La constitution américaine et ses amendements, par Joseph Chailley

En 1889, Joseph Chailley-Bert expose les grands principes de la constitution fédérale américaine, en ouverture d’une traduction de son texte et des amendements apportés. Cette constitution tant vantée n’est pas sans mérite, mais sa portée et son efficacité historique pour produire de la concorde et du progrès ne doivent pas être surestimées. Les peuples doivent à eux-mêmes, à leurs mœurs, la plus grande partie des succès qu’ils obtiennent, juge-t-il ; les institutions sont un cadre qu’on arrange, qu’on retravaille, et qui est toujours sous la dépendance de l’opinion publique.


 

Préface de Joseph Chailley, au livre de Louis Vossion, La constitution américaine et ses amendements (Guillaumin, 1889)

PRÉFACE

La constitution des États-Unis d’Amérique a toujours été populaire parmi nous. Successivement toutes les générations s’en sont occupées. Il y a un siècle, ceux qui avaient combattu pour l’indépendance l’aimaient d’enthousiasme, parce qu’elle était l’œuvre de leurs compagnons d’armes, et le reste de la cour, parce qu’elle était une chose exotique : on « raffolait de la constitution américaine comme de la liberté anglaise et de la tactique prussienne. » Plus tard, ç’a été le tour des libéraux, qui prétendaient s’en inspirer pour le gouvernement de la France, et lui savaient gré de leur fournir certains arguments en faveur de la démocratie. De nos jours, enfin, ce sont tous les esprits qui, en face du régime parlementaire faussé, s’en prenant aux institutions des fautes des hommes, croient sauver la liberté menacée en important le système américain.

Cette admiration persistante n’a rien de surprenant. Ce qui l’est davantage, c’est que, si admirée chez nous, la constitution des États-Unis y soit en même temps si imparfaitement connue. On dirait que le plus souvent, on l’a jugée de confiance, sans la lire, ou du moins sans la comprendre. Et, de fait, les méprises étaient possibles. On y rencontre la mention de certains organes qui, avec des dénominations identiques ont souvent des destinations différentes ; ou certaines formules usitées dans nos propres textes, qui ont la valeur, pour l’esprit pratique des Américains, de dispositions restreintes et concrètes, et pour nous, avec notre amour de l’abstraction, de déclarations de principes vagues et générales. Et ces ressemblances extérieures ont pu conduire à identifier maladroitement les idées et les choses de France et d’Amérique. Ou encore, soit ignorance, soit légèreté, on a négligé des différences essentielles dans l’organisation politique et administrative des deux pays, et l’on a traité une république fédérale comme on eût fait un État un et centralisé. L’on a ainsi presque toujours et jusqu’à l’heure présente, raisonné sur des textes mal compris ou sur des institutions mal connues. Comment s’étonner, après cela, que les déductions aient été erronées et les essais d’imitation conçus gauchement ?

Pour couper court à ces causes d’erreurs, il importe donc, c’est l’évidence même, d’étudier les institutions, et, avant tout, les textes. C’est là ce que M. Louis Vossion vient de faciliter à nos compatriotes, en traduisant à leur intention le texte de la constitution américaine et de ses amendements.

I

Traduire cette constitution avec clarté et fidélité n’est pas chose facile. M. Boutmy qui s’y connaît[1], déclare même qu’aucune traduction ne saurait suppléer le texte original. « Sans un texte authentique et correct, dont on peut étudier et peser les expressions dans la langue même de ses auteurs, on n’est, dit-il, sûr d’aucun de ses pas ». Et il justifie ses dires en rappelant certaines fautes invraisemblables des traducteurs ou des commentateurs les plus autorisés.

Ici, des auteurs aussi graves que MM. Duvergier et Dufour font, dans leur précieux recueil, figurer, au lieu de la constitution des États-Unis, les articles de la confédération précisément abrogés en 1789 par cette constitution même. Là, deux mots parfaitement distincts, nominate (proposer au choix) et appoint (commissionner) sont indifféremment traduits par « désigner » ; de cette façon, l’ingénieux procédé par lequel le Président et le Sénat concourent à la nomination des hauts fonctionnaires devient inintelligible. Ailleurs enfin, un article fondamental, l’article premier de la constitution, est complètement dénaturé. Cet article porte que « tous les pouvoirs législatifs concédés par la présente constitution (herein granted) seront délégués à un congrès, composé d’un Sénat et d’une Chambre des représentants ». Au lieu de « la présente constitution » le premier traducteur met « les représentants», en sorte que des pouvoirs, si jalousement mesurés, et dont l’extension ou la restriction ne pourrait être obtenue que du peuple lui-même, au moyen d’amendements à la constitution, ce seraient les représentants qui pourraient les déterminer et pour eux-mêmes et pour le Sénat. Le contre-sens est trop grossier : il ne peut s’expliquer que par une erreur du copiste ou du prote. Si grossier qu’il soit, il fera son chemin : en 1834, M. de Tocqueville le reproduit, et du même coup, le couvre de son autorité ; et, en 1869, les auteurs d’un recueil de constitutions viendront à leur tour le copier dans Tocqueville.

