La politique douanière des États-Unis et la viticulture française

En 1894, après avoir jadis été un modèle et un exemple de protectionnisme, les États-Unis se préparent, sous la présidence Cleveland, à renouer avec une politique de libre-échange comme en Angleterre. Pour Léon Say, c’est l’occasion pour la France de suivre le mouvement. Il fait aussi mention de la question particulière des vins, dont les producteurs français espèrent un dégrèvement aux États-Unis, suivant la nouvelle politique américaine.

 

La politique douanière des États-Unis et la viticulture française

Par Léon Say

(Journal des économistes, janvier 1894.)

La situation économique de la France, comme celle des autres nations, présente un spectacle curieux.

On sent que la politique générale économique de l’ancien et du nouveau monde est dans un état incontestable d’évolution et que cette évolution, plus caractérisée ailleurs que chez nous, est cependant déjà sensible, même dans notre pays.

Le mouvement protectionnistea eu partout et a encore chez quelques-uns toutes les allures d’une passion. Il a, ou il a eu des périodes de croissance, d’accélération, d’exaspération même ; il a ou il aura des périodes d’incertitude, de crainte, de réflexion, de retour sur lui-même.

Il s’est propagé comme une épidémie. Il est né du tarif des États-Unis, après la guerre de Sécession, et ce tarif que l’esprit d’imitation aurait, sans lAngleterre, réussi à rendre universel, a atteint son point culminant avec Mac Kinley.

Il a franchi l’Océan et on l’a vu apparaître en Europe lorsque M. de Bismarck jadis libéral, avec son ministre Delbruck, s’est converti aux idées protectrices du parti agraire pour ne pas se séparer des provinces du Nord. Il avait atteint son point culminant à la veille du jour où le prince de Bismarck a été forcé d’abandonner le pouvoir.

La France a suivi à distance l’évolution américaine et allemande. Elle a été assez lente à se mettre en mouvement ; aussi n’est-elle arrivée, — et c’est d’aujourd’hui que je parle, — au point culminant de sa politique protectionniste que tout juste au moment où un commencement de réaction se faisait sentir aux États-Unis et en Allemagne. Elle monte encore pour arriver à je ne sais quel faîte, quand les autres aspirent déjà à en descendre.

La Chambre des Députés française, élue dans l’automne de 1893, a été nommée sous l’influence du parti agraire, et elle paraît décidée à mettre en pratique les vœux ou plutôt les théories de ce parti. Théorie de l’avantage d’une monnaie dépréciée pour profiter des écarts du change. Théorie égoïste, jacobine et électorale de l’intérêt général considéré comme se confondant avec l’intérêt particulier de quelques-uns, d’un certain nombre ou même du plus grand nombre.

Et ses théories, le parti agraire français veut essayer, chose curieuse, de les mettre en pratique au moment même où le Parlement allemand a des retours de modération, quand il discute et approuve, malgré le comte Herbert de Bismarck, des traités de commerce, et aussi au moment où la majorité du peuple des États-Unis vient d’asseoir sur le fauteuil de la présidence, à la Maison Blanche, l’illustre M. Cleveland dont le monde entier connaît le ferme et libéral programme. Les États-Unis ont donc commencé à marcher, l’Allemagne les a suivis et la France est arrivée la dernière. La première de ces trois puissances s’est arrêtée, la seconde a ralenti sa marche, seule, la France essaye encore d’aller de l’avant.

Il n’est pas probable que le mouvement protectionniste s’arrête en France avant un temps encore assez long, mais ceux qui en ont été les protagonistes vont cesser de jouer le rôle d’entraîneurs : ils seront poussés plutôt que suivis ; ils essayeront de mettre un frein à l’entraînement et de convertir la passion protectionniste en une politique de temporisation et de réflexion. Ils seront certainement obligés, à court délai, de se mettre au point de vue nouveau qui est celui de l’Amérique et de l’Allemagne, et ils seront amenés, à n’en point douter, à considérer d’un autre œil qu’auparavant les relations commerciales des nations les unes avec les autres. Un jour ou l’autre, ils réussiront à mettre à leur pas ceux qui les poussent aujourd’hui et qui ne seront plus que les suivre.

