Du régime dotal

Du régime dotal. Thèse pour la licence, soutenue le samedi 10 novembre 1866, par Ernest Martineau (Poitiers, 1866)


JUS ROMANUM

 

DE FUNDO DOTALI.

DIG. LIB. XXIII, T. V.

PROÆMIUM.

DE HUJUS MATERLE DIVISIONE.

 

Diversissimas quidem vices subiit……………. (Les pages 5-18, en latin, ne sont pas reprises ici.)


 

DROIT FRANCAIS.

DU RÉGIME DOTAL.

Art. 1540-82.

INTRODUCTION.

S’il est une matière qui se recommande à toute la sollicitude du législateur, c’est assurément celle du contrat de mariage : ici, en effet, il s’agit de régler les intérêts pécuniaires de cette association si intéressante qui forme la famille, fondement de la société toute entière ; et ce n’est pas une tâche facile que de rassembler les matériaux nécessaires pour fonder un édifice solide et durable sur des bases si délicates.

Philosophiquement, au point de vue théorique de la raison pure, l’esprit se fait naturellement à cet égard l’idée d’une société de biens, corollaire rationnel de l’association des personnes.

Ainsi envisagée, cette solution est la réalisation complète de cette grande idée de la religion chrétienne : duo erunt in carne una.

La femme qui n’hésite pas à confier sa personne à l’homme qu’elle a choisi comme compagnon de sa vie, ne doit pas hésiter davantage à lui confier ses biens, à s’associer à lui dans une entière communauté d’intérêts pour partager sa bonne ou sa mauvaise fortune, acquérir avec lui des richesses ou être de moitié pour supporter les déceptions du sort.

Mais, sortant du domaine de la théorie, trouvons-nous dans notre droit positif l’application de ces principes ?

Un rapide historique nous donnera la solution de cette question intéressante.

Au moment de la confection de nos lois civiles, deux régimes de mariage se partageaient la France en deux parties égales pour ainsi dire, en prenant le fleuve de la Loire pour ligne de démarcation.

C’étaient là deux autorités puissantes et rivales, dont le voisinage avait excité les passions jalouses, et qui discutaient leurs mérites respectifs, ne s’épargnant pas de vives et audacieuses attaques, sans ébranler toutefois leurs bases, assises qu’elles étaient sur des mœurs invétérées.

Au nord, pays où l’invasion germaine avait laissé des traces durables, s’était établi le système de la communauté : le midi, au contraire, avait subi peu d’influence de l’invasion barbare, il avait conservé intactes ses mœurs et ses lois : cette civilisation toute romaine en quelque sorte, qui jetait alors un si vif éclat dans cette partie de la Gaule, avait subjugué les Germains : les vaincus prenaient leur revanche ; c’était le triomphe de l’esprit et de la raison sur la force grossière et brutale des vainqueurs ; le génie des jurisconsultes de Rome était sorti victorieux de cette lutte inégale et le régime dotal conserva son prestige dans ces contrées jusqu’à l’époque de la rédaction du Code civil.

À ce moment les législateurs avaient à choisir entre ces deux grands systèmes pour désigner celui qui, à défaut de convention, formerait le droit commun de cette nation dont ils voulaient fortement constituer l’unité.

À qui resterait la victoire ? Question grave, et qui allait faire revivre plus que jamais ces attaques passionnées, et par suite injustes, que se livraient les représentants des écoles rivales. Et, en effet, jamais lutte ne fut plus acharnée, jamais le feu de l’imagination méridionale ne fut plus vif que dans ses critiques systématiques contre le régime de communauté qu’on représentait comme un fléau pour la femme. Et pourtant ce fut le régime dotal qui fut sacrifié, la communauté devint le droit commun de la France.

Et nous applaudissons sans réserve à cette option du législateur : car ce régime répond à cette idée que nous avons émise dans notre théorie philosophique : c’est la réalisation de cette parole de St Jean-Chrysostôme : Le mien et le tien doivent être bannis de la société conjugale.

Cependant la défaite avait été trop dure pour le régime dotal ; le projet du Conseil d’État n’en mentionnait même pas l’existence. Les rédacteurs du Code avaient, croyons-nous, dépassé la mesure en passant sous silence un système adopté par la moitié de la nation : c’est ce motif qui nous pousse à penser qu’on a bien fait de céder à la sollicitation pressante des jurisconsultes des pays de droit écrit et de donner une place dans notre Code à ce régime dont nous devons faire ici une étude spéciale, et dont nous ne dissimulons pas les inconvénients.