Après ces exemples pertinents, M. Boutmy conclut : « Le premier soin à prendre est de se procurer le texte anglais de la constitution fédérale et de se mettre en état de le lire dans l’original ». Personne ne le contredira, mais il en parle à son aise. Ne lit pas l’anglais qui veut, et, malgré tous nos progrès depuis vingt ans, nous comptons encore chez nous bien des personnes qui l’ignorent et n’ont pas le loisir de l’apprendre.C’est à celles-là que s’adresse M. Vossion : sa traduction leur rendra de grands services.

Mais on s’abuserait, si, muni du texte authentique de la Constitution, on croyait, même après une patiente analyse de ses dispositions, la connaître telle qu’elle est et qu’elle fonctionne en l’année 1889. La Constitution des États-Unis, quoique moins souvent remaniée que celle de la plupart des autres pays, n’est pas immuable. Elle change, lentement il est vrai, mais elle change, soit formellement, soit tacitement, sous la triple action des amendements, de l’interprétation et de la coutume, et les changements les plus profonds ne sont pas toujours ceux que révèlent les textes. M. Vossion a exposé plus loin ce qui concerne les amendements, leur mécanisme, leur but, les circonstances dans lesquelles ils ont été votés ; je ne m’occuperai ici que de l’interprétation et de la coutume.

II

Il n’est pas de réglementation qui ne soit exposée à être réformée ou même déformée par la pratique. Et plus haute est son autorité et vaste son champ d’application, plus générales et compréhensives sont ses formules, plus il y a de chances pour que les commentaires en soient nombreux et pénétrants. C’est ainsi que la Bible et le Coran ont été creusés et fouillés pard’innombrables scrutateurs des mots et des intentions, et que de leur texte on a pu faire sortir les doctrines les plus imprévues et les plus opposées ; c’est ainsi que la Constitution des États-Unis a été étudiée, analysée et modifiée dans le cours d’un siècle, au point que ses dispositions écrites ne répondent déjà plus exactement à la pratique suivie. Et comme elle règle les destinées d’un des plus grands peuples du monde, qu’au lieu de centaines ou de milliers d’individus, elle en intéresse des millions, il est advenu, comme pour la Bible et le Coran, que les commentaires ont été l’œuvre non seulement des hommes professionnels mais de la foule des humbles et des ignorants. En sorte que, sous une double influence, s’est effectuée une double série de transformations. Les unes sont dues à une interprétation, on pourrait dire officielle, sollicitée tantôt d’expliquer le sens des termes, d’en tirer les conséquences dernières, tantôt, s’inspirant de l’esprit de la Constitution, d’en combler les lacunes. Les autres sont dues à une coutume, à des usages lentement établis soit par la jurisprudence des corps constitués, soit par la volonté nationale, pliant des textes rigides et formels à leurs nécessités et à leurs passions.

A. — Qu’il ait été nécessaire de modifier, de temps à autre, la Constitution américaine, cela se conçoit à merveille. Rédigée en 1787, pour une population de trois millions, essentiellement agricole et n’ayant pas, malgré les apparences, les sentiments d’une démocratie, elle ne pouvait évidemment s’adapter sans changement aux besoins et aux idées d’une nation de quinze, puis de trente, de quarante et de soixante millions d’habitants, puissante toujours par l’agriculture, mais riche déjà en industries et imbue de l’esprit démocratique.Ce que nous concevons moins, c’est que ces modifications, devenues nécessaires, aient été, pour partie, réalisées par voie d’interprétation. En France, où il nous faut des textes explicites, nous aurions certainement recouru aux amendements. Mais les amendements exigent une procédure longue, compliquée et qui souvent, à cause de ces exigences mêmes, n’aboutit pas. Avant d’en user, on a dû se demander s’il n’en serait pas quelque autre plus expéditive. Et l’on a songé à l’interprétation.

Et l’on devait y songer. La Constitution américaine est écrite dans une langue très générale, et tient en quelques pages. Par là, elle se prête à l’interprétation et même elle la provoque. En outre, œuvre d’hommes distingués, quelques-uns même tout à fait éminents, qui y avaient travaillé durant des mois avec bonne foi et ténacité, elle devait être pendant longtemps considérée comme raisonnable et comme suffisante. Il n’était pas vraisemblable que ses auteurs eussent omis des dispositions de première nécessité ; ou que dressant, je le dirai plus loin, un compromis entre l’autorité des États et l’autorité fédérale, ils n’eussent pas avisé à le rendre viable. Eux-mêmes, d’ailleurs, avaient eu soin, au lendemain de sa ratification, d’y ajouter d’un seul coup d’importantes dispositions complémentaires. Pour toutes ces raisons, un respect, mêlé de quelque superstition, la défendait des remaniements prématurés, si bien qu’avant de la modifier expressément, on devait s’efforcer d’en faire sortir tout ce qu’elle renfermait implicitement.

