire penser aux colonistes que parce que les Arabes ne cultivaient pas comme nous cultivons en Europe, il y avait des terres vacantes. La culture nomade des Arabes dans les plaines est une nécessité imposée par la nature même. Vouloir changer ce mode de culture, est attaquer leur existence. C’est ce que le maréchal Bugeaud, qui a une profonde connaissance des choses de culture, qui, dans la vie agricole par lui menée longtemps en France, a si bien pénétré les nécessités d’existence des populations rurales, répond aux personnes[25]qui proposent de déplacer les Arabes, de réduire leurs cultures, etc. : si ces personnes se doutaient de ce qui se passe en France dans des circonstances analogues, si elles savaient seulement apprécier cette vaine pâture que l’on est impuissant à modifier, elles ne tomberaient pas dans des erreurs si dangereuses.
D’autres, pour se mettre en possession des terres des indigènes, avaient appelé le Koranà leur aide, et avaient découvert que les indigènes ne sont qu’usufruitiers, que c’est le souverain qui est le propriétaire ; qu’étant aujourd’hui les souverains par droit de conquête, nous pouvons disposer de ces terres[26]. Le maréchal Bugeaud leur répondait que la propriété était constituée en Algérie comme en France ; et que, le droit fût-il tel qu’on le prétendait, les difficultés d’exercer ce droit n’en seraient pas moins grandes, et que ce serait la guerre, toujours la guerre[27].
On voit que de quelque manière qu’on s’y prenne pour s’emparer des terres des indigènes, quelque principe que l’on invoque, c’est toujours l’extermination qui en est la conséquence. Mais enfin, nous le voulons encore, les indigènes ont disparu ; le Français, qui ne pouvait s’acclimaterà l’état de travailleur, a vaincu cette impossibilité. Le Français se trouve en possession de cette terre tant désirée ; d’autres difficultés l’attendent. La question économique se présente. Que produira-t-il ? et à quel prix ?
Le coloniste pense enrichir son colon en lui donnant gratis le sol de l’Afrique. Il ne lui demande pas de loyer. — Et pourquoi demanderait-il un loyer pour un sol nu et sans valeur ? La valeur du sol dépend des capitaux qui y ont été accumulés en constructions, défrichements, plantations, travaux de toute nature : cette valeur dépend encore des circonstances commerciales, du voisinage des populations consommatrices et des facilités de culture offertes par le sol et le climat.
En Algérie, les dépenses à faire pour mettre le sol en valeur sont incalculables. — La main-d’œuvre est double de celle de France, un terrassier coûte 3 francs, un ouvrier d’art, un maçon, un menuisier 6 ou 7 francs par jour[28]. — L’intérêt est de 15 et 20%, et plus encore. Les améliorations à faire en France auront toujours l’avantage du bon marché.
Il y a en France, disions-nous, beaucoup de terres nues et sans valeur. Que l’on étudie les dépenses qu’on peut faire pour défricher, bâtir, clore, planter, amender, fumer une pareille terre, et l’on verra que l’intérêt du capital dépensé représente un loyer aussi élevé que celui d’une terre où toutes ces dépenses sont faites.
Si l’on fait ces dépenses en Afrique, il faudra que ces capitaux produisent un intérêt comme en France ; voilà le fermage constitué en Afrique comme il est constitué en France, comme il se constitue partout.
À ces dépenses faites directement par les particuliers, il faudra ajouter celles que fait la commune pour les édifices et les chemins communaux. En France, la plus grande partie de ces travaux est faite ; on y travaille depuis plus de mille ans. Celui qui améliore la culture dans une localité profite de ces travaux faits par des générations entières et n’a rien à payer pour en jouir. Mais en Afrique, il n’y a ni églises, ni routes, ni maisons. Tout est à construire et à créer.
Ces deux causes de constitution de fermage sont inévitables. — Elles se produisent aujourd’hui même en Afrique sous les yeux de tous, et l’administration nous fournit les éléments d’un calcul précis. Elle concède aux colons une maison qui a coûté 4 500 francs et 12 hectares de terre, dont 4 défrichés[29]. Le défrichement, à 700 francs l’hectare[30], a coûté 2 800 francs ; total 7 300. — Si à cette somme on ajoute la part proportionnelle à supporter par cette propriété de ce qu’on aura dépensé pour les chemins et édifices communaux, on arrivera facilement à une dépense de 10 000 francs, dont l’intérêt, 500 francs, réparti sur 12 hectares, donne 41 francs par hectares ; mais la culture n’est pas encore commencée ; lorsqu’on aura fait sur ces 12 hectares les améliorations nécessaires et dépensé encore 4 000 ou 5 000 fr., l’intérêt des capitaux dépensés sur la terre d’Afrique représentera un loyer aussi fort que le loyer des bonnes terres de France[31].
Ainsi, le loyer des terres sera aussi cher qu’il est en France, qu’il est partout où l’on a mis en valeur les terres en vue de la culture européenne.