C’est, en effet, un régime de sécurité fondé sur la défiance, et pour le caractériser, nous aimons mieux laisser la parole à un éminent magistrat, dont on a eu récemment à déplorer la perte. En 1858, dans une audience solennelle de la cour de cassation, M. le procureur général Dupin s’exprimait ainsi : « Le régime dotal est un reste du vieux droit patricien de Rome. La femme dotale est une matrone romaine siégeant dans sa chaise curule ; elle plane au-dessus des affaires du ménage, et si elles vont mal, la femme répond stoïquement aux créanciers : « Cela ne me regarde pas, ce sont les affaires de Monsieur. »

Cette critique piquante et originale n’est pas en dehors de la vérité, elle n’est pas forcée, et c’est le célèbre principe de l’inaliénabilité du fonds dotal qui amène surtout ces conséquences désastreuses.

C’est ce caractère que nous trouvons dans la loi Julia, élevé à la hauteur d’un principe d’ordre public ; à un plus haut degré encore dans la législation de Justinien, rex uxorius, qui complète ce régime en changeant le motif de l’inaliénabilité et le transmet tel quel à nos pays de droit écrit, et de là, il empiète même sur le nord, et s’établit en Normandie, mélangé à une société d’acquêts.

Le caractère énergique des Northmans, la force de l’autorité maritale chez eux s’accommodait bien d’un régime établi pour ce peuple romain dont les mœurs primitives étaient si bien en rapport avec le tempérament farouche des hommes du Nord.

Ce n’est plus l’intérêt de l’État qui est en jeu dans nos pays de droit écrit, quand il s’agit de l’inaliénabilité des immeubles dotaux : ce n’est pas non plus pour favoriser les seconds mariages. La philosophie chrétienne a changé ces idées, il ne s’agit plus maintenant que de l’intérêt de la femme et des enfants.

Tel était l’état des choses au moment de la rédaction du Code, et, ces préliminaires posés, nous allons entrer dans l’examen des articles 1540 à 1582 qui règlent cette importante matière.

DE LA DOT SOUS LE RÉGIME DOTAL.

La dot, sous ce régime comme sous les autres, est le bien que la femme apporte au mari pour supporter les charges du mariage, ad ferenda onera matrimonii : cette définition de l’art. 1540 ne nous indique pas le caractère essentiel de la dot, ce caractère d’inaliénabilité qui frappe les fonds dotaux de la femme. Il faut la compléter en disant que la dot est le bien apporté par la femme, frappé d’inaliénabilité, et dont le mari jouit avec des pouvoirs excessifs, sous la condition de les restituer à la fin du mariage.

 Ce régime est exorbitant du droit commun, il faut donc interpréter restrictivement tout ce qui s’y rattache. Ainsi, il faut une déclaration formelle, une convention expresse pour que les époux soient soumis au régime dotal.

Mais aussi il faut bannir de l’interprétation des termes du contrat une rigueur trop subtile pour être juste ; et, par exemple, ne pas dire que si les époux ont simplement déclaré que tels biens seront dotaux, il n’y aura pas là de stipulation du régime dotal ; il est évident que ces mots biens dotaux ne s’emploient que pour désigner ce régime : dans notre Code, on n’exige plus de termes sacramentels, et par conséquent il faut, mais il suffit d’une volonté clairement exprimée d’embrasser ce régime.

Sous ce régime, il peut y avoir trois espèces de biens : dotaux, paraphernaux et biens communs, quand il y a une société d’acquêts, organisée d’après l’art. 1581.

 L’art. 1541 nous dit que ce que la femme se constitue en dot est dotal, s’il n’y a stipulation contraire ; si ce sont des tiers qui constituent la dot, il n’est pas nécessaire qu’il soit dit au contrat qu’on les constitue en dot ; toute donation par contrat de mariage, d’après l’esprit de la législation, est, en effet, présumée faite en faveur du mariage.

Et cette donation est pour la femme une libéralité, mais vis-à-vis du mari c’est un contrat à titre onéreux. Dans le silence de la femme qui a accepté le régime dotal, dans quelle catégorie ranger ses biens ? Nous n’hésitons pas à suivre l’opinion de Furgole, et à leur donner le caractère de paraphernaux ; ici, en effet, on ne saurait trop le répéter, nous sommes en présence d’un régime exorbitant de droit commun, et c’est là une raison décisive en faveur de notre système.