Il serait trop long d’exposer dans le détail ce travail d’interprétation et d’en dire tous les résultats[2]. Bornons-nous à en indiquer l’esprit et la méthode. En principe, il était admis que le peuple avait retenu tous les pouvoirs qu’il n’avait pas expressément délégués ; mais qu’en revanche, dès qu’une catégorie de pouvoirs avait été déléguée aux divers organes institués par la Constitution, cette délégation s’étendait, sans restriction, à tout ce qui était nécessaire pour en assurer la mise en œuvre. De là deux sortes de commentaires : commentaires d’abord pour indiquer le sens de tel mot particulier, commentaires ensuite pour déduire les conséquences de telle disposition générale. Naturellement ce travail d’interprétation n’était pas entrepris d’une façon théorique et permanente. Il se faisait, au jour le jour, à propos d’espèces pratiques et déterminées, et fut l’œuvre non pas d’un groupe donné d’individus, de jurisconsultes désignés ad hoc, mais, suivant les occasions, des tribunaux ou du Président ou du Congrès, soit ensemble, soit séparément.

Toutes les fois que le président des États-Unis et le Congrès prennent une décision qui ne peut pas s’appuyer sur un texte formel de la Constitution ou sur un précédent bien établi, la question se pose pour eux de savoir si leur conduite est constitutionnelle. Cette question, ils la résolvent selon leur conscience, leurs lumières et aussi parfois selon les besoins de la politique. En 1803, le président Jefferson acheta à la France sa possession de la Louisiane, et, croyant excéder ses pouvoirs, demanda, pour la validité d’une mesure aussi grave, un amendement à la Constitution. Le Congrès au contraire, estima que la simple approbation législative était suffisante. Cependant la Constitution était muette. De même, durant la guerre de la Sécession, le président, M. Lincoln, s’arrogea un certain nombre de pouvoirs que la Constitution ne lui attribuait pas. C’est ainsi qu’il prit sur lui de suspendre l’habeas corpus. Et le Congrès encore, malgré le silence de la Constitution, lui donna le plus souvent sa pleine approbation.

Reste à savoir, quand le Président ou le Congrès s’attribue ainsi, par voie d’interprétation, une portion d’autorité que la Constitution ne lui avait pas impartie, si les tribunaux, saisis par les citoyens intéressés, admettront leurs prétentions. Et c’est ici que leur intervention est féconde. Elle l’a été, cela se conçoit, surtout pendant la première moitié du siècle, notamment du temps du chief justice Marshall, dont on a pu dire que, pendant trente-cinq ans (1801-1835), il fut le rédacteur d’une seconde Constitution. Mais, aujourd’hui encore leur action n’est pas épuisée.

Il y a là un mécanisme constitutionnel sur lequel il convient d’insister, parce qu’il n’a pas son équivalent dans la plupart des autres pays. En Angleterre, le Parlement est souverain, il peut faire et défaire toutes les lois. En France, d’après la constitution de 1875, son pouvoir est presque aussi absolu. Il en résulte qu’une loi émanée du Parlement anglais — et l’on peut en dire presque autant du Parlement français — est immédiatement et incontestablement la loi, et qu’elle s’impose à tout le monde : aux citoyens pour la respecter, aux juges pour l’appliquer. Il n’en est pas tout à fait ainsi aux États-Unis. Le Congrès n’est qu’un mandataire du peuple ; il a reçu de lui délégation expresse de tels pouvoirs, et de ceux-là seulement : il ne peut agir valablement que dans la limite de son mandat. Toute loi donc, et cela s’applique à plus forte raison aux actes du pouvoir exécutif, — toute loi qui excède les pouvoirs du Congrès est radicalement viciée dans son origine.

Mais il n’y a pas que le Congrès qui, aux États-Unis, ait le pouvoir législatif : il y a encore les États, avec leurs législatures propres. Ces législatures trouvent, elles aussi, une première limitation à leur pouvoir dans la Constitution de ces États ; elles en trouvent une seconde dans la Constitution fédérale. De sorte qu’une loi émanée d’elles peut être inconstitutionnelle pour deux motifs : elle viole la Constitution de l’État, elle viole la Constitution fédérale. Sans compter qu’elle peut encore violer une simple loi fédérale.

Contre ces divers empiètements, les tribunaux de l’Union et de l’État sont chargés de faire prévaloir le respect des Constitutions[3].

Quand une loi votée touche à des intérêts privés, ces tribunaux peuvent être saisis pour deux motifs. Ou bien la constitutionnalité de cette loi est hors de doute, et les juges n’interviennent alors que pour fixer le sens d’une disposition ambiguë et, dans cette hypothèse, leur rôle ne diffère en rien de celui de nos propres tribunaux ; ou, au contraire, le texte de la loi étant clair, et ne laissant pas place à la controverse, c’est son caractère constitutionnel qui est mis en question ; c’est sur ce caractère que les juges sont appelés à se prononcer : c’est alors qu’ils ont à interpréter la constitution. Ils examineront donc si cette constitution donnait au Congrès, ou réservait aux États, ou même refusait à tous deux le droit de légiférer en la matière, et ils pourront déclarer la loi inconstitutionnelle et refuser de l’appliquer. Si cela se présente, une fois épuisés les divers degrés de juridiction, la loi est en fait comme si elle n’existait pas, et les parties n’ont plus d’autre ressource que d’en solliciter une nouvelle du pouvoir législatif[4].