M. Cleveland est arrivé au pouvoir avec la mission formelle de réagir contre le tarif Mac Kinley ; et on peut être sûr qu’il remplira sa mission jusqu’au bout avec prudence, comme un esprit très politique qu’il est, mais avec une fermeté qui sera inébranlable. Sa marche sera certainement lente, très lente même, parce qu’il rencontrera devant lui, toujours prête à lui barrer la route, une opposition très résolue et très bien menée, et aussi parce qu’il a le sentiment que son devoir est de ménager des intérêts agricoles et industriels justement nés du régime ancien et qu’on ne peut sacrifier à leur tour, quoique le jour où on leur a donné satisfaction, on ait fait bien bon marché d’autres intérêts aussi nationaux qu’il l’étaient eux-mêmes.

Ce sont là deux idées maîtresses de la politique inaugurée par M. Cleveland et qu’il a mises en pleine lumière dans ses deux messages successifs ; le premier date du 4 mars dernier, le second du 4 de ce mois. Voici un extrait du premier message :

« Le peuple des États-Unis a décrété qu’en ce jour le contrôle de son gouvernement, en ce qui concerne le pouvoir exécutif et législatif, passerait aux mains du parti politique qui s’est engagé de la manière la plus positive à accomplir la réforme des tarifs. Ce peuple a ainsi témoigné de son désir d’obtenir un système plus juste et plus équitable d’impositions fédérales. Les agents qu’il a choisis pour réaliser ses désirs sont liés par leurs promesses, non moins que par la volonté du peuple ; ils doivent se dévouer entièrement au service qui leur est demandé. »

Et un peu plus loin :

« Quand nous proclamons, enfin, que la nécessité d’un revenu sur lequel puisse vivre le gouvernement est la seule justification des impôts, nous énonçons une vérité si évidente que le seul fait de la nier montre seulement jusqu’à quel degré le jugement sain d’un peuple peut être altéré par l’habitude d’une perversion du système des impositions. »

Et dans le second message, celui du 4 décembre qu’il a adressé au Congrès américain à l’occasion de la reprise de ses travaux, le président Cleveland insiste de nouveau sur la nécessité de la réforme avec autant de force et de précision que la première fois, tout en proclamant qu’il faut agir avec prudence. Justice, équité, choix fait avec le plus grand soin des droits et taxes nécessaires au gouvernement, tels seront les principes de son action ou plutôt de sa réaction.

Voici le passage principal de ce second message.

« Après des luttes longues et vives, nous sommes en face de la réforme des tarifs. Rien de plus important ne s’impose à notre attention et rien ne se présente à nous plus clairement, comme une occasion de bien faire et d’accomplir un devoir : une occasion de mériter la gratitude de nos concitoyens et un devoir imposé par l’affirmation si souvent exprimée de nos opinions, et par l’impérieux mandat que nous avons reçu du peuple. Après les discussions les plus approfondies, nos concitoyens se sont prononcés en faveur de cette réforme et en ont confié la réalisation à ceux qui se sont formellement engagés à l’accomplir.

« Rien ne doit intervenir qui puisse détourner notre attention ni nos efforts de l’accomplissement de cette réforme tant qu’elle n’aura pas été réalisée.

« Nous devons fermement mettre en pratique ce principe, que, seuls, les besoins financiers de l’État justifient les droits de douane et les autres taxes fédérales. Toutefois nous ne pouvons fermer les yeux devant ce fait, qu’il est né parmi nous des situations qui nous commandent, en justice et en équité, de ne nous décider qu’avec une extrême précaution dans le choix et l’établissement des droits et des taxes que les besoins du gouvernement rendent nécessaires. Au premier rang des réformes à réaliser dans l’intérêt du peuple, au nombre des résolutions les plus importantes à prendre, il faut mettre la réduction des droits sur les objets nécessaires de consommation, etc., etc. »

Quels sont, dans ces conditions, les moyens pratiques de concilier, dans ce qu’elles ont de conciliable, la politique économique des États-Unis et celle de la France ? C’est ce qui a été très bien étudié par le comité girondin pour favoriser la viticulture française. Ce comité est présidé par MM. Armand Lalande et Nathaniel Johnston.