SECTION I.

CONSTITUTION DE DOT.

Quels sont les différents biens que peut comprendre une constitution de dot ? — Telle est la première question résolue par l’art. 1542. — D’après cet article, tout bien peut être constitué en dot ; des créances, un usufruit, même les produits d’un usufruit, s’ils peuvent être capitalisés ; une succession à venir, aux termes de l’article 1130, ne pourrait cependant pas y être comprise, à moins que ce ne soit en forme d’institution contractuelle.

Les dettes sont déduites de la constitution de dot, pourvu qu’elles aient date certaine antérieure au mariage. Si une femme s’est constitué la moitié d’un immeuble indivis, l’acquisition de l’autre moitié sera dotale.

La constitution de dot peut être universelle, elle peut aussi comprendre un bien individuel. L’article 1543 nous offre des dispositions de droit nouveau ; et il faut saluer avec satisfaction cette innovation de nos législateurs : fidèles au grand principe de l’irrévocabilité des conventions matrimoniales après le mariage, ils ont décidé, contrairement au droit romain et à notre ancienne jurisprudence, que la dot ne pourrait être constituée ni même augmentée pendant le mariage. Et nous applaudissons à cette opinion des rédacteurs du Code parce qu’elle prévient la fraude dont les tiers pourraient être victimes, et par là maintient la sécurité des transactions.

Si la femme s’est constitué en dot ses biens présents et à venir, un tiers peut-il faire une donation à condition que les immeubles seront inaliénables ? L’ordre public n’est pas intéressé ici, du moins dans nos idées modernes sur le caractère de la dot : in ambiguis pro dotibus, disaient les jurisconsultes de Rome ; de nos jours c’est le contraire, et par conséquent l’affirmative doit être admise.

La nue-propriété dotale à laquelle l’usufruit vient se réunir, imprime son caractère de dotalité à cet usufruit, en vertu de la règle accessorium sequitur principale. L’hypothèse inverse ne doit pas recevoir la même solution.

Nous allons examiner maintenant la constitution de la dot par les père et mère.

Les Romains obligeaient le père à doter ses enfants ; chez eux c’était un adoucissement à la puissance paternelle si fortement constituée. Dans notre vieux droit coutumier, au contraire, avait prévalu la maxime « Ne dote qui ne veut », et cela pour imprimer une certaine énergie à cette même puissance paternelle dont les bases n’étaient pas aussi solidement assises qu’à Rome.

Le législateur a opté entre ces deux systèmes en donnant avec raison la préférence à notre droit coutumier ; chez nous, en effet, l’autorité du père de famille n’a pas seulement pour base la puissance ; on a tenu compte des sentiments de la nature : l’amour joue un certain rôle dans notre législation pour corriger le pouvoir du père ; il fallait donc faire de l’obligation de doter un devoir purement moral, et qui n’a de sanction que dans la conscience.

Le législateur règle dans les art. 1543 et suiv., la constitution de dot faite par les père et mère mariés sous le régime dotal. — Dotent-ils conjointement ? Ils sont présumés avoir doté chacun pour moitié ; ils pourraient aussi constituer la dot sur la succession du prémourant. Nous rencontrons ici une disposition spéciale au régime dotal : si le mari déclare constituer la dot en biens paternels et maternels, malgré la présence et la signature de sa femme, il n’oblige que lui seul : la femme peut avoir eu en signant un autre motif que celui de doter ses enfants, peut-être est-ce par déférence à l’autorité maritale.

Quand un des époux est décédé, si le survivant constitue une dot en biens paternels et maternels, on prélève d’abord la dot sur la succession du prémourant ; cette disposition est assurément très rationnelle.

 Caractère de la dot en général. — Le donateur est garant des évictions (exception à la loi 18 au D., de donationibus.) en effet, c’est un contrat à titre onéreux : ad sustinenda onera matrimonii. Le mari prend la constitution de dot en grande considération ; cette garantie, toutefois, n’est pas de l’essence, mais de la nature de la dotalité.

Si une femme a fait une constitution de dot universelle, et que le mari soit évincé, il n’aura pas de garantie contre la femme qui a apporté ses biens tels quels, grevés des charges que le mari est obligé de supporter ; la constitution d’une universalité excluant l’idée de garantie d’éviction partielle.