Et cela même donne à la décision des tribunaux un double intérêt. En premier lieu, l’intérêt immédiat de la décision en soi. Mais ce n’est pas le seul. À la vérité, pas plus que les nôtres, les tribunaux américains ne peuvent rendre ce qu’on appelait, dans notre ancienne France des « arrêts de règlements » ; ils ne statuent que sur l’espèce à eux soumise, et l’autorité du jugement d’aujourd’hui peut être demain, dans une affaire identique, infirmée par un jugement contraire. Mais, le plus souvent — et ici apparaît un second et plus lointain intérêt — les considérants mêmes donnent une base doctrinale à leur décision, et permettent de prévoir ce qu’elle serait encore dans des espèces semblables. La jurisprudence des autres tribunaux, dans un pays où les précédents font autorité au moins autant que les textes de loi, en sera forcément influencée ; les parties intéressées en feront leur profit ; les législatures elles-mêmes en tiendront compte, et des lois peut-être seront votées en harmonie avec cette interprétation, avec cette « construction » de la Constitution, laquelle va ainsi se modifiant dans le détail, au fur et à mesure des nécessités nouvelles.

On pourrait même craindre que, trop fréquentes, ces modifications détournées, hypocrites en quelque sorte, qui altèrent au fond la Constitution sans la déformer extérieurement, n’enlevassent aux citoyens les garanties qu’on a voulu leur assurer par un texte écrit. Mais cette crainte est excessive. En matière politique, en admettant — hypothèse rare — qu’aucun intérêt privé ne soit en jeu, il faut le plus souvent, pour une modification par voie d’interprétation, l’accord du Président et du Congrès. Dès qu’on touche aux intérêts privés, et c’est l’ordinaire, il faut en plus l’accord des tribunaux. Or, une entente des trois pouvoirs est bien difficile. Au surplus, après eux et au-dessus d’eux, il reste encore l’opinion publique. Son action, lente et qu’on pourrait croire inefficace, se traduit par des votes. En fait, elle a jusqu’ici été suffisante.

B. — Les changements que l’interprétation, telle que je l’ai décrite, a successivement apportés à la Constitution primitive, ont été en leur temps étudiés et délibérés ; on en trouve l’origine et la trace dans les décisions du Congrès, dans les actes du Président, dans les arrêts des corps judiciaires. Ceux au contraire qu’y ont apportés l’usage et la pratique sont, la plupart, nés pour ainsi dire spontanément. Préparés par le travail commun et inconscient de la foule, ils ont éclaté au grand jour, et les pouvoirs constitués, qui n’ont ordinairement rien fait pour les produire, seraient impuissants à les comprimer.

La Constitution a établi à quelles conditions les sénateurs et les représentants seront éligibles. Mais nulle part elle ne dit qu’ils seront ou ne seront pas rééligibles. Et l’on pourrait croire qu’un représentant, qu’un sénateur, demeuré en communauté d’opinions avec son collège électoral, sera réélu indéfiniment. Il n’en est rien : l’usage est qu’après un certain nombre de réélections, représentants, sénateurs, etc., cèdent, comme par un roulement régulier, la place à d’autres. Il faut que chacun ait son tour.

La Constitution n’apporte de même aucun obstacle à la réélection réitérée du président des États-Unis. Cependant, par un usage qui date de Washington, et qu’a récemment confirmé l’échec de M. Grant, le président ne peut être réélu plus d’une fois. Et cette règle qui n’est inscrite nulle part, est, semble-t-il, aussi inviolable que si un texte formel la sanctionnait.

La Constitution a dévolu au Sénat et à la Chambre des droits, non pas identiques, mais participant de la même nature. Cependant, durant une longue période, le Sénat ne s’est pas, au même titre que la Chambre, considéré comme une assemblée délibérante. Il jouait le double rôle de conseil privé du président et de mandataire des États respectifs. Ses membres ne se croyaient pas le droit de conformer nécessairement leurs votes à leurs convictions. M. Léon Say a dit un jour très spirituellement que nos cabinets, au temps où les « groupes » florissaient, lui rappelaient un congrès d’ambassadeurs plutôt qu’un Conseil de ministres ; il en était de même des premiers sénateurs américains. Ils étaient non pas des législateurs délibérant souverainement, mais des plénipotentiaires liés par leurs instructions. Ils leur ressemblaient d’abord par le nombre ; car, au début, ils n’étaient que 26 ; et ensuite par leur situation. Dans les communications envoyées par les États, les représentants étaient requested, et les sénateurs instructedde tenir telle ou telle conduite. Et M. Boutmy cite du sénateur Rowan, du Kentucky, le propos suivant : « On pourrait supposer, d’après ce que j’ai dit, que je voterai contre le bill. Mais je n’ai pas le droit de substituer mon opinion individuelle à celle de mon État » (1828). Depuis longtemps déjà, et surtout aujourd’hui que l’Union compte 38 et même 42 États, le Sénat, qui, au lieu de 26 membres en a 76 et va en avoir 84, a modifié son attitude ; il tient des séances publiques ; il est une assemblée délibérante ; le rôle que lui confère la Constitution en l’associant à l’Exécutif, joint à l’influence que l’usage et des règlements assez étranges lui donnent en matière de finances[5], en font l’organe le plus important du gouvernement des États-Unis.