Pour cultiver à l’européenne, il faut que les terres soient susceptibles de cette culture, et la première condition est de pouvoir labourer presque en tout temps : en Algérie, des sécheresses dévorantes succèdent à des pluies torrentielles. Cette funeste répartition des pluies fait que l’on ne peut labourer que pendant deux mois au plus. Cette simple observation, qui ne sera pas comprise par les cultivateurs improvisés que nos villes envoient à l’Afrique, a profondément saisi les gens du métier ; ainsi, le maréchal Bugeaud termine une remarquable discussion à ce sujet en disant : « Les circonstances que je viens d’indiquer expliquent l’état nomade des Arabes ; ils n’ont pu se fixer, car la culture sédentaire n’aurait pu les nourrir, puisqu’ils ne peuvent cultiver que pendant un ou deux mois[32]. » Il répète encore aujourd’hui, à ceux qui n’ont pu le comprendre, que la climature d’Afrique empêche que l’on donne aux terres les soins qu’on leur donne en France, et que l’on n’a souvent que cinq ou six semaines pour les préparer et ensemencer[33]. Le général Fabvier, qui a inspecté plusieurs fois l’Afrique, et qui a vu les choses agricoles en agriculteur expérimenté, développe au long les mêmes idées[34]. L’irrigation produira des merveilles, il est vrai, mais elle ne sera qu’un fait exceptionnel ; et d’ailleurs la plupart des cours d’eau cessent de couler, alors surtout que l’eau serait plus nécessaire.
La culture nomade était la culture de l’ancienne Numidie (notre Algérie actuelle), du temps de Pline[35]. Les Arabes, en conquérant l’Algérie, ont trouvé un pays dont la nature commandait les habitudes sociales qu’ils avaient eux-mêmes ; ils s’y sont facilement établis. — Mais nous, nous voulons y porter une culture différente, contraire aux exigences du sol et du climat ; nous échouerons, ou nous subirons les influences locales pour la culture, comme nous les aurons subies pour notre constitution physique.
§ III. Quel sera le système de colonisation ?
L’espace ne nous permet pas de rapporter les nombreuses péripéties d’espérances, d’essais et de désastres que l’Afrique offre déjà à notre étude. Nous ne pouvons non plus exposer les nombreux systèmes que fait éclore l’impossibilité même de la colonisation. Auprès d’un malade désespéré, abandonné par la médecine, l’empirisme triomphe et propose des spécifiques nombreux.
L’Afrique est la terre classique de toutes les déceptions. Elle a d’abord été envahie par la commandite ; nous avons raconté ses exploits[36]. Vinrent ensuite les élucubrations socialistes des saints-simoniens, phalanstériens, communistes : c’était sur cette terre, vierge de toutes nos idées fausses sur la propriété et la famille, déblayée du vieil édifice social européen, que devait enfin apparaître cette célèbre organisation du travail, toujours promise et toujours attendue[37]. Les socialistes n’ont trouvé personne pour éprouver leurs théories humanitaires.
Les spéculateurs eurent plus de succès : achetant à vil prix, des Arabes et des Maures, des propriétés que ceux-ci voyaient leur échapper, ils firent pendant un temps d’assez belles affaires. Les premiers acheteurs furent les premières dupes ; pour sortir d’embarras, ils furent entraînés à chercher d’autres dupes[38]. La plupart des propriétés rurales ont été dans ce cas. Parmi celles-ci, celles avoisinant les villes, cultivées en jardins légumiers, principalement par les Mahonnais, sont en prospérité ; c’est la seule culture qui soit réelle, sans être sérieuse, car elle tient à la présence de l’armée et de la population civile, qui est à sa suite, pour administrer, vendre et construire. Les spéculateurs en maisons ont réussi tant qu’ils ont construit pour des besoins actuels, quoique factices. Il fallait bien, en effet, des logements pour les officiers de l’armée, les administrateurs civils et militaires, et cette population qui vendait et bâtissait. Mais les constructions ont dépassé toute mesure, et aujourd’hui la vérité fait justice de la folie ; les maisons sont dans un discrédit effrayant[39].
Tout cela n’était pas et n’est pas de la colonisation, c’est-à-dire de la culture. À toutes les époques, les assertions les plus mensongères ont été présentées par les colonistes à cet égard. Suivant eux, l’Algérie aurait été couverte dès longtemps de riches cultures exotiques et européennes ; elle aurait suffi à la nourriture de ses nouveaux habitants, et à l’alimentation d’un commerce extérieur important. Mais les tableaux de douane venaient leur donner un démenti officiel, en prouvant que l’Algérie tire tout du dehors et n’exporte rien. C’est ce qui ressortira de la seconde partie de ce travail.