La femme garantit l’existence, non la solvabilité des créances, aux termes des art. 1693, 94. Les intérêts de la dot courent de plein droit, toujours par ce motif grave que la dot est destinée à pourvoir aux besoins du ménage.

Les intérêts de la dot se prescrivent (art. 2177) par cinq ans, comme dans la prescription de droit commun, car les mêmes motifs existent dans le cas qui nous occupe. Cependant si c’était de la part de la femme que la dot serait due, elle ne pourrait invoquer la prescription, qui ne court pas entre époux pendant le mariage, aux termes de l’article 2253.

SECTION II.

DES DROITS DU MARI SUR LES BIENS DOTAUX

ET DE L’INALIÉNABILITE DU FONDS DOTAL.

La rubrique de cette section nous offre une division toute naturelle : le chapitre premier traitera des droits du mari sur les biens dotaux, le second de l’inaliénabilité du fonds dotal.

CHAPITRE I.

DROITS DU MARI SUR LES BIENS DOTAUX.

Le sujet que nous abordons ici offre de graves intérêts, des difficultés sérieuses qui divisent les jurisconsultes et méritent de notre part une attention toute particulière.

En entrant en matière, nous trouvons d’abord l’art. 1549, un des plus importants de ce titre, et qui nous indique d’une manière précise les droits du mari sur les biens dotaux. À Rome, le mari était dominus dotis, et, dans le principe, ce droit était absolu et sans limites.

Plus tard, la loi Julia vint avec son cortège de restrictions qu’augmenta encore l’empereur Justinien. Dans ce dernier état de la législation, le mari n’avait que le dominium civile, le dominium naturale restant à la femme : mais un point qui ne fait aucun doute, c’est que le mari a toujours été dominus dotis.

Devons-nous, en présence des textes du Code, faire cette distinction subtile, si familière aux jurisconsultes de Rome, entre le dominium naturale et le dominium civile ? Un auteur estimé, M. Troplong, a soutenu avec chaleur ce système. Dans une longue et savante dissertation, il s’est attaché à démontrer que le Code n’a pas brisé la chaîne de la tradition romaine continuée dans nos pays de droit écrit : mais ses réflexions viennent tomber d’elles-mêmes devant le texte de l’art. 1549 qui fait du mari un administrateur.

Cependant comment expliquer sans ce dominium civile l’exercice des actions pétitoires, apanage du droit de propriété, accordé au mari seul ? Sans doute, il y a là une inconséquence des rédacteurs du Code qui ont maladroitement copié la théorie romaine qu’ils reniaient sur les autres points ; mais il ne faut pas en tirer un argument, comme le fait M. Troplong, en faveur de son système ; il faut nous en tenir à ce titre d’administrateur que la loi donne au mari. — D’accord avec la majorité des auteurs, nous trouvons sous ce régime le mari investi d’un triple caractère : propriétaire, administrateur et usufruitier.

Nous allons donc l’examiner successivement à ces divers points de vue, en nous rappelant toutefois qu’il n’est propriétaire que par exception, et que sa qualité ordinaire est celle d’un administrateur usufruitier.

  • . I . — Du mari propriétaire de la dot.

Ce droit de propriété existe au profit du mari dans cinq hypothèses que nous allons examiner successivement : 1° si la dot consiste en choses fongibles ; 2° en meubles corporels estimés au contrat ; 3° en immeubles estimés avec déclaration expresse que l’estimation vaut vente ; 4° si le mari achète un immeuble sans clause de remploi, avec des deniers dotaux de la femme ; 5° s’il y a datio in solutum par les constituants d’un immeuble à la place de la somme promise. Reprenons ces cinq cas :

La dot comprend des choses fongibles. — Dans ce cas le mari devient dominus dotis en vertu de sa qualité d’usufruitier légal des biens dotaux : la loi 42, D. de Jure dotium était conçue dans le même sens et les rédacteurs de notre Code ont reproduit la théorie romaine sur le quasi usufructus dans l’art. 587 : il s’agit ici de ces choses quoe pondere, numero, mensurave constant ; dans ce cas, l’obligation du mari consiste à restituer des objets de même nature et qualité à la dissolution du mariage. Et l’art. 1553 vient sanctionner ce principe en déclarant que l’immeuble acheté des deniers dotaux ne sera pas dotal sans une clause de remploi : dans ce cas la femme n’a que sa créance des deniers dotaux, créance garantie du reste par son hypothèque légale.