Citons enfin un dernier exemple, bien topique.

La Constitution a voulu que le président de l’Union fût élu par le suffrage au second degré. Les auteurs se sont gardés de confier cette haute mission au congrès, — ce qui eût subordonné l’exécutif au législatif — ou au peuple — ce qui eût écarté d’avance les candidats qui, avec des talents éminents, seraient dépourvus des qualités extérieures et superficielles qui plaisent à la foule. Ils ont donc décidé de s’en remettre àun collège d’électeurs nommés à l’avance pour cette seule besogne. Ils espéraient que le peuple choisirait, pour les investir de ce mandat, les hommes les plus probes et les plus capables ; et que ces électeurs, à leur tour, votant quelques jours plus tard, avec une réflexion calme, et disposant chacun d’une voix, choisiraient l’homme le mieux qualifié pour ce rôle considérable. Vingt ans ne s’étaient pas écoulés que déjà, sous l’influence des partis en lutte, les électeurs présidentiels étaient choisis à cause non de leur mérite personnel, mais de leur opinion déclarée. Au lieu de leur volonté libre et propre, ils n’avaient plus à exprimer que celle de leurs mandants ; en sorte qu’au lendemain même de leur élection, sans attendre la réunion de leur collège ni le dépouillement de leurs votes, on peut immédiatement, à une voix près, dire qui sera élu président et par combien de suffrages. Un mécanisme compliqué, œuvre de prudence et de défiance, a été radicalement faussé. Le second collège n’est plus qu’un instrument aux mains du premier, et, comme celui-ci est dirigé, dans chaque camp, par les politiciens de profession, le gouvernement des États-Unis n’est plus même démocratique : il est, suivant une judicieuse observation, ochlocratique. Ici encore nous voici loin de la Constitution primitive.

III

Quand nous avons, en France, lu le texte d’une de nos Constitutions successives, nous en savons assez. Notre pays est un ; il est centralisé, la commune et le département ne sont que des fractions administratives et non des démembrements politiques de l’État : les mêmes lois, la même Constitution régissent le tout. Il en est autrement aux États-Unis. Avec le texte original de la Constitution fédérale, avec le texte de ses amendements, avec la liste et l’analyse des modifications qu’y ont introduites l’usage et l’interprétation, on ne connaîtra encore que très imparfaitement le mécanisme du gouvernement des États-Unis et le fonctionnement exact, l’importance réelle de la Constitution. Pour s’en rendre compte, pour savoir quelle place elle tient dans les institutions et dans la vie politique du pays, il faut passer à l’étude des divers États de l’Union et de leurs Constitutions respectives.

La Constitution fédérale n’est pas une machine indépendante, self-acting, se suffisant à elle-même. Elle n’est pas une construction distincte et isolée ; elle est le couronnement de tout un édifice politique. Elle est venue après les Constitutions des États primitifs ; et elle est à ces Constitutions comme l’Union est aux États. Elle les suppose préexistantes ; elle a besoin d’elles, elle s’appuie sur elles. Elle leur laisse presque toute leur utilité, comme l’Union laisse aux États presque toute leur indépendance. Elle est si peu encombrante, qu’un Américain pourra passer toute sa vie sans s’apercevoir qu’elle existe et sans y avoir recours : le gouverneur, la législature, les tribunaux de l’État suffisent à tout. Surtout, au début, elle ne réclame qu’une part minime d’autorité, assez pour fonctionner utilement, assez peu pour ne pas effaroucher la susceptibilité des États.

Au fond, elle est un compromis entre la susceptibilité, entre l’esprit d’autonomie des États et leur sens très net de la nécessité d’une union permanente, pour faire face aux dangers extérieurs et donner satisfaction à certains besoins intérieurs. Ce caractère transactionnel apparaît bien dans les négociations qui ont précédé sa ratification par les États. Chacun d’eux voulait des garanties contre les empiètements possibles ; chacun entendait n’aliéner que certains droits strictement déterminés, et pouvoir réserver son énergie, son affection, son patriotisme pour l’État dont il était membre. Aujourd’hui encore ce sentiment persiste. On en pourrait douter, à voir le peu d’attention et d’intérêt que les meilleurs citoyens apportent aux affaires de la commune, du district, même de l’État. Mais ce détachement, dû à l’invasion des politiciens, et qui est plutôt du découragement et du dégoût, n’a pas détruit le vieux fond particulariste.

