« La Science économique, la première sans doute par l’importance de son objet, se trouvera la dernière dans l’ordre chronologique des connaissances humaines : c’est un malheur qu’il faut réparer, autant qu’il est en notre pouvoir. » — Le Trosne, 1766
G.-F. Le Trosne et les vertus de la science économique
par Benoît Malbranque
(Introduction à De l’utilité des discussions économiques,
par G.-F. Le Trosne [1766], réédition Institut Coppet, 2014)
Durant les quinze années qui précédèrent la parution du chef d’œuvre d’Adam Smith (Richesse des Nations, 1776), la science économique, encore appelée « économie politique », a connu en France un développement d’une ampleur historique. Les Physiocrates, qui formèrent autour de leur maître François Quesnay la première école de pensée économique, en sont la manifestation la plus brillante et la plus digne d’intérêt. Bien que leurs raisonnements n’aient pas toujours été entièrement justes, et que leurs recommandations pratiques restèrent longtemps peu suivies, l’impulsion qu’ils ont donné à cette jeune science qu’était l’économie, est un élément qui nous fait pardonner aisément leurs quelques erreurs, et ranger leurs noms au panthéon des grands hommes de notre nation.
Les Physiocrates, assurément, ne furent pas les premiers à écrire dans le genre économique ; mais leur intention, celle de constituer une branche nouvelle du savoir humain, et de la faire progresser jusqu’au niveau atteint par les autres sciences spéculatives, était éminemment nouvelle, et hautement féconde. Chacun des principaux membres de cette école physiocratique — Quesnay, médecin du Roi, leur chef de file ; Mirabeau, la célébrité insolente ; Dupont de Nemours, le jeune chevalier ; et jusqu’à Mercier de la Rivière, le disciple consciencieux — chacun s’est appliqué à clarifier et à diffuser les principes de la science économique.
Aucun, cependant, n’y prêta un concours aussi enthousiaste, aussi fructueux, et aussi conscient que le pourtant oublié Guillaume-François Le Trosne. Né le 13 octobre 1728 à Orléans, Le Trosne avait d’abord étudié le droit et était devenu avocat dans sa ville natale. Ce n’est qu’en 1762 qu’il se plaça sur le terrain économique, en participant à la fondation de la Société royale d’agriculture de la généralité d’Orléans. Il en devint un collaborateur régulier et se forma à la science économique, formation qui aboutit l’année suivante à son incorporation dans l’école de François Quesnay, tout juste enrichie d’un autre membre d’importance : Pierre-Samuel Dupont de Nemours.
En 1766, à l’époque où paraît son article « De l’importance des discussions économiques », Le Trosne a encore peu publié. À part quelques articles donnés pour les journaux économiques de l’époque, et notamment le Journal de l’Agriculture, du commerce et des finances, il avait publié un Mémoire sur les vagabonds et les mendiants (1764) ainsi qu’une brochure très estimée par ses collègues économistes de l’époque, et surtout de Turgot, qui la fit diffuser dans le Limousin, qu’il administrait : La liberté du commerce des grains toujours utile et jamais nuisible (1765).
Dans « De l’importance des discussions économiques », ce texte oublié, jamais réédité depuis sa publication en 1766, Le Trosne critique le faible degré de développement de la science économique, science qui lui paraît pourtant la plus importante de toutes. Il profite de cet exposé pour présenter les principales conclusions de cette science, illustrant par cela son utilité pour les peuples.
Une science « peu avancée »…
Le Trosne remarque que l’économie est une science peu cultivée en France. Dans une métaphore agricole toute physiocratique, il écrit que « la science économique est un vaste champ qu’il s’agit de défricher. » (Infra, p.24)
À un certain degré, cette remarque pourrait paraître abusive, car de nombreux penseurs, en France, s’étaient déjà consacrés à cette science. Sully, Vauban, Boisguilbert, et plus récemment Cantillon, Melon, Dutot, Gournay, Forbonnais, et tant d’autres, avaient publié des ouvrages économiques. Pourtant, onze ans avant la publication de la Richesse des Nations, le constat de Le Trosne est le bon : il manque à la jeune science économique une assise durable et certaine.