 2° La dot comprend des meubles corporels estimés ; 3° elle comprend des immeubles estimés avec déclaration expresse que l’estimation vaut vente.

Nous réunissons ces deux cas, parce qu’ils nous montrent la différence que le législateur établit entre les meubles et les immeubles, répudiant pour partie la théorie de la loi romaine.

En effet la loi 10, D. de Jure dotium, et la loi 5, C. déclarent que l’estimation vaut vente ; oestimatio facit venditionem, et cela sans distinction.

Pourquoi donc cette différence dans notre législation ? C’est que les rédacteurs du Code étaient dominés par la maxime vilis mobilium possessio : et leur prédilection pour les immeubles apparaît à chaque pas, et c’est là un argument puissant à l’appui de notre opinion sur la célèbre question de la dot mobilière.

Pour les meubles, oestimatio facit venditionem, le mari devient propriétaire sous l’obligation de restituer le prix de l’estimation à la fin du mariage : pour les immeubles, au contraire, une simple estimation ne suffit pas ; c’est l’établissement du contrôle qui a fait décider la question en ce sens, on présume alors que l’estimation a été faite pour servir de base à la perception des droits d’enregistrement.

Le mari ne devient propriétaire que quand il y a au contrat une clause expresse. —Dans ce cas, la femme ne conserve qu’une créance mobilière, la créance de la somme portée dans l’estimation qui devra lui être restituée à la dissolution du mariage : fundus oestimatus non est dotalis, sed mariti proprius emptionis jure, disait-on à Rome ; chez nous, nous voyons qu’il en est autrement.

 4° Il n’y a pas de clause de remploi, et le mari achète un immeuble. — Cet immeuble n’est pas dotal aux termes de l’art. 1553. Enfin, 5° Quand un immeuble est donné en paiement par les constituants. Cette datio in solutum ne peut imprimer le caractère de dotalité à l’immeuble, il est subrogé à la somme promise, et par conséquent devient la propriété du mari, toujours sous la condition de restituer la somme pour laquelle la dation en paiement a été faite.

  • . II. — Du mari administrateur de la dot.

 

Le mari seul, nous dit l’art. 1549, est administrateur des biens dotaux pendant la durée du mariage : administrateur cum libera, avec un pouvoir considérable et contre lequel il n’y a de remède que la séparation de biens quand la dot est en péril ; la femme, en effet, n’a pas même le droit de contrôle.

C’est le mari qui fait les baux, toutefois dans les limites des art. 1429 et 30 ; on a emprunté au régime de la communauté ces bornes raisonnables, qui concilient l’autorité maritale avec le respect de la propriété qui appartient à la femme. C’est lui qui perçoit les revenus des biens, mais à la charge de payer les contributions assises sur le revenu net, et les autres charges annuelles qui pèsent sur les fruits ; quant aux revenus provenant de l’industrie de la femme, ils n’appartiennent au mari que s’il y a eu de la part de la femme une constitution générale de dot.

Le mari est tenu des prescriptions qu’il laisserait acquérir contre la femme ; ce point, du reste, est réglé par l’art. 1562. Toutefois il ne faut pas être trop sévère, il faut avoir une négligence à lui reprocher. La loi 16 D. De fundo dotali le décidait ainsi. Le mari doit faire les réparations d’entretien et même les grosses réparations, sauf ici son recours contre la femme à la dissolution du mariage, à moins que les grosses réparations n’aient été la conséquence de son défaut d’entretien.

Il a seul le droit de poursuivre les débiteurs et détenteurs de la dot ; il a les actions personnelles mobilières et même les actions immobilières pétitoires, inconséquence regrettable dans une législation qui ne reconnaît plus le mari comme dominus dotis : on a poussé la rigueur jusqu’à annuler un exploit dans lequel le nom de la femme se trouvait à côté de celui du mari, en se rattachant au mot seul de l’art. 1549 : Dura lex, sed lex.

L’action serait nulle si la femme agissait en son nom, même avec l’autorisation maritale. Les débiteurs qui paieraient entre les mains de la femme paieraient mal, et s’exposeraient à payer deux fois, leur obligation ne serait pas éteinte.

 Le mari peut-il provoquer seul le partage des biens dotaux ?