Il a précisé, en parlant au nom d’une des principales branches de l’agriculture française, les avantages qu’une réduction des droits procurerait à la fois à la France et aux États-Unis, et il a tenu aux deux peuples et aux deux gouvernements, avec une très grande franchise, le langage qui pouvait être successivement entendu par l’un et par l’autre. Il a demandé au Président, au Congrès et au peuple des États-Unis d’être fidèles aux principes qu’ils venaient d’affirmer.

Le comité girondin affirme, et il ne rencontrera sur ce point aucune contradiction, que personne ne peut se méprendre sur les intentions du président Cleveland, ou plutôt sur les intentions de la majorité du Congrès dont le président est le porte-parole.

Le gouvernement des États-Unis répudie absolument les principes protectionnistes, au nom de la justice et des intérêts bien entendus du peuple américain. Il établira les nouveaux tarifs en se mettant à un point de vue uniquement fiscal. C’est la politique économique que pratique depuis près d’un demi-siècle l’Angleterre.

Cette politique a été suivie sans défaillance par nos voisins d’outre-Manche, malgré les efforts de prétendus tiers partis, comme celui du fair trade, et de prétendus hygiénistes, qui essayent de temps en temps de faire obstacle, par des mesures de police, à l’entrée des bestiaux et des viandes arrivant de l’étranger. Et cette politique, on peut en faire toucher du doigt les admirables résultats àl’Amérique. Elle a enrichi l’Angleterre et, comme elle a fait pour l’Angleterre, elle enrichira les États-Unis. Les mêmes lois appliquées à une même race, à une race douée de la même énergie, du même esprit d’entreprise, produiront sur les Anglo-Saxons d’outre-mer les mêmes effets que sur les Anglo-Saxons de l’Europe.

Le Comité rappelle aux États-Unis que le principe adopté par M. Cleveland a produit tous les effets qu’il contenait virtuellement, et qu’en allant jusqu’au bout de cette politique sans faiblesse ni esprit de retour l’Angleterre est devenue la plus riche de l’univers.

Il n’y a plus en Angleterre d’autres droits de douane que des droits fiscaux, et les articles qui y sont soumis sont au nombre de huit seulement : le cacao, 10 fr. par 50 kilog. ; le café, 17 fr. 50 ; les fruits, 8 fr. 75 ; les spiritueux, 12 fr. 50 par gallon, ou 2 fr. 50 par litre ; le thé, 20 fr. par 50 kilog. ; le tabac, 200 fr. par 50 kilogr. ; les vins de 25 centimes à 1 fr. le litre, suivant le degré.

Le produit des droits est de 20 450 000 livres sterling, dont 10 millions de livres sterling pour les tabacs ; 4 500 000 livres sterling pour les spiritueux et 2 millions de livres sterling pour les vins.

Il n’est pas possible d’être plus libéral en matière de tarif. L’Angleterre évite systématiquement de frapper de droits tout article étranger que produit également son sol, afin de ne pas même constituer ce qui pourrait être considéré comme une protection indirecte.

Tous les articles étrangers entrent, en effet, en Angleterre, en franchise absolue. C’est un fait énorme, scandaleux pour certains Français, car c’est la contradiction même des systèmes français que la République n’a pas craint d’emprunter à la Restauration. Et, cependant, l’Angleterre s’est enrichie, et s’est enrichie à ce point qu’on peut évaluer l’accroissement de sa richesse en vingt ans, de 1871 à 1891, à plus de 100 milliards de francs.

En effet, dans ces vingt années, les revenus accusés par les rentrées de l’impôt sur le revenu ont passé de 455 millions à 698 millions de livres sterling, ce qui représente une augmentation de moitié, et encore tous les revenus anglais ne sont pas compris dans ces totaux, puisque ceux de moins de 150 livres ou 3 700 francs n’entrent pas en compte.

L’exemple de l’Angleterre est décisif pour les États-Unis. On a pu soutenir en France, qu’en raison des différences de mœurs, de travail, de capitaux, etc., le même système n’aurait pas produit chez nous les mêmes résultats et les chefs du parti protectionniste se plaisent souvent à dire qu’ils auraient été des Cobden en Angleterre, mais qu’ils ne sont pas en contradiction avec eux-mêmes en disant qu’en France ils doivent rester ce qu’ils sont.