Le Trosne s’étonne, à la vérité, de ce faible niveau de développement, car, dans le même temps, dans son siècle, on a développé à de biens plus amples niveaux d’autres sciences pourtant peu utiles. Il écrit :
« Il est bien étonnant que cette Science si intéressante pour l’homme soit encore enveloppée de nuages obscurs, et que l’application de ses principes au Gouvernement ait paru si incertaine et ait été si variable d’un siècle à l’autre et d’une Nation à l’autre, tandis que l’on a tant approfondi les Sciences contemplatives, que l’on a cultivé avec autant de soin et de succès les connaissances agréables, et qu’on a porté à leur perfection les arts les plus superflus. » (p.27)
Le Trosne ne nous dit pas quelles disciplines il a en tête, et cela vaut mieux. Il préfère glisser sur cette première raison, pour exposer en quoi est utile la science économique.
…malgré son utilité
Selon notre auteur, le faible niveau de développement de la science économique est d’autant plus étonnant, et d’autant plus impardonnable, que cette discipline est utile, et son étude nécessaire. Les principes économiques sont utiles, soutient-il, car ils conditionnent notre vie même. Selon que de bons ou de mauvais principes économiques sont suivis, nous avons de quoi nourrir une large famille, ou nous subissons les privations et le manque ; nous pouvons consommer des produits agréables, ou se cantonner au nécessaire ; la vie culturelle, les loisirs, le plaisir, nous sont permis ou refusés.
« Les principes économiques touchent immédiatement à la subsistance des hommes, à leur bonheur, à leur multiplication, à la force et à la puissance de la société ; et le choix des principes est là de la plus grande importance : un principe mal vu a dans les conséquences pratiques qu’on en tire, les suites les plus étendues et les plus fâcheuses. S’il gène la circulation, la consommation, l’emploi des hommes et des richesses, il attaque ce qui constitue essentiellement l’existence de la société, la propriété des biens, la valeur des denrées, l’abondance du revenu, la reproduction des richesses ; il devient une cause de stérilité et de dépopulation, dont les effets plus ou moins funestes s’accroissent par une progression insensible. » (p.40)
Comme cela s’est vu à de nombreuses reprises avant et après l’époque où écrit Le Trosne, l’ignorance économique provoque même des guerres qui dévastent des territoires et endeuillent des familles entières. Si souvent, elles sont également le résultat d’erreurs économique. Ce n’est pas encore la conquête de territoires pour l’obtention d’une autosuffisance illusoire qui est à la mode au temps de Le Trosne, mais c’est, déjà, la guerre pour l’obtention de nouveaux marchés, et la guerre pour « s’ouvrir des débouchés », comme on dira plus tard. « On se battait pour enlever une Province, note ainsi Le Trosne ; aujourd’hui l’on se dis- pute une branche de commerce, et l’on soutient les guerres les plus longues et les plus opiniâtres pour avoir le droit exclusif d’aller au bout du monde acheter, voiturer et revendre. » (p.50)
La bêtise protectionniste et mercantiliste, qui a justifié les expéditions coloniales à des époques encore récentes, ne pouvait être battue qu’avec l’exposition des sains principes économiques. Le Trosne anticipait bien cela. Mais il anticipait aussi le rejet de la science économique, car elle s’annonçait déjà à son époque.
Une science rejetée
Une science si utile n’est pas cultivée : voilà un paradoxe. Alors pourquoi, malgré son utilité évidente, la science économique est- elle rejetée ?