Trois opinions se sont produites sur ce point : nous n’avons pas l’intention de faire ici un exposé complet de cette controverse. Toutefois nous devons dire que, pour nous, l’art. 818 tranche la question péremptoirement, et nous nous rangeons à la doctrine qui admet le concours de la femme pour défendre au partage aussi bien que pour le provoquer.

À Rome, la loi 2 C. De fundo dotali réglait ce point de droit. Mais cette loi est inapplicable chez nous, où le mari n’est pas propriétaire. Les débiteurs ne peuvent obliger le mari à faire emploi des capitaux : s’il s’agit de rentes, il pourra recevoir le capital des rentes de la part des débits-rentiers ; la loi de 1790 ne s’applique pas ici : le mari a le droit de percevoir les fruits et les intérêts ; s’il fait des économies, ce sera pour lui, car il est le maître des fruits.

 Si la femme est débitrice antérieurement au mariage, il est évident qu’elle ne peut par là rendre sa position meilleure vis-à-vis des créanciers, qui ont le droit de la poursuivre en expropriation forcée. L’art. 2008 nous dit que c’est contre la femme et le mari qu’ils doivent agir alors. La femme a le droit de demander sa séparation de biens (art. 1562). La loi 24 D. De jure dotium et la loi 20 D. De jure dotium règlent la question de la restitution de la dot pour le cas de divorce.

Ces deux lois offrent une certaine analogie avec ce qui se passe dans notre droit quand la dot est en péril. La femme a le droit de stipuler qu’elle touchera une partie de ses revenus, mais elle ne peut se réserver l’administration en laissant la jouissance au mari, la dignité maritale serait compromise par une telle clause. Le mari a et doit conserver ce titre d’administrateur, joint à cet autre caractère que nous allons étudier maintenant, à son titre d’usufruitier légal des biens dotaux de la femme.

  • . III. — Du mari usufruitier.

En outre de sa qualité d’administrateur, le mari a encore la jouissance des biens dotaux de la femme ; c’est lui qui reçoit les fruits et les intérêts de la dot, qui a été apportée ad sustinenda onera motrimonii ; il doit les employer aux charges du ménage, et s’il fait des économies, elles lui appartiennent en propre ; s’il n’y a pas de société d’acquêts, à quel titre la femme réclamerait-elle ?

Mais s’il a sur ces biens les droits d’un usufruitier, il est soumis aussi à ses obligations : c’est lui qui paie les contributions, qui fait les réparations d’entretien et autres, qui sont une charge naturelle des fruits ; quant aux grosses réparations, il ne supportera définitivement que celles qui seront une conséquence du défaut d’entretien.

Cet usufruit, toutefois, est soumis à des règles spéciales qui lui donnent un caractère sui generis, et qu’il importe de signaler.

 1° Le mari est dispensé de fournir caution : L’usufruitier ordinaire y est assujetti, aux termes de l’art. 601, mais on ne pouvait appliquer cette règle au mari : la dignité maritale aurait été compromise et humiliée par cette obligation. La loi permet cependant d’y obliger le mari dans le contrat de mariage ; elle rejette par là le système en vigueur à Rome à l’époque de Justinien : en effet, la loi au C. Ne fidejussores ne permettait pas de faire une pareille convention.

2° Aux termes de l’art. 595, le droit d’usufruit, droit immobilier, est susceptible d’être vendu, hypothéqué, comme tout autre droit de la même nature ; ici, au contraire, ce droit est mobilier, personnel, attaché à la qualité de mari, et, par conséquent, inaliénable.

3° L’usufruit prend fin même par la mort de la femme, qui a la nue-propriété : le caractère de la dot, destinée à faire face aux dépenses du ménage, amenait nécessairement cette conséquence.

 4° L’article 599 du C.N. ne s’applique pas ici. D’après cet article, l’usufruitier n’a pas droit à une indemnité, quelles que soient les réparations qu’il a faites et qui aient amélioré la propriété ; mais il y a un autre principe qui s’oppose à l’application de cette règle, c’est celui qui prohibe entre époux les avantages indirects.

5° L’usufruitier ne jouit que par la perception des fruits naturels. Il n’en est pas de même pour le mari (art. 1571), qui a droit à la portion des fruits égale au temps que le mariage a duré la dernière année. Cette différence tient encore à la destination de la dot ; il ne doit y avoir là rien d’aléatoire, et on ne doit pas distinguer entre les fruits naturels, industriels ou civils.