C’est un raisonnement qui ne nous a jamais convaincu ; mais, quimporte; ce n’est pas de la France qu’il s’agit ; c’est à l’Amérique que s’adresse le Comité girondin. Les États-Unis peuvent imiter l’Angleterre sans rien craindre. Ce qui a été bon à l’Angleterre et à la race qui l’habite, ne peut être que bon pour les États-Unis et pour la race qui les peuple. Ce sont des cousins ; ce qui convient au cousin d’Europe, convient au cousin d’Amérique. Mais il y a bien mieux qu’un exemple vague et d’ensemble à mettre sous les yeux des États-Unis, il y a des considérations d’un ordre particulier qui peuvent toucher des hommes aussi versés que le sont le président Cleveland et les membres de sa majorité dans l’étude des questions économiques.

Les États-Unis sont, à presque tous les points de vue et surtout au point de vue agricole, les plus grands producteurs du monde. Ils ont le besoin le plus impérieux de placer dans les pays étrangers une grande partie de leurs produits.

Or, les hommes d’État américains savent bien, ce que les Français oublient quelquefois, que les pays étrangers ne peuvent payer les produits américains qu’avec leurs propres produits, et que, par conséquent, la liberté commerciale, qui, seule, rend les échanges importants, est la condition nécessaire du développement de l’exportation américaine. Qu’on y mette toute la prudence qu’on voudra, qu’on n’aille pas jusqu’au libre-échange, si on en est effrayé, qu’on établisse des droits modérés, c’est une affaire de politique, de tempérament, de possibilité. Mais ce qu’il faut, c’est que l’importation des produits étrangers soit suffisante pour qu’il y ait des retours de produits américains sur tous les autres marchés du monde : c’est que l’Amérique achète pour pouvoir vendre. Il n’y a d’exportation possible, — et l’exportation a un intérêt vital pour les États-Unis, — que si l’importation ne subit, de par la loi, aucune entrave artificielle. Ou bien les États-Unis succomberont dans une crise de surproduction intérieure, ou bien ils feront en sorte que leurs nationaux puissent facilement consommer, chez eux, une quantité suffisante de produits étrangers.

Mais quel sera le rôle de la France ? Que fera-t-elle ? Sur quel traitement les États-Unis pourront-ils compter en France, dans un pays où la politique protectionniste n’est pas encore au terme de son évolution et où la réaction n’apparaît pas encore et n’apparaîtra, sans doute, qu’à une époque encore éloignée ? La réponse est bien simple à faire. Si les États-Unis s’approprient le régime anglais, il n’y a aucun doute que la France ne les traite comme l’Angleterre et que les taxes appliquées aux produits anglais, c’est-à-dire les plus favorables, soient appliquées également aux produits des États-Unis.

Mais il faut cependant sortir des généralités, et le comité girondin n’y a pas manqué. Il parle de ce qu’il sait ; il traite la question des vins. Il a réuni des documents qui méritent une sérieuse attention. Il démontre combien il serait désirable que les droits sur les vins fussent réduits aux États-Unis, et cette réduction, il estime qu’elle pourrait être obtenue du gouvernement américain si le gouvernement français savait profiter des circonstances exceptionnellement favorables du moment. Voici les principales raisons sur lesquelles il s’appuie :

Les tableaux des exportations de vins de France pour les États-Unis, depuis cinquante ans environ, présentent les résultats suivants : Sous l’influence des droits modérés l’exportation des vins français pour les États-Unis s’est élevée, en 1853, à 230 772 hectolitreset, en 1891, sous l’influence des droits qui existent aujourd’hui, elle est tombée à 54 624 hectolitres, c’est-à-dire qu’elle a diminué des trois quarts.

En 1852, les droits sur les vins en barriques et en bouteilles étaient de 40% ad valorem indistinctement, ce qui équivalait à cette époque à environ 18 à 20 fr. par hectolitre. En 1891, ces droits avaient été élevés à 68 fr. 43 par hectolitre pour les vins en barriques, 90 fr. par hectolitre pour les vins en bouteilles non mousseux, et 3 fr. 50 par bouteille pour les vins mousseux,

Or, depuis 1852, la population des États-Unis a presque triplé, et la richesse de ce grand pays est certainement six ou huit fois plus considérable qu’elle ne l’était alors. On peut conclure que si les droits n’avaient pas subi d’augmentation, les exportations des vins de France seraient, aujourd’hui, au moins quatre ou cinq fois plus considérables qu’en 1852, c’est-à dire qu’elles atteindraient environ 1 million d’hectolitres. Or, comme on vient de le faire remarquer, elles sont tombées, en 1891, à 55 000 hectolitres.