D’abord, répond Le Trosne, c’est qu’elle heurte les préjugés. Les hommes sont paresseux et peinent à réfléchir de manière neuve sur les sujets qu’ils connaissent mal. Ensuite, la science économique apporte des idées nouvelles, en rupture avec les idées de l’époque ; en cela elle dérange. Cette opposition est bien décrite par notre économiste :
« Les idées exclusives ont tellement prévalu qu’elles sont aujourd’hui une partie essentielle de la politique des Nations, et de l’art de traiter et de négocier, et que l’on ne peut élever la voix en faveur de la liberté générale du commerce, encore moins conseiller à chaque Nation en particulier de l’admettre indépendamment de la conduite des autres, sans s’exposer à passer pour des gens à paradoxes, sans risquer même en quelque sorte d’être regardés comme une espèce de secte réunie dans le projet insensé de réformer les opinions reçues. » (p.36)
Le Trosne indique également que les intérêts particuliers de certains individus, qui gagnent à la politique mercantiliste, à l’interventionnisme d’État, au protectionnisme, peuvent faire bar- rage au développement de la science économique. Très certaine- ment, si la masse du peuple doit payer plus cher ses produits quand l’État entrave le libre-échange dans l’objectif de « protéger l’industrie nationale », les quelques producteurs favorisés en tirent de plus larges profits ; si la dévaluation monétaire, de la même façon, appauvrit la masse du peuple, et enrichit l’État, qui se met d’un coup en état de financer de larges dépenses. Ainsi, les mauvaises pratiques économiques ont toujours quelques bénéficiaires, qui seront naturellement poussés à défendre leurs intérêts. On peut aisément comprendre la méfiance des gouvernements envers une science qui ressert leur sphère d’activité dans la limite des missions régaliennes, ou la méfiante des grands industriels, quand cette science réclame cette concurrence qui leur fait peur, et cette liberté qu’ils aiment en théorie mais qui ne protège pas leurs profits.
Doute cartésien et libre discussion
Étant donné cette opposition apparemment invincible, comment faire naître et diffuser la science économique ? La réponse de Le Trosne est double : d’un côté, héritier ou plutôt membre des Lumières, il a recours au doute cartésien ; de l’autre, il réclame la libre discussion, peu acceptée à son époque.
Développer la science économique, pour Le Trosne, revient au fond à appliquer le doute cartésien à un nouveau domaine du sa- voir. « Il s’agit de revenir sur les principes qu’on a suivis, particulièrement depuis un siècle, écrit-il ; de repasser sur toutes les opinions reçues, de les soumettre à une révision exacte, afin de ne rien admettre dont l’évidence n’ait été vérifiée, et d’appliquer le doute universel de Descartes à tous les points de la Science économique. » (p.42) En cela, il prouve que le projet physiocratique est parfaitement en phase avec celui des Lumières.
Une fois obtenue, cette connaissance doit être diffusée, et ne peut l’être selon lui que par la discussion la plus libre. Le Trosne écrit en effet :
« Pour assurer la réussite complète de ce grand ouvrage, un seul instrument suffit, la discussion libre, qui employée de part et d’autre avec un zèle égal, viendra à bout d’éclaircir toutes les matières, de réunir tous les avis en un seul, et de mettre enfin la vérité au-dessus de la contradiction. » (p.25)
Nous devons noter ce qu’il y a d’osé à affirmer cela, à une époque où la censure royale sévissait encore, où l’on se souvenait encore des tracas que connurent Boisguilbert et Vauban pour diffuser leurs idées novatrices et gênantes sur la liberté du commerce et la fiscalité équitable, et où l’un des grands économistes du siècle, le marquis de Mirabeau, avait été emprisonné après la publication de la Théorie de l’impôt.
Pour ce qui concerne la diffusion, Le Trosne considérait l’institution des Sociétés d’agriculture comme non suffisant. Il les compare — critique sévère — à « un Médecin qui ne connaissant ni l’espèce ni la cause de la maladie, ordonnerait pour ne pas res- ter en défaut, des remèdes indifférents, qui aussi incapables de sauver le malade que de lui nuire, ne seraient propres qu’à l’amuser et à le flatter. » (p.29)
Cette critique est forte, et peut-être abusive, sachant que les Physiocrates ont été beaucoup employés dans les Sociétés d’agriculture, et celles-ci ont fortement aidé au développement et à la popularité de l’école de Quesnay. Elle est même étonnante, quand on se souvient que Le Trosne lui-même a reçu sa première formation économique dans la Société royale d’agriculture de la généralité d’Orléans.
Un exposé fabuleux des principes économiques
Le Trosne profite de cet article, pourtant assez court, pour énoncer certains des grands principes de la science économique, ainsi que la méthodologie servant à les découvrir et à les défendre — deux éléments que nous pouvons être étonnés de trouver chez un auteur écrivant en 1766.