Pendant longtemps, les colonistes avaient donné le change sur la population qui abordait en Algérie. Ils parlaient de colons, et voulaient faire penser que ces nouveaux venus cultivaient le sol ; puis venaient les aveux des organes de l’administration. On reconnaissait, l’an passé, que les cultivateurs des champs pouvaient être au nombre de 2 000[40]; aujourd’hui l’administration prétend qu’ils sont au nombre de 8 737[41]. Nous en doutons : mais que serait cette population auprès des 400 000 cultivateurs qui, d’après les proportions ordinaires en Europe, devraient travailler pour nourrir les 200 000 non cultivateurs qui sont en Afrique ? On est obligé de reconnaître que cette population, si complaisamment dénombrée, loin de produire, est un embarras de plus, puisqu’elle ajoute de nouvelles bouches à nourrir, et que, pour elle aussi bien que pour l’armée, il faut faire venir du dehors blé, viande, vin et toutes choses. Ces nécessités vont en augmentant avec l’augmentation des consommateurs, ainsi qu’on peut le voir par le tableau suivant :
Années | Armée | Population civile | Farineux alimentaires |
1835 | 29 487 | 11 221 | 5 251 52443 fr. |
1839 | 50 36742 | 25 00042 | 10 713 587 |
1845 | 95 000 | 99 80045 | 16 333 95445 |
En voyant des flottes entières occupées à apporter à notre armée et à la population civile leur nourriture quotidienne, on se demanda quelle serait leur destinée si une guerre maritime interrompait les arrivages ; on trembla et avec raison. Il fallut bien alors reconnaître que la colonisation était nulle, et on voulut la rendre sérieuse. On avait d’abord proclamé qu’elle devait se faire d’elle-même, sans le secours du gouvernement. L’État, disait-on, ne doit que la sécurité, la protection ; les capitaux et l’industrie particulière doivent faire le reste. Les essais de cette colonisation libre furent désastreux : lorsque le maréchal Bugeaud prit le gouvernement de l’Afrique, il constatait que la colonisation était nulle ; « il ne comprenait pas que l’on appelât colonisation des agglomérations d’hommes qu’il faut garder, et qui ne vivent que d’industries uniquement alimentées par l’armée[42]»
La colonisation spontanée avait donc fait son temps ; il eût été insensé de compter sur elle. On entreprit la colonisation civile soutenue par l’État. Outre la concession gratuite du terrain, le colon reçut des secours de route jusqu’au port d’embarquement ; le passage gratuit, de Toulon ou Marseille à Alger, des matériaux à bâtir, pour une valeur de 600 francs ; on lui prêta des bœufs de l’administration militaire ; on lui délivra des instruments aratoires, des semences et des arbres, que l’on faisait venir de France ou de Gênes ; on lui distribua des bestiaux provenant des razzias ; on lui fit défricher par nos soldats un ou deux hectares ; on établit pour lui un service médical gratuit. Enfin, l’administration terminait cette nomenclature des secours accordés au colon, en disant qu’elle leur fournirait tout ce qu’on croirait devoir leur distribuer[43].
Cependant, aujourd’hui encore on accuse le gouvernement de n’avoir rien fait pour les colons ; et le maréchal Bugeaud, répondant à ces injustes attaques, est obligé d’écrire qu’il n’était pas de moyen qu’il n’eût employé pour faire triompher la colonisation civile des difficultés qu’elle avait à vaincre : défrichements de terres par les troupes, distribution de bœufs des razzias, d’argent, prêt des équipages de l’administration[44].
La France donc a entretenu en Algérie une armée de 100 000 hommes pour donner le champ libre à la colonisation. On a tout mis à la disposition du colon, tout, jusqu’aux bras du soldat, réduit, ainsi que le dit le général Duvivier, à l’état de serf du colon[45], de bœuf, de charrue du colon[46]. Et le colon n’est pas satisfait, et il nous dit aujourd’hui : Français, vous oubliez que nous sommes vos frères[47]!
Le maréchal Bugeaud avait bien compris que la colonisation civile n’avait pas d’avenir ; il voulut essayer la colonisation militaire ; il en fit deux épreuves.
La première, à Fouka, fut entreprise le 24 décembre 1841, avec une compagnie de 75 hommes, militaires libérés. Au 1erjanvier 1843, c’est-à-dire en un an et six jours, 147 hommes avaient passé par la colonie de Fouka ; il n’en restait plus que 47. 89 l’avaient quittée[48], 11 étaient morts. — On avait dépensé 320 071 fr. 16 c. ; ce qui donne, pour chacun des 47 colons qui avaient survécu, une dépense de 6 600 fr.
Après cette cruelle expérience, le maréchal Bugeaud avait été obligé de renoncer aux militaires libérés. « Ce ne sont pas des soldats libérés qu’il faudrait pour les colonies militaires ; outre qu’on n’en trouverait pas assez, à la première difficulté, au premier découragement, ils se rebutent et demandent à s’en aller. Il faudrait des hommes ayant encore à faire plusieurs années de service, et ayant, en général, des habitudes agricoles[49]. » En novembre 1842, il plaça à Mered une compagnie de 66 hommes appartenant au 48ede ligne[50], et il fit un essai semblable à Maelma[51]. Ce nouvel essai ne réussit pas mieux ; mais, en outre, l’emploi de militaires au service étant contraire à la loi du recrutement, il fut condamné par le gouvernement et la Chambre des députés[52].
La colonisation militaire est donc condamnée comme illégale ; la colonisation civile, entreprise par les moyens indiqués, est déclarée factice par la Chambre[53]. Des projets de colonisation sont de nouveau proposés ; nous nous trouvons en présence des propositions de M. le maréchal Bugeaud, gouverneur général, de M. le général de Lamoricière, gouverneur de la province d’Oran, de M. le général Bedeau, gouverneur de la province de Constantine, et du projet du gouvernement, qui, avec un éclectisme bienveillant, suit à la fois toutes ces indications.
Nous examinerons d’abord les idées des auteurs eux-mêmes, qui ont manié les affaires d’Afrique ; nous arriverons ensuite au projet du gouvernement.
Système du maréchal Bugeaud.
Les opinions du maréchal Bugeaud sont des plus imposantes en matière de colonisation. Le maréchal Bugeaud a pratiqué pendant quinze ans, en France, la culture et les créations agricoles ; il pratique, depuis six ans, les affaires d’Afrique, qu’il a su apprécier, au point de vue agricole, avec la sûreté de jugement que donne une longue expérience des faits. Il ne repousse pas la colonisation civile, mais il n’y croit pas ; il ne croit qu’à la colonisation militaire.
Il veut opérer la colonisation militaire avec des soldats ayant encore à faire quelques années de service ; il les envoie se marier en France, et leur donne, pour eux, leurs femmes et les parents qu’ils ramèneront, passage gratuit et indemnité de route[54]. Pendant leur absence, il fait bâtir leur maison et défricher leurs terres par leurs camarades, soldats d’Afrique, en sorte que ces soldats colons, revenant avec leurs femmes et leurs parents, trouveront une propriété de dix hectares, avec maison, outils aratoires, bestiaux ; ils auront, pour eux, pour leurs femmes et leurs parents, des vivres, jusqu’à ce qu’ils soient en état de pourvoir eux-mêmes à leur subsistance[55]. Par le projet d’ordonnance, il limite ce temps à trois ans[56].