Maint texte implique une antithèse ou une opposition entre les intérêts fédéraux et ceux de l’État. Par exemple, certaines dispositions qui interdisent aux fonctionnaires fédéraux d’être en même temps fonctionnaires ou de faire partie de la législature de l’État. Et ce sentiment, dans certaines occasions solennelles, éclate irrésistiblement. M. Bryce en cite un exemple bien curieux : « Il y a quelques années, dit-il, l’Église protestante épiscopale d’Amérique, s’occupait dans son assemblée annuelle, à reviser sa liturgie. On jugeait désirable que, parmi les oraisons jaculatoires, il en fût introduite une à l’adresse du peuple tout entier ; et un éminent théologien de la nouvelle Angleterre proposait ces mots : ‘ÔSeigneur! bénis notre nation.’Acceptée une après-midi, dans la chaleur d’un premier mouvement, cette formule fut le lendemain soumise à un nouvel examen, et l’élément laïque éleva tant d’objections contre le mot « nation », comme impliquant une reconnaissance trop précise de l’unité nationale, que finalement elle fut abandonnée. À sa place, on adopta les mots : ‘Ô Seigneur, bénis ces États-Unis’. »

De tels sentiments qui, il y a cent ans, étaient bien autrement vivaces, expliquent à merveille les lacunes apparentes de la Constitution fédérale. Elle a dû ne s’occuper que de certaines choses, et en laisser complètement de côté certaines autres. Une Union des États s’est constituée ; et il est entendu que le lien est et sera indissoluble. Cette Union représente les États devant l’étranger ; en conséquence, les divers États ne sauraient avoir avec l’étranger aucun rapport direct. De plus, pour que l’Union soit pratique et féconde, le peuple délègue, par la Constitution, aux autorités fédérales, certains pouvoirs qui permettront plus d’unité dans l’action et éviteront les gaspillages de temps et d’activité. Tels sont les points fondamentaux qu’elle règle. Les autorités fédérales font la guerre et la paix ; elles concluent les traités, entretiennent les relations avec les puissances étrangères ; elles dirigent l’armée et la marine, et les tribunaux fédéraux ; elles réglementent le commerce extérieur et intérieur, les questions de monnaie et de circulation, de propriété littéraire et industrielle et les questions postales ; elles lèvent les impôts pour les dépenses fédérales, et protègent les citoyens contre la législation injuste ou inégale des États. Ce sont là tous leurs pouvoirs ; les autres, sans exception, sont réservés aux États. Les lois civiles, les lois pénales, les lois de procédure, les lois électorales, les lois sur l’instruction publique, etc., sont toutes de leur compétence exclusive. Leur législature est à cet égard, toute puissante, et ne rencontre de limites que dans la Constitution même de l’État.

Ceci connu, on comprend de quelle importance est l’étude de ces Constitutions. Il est inutile d’insister.

Pour nous, cette étude peut encore avoir un autre intérêt. Il est d’usage, en France et ailleurs, de vanter la stabilité politique des autres nations, notamment de l’Angleterre et des États-Unis, leur ferme tempérament, leur attachement persistant à leurs institutions. Et je n’y contredis point. J’observe seulement que la Constitution anglaise n’est point écrite ; qu’elle se compose d’innombrables lois et statuts ; qu’elle varie, d’âge en âge, avec eux ; et que le Parlement anglais étant tout puissant, il dépend de lui, par une série de votes, de la modifier, et, qu’en fait, il la modifie incessamment à son gré, sans qu’il ait à en demander l’autorisation ou à en rendre compte à qui que ce soit.

Quant aux États-Unis, c’est une autre affaire. Assurément, la Constitution fédérale n’a été modifiée que par les quinze amendements connus. Mais à côté de la Constitution fédérale, il y a les Constitutions des États, qui, elles, contiennent toutes les questions irritantes et, à cause de cela, ont subi de fréquents et profonds changements. Les trente-huit États ont déjà eu 105 Constitutions, et ces Constitutions ont eu 214 amendements partiels[6]. Cela rétablit quelque peu les proportions.

IV

Il est de mode aujourd’hui de critiquer le régime parlementaire, de dénoncer son impuissance, et de prôner quelque autre mode de gouvernement, sur le choix duquel, au reste, on n’est pas d’accord. Parmi ceux qu’effraierait un retour aux gouvernements absolus, beaucoup conseillent l’adoption du système américain, qu’ils espèrent pouvoir facilement acclimater dans notre pays. Les pages qui précèdent, si sobres de détails qu’elles soient, suffisent à montrer ce qu’il y a de chimérique dans cet espoir.

Je n’insiste pas sur les difficultés de l’opération. Et cependant l’expérience des Américains eux-mêmes est à cet égard singulièrement probante. Les auteurs des Constitutions des États, puis de la Constitution fédérale, et même des premiers amendements ne différaient guère des sujets du roi d’Angleterre. C’étaient à la vérité des esprits très libéraux qui avaient l’horreur de la tyrannie, mais qui ne songeaient à rien moins qu’à organiser une démocratie. Les dispositions de leurs Constitutions, ils ne les ont pas puisées dans leur imagination, ils les ont empruntées partie aux institutions anglaises, partie aux chartes coloniales accordées par la métropole ; le fond de leurs lois, c’était la common law d’Angleterre ; leur objectif, c’était presque le régime anglais, un régime de libre discussion, sous l’impulsion de citoyens choisis. Or, en moins de cinquante ans, toutes leurs prévisions étaient déroutées, toutes leurs précautions déjouées. Le suffrage à deux degrés, opérait comme eût fait le suffrage direct ; le suffrage restreint, sous l’influence d’un milieu nouveau, faisait place au suffrage à peu près universel. Les institutions d’origine anglaise avaient engendré des institutions très américaines.