Mais ce droit ainsi déterminé, il s’agit d’en poser les limites ; si, par exemple, un trésor est trouvé par le mari dans le fonds dotal, à qui appartiendra-t-il ?

Il faut distinguer : si c’est le mari qui le trouve, il en aura la moitié jure inventionis ; mais l’autre moitié appartiendra à la femme jure soli, car le trésor n’est ni un fruit ni même un produit. Si c’est la femme qui le trouve et qu’il n’y ait pas constitution de dot générale, le mari ne peut y prétendre en aucune façon ; que s’il y a eu constitution de dot générale, le mari aura droit aux fruits, mais devra restituer le trésor à la dissolution du mariage.

CHAPITRE DEUXIÈME.

INALIÉNABILITÉ DU FONDS DOTAL.

Pour apporter plus de clarté dans l’exposition des matières importantes qui se rattachent à ce grand principe, nous diviserons ce chapitre en quatre parties : la première traitera de l’exposé du principe d’inaliénabilité et de ses effets ; la seconde des exceptions à cette règle ; la troisième de la sanction qui protège ce principe ; enfin, en quatrième lieu, nous examinerons l’imprescriptibilité des biens dotaux.

PREMIÈRE PARTIE.

EXPOSÉ DU PRINCIPE DE L’INALIÉNABILITÉ DU FONDS DOTAL.

C’est dans l’art. 1554 que nous trouvons formulé ce grand principe qui donne au régime dotal ce caractère exceptionnel de protection et de conservation qui le distingue des autres régimes de mariage, et qui amène des conséquences si désastreuses quand on l’envisage au point de vue d’une science nouvelle appelée à jouer un grand rôle à notre époque, l’économie politique.

C’est, en effet, une entrave à la libre circulation des biens, c’est la mise hors du commerce des immeubles dotaux de la femme ; aussi le législateur a permis aux époux, même en adoptant ce régime de mariage, de stipuler l’aliénabilité de la dot ; ce principe est donc de la nature et non pas de l’essence du régime dotal.

Ces préliminaires posés, examinons avec soin les termes de l’art. 1554 : il est formulé ainsi : « Les immeubles constitués en dot ne peuvent être aliénés ou hypothéqués pendant le mariage, ni par le mari, ni par la femme, ni par les deux conjointement, sauf les exceptions qui suivent. »

Remarquons que la loi se sert de l’expression immeubles et qu’il n’est pas ici question des meubles. Ne peuvent être aliénés : C’est là une expression générale qui comprend toute espèce d’aliénations, même une servitude créée sur le fonds dotal, un droit d’usufruit, d’usage, d’habitation.

Corvinus nous dit dans ses Commentaires sur le droit romain que le mot : aliénation est on ne peut plus général ; verbum alienationis latissime palet. Et les conséquences en sont faciles à tirer.

Un père et une mère mariés sous le régime dotal ne pourraient faire un partage d’ascendants conformément à l’art. 1075. Une institution contractuelle faite par la femme en faveur d’un tiers ne serait pas valable, à notre avis du moins, car elle modifierait son droit de propriété ; et c’est là un motif grave, qui milite puissamment en faveur de notre système, qu’elle se priverait de la faculté de disposer au profit de ses propres enfants.

Les expressions de l’article pendant le mariage s’entendent du mariage jusqu’à sa dissolution par le décès de l’un des époux ; la séparation de biens ne peut permettre à la femme d’aliéner ses immeubles, car ce serait ouvrir la porte à la fraude, puisque la séparation peut cesser par l’accord des époux.

 Par suite de l’inaliénabilité de sa dot, la femme ne peut la compromettre par les engagements qu’elle contracte pendant le mariage, à tel point qu’il faut décider que les fruits des immeubles dotaux ne peuvent même pas être saisis. Les obligations de la femme ne sont pas nulles toutefois, car les créanciers pourront en poursuivre l’exécution sur ses paraphernaux, si elle en possède.

Ses héritiers eux-mêmes ne pourraient être poursuivis sur les biens dotaux ; mais s’ils acceptent purement et simplement, il se produit cette singularité remarquable que par le quasi-contrat d’adition d’hérédité, ils seront poursuivis sur leurs biens personnels. Tels sont les effets principaux de cette grande règle de l’inaliénabilité du fonds dotal.