Le maréchal Bugeaud estime que l’établissement d’une famille, par ces moyens, coûteraà l’État 3 000 francs ; mais il ne calcule les vivres que pendant dix-huit mois, pour le mari et la femme, et ne porte rien pour les vivres des enfants et des parents amenés. Il aurait fallu calculer sur le maximum de trois ans, qui sera toujours atteint, et sur les vivres pour toute la famille. Il ne porte que 240 francs pour la main-d’œuvre de construction de maison et de mise en culture des 10 hectares, parce qu’il emploie à ce travail le soldat.
Il oublie que le soldat ne doit que le service militaire, et que le gouvernement et les Chambres ont jugé que les travaux civils ne peuvent lui être imposés. On a employé les plus singuliers sophismes pour faire imposer ces travaux aux soldats ; on a invoqué les intérêts du soldat et les intérêts du Trésor ; le général Duvivier, qui a passé dix ans en Afrique, répond : « Ces travaux ne coûteront que très peu en argent, car on ne donnera aux soldats que de minimes indemnités ; quant au nombre d’hommes morts ou à jamais perdus de santé, que ces mêmes travaux coûteront, le soin d’en faire la somme et l’estimation sera laissé à leurs familles en France. Est-ce donc dans une telle spéculation que la France tolérerait la consommation de ses armées, sans souvenance des lois sous la protection desquelles elles ont été créées, sans remords pour tant de funérailles ?… L’on voudrait faire du soldat le contribuable du Trésor, le serf des colons, l’homme lige des ambitieux[57]. » Plus tard, en voyant les bras du soldat employés à préparer la terre du colon et à la herser[58], le général avait ajouté que le soldat ne devait pas être le bœuf de charrue du colon[59]. Le gouvernement et la Chambre ont déclaré que le soldat ne pouvait être employé qu’aux travaux militaires, et non aux travaux de colonisation[60]. On ne peut faire d’économie de ce côté.
Il faut donc rétablir le prix vrai de l’établissement du colon militaire aux frais de l’État. Nous prenons pour base le calcul que le maréchal Bugeaud présente lui-même pour l’établissement du colon en général[61].
Maisons et hangars exécutés par des bras civils | 3 000 fr. |
4 bœufs de labour pris dans le pays | 400 |
2 voitures à bœufs | 300 |
15 brebis et 1 bélier à 6 fr. la pièce | 90 |
Charrues et petits outils aratoires tels que faux, pioches, fourches, etc. | 150 |
Mobilier de la maison | 500 |
10 hectolitres de semences à 14 fr. | 140 |
Alimentation pour une année d’avance | 1 000 |
Vêtements, et entretien des outils aratoires | 300 |
Total | 5 880 |
Le maréchal Bugeaud ne fait entrer dans ce compte qu’une année d’alimentation de la famille ; mais il pense qu’il en faut trois ; il y a lieu d’en ajouter deux à 1 000 fr. | 2 000 fr. |
Dans son projet l’État se charge de la dépense du voyage du soldat pour aller, et de la dépense du voyage de retour du soldat, de sa femme et de ses parents ; on peut compter pour cette dépense | 1 000 |
Il ne porte rien pour la nourriture des animaux pendant les premières années, pour lesquelles les animaux, non plus que l’homme, ne trouveront leur nourriture sur la terre à laquelle ils seront attachés : supposons | 1 120 |
Total | 10 000 fr. |
Cette somme de 10 000 francs à dépenser pour établir une famille en Afrique peut paraître élevée aux personnes qui n’ont pas apprécié toutes les difficultés d’une semblable création ; c’est ce chiffre que paraît avoir atteint M. le baron de Vialar, qui, voué à la colonisation de l’Algérie depuis de nombreuses années, déclare aujourd’hui avoir employé un million de capitaux, et n’avoir pu établir que cent familles de cultivateurs[62].
Il faudrait, suivant le maréchal Bugeaud, pour nourrir l’armée et les civils qui ne cultivent pas, 120 000 familles de cultivateurs, à les établir dans l’espace de dix ans. Cela ferait une dépense de | 1 200 millions. |
En supposant que les dépenses d’occupation, qui sont aujourd’hui de 125 millions par an, n’augmentent pas, cela ferait une autre dépense de | 1 250 millions. |
Dans l’espace de dix ans, la France aurait donc dépensé 2 milliards et demi ; et qu’aurait-elle en Afrique ? Des familles usées par le climat, avec des enfants de neuf ans, en supposant qu’ils aient pu s’élever. Ces enfants ne donneraient de force à la colonie, ni pour le travail, ni pour la défense ; et il faudrait encore entreprendre une nouvelle période de dix ans.
Puis, quels seraient les mariages qu’amènerait la colonisation militaire ? Pense-t-on que, pour qu’une union mérite le nom de famille, il suffise d’accouplements faits au hasard, à la hâte, tels que ceux opérés par le maréchal Bugeaud, à Toulon, pour ses colons militaires de Fouka ? La famille est chose plus sérieuse, et sa prospérité, ou au moins sa persistance, exige plus de moralité, plus de temps et plus de labeur. — Que deviendraient les veuves ? Que deviendraient les orphelins ? Que deviendraient ceux qui, par leur faute ou le malheur, n’auraient pas réussi ? Tous ne se prétendraient-ils pas les enfants de l’État ? Et l’État ne devrait-il pas soutenir les enfants qu’il aurait volontairement et imprudemment jetés sur la côte d’Afrique ?