Ceci déjà est à méditer.

Mais là n’est peut-être pas l’objection capitale. Quand on parle chez nous de la Constitution américaine, on entend l’acte originel, en sept articles, avec ses quinze amendements. On néglige absolument les Constitutions des 38 et bientôt des 42 États. Or la Constitution fédérale, qui s’adapte à merveille aux États-Unis, parce que chaque État, muni de ses deux Chambres, de son gouverneur, de son système judiciaire, se suffit à lui-même, ne saurait, sans altérations profondes, convenir à un pays centralisé comme le nôtre, où, malgré de timides essais en 1871, l’organisation, les lois et les mœurs elles-mêmes empêchent et peut-être réprouvent toute initiative autre que celle du pouvoir central.

Mais quand bien même nous pourrions, après cent ans de centralisation, nous donner — ce que quelques-uns proposent et qui mérite, en effet, l’examen et la discussion — des provinces munies d’organes plus indépendants que ceux de nos départements actuels et rappelant un peu celles de notre ancienne France, à l’époque où, par exemple, un Turgot aimait à rester et était maintenu dix ans dans la même résidence ; quand bien même on rendrait les divisions plus homogènes, moins factices, moins éparpillées, et qu’au-dessus de cette organisation nouvelle on établirait une Constitution analogue à la Constitution américaine, il ne s’ensuit nullement que des institutions semblables donneraient des résultats équivalents. Pour préciser davantage ma pensée, j’estime que ceux dont s’enorgueillit légitimement l’Amérique d’aujourd’hui, elle les doit à toute autre chose qu’à ses institutions ; elle les doit à certaines qualités politiques des hommes, qui ont en partie — car il y en aurait long à dire sur leurs erreurs et leurs fautes — corrigé ce qu’il y avait de défectueux dans les choses.

Le système gouvernemental qu’ont adopté les États-Unis pouvait très rapidement les conduire, là où nous ont conduits les nôtres. Ils pouvaient — car le peuple y est souverain — comme nous, reviser perpétuellement leurs institutions ; comme nous, confier une autorité absolue, tantôt au Pouvoir Exécutif et tantôt au Législatif ; comme nous, sous tous nos régimes, se donner des majorités intolérantes et parfois oppressives, abusant, de toutes façons, de leurs pouvoirs, et faisant plier les lois devant leurs désirs, si bien que la notion même du respect de la loi n’existe plus dans notre pays. Leur Constitution, telle qu’elle était rédigée, leur permettait tous ces écarts. S’ils s’en sont abstenus, c’est à eux-mêmes qu’il le doivent, à leur droiture de jugement, à leur sens des nécessités du gouvernement, et non à de vains textes.

En veut-on des exemples ? ils foisonnent. Les Mormons ont soulevé aux États-Unis une unanime réprobation. Il y a eu comme une sorte de mot d’ordre pour réclamer leur dispersion ou du moins la suppression de leurs pratiques. Comme ils habitaient non pas un État, mais un territoire, ils se trouvaient en fait, soumis à l’action législative directe du Congrès. Le Congrès tout-puissant s’est cependant toujours refusé à employer contre eux des moyens qui ne seraient pas strictement légaux. Ce souci rigoureux de se maintenir dans l’esprit de la Constitution a permis aux Mormons de prolonger pendant plusieurs années une lutte où ils avaient contre eux le pays tout entier. Mais au moins le respect de la loi n’a pas été affaibli dans l’esprit des citoyens. C’est là un résultat auquel on a paru disposé à tout subordonner.

Le principe de la séparation des pouvoirs que sanctionne la Constitution conduirait, strictement appliqué, àde perpétuelles impossibilités, si chacun des organes créés entendait user jusqu’au bout de ses prérogatives. Mais le bon sens des hommes corrige ce qu’il y a de trop absolu dans les textes. Il est arrivé à maintes reprises que la majorité du Congrès était d’un autre parti que le Président. Le Pouvoir Exécutif n’a pas, comme en Angleterre ou en France, le droit de dissolution. Jusqu’ici, cependant, ces désaccords n’ont pas engendré de crises comme nous en avons connu : les présidents et leurs ministres sont toujours parvenus régulièrement au terme de leur mandat.

Le Sénat ne nomme pas les ministres, mais il peut s’opposer aux choix du président. Presque jamais, même quand le président appartenait à un autre parti, la majorité du Sénat n’a usé de son droit.

Le même Sénat approuve les traités que prépare le président. Mais la chambre des représentants, si important que soit un traité, n’a rien à y voir. Cependant, comme elle a l’initiative des lois d’impôt et d’appropriation[7], le traité parfois lui est soumis. Or, que ce traité lui plaise ou non, il est d’usage qu’elle ne le discute pas ; il y a là pour elle un fait acquis ; elle vote les fonds, sans mot dire.