Il est vrai que, depuis 1852, les vins français ont eu à lutter contre les vins de Californie ; mais il faut qu’on sache que la production des vins de Californie s’élève seulement à environ un million d’hectolitres par an. C’est une quantité qui ne peut être considérée que comme tout à fait insignifiante, si on la met en face de la consommation qui peut se développer dans un pays de 70 millions d’habitants, puisque la France consomme plus de 50 millions d’hectolitres, et que la Ville de Paris, à elle seule, absorbe environ 5 millions d’hectolitres par an.

Le Comité girondin demande, pour arriver à un résultat sérieux, que les droits sur les vins français aux États-Unis, soient réduits à 15 fr. ou 20 francs par hectolitre, avec égalité de droits pour les vins en bouteilles et pour les vins en barriques.

Si le gouvernement français fait avec énergie et habileté les efforts nécessaires pour obtenir cette réduction des droits à un moment où les États-Unis s’occupent à réformer leur tarif dans le sens le plus libéral, il faut espérer, ou plutôt il faut croire fermement qu’il est possible, même facile, d’obtenir une réduction aussi désirable sur le tarif des droits sur les vins. Ce serait en tout cas, pour le gouvernement français, une cause bien facile à plaider, car le gouvernement américain, étant donnés ses principes, ne pourrait faire aucune objection valable.

En effet, les objections des États-Unis ne pourraient être produites qu’à deux points de vue seulement : ou bien au point de vue fiscal, ou bien au point de vue protectionniste.

Or, au point de vue fiscal, les objections seraient bien aisées à détruire, car, il est absolument certain, nous dirions presque évident, que si les droits étaient considérablement réduits, la consommation augmenterait immédiatement avec une si grande rapidité que, sous l’influence des droits réduits, le Trésor américain arriverait à percevoir une somme beaucoup plus considérable qu’en maintenant les droits à peu près prohibitifs d’aujourd’hui.

Reste l’objection qu’on pourrait faire au point de vue protectionniste. Mais ici la réponse est bien plus topique encore. En premier lieu, le gouvernement américain a déclaré qu’il ne voulait plus se placer sur le terrain de la protection.

En second lieu, on pourrait répondre que le droit fût-il réduit à 15 et 20 francs par hectolitre, augmenté des frais de transport, constituerait encore pour les vins de la Californie une protection d’environ 40%.

Si donc le gouvernement américain ne peut faire d’objection valable, ni au point de vue fiscal, ni au point de vue protectionniste, n’y a-t-il pas lieu d’être assuré qu’il consentira la réduction de droit que le Comité de la Gironde demande ? Ce serait un grand bienfait pour la France et pour les États-Unis, car ils se donneraient l’un à l’autre un nouveau moyen d’échange de leurs produits respectifs.

Tel est le but que poursuit le Comité girondin. La viticulture française tout entière est intéressée à ce que ce Comité réussisse dans son œuvre. Ce serait un avantage qu’on ne payerait par aucun abandon, de quelque nature qu’il soit, un avantage sans drawback, comme disent les Anglais ; et les résultats favorables qu’on réaliserait par le moyen de cette politique internationale seraient obtenus sans léser aucun intérêt, sans apporter une entrave quelconque à l’industrie viticole française, sans créer de ces obstacles plus ou moins artificiels qu’invente l’esprit de restriction et dont on connaît tant d’exemples ; la collection des projets dus à l’initiative des députés en fait foi. Ce ne sont pas de nouveaux obstacles que le Comité girondin cherche à susciter à l’activité et à l’initiative d’aucuns Français ; ce sont, au contraire, d’anciens obstacles, des obstacles auxquels se heurte aujourd’hui la viticulture française qu’il cherche à détruire. Au lieu de faire violence à la nature, il veut en faciliter l’action. C’est bien là parler au nom des intérêts généraux de notre pays. On ne peut que féliciter les Girondins d’avoir si bien plaidé une grande cause française avec des arguments si dignes d’eux.

Léon Say.

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