En vérité, on n’ose descendre dans les impossibilités que présente le système du maréchal Bugeaud.
Système du général de Lamoricière.
Le général de Lamoricière a confiance dans la colonisation civile. D’après son système, la colonisation reposerait principalement sur les grands capitalistes. L’État ne contribuerait à cette œuvre que par des travaux d’utilité générale ; et ce ne serait que par exception qu’il accorderait des subventions aux particuliers. — Il ferait immédiatement la dépense nécessaire pour les rues et chemins vicinaux de la commune ; pour les chemins de communication avec les communes voisines, et les travaux nécessaires pour enceindre les villages, et y créer, soit une fontaine, soit un puits à pompe, avec abreuvoir et lavoir. — Plus tard, il pourvoirait aux besoins généraux, tels qu’églises, presbytères, etc., etc. — Si la localité motivait un travail d’un haut intérêt, ce serait encore au gouvernement à s’en charger. Si la construction des maisons et le défrichement des terres étaient trop dispendieux, une prime en argent serait donnée pour chaque famille installée. Enfin, pendant dix ans, l’État achèterait au colon ses céréales, aux prix des marchés passés outre mer[63].
De son côté, l’adjudicataire ou concessionnaire devrait : installer dans un délai de trois, de quatre ou de cinq ans, un nombre déterminé de colons, à des conditions débattues entre lui et le colon ; réserver un cinquième du territoire pour propriété communale ; rendre les colons propriétaires de 4 hectares, après qu’ils auraient rempli leurs obligations[64].
Le général de Lamoricière présente le projet d’établissement de 2 332 familles en quatorze communes, et demande 200 000 francs pour le désintéressement des indigènes en possession, et pour les travaux qui doivent précéder l’installation. Cela fait 86 francs par famille[65].
Entre les 10 000 francs que, suivant nous, coûterait à l’État l’établissement d’une famille par la colonisation militaire du maréchal Bugeaud, et les 86 francs que M. de Lamoricière demande aussi à l’État pour l’établissement d’une famille civile, la différence est grande. Il est vrai que M. de Lamoricière se réserve de lui demander successivement toutes les dépenses qui sont en France à la charge des communes, et encore dans certains cas exceptionnels, cas qui deviendront nécessairement la règle, des primes à donner aux colons pour leurs constructions et défrichements. Il est à craindre que cela n’aille loin.
Dans ce système, les plus intéressés, après les colons, qui là comme ailleurs périront en grand nombre, sont les adjudicataires, qui, si toutefois leurs obligations sont remplies, ne pourront résister aux difficultés que nous avons signalées.
Un concessionnaire comme M. Ferdinand Barrot, auquel on accorde des prairies déjà mises en valeur par l’administration militaire, et exploitées par elle, en exploitant ces prairies ne fait pas de colonisation ; il n’a qu’à récolter du foin venu spontanément, et à le vendre à l’administration militaire, qui est là pour l’acheter. Cette position est exceptionnelle ; je crains pour M. Barrot que cet avantage ne soit pas suffisant pour l’indemniser de tous les sacrifices que lui imposent les obligations qu’il a contractées. Ceux qui n’ont pas les avantages de M. Barrot, et qui doivent tout créer, en commençant par le fourrage destiné à la nourriture de leur bétail, ne peuvent évidemment pas réussir.
M. Barrot rentrerait dans les conditions normales de la culture, si, d’une part, il créait lui-même ses fourrages, et si, de l’autre, au lieu de vendre ses fourrages à l’État, il les faisait consommer par son bétail. C’est à faire consommer avec bénéfice le fourrage par le bétail, que se trouve la difficulté en France, et l’impossibilité en Afrique.
Nous ne parlons pas des difficultés du déplacement des indigènes, de l’état de lutte auquel cela nous contraint, non seulement avec ceux que nous déplaçons, mais aussi avec toute la population, qui voit en perspective un semblable déplacement s’avancer contre elle. Le maréchal Bugeaud dit, à ce sujet, à M. de Lamoricière : « Vous ne pouvez refouler les Arabes progressivement, sans vous vouer à une longue guerre d’extermination, qui peut, dans certaines circonstances, tourner contre vous[66]. » Nous avons accordé que les Arabes étaient détruits, et que nous n’avions plus à vaincre que les difficultés d’établissement et les difficultés économiques.
Système du général Bedeau.