Le Congrès fait étudier les affaires par des comités spéciaux permanents, autrement puissants que nos commissions parlementaires. C’est le président de chaque Chambre qui en désigne les membres. Or, même si la majorité de la Chambre est hostile au cabinet, ces comités contiennent invariablement une majorité qui lui est favorable, et seulement une importante minorité de l’opposition.

Ces exemples, que je pourrais multiplier, disent assez la prudence, la conciliation, l’esprit de gouvernement qui, malgré bien des excès, dominent de l’autre côté de l’Atlantique. C’est là ce qui y permet le jeu régulier d’institutions, d’ailleurs très compliquées. Aussi, quand, sans tenir compte des différences de race et de caractère et des traditions, on nous propose, comme seul remède aux maux dont nous souffrons, l’introduction du système américain, avons-nous le droit de répondre : changez d’abord les mœurs ; cela fait, nous changerons peut-être les lois.

JOSEPH CHAILLEY.

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[1] J’estime, et j’espère le démontrer plus loin, qu’il est impossible, avec le seul texte de cette constitution, d’en saisir le but et le mécanisme. Je crois donc rendre service aux lecteurs en les renvoyant à quelques ouvrages d’exposition ou de critique qui font autorité. Je citerai :

Études de Droit constitutionnel, par E. Boutmy, membre de l’Institut, un vol. in-18 Paris, Plon ; cet ouvrage ne comprend, en ce qui touche l’Amérique, qu’un peu plus de 100 pages ; mais comme exposé, c’est la précision, et comme style la clarté même.

The american Commonwealth, trois volumes in-8° par James Bryce, membre du Parlement anglais, Londres, 1889. (Une traduction française est en préparation.) Il n’est pas question de comparer cet ouvrage d’une immense érudition et d’un détail infini avec le travail très concentré de M. Boutmy. Dans celui de M. Bryce, on trouve tout : les faits et les principes, les théories et les exemples à l’appui ; de la politique et de l’économie politique et sociale ; de l’histoire et des anecdotes, etc. Je l’aurai pleinement loué quand j’aurai dit qu’il a excité de l’autre côté de l’Atlantique une admiration presque sans réserves. Cette admiration je la partage. Néanmoins, — sans vouloir, loin de là, incriminer sa bonne foi — je me crois tenu de dire que M. Bryce, tout en citant avec éloge M. Boutmy, n’a pas rendu suffisante justice à un ouvrage d’une analyse si pénétrante, dont une proposition, une phrase incidente, un mot parfois lui ont inspiré ou ont confirmé chez lui toute une théorie.

Cent ans de République aux États-Unis, par M. de Noailles ; les deux premiers vol. in-8° ont paru en 1886 et 1889 ; ouvrage consciencieux et riche en informations puisées aux premières sources.

4° Enfin les États-Unis contemporains, par M. Claudio Jannet, 2 vol. in-8°, Plon, dont la réputation est faite.

[2] Cela a été fait par M. Desty, Federal constitution annotated. V. Bryce, I, p. 507.

[3] Il faudrait plus de place que je n’en ai pour indiquer les limites de leur compétence respective. La solution est trop complexe pour que je me hasarde à la résumer en une simple formule.

[4] On trouvera dans l’Annuaire de législation étrangère, 1882, p. 776 et suivantes, une note de M. Ch. Lyon-Caen, sur une hypothèse conforme de tout point à celle qui est décrite au texte.

[5] V. Boutmy, op. cit., p. 127 et suivantes.

[6] M. Bryce, dans l’excellent ouvrage déjà souvent cité, a donné sur ces changements les plus intéressants détails. Le grand mouvement de revision date naturellement de 1860. À une révolution dans la situation économique et sociale du pays devait correspondre une révolution dans l’organisation politique. Depuis cette année 1860, on a vu plus de modifications que dans les quatre-vingt-quatre qui l’avaient précédée. C’est surtout dans les États de l’Ouest qu’elles se sont produites. Tandis que le Connecticut, le Rhode Island, le Maine ont révisé une seule fois leur Constitution, et que le Massachusetts vit encore sur celle de 1780, la Louisiane, État qui date seulement de 1812, a eu six Constitutions différentes ; la Georgie et la Virginie, cinq ; la Pennsylvanie, quatre ; l’Illinois et New-York, trois. Dans ces changements si nombreux, on peut relever deux tendances très marquées. Tout d’abord les Constitutions sont matériellement brèves ; elles se composent d’un nombre restreint de sentences générales, et dédaignent d’entrer dans le détail ; elles trahissent une grande défiance du pouvoir exécutif et réservent aux législateurs des pouvoirs très étendus. Tous les fonctionnaires sont élus et pour un temps très court. Dans une seconde période, les Constitutions s’amplifient et se précisent, et même enregistrent des dispositions tout à fait étrangères à l’objet d’une Constitution, par exemple, des lois interdisant le trafic des liqueurs ; d’autre part, elles en viennent peu à peu à renforcer le pouvoir exécutif ; elles allongent le terme des fonctionnaires, et restreignent le rôle de l’élection. Cette évolution est le plus souvent motivée par une réaction contre les excès du suffrage devenu presque partout universel.

[7] V. plus haut, p. XV, note 1.

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