Avidement lu de son vivant, commenté et mobilisé par ses successeurs directs, les économistes physiocrates, Pierre de Boisguilbert devait subir le destin commun aux premiers précurseurs, et connaître, après les travaux d’Adam Smith et de Jean-Baptiste Say, une perte croissante de notoriété. Au milieu du XIXe siècle, il trouve cependant place dans la collection des principaux économistes, de l’éditeur Guillaumin : le public savant redécouvre alors la fraîcheur et l’à-propos de ses aperçus sur le commerce, la monnaie, l’impôt ; et l’on trace volontiers, entre ce pionnier et les nouveaux défenseurs du libéralisme économique en France, une filiation conçue comme certaine.
Vingt ans plus tard, c’est l’Académie des sciences morales et politiques — autre centre majeur du libéralisme en France — qui participe à sa réhabilitation. Pour l’année 1866, elle met au concours la vie et les doctrines de Boisguilbert, et devant les mérites des mémoires reçus, décide d’en récompenser deux, classés ex æquo. Ce qui distingue le mémoire de J.-É. Horn de celui signé Félix Cadet — que nous prévoyons tout aussi bien de republier — c’est le cadre plus resserré, plus éminemment économique, qu’il lui a donné. Aussi, on peut apprécier, en lisant son étude, la valeur et la nouveauté d’idées destinées à devenir centrales dans les discussions économiques des XVIIIe et XIXe siècles, comme l’impôt, le commerce, la rente de la terre, le rôle de l’État. Ayant fait le choix de ne consacrer que quelques lignes ou quelques pages aux premiers travaux d’histoire de l’auteur, à ses activités rurales, ou à son expérience de lieutenant-général à Rouen, Horn est en mesure de faire ressortir le détail et la profondeur de la pensée de Boisguilbert sur des questions qui, s’étant posées à lui vers 1690, et pouvant servir à la réflexion de lointains lecteurs, au XIXe, et aujourd’hui au XXIe siècle, avaient en effet besoin d’être bien contextualisées. C’est à ce titre que son ouvrage mérite encore d’être lu, et de servir de manuel pour la connaissance de Boisguilbert, l’un des premiers fondateurs du libéralisme économique en France.
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