Le système du général Bedeau se présente d’une manière séduisante[67] : animé de sentiments généreux à l’égard de la population indigène, il proteste contre toute idée de refoulement et d’extermination (p. 197) ; il voit que dans la province de Constantine, où la colonisation a eu peu d’accès jusqu’à présent, et dans laquelle il n’y a encore eu qu’une dépossession de territoire (p. 199), les indigènes, cependant, qui connaissaient nos projets d’extension, sont inquiets (p. 199). C’est pour calmer cette inquiétude qu’il veut déterminer le mode de colonisation que nous suivrons. Pensant que la population européenne pourra trouver place à côté de l’exploitation des indigènes, il propose, en respectant leur propriété particulière, d’affecter à la colonisation une partie des terres appartenant au domaine : les indigènes qui exploitent ces terres et qui en seraient dépossédés seraient indemnisés par la remise qui leur serait faite de l’impôt pour celles qu’on leur laisserait (p. 200). Nous ne pensons pas que ce moyen puisse les rassurer, car la dépossession serait consommée contre eux, et l’impôt, réduit aujourd’hui, pourrait être rétabli demain, chose toujours à craindre de vaincu à vainqueur. Les indigènes seraient d’autant moins rassurés qu’ils verraient que la colonisation, restreinte au début, doit être successivement croissante (p. 200), et que pour que notre colonisation puisse prospérer, elle doit principalement se porter sur les vallées irrigables fort appréciées par les indigènes, qui y trouvent pour leurs troupeaux les meilleurs pâturages (p. 204) ; ils verraient qu’on leur prend le meilleur en attendant qu’on leur prenne le tout. Le général Bedeau propose de les indemniser de ce nouveau sacrifice en leur faisant des concessions de terres voisines et en intéressant le travailleur indigène à la prospérité des concessions européennes (p. 204). Quelles terres leur donnera-t-on en indemnité ? des terres nécessairement occupées par des indigènes et pour lesquelles de nouvelles dispositions devront encore être prises. Intéresser l’indigène à la prospérité de concessions européennes paraît difficile : ce que l’indigène veut, c’est cultiver sa terre lui-même ; il maudira toujours celui qui la lui enlèvera, et lorsqu’il pourra se défaire de ce spoliateur il le fera, et avec d’autant plus d’ardeur que ce possesseur passager aura plus amélioré la terre dont l’indigène se considère toujours comme le propriétaire légitime.
Le général Bedeau reconnaît que la culture européenne ne peut produire les céréales en concurrence avec la culture arabe (p. 203-206), fait que nous avions déjà établi[68], et il propose d’employer les Arabes à la culture par labourage et de réserver aux Européens les cultures industrielles (p. 204). Ces cultures industrielles demandent des bras à bon marché et intelligents, tels qu’ils sont dans certains départements de la France, et si le manque de ces qualités essentielles retarde en France la propagation de ces cultures, on peut penser qu’il en sera de même en Algérie. Et d’ailleurs, mettre les Européens en dehors de la culture des céréales n’est pas résoudre le problème de la nourriture des Européens, problème sur lequel est assise l’existence de notre armée en cas de guerre maritime.
Quant aux modes de colonisation, le général Bedeau propose de les employer tous concurremment, sauf celui de la colonisation par les pauvres (p. 204). Il place en première ligne le mode de concessions faites aux Européens, et aux Arabes au même titre et aux mêmes conditions qu’aux Européens. Il espère que le mélange des grandes et petites concessions assurera à la colonisation le concours des bras et des capitaux, par le besoin naturel qu’ils auront les uns des autres. Le gouvernement ne fournirait ni les maisons construites, ni les matériaux pour les construire (p. 205) ; il se chargerait des travaux de sécurité, de salubrité et de communication (p. 206).
À ce mode de colonisation, le général Bedeau voudrait joindre un essai de colonisation militaire, en mettant dans chaque bourg routier 50 à 60 soldats ayant encore trois années de service à accomplir. Ils recevraient une première mise de 800 francs à titre de frais de matériaux. Ils seraient entretenus par l’État comme s’ils étaient à leur corps. Le produit de chaque année serait utilisé pour l’année suivante, et à l’expiration de la troisième année le soldat deviendrait propriétaire s’il était marié légitimement (p. 207).
Le projet du général Bedeau se distingue par son bon vouloir pour les indigènes ; mais malheureusement ce bon vouloir est impuissant pour un peuple qui, devant être dépossédé par son système aussi bien que par celui de M. de Lamoricière, sera nécessairement soumis aux mêmes épreuves. La province de Constantine a été plus calme jusqu’à présent, parce que la colonisation européenne réelle est restée à ses portes ; mais lorsque la colonisation s’y présentera, même avec les ménagements indiqués par M. le général Bedeau, la province se soulèvera.
Le général Bedeau admet donc concurremment les idées du maréchal Bugeaud sur la colonisation militaire, et celles du général de Lamoricière sur les concessions. — Nous n’avons pas à revenir sur l’illégalité et l’impossibilité de la colonisation militaire, et quant au système des concessions, nous pensons que les mêmes impossibilités qui dominent celui du général de Lamoricière dominent aussi celui du général Bedeau, et que celui-ci prend dans la coopération des Arabes une impossibilité de plus.
Projets du gouvernement.
L’exposé que nous avons fait des efforts du gouvernement et des idées des trois gouverneurs de l’Algérie nous dispense d’entrer dans de grands détails sur les projets actuels du gouvernement, car il se propose d’avoir recours simultanément aux moyens demandés par ces systèmes[69].
Dans la province d’Alger, on continuerait le mode de peuplement suivi jusqu’à présent, en ce sens que l’État se chargerait de tous les travaux d’utilité publique, mais il ne subventionnerait plus les colons pour leur établissement proprement dit (p. 6). Il est difficile de comprendre qu’ayant échoué avec des subventions, l’établissement des colons doive mieux réussir, privé de ces subventions.
Dans la province d’Oran le gouvernement établirait, d’après le système du général de Lamoricière, quatorze communes sur 80 000 hectares rendus disponibles. Il se chargerait des dépenses d’utilité générale, sans subventionner l’industrie particulière (p. 7).
Dans la province de Constantine, le gouvernement adopte complètement le projet du général Bedeau, à l’exception de la partie qui concerne la colonisation militaire (p. 7).