Méthodologie
Sur la méthodologie, Le Trosne apparaît comme un grand pré- curseur de Jean-Baptiste Say, de John Stuart Mill, de John E. Cairnes et de toute cette grande tradition qui a dominé la science économique pendant un siècle. Ces économistes soutenaient que l’étude des questions économiques devait commencer par l’énoncé de quelques axiomes simples et irréfutables, sur lesquels on pourrait construire (par la déduction) tout le savoir économique. Ils pensaient non seulement qu’à partir d’un petit nombre de vérités certaines, on pouvait obtenir toute la science économique, mais aussi qu’il était inutile et néfaste de se servir des faits économiques bruts pour se guider, car les faits économiques sont instables, ils sont liés à des situations historiques, et donc ne peu- vent rien prouver. Tous ces éléments, nous les trouvons déjà chez Le Trosne, qui les reprend tous en passant, dans un passage remarquable :
« Si les partisans de la liberté et du droit de propriété ont paru quelquefois des Controversistes redoutables, c’est qu’ils partent de principes aussi simples que certains, et dont il n’est aucune conséquence régulièrement tirée, qu’ils n’avouent, parce qu’ils ne les ont avancés qu’après les avoir mûrement approfondis. Ils sont donc en état d’avoir une dialectique serrée et pressante. Ils s’en servent également, soit pour établir leur sentiment, soit pour réfuter celui des autres, soit pour attaquer, soit pour se défendre. Si on leur passe un principe, ils vous mènent à perte de vue, et quelquefois plus loin qu’on ne voudrait aller ; si on le conteste, ils le prouvent par des raisons qui plus d’une fois ont embarrassé leurs adversaires. Si on leur oppose l’usage et l’exemple, ils répondent qu’un fait n’est pas la preuve du droit, et que de ce qu’on pratique une chose, il ne s’ensuit pas qu’elle soit bonne. Si leurs adversaires mettent en avant un principe contraire au leur, ils le prennent à la rigueur, et le pressant avec force, ils en font sortir une foule de conséquences dont la fausseté évidente suffit pour faire rejeter le principe. » (p.44)
Son effort méthodologique, moins conscient et moins ferme- ment énoncé que chez Condillac, écrivant quelques années plus tard, méritait d’être signalé. Sur les idées économiques, également, Le Trosne soutenait des idées très précises et très justes. Nous en signalerons deux : 1- sa critique de l’intervention de l’État hors du cadre des fonctions régaliennes ; et 2- sa défense du libre-échange inconditionnel.
Critique de l’État interventionniste
Il convient de commencer avec sa critique de l’interventionnisme exacerbé de l’État, critique ô combien actuelle. Laissons parler Le Trosne :
« L’Administration a cru devoir s’occuper de tout ce qui intéresse les membres de la société, et s’est crue chargée de pourvoir à tous leurs besoins, de prendre un soin direct de leur subsistance, d’entrer dans le détail de leurs occupations et de leurs travaux, de les régler et de les distribuer, de tenir les rênes du commerce, pour le laisser agir ou le restreindre à son gré. De là cette surveillance qui se porte sur tous les objets, et qui embrasse tout pour tout attirer à elle, qui statue sur la manutention des bois, des haras, la navigation, etc., qui s’étend à toutes les branches de commerce et d’industrie, qui donne des formes et des règlements à toutes les manufactures, qui s’occupe du nombre des fils qui doivent entrer dans le tissu des étoffes, etc. De là cette armée d’Inspecteurs et de Préposés, chargée de toute cette manutention, et qui ne peuvent remplir plus utilement leur fonction qu’en ne s’en occupant point. » (p.47)
À l’inverse de cette tendance de l’État à vouloir tout diriger et tout contrôler, il expose les fonctions d’un État économique : les fonctions régaliennes.