Enfin, il aborde la colonisation militaire, sous le nom de camps agricoles (p. 10). Les soldats devraient être au moins depuis deux ans sous les drapeaux en Algérie et avoir encore trois ans de service à faire : ils auraient six mois pour aller se marier ; eux et leurs femmes jouiraient de l’indemnité de route pour aller et revenir ; l’État ferait construire une maison pour chaque colon ; il y joindrait un mobilier, un ou plusieurs lots de terres cultivables, des bestiaux, des instruments de travail, les arbres à planter et les semences pour la première année. Les colons recevraient pendant trois ans les vivres, la solde, l’habillement, l’équipement et toutes les prestations de l’infanterie, et ils auraient droit en outre à une ration de vivres pour chacun des membres de leur famille (p. 11).
Le gouvernement pense que ce projet de camps agricoles échappe aux objections qui avaient été présentées contre la colonisation militaire. Ces objections subsistent évidemment avec le nouveau projet.
La dépense serait la même : les 3 000 francs que le projet assigne à l’établissement du colon des camps agricoles ne peuvent être considérés comme la dépense réelle. Nous maintenons que le chiffre de 10 000 francs, que nous avons établi en discutant le système du maréchal Bugeaud, serait atteint. Les familles ne se formeraient pas plus facilement que sous l’empire de la colonisation militaire du maréchal Bugeaud.
Enfin, la mesure serait contraire à la loi du recrutement tout autant que lui était contraire la colonisation militaire du maréchal Bugeaud. Quel que soit le nom que l’on donne au fait, le fait n’est pas changé ; ici, le fait serait que l’on emploierait le soldat, qui ne doit que le service militaire, à un service étranger au service militaire. C’est ce que la loi du recrutement ne permet pas. En vain dirait-on que ce serait volontairement que les soldats au service entreraient dans les camps agricoles, ils ne peuvent sortir de l’armée sans y être remplacés par des jeunes gens tirés de leurs familles. Il ne peut dépendre de personne de changer ainsi la position que la loi fait à chacun, et de faire peser sur autrui une charge à laquelle il devait être étranger.
À l’appui des colonies militaires on invoque l’exemple des Romains, des Russes, des Autrichiens.
Notre état social est-il celui des Romains, pour invoquer leur exemple ? Avons-nous, comme eux, le régime des esclaves ? Avons-nous une aristocratie patricienne pour exploiter les plébéiens ?
Notre état social est-il celui de la Russie ? Le soldat français serait-il réduit à l’état du serf de la couronne russe, qui fait la base de ces colonies militaires ? Si le serf, violemment incorporé dans ces colonies, regrette son servage au point de chercher la mort sur les baïonnettes de ses gardiens, pense-t-on que le soldat français subisse un tel joug ? Les colonies russes ont échoué au centre de terrains fertiles et libres[70], pense-t-on que les colonies militaires françaises réussissent sur la plage africaine, au milieu de populations dépossédées et hostiles ?
Peut-on comparer la colonisation militaire que l’on nous propose à l’organisation des régiments frontières d’Autriche ? Dans cette création, l’Autriche n’a pas fait autre chose que de donner une organisation militaire, et sans les déplacer, à des populations existantes ; organisation faite dans leur intérêt, pour qu’elles puissent résister aux incursions des Monténégrins. Là, les familles existaient, tout l’ordre social existait[71], tandis que nous, nous voulons tout transporter en Afrique, tout, depuis l’embryon de la famille jusqu’au gouvernement représentatif.
La colonisation militaire, quelque nom qu’on lui donne, est donc impossible. La colonisation civile a échoué, malgré tous les encouragements, toutes les subventions qu’on lui a données : elle a échoué par la nature des choses ; les choses ne changeront pas au gré des hommes. Sous quelque forme que se présente la colonisation européenne en Algérie, le sol et le climat ramèneront la culture à l’état nomade, ramèneront l’Européen à l’état indigène.
En présence de cette impossibilité, nous pourrions ne pas pousser nos recherches plus loin ; mais d’autres impossibilités, en supposant celles-ci vaincues, arrêteraient encore les colonistes algériens. C’est pour le démontrer, que dans le chapitre suivant nous étudierons les produits que l’on se propose de créer, les prix possibles de ces produits, et les relations commerciales que l’on espère ouvrir avec l’Algérie et par l’Algérie.
(La suite prochainement.)
DESJOBERT,
Député de la Seine-Inférieure.
________________
[1] La question d’Alger, 1837 ; l’Algérie en 1838; l’Algérie en 1844 ; l’Algérie en 1846.
[2] Cours d’économie industrielle, 1837, page 28.
[3] Voir l’ouvrage si remarquable de M. Bastiat : Cobden oula Ligue.
[4] La question d’Alger, 1837, p. 45.
[5] Considérations sur l’Algérie, par le docteur Bodichon, 1845, p. 114. — Colonisation de l’Algérie, par M. Moll, professeur au Conservatoire, t. I, p. 108.
[6] L’Algérie en 1846, p. 21. — Voir l’admirable discours de M. de Lamartine du 10 juin 1846.
[7] Aujourd’hui nous avons déjà sacrifié à l’Afrique plus de 1 200 millions : l’année 1846 nous en coûtera 125. L’Afrique a déjà dévoré 120 000 de nos soldats : l’année 1846 en aura fait périr 7 500, tous morts de maladies, sauf 116 tués dans les combats. Cette affreuse consommation d’hommes effraye peu les colonistes. Ils sont peu touchés des maux que leur esprit aventureux inflige à la population française. Ce sont des savants qui expérimentent, ou des spéculateurs qui spéculent ; les uns et les autres sont sans pitié. Ces maux, d’ailleurs, les colonistes n’en souffrent pas, abrités qu’ils sont par la loi de recrutement. Si eux ou leurs enfants vont en Afrique, ce n’est pas comme soldats, c’est comme officiers, administrateurs, colons, spectateurs ; ils obéissent à leur intérêt, et ne souffrent pas comme le soldat qui, sans intérêt pour lui, est déporté pour l’intérêt des autres. Si nous avions en France la loi militaire prussienne qui fait passer tout le monde sous les drapeaux, les colonistes comprendraient autrement l’Afrique, et repousseraient une entreprise qui condamnerait leurs enfants à faire la chasse à l’Arabe ou à défricher la terre du colon.
[8] Cette population, au 31 décembre 1846, était de 109 400, sur lesquels seulement 48 625 étaient Français.
[9] Voir les très bonnes considérations exposées par M. Joseph Garnier dans les Éléments de l’économie politique, p. 330.
[10] Cours d’économie politique, t. I, p. 357. L’ignorance conduit à la sauvagerie. Des personnes douces et charitables nous ont répondu, lorsque nous nous plaignions des pertes que faisait notre armée en Afrique : « Il y a trop de monde en France. » Ces personnes en sont encore à l’économie politique du grand Condé et de Potemkin, et fulminent contre Malthus. Sans raisonner avec elles, nous leur disons : Si vous vous trouvez de trop en ce bas monde, quittez-le, mais ne faites pas périr ceux qui veulent y vivre.
[11] De la régence d’Alger, p. 132.
[12] Solution de la question d’Alger, p. 19.
[13] Discours du 29 juin 1846.
[14] De l’emploi des Arabes, p. 11.
[15] Statistique de l’état sanitaire et de la moralité des armées de terre et de mer, p. 64.
[16] Annales d’hygiène en Algérie, 1847.
[17] De l’acclimatement en Algérie, p. 15.
[19] Discours du 29 juin 1846.
[20] Discours du 30 juin 1846.
[21] Exposé des conditions d’hygiène, p. 28.
[22] De l’acclimatement en Algérie, p. 24.
[23] Études sur la mortalité et l’acclimatement ;Annales d’hygiène, 1847.
[24] De l’acclimatement en Algérie, p. 28.
[25] Observations sur le projet du général de Lamoricière, p. 11.
[26] Tableau officiel des établissements français, 1840, p. 315.
[27] Mémoire du 15 janvier 1844.
[28] Discours du maréchal Bugeaud, du 24 janvier 1815.
[29] Arrêté du gouvernement, du 5 septembre 1843.
[30] Moniteur algérien du 30 octobre 1813.
[32] Mémoire sur notre établissement, p. 21.
[33] Observations sur le projet de M. de Lamoricière, p. 7.
[34] Discours du 30 juin 1816.
[35] Pline enseigne que Numides vient de nomades, parce que ces peuples changent souvent de pâturages, et que la Numidie ne fournit que de beaux marbres et des bêtes féroces. (Pline, liv. V, chap. II). On confond encore tous les jours notre Algérie avec la province d’Afrique (Africa propria), actuellement régence de Tunis, dans laquelle Pline place le territoire de Byzacium, si fertile en grains. (Pline, liv. V, chap. II.)
[36] L’Algérie en 1838, p. 132.
[37] L’Algérie en 1844, p. 61.
[38] Procès-verbal de la commission en Afrique, p. 64, 207, 223. — Annales algériennes, t. II, p. 352. — Discours de M. Dupin, du 29 avril 1834.
[39] Les colons algériens à leurs concitoyens de France, p. 4. Alger, 30 octobre 1846.
[40] La France algérienne, 23 avril 1846.
[41] Documents fournis à la commission des crédits de 1847.
[42] Moniteur algérien du 1er mars 1841.
[43] Tableau des établissements français en 1842, p. 160, 161, 162, 170, 171, 201.
[44] Lettre du maréchal Bugeaud à la commission des crédits de 1847.
[45] Quatorze observations, p. 50.
[46] Lettre à M. Desjobert, p. 26.
[47] Les colons algériens à leurs concitoyens de France, Alger, 30 octobre 1846.
[48] Tableau des établissements français en 1842, p. 140 et 150.
[49] Dépêche du 30 octobre 1842.
[50] Tableau des établissements français en 1842, p. 150.
[52] Rapport du 13 mai 1843, p. 21.
[53] Rapport de M. Dufaure, du 29 avril 1846.
[54] De la colonisation en Algérie, 1847, p. 62.
[57] Quatorze observations, p. 58.
[58] Moniteur algérien des 18 avril 1814 et 30 octobre 1843.
[59] Lettreà M. Desjobert, 1845, p. 26.
[60] Rapportdu général Bellonnet, du 17 mai 1844.
[61] Observations sur le projet du général de Lamoricière, 1847, p. 9.
[62] Lettre à M. le maréchal Bugeaud, p. 10.
[63] Projets de colonisation de MM. les généraux de Lamoricière et Bedeau, 1847, p. 16 et 17.
[64] Projets de colonisation de MM. les généraux de Lamoricière et Bedeau, 1847, p. 18.
[66] Observations sur le projet de M. de Lamoricière, p. 14.
[67] Les chiffres intercalés dans le texte indiquent les pages des projets de colonisation des généraux de Lamoricière et Bedeau auxquelles la discussion se rapporte.
[68] L’Algérie en 1846, p. 78.
[69] Exposé des motifs du projet de loi du 27 février 1847. Les chiffres intercalés dans le texte indiquent les pages auxquelles la discussion se rapporte.
[70] Études des colonies militaires russes, à voir dans l’Algérie en 1844, p. 68.
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