La science économique étant pour Le Trosne « l’application de l’ordre naturel au gouvernement des sociétés » (p.26), c’est tout naturellement qu’il l’utilise pour définir les fonctions du gouvernement. Il les expose avec une telle netteté qu’il n’est pas besoin de larges commentaires :
« La fonction du gouvernement se réduit à assurer inviolablement la propriété des biens, la liberté dans l’emploi des hommes et des richesses, et la liberté des échanges, et consiste beaucoup plus en protection qu’en action. » (p.47)
« Le Gouvernement n’a autre chose à faire qu’à empêcher qu’il ne soit apporté aucun trouble à ces lois si simples et si justes de l’ordre naturel ; ni de la part des Étrangers par des actes d’hostilité dirigés contre la société à laquelle il préside, ni de la part des Sujets entre eux par l’effet des passions, et surtout de la cupidité qui ne cherche qu’à envahir.
Il pourvoit à la sureté extérieure par les forces militaires qu’il entretient pour en imposer aux sociétés voisines, repousser leurs attaques, et faire respecter sa Nation.
Il pourvoit à la sureté intérieure par le moyen des Tribunaux chargés de distribuer la justice, d’assurer les propriétés par l’exécution des lois connues et communes à tous, et de punir les crimes qui exigent une vengeance publique. Plus cette administration est simple et brève, tant dans les formes que dans les de- grés de juridiction, et mieux elle remplit son but. » (p.48)
Le libre-échange, même unilatéral
La science économique étudie l’échange et soutient que les échanges libres sont toujours et nécessairement avantageux aux deux parties. Si un individu échange librement un bien A contre un bien B (même par l’intermédiaire de la monnaie), c’est qu’il préfère ce bien B au bien A, et il tire donc une satisfaction supplémentaire de par cet échange. Et cette même logique s’applique partout.
Ainsi, mettre un frein à l’échange, c’est mettre un frein à l’amélioration des conditions de vie, un frein à la prospérité. Toute politique qui cherche à bloquer l’échange libre entre les nations a les mêmes effets. Chaque nation a un avantage à participer au commerce international : c’est la justification traditionnelle du commerce libre.
Mais Le Trosne va au-delà, et il se demande : comment une nation doit-elle agir si les autres nations qui l’entourent ferment leurs frontières à ses marchandises, si elles pratiquent la protection et la restriction commerciale ?
Selon notre auteur, toute nation tire avantage à commercer, à ouvrir ses frontières, à accueillir les marchandises du monde. Si d’autres nations préfèrent s’appauvrir par les restrictions, les douanes, les impôts : il vaut mieux les laisser faire, que de vouloir sombrer avec elles. Ainsi Le Trosne écrit-il :
« L’acte d’hostilité que commet une Nation envers une autre en l’excluant de chez elle par des prohibitions ou des impôts, en violant la loi de la réciprocité du commerce et de la liberté des échanges, n’autorise point les représailles, parce qu’elles ne sont légitimes que dans le cas d’une nécessité indispensable ; parce que loin de compenser le mal ou de le diminuer, elles ne font que l’aggraver, l’étendre et le rendre universel ; parce que cette manière de se venger et de repousser les prohibitions par des prohibitions, les impôts par des impôts, est aussi ruineuse et aussi funeste à la Nation qui l’emploie, qu’à celle qui a été assez peu réfléchie pour en donner l’exemple ; parce qu’en tout état de cause, et quelle que soit la conduite des autres Peuples, il est physiquement et immuablement utile à une Nation d’ouvrir ses ports et d’accueillir le commerce universel. » (p.34)
Il est certainement étonnant que ces principes, et que l’affirmation de Le Trosne, que « chaque peuple trouve son avantage dans l’opulence de ses voisins », puisse encore nous étonner. Que sa méthodologie ne soit plus en usage, que l’État ait fini par assumer des fonctions produisant plus de mal que de bien, et attaquant des libertés si chèrement et si dignement acquises, que le libre-échange soit partout considéré comme une chimère, et que la protection commerciale soit restée à la mode, après n’avoir pourtant provoqué que des guerres et des appauvrissements, voilà autant de paradoxes pour celui qui lira ce texte de Le Trosne.
Mais cette situation est peut-être justement une raison de le lire et de le relire. Y puissions-nous tirer les principes économiques qui manquent tant à ceux qui assument la tâche funeste de conduire le monde, qu’à ceux qui la leur ont laissée, et comprendre que, de nos jours encore plus qu’auparavant, il est nécessaire et même urgent de parler d’économie.
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