Avant d’étudier les exceptions énumérées dans les art. 1555 et suivants, disons quelques mots de la grande et célèbre question de la dot mobilière. Nous renvoyons à la discussion orale l’exposé complet de ce principe, car le développement dépasserait les limites de ce travail : mais nous voulons donner notre avis sur cette controverse fameuse qui divise la doctrine et la jurisprudence : la doctrine décidant que l’inaliénabilité de la dot ne frappe que les immeubles, la jurisprudence étendant aux meubles la prohibition de la loi.

Et pourtant quand on examine la question au point de vue qu’on ne doit jamais oublier, en jurisconsulte et non en législateur, en interprète et non en détracteur de la loi, la question n’en est pas une et c’est ce que la doctrine a prouvé par des arguments irrésistibles.

Qu’on remonte, en effet, aux sources mêmes : qu’on examine les prohibitions de la loi Julia, et on voit qu’elles ne s’appliquent qu’au fundus dotalis, et au titre du D. De verborum significatione, l’expression fundus n’a jamais été entendue en ce sens qu’elle pût comprendre même les meubles : et pourtant la fortune mobilière était considérable à Rome, si on songe aux millions d’esclaves qui regorgeaient dans l’ergastulum des riches citoyens de Rome.

Les innovations de Justinien ne s’appliquent aussi qu’au fundus dotalis, et dans nos pays de droit écrit, quelques parlements, fidèles gardiens des traditions romaines, refusèrent d’étendre aux meubles cette inaliénabilité et c’est le plus grand nombre qui conserva cette législation.

Et les rédacteurs de notre Code étaient encore dominés en 1804 par la fameuse maxime, si fausse à notre époque, vilis mobilium possessio, et leur prédilection pour les immeubles apparaît à chaque page dans notre Code civil.

Quoi qu’il en soit, la jurisprudence ne s’est pas laissée fléchir par ces arguments si péremptoires pourtant, et ce conflit ne pourra être vidé que par une loi nouvelle : car les magistrats raisonnent au point de vue de la pratique ; ils partent d’un principe essentiellement mauvais, celui de se poser en correcteurs de la loi, en législateurs et non en jurisconsultes, eux qui pourtant sont chargés de cette grande tâche d’interpréter la loi et non de la faire, et qui par suite doivent montrer l’exemple du respect que tous les citoyens doivent à la législation existante.

 Et la conséquence la plus pratique de leur opinion, c’est que la femme ne peut restreindre son hypothèque légale même quant à sa dot mobilière. C’est l’extension si prodigieuse de la fortune mobilière qui les a entraînés sur cette pente fâcheuse, et, à notre avis, il serait bon que le législateur intervînt pour faire cesser ce conflit, et on pourrait alors faire quelque chose peut-être pour protéger cette fortune mobilière qui compose souvent presque toute la dot de la femme.

Étudions maintenant les exceptions à cette grande règle ; exceptions nécessitées par la force même des choses, et que nous diviserons en plusieurs catégories pour en rendre l’exposé plus clair et plus facile.

DEUXIÈME PARTIE.

EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE L’INALIENABILITÉ DU FONDS DOTAL.

Nous diviserons en deux catégories les exceptions à la règle de l’inaliénabilité du fonds dotal : 1° les exceptions résultant de la volonté des parties ; 2° celles résultant de la toute-puissance de la loi.

PREMIÈRE CATÉGORIE.

Exceptions conventionnelles.

C’est l’art. 1557 qui pose les règles de cette exception, la plus grave et la plus importante de toutes celles que nous avons à étudier, car elle nous prouve que l’inaliénabilité du fonds dotal n’est pas de l’essence mais de la nature du régime dotal.

La femme peut, si le contrat de mariage contient cette clause, aliéner ses immeubles avec l’autorisation de son mari ; cet article est bien différent de l’art. 1552 où le mari devient propriétaire, sauf son obligation de restituer le montant de l’estimation à la dissolution du mariage.

L’art. 1397 de notre Code s’oppose à ce que cette convention puisse se faire pendant la durée du mariage. L’irrévocabilité des conventions matrimoniales après la célébration du mariage ne peut permettre une telle atteinte aux clauses du contrat.

L’art. 1557 n’exige pas que la clause de remploi soit écrite dans le contrat de mariage ; dans ce cas, les acquéreurs ne sont pas responsables du défaut de remploi : la femme doit pouvoir renoncer à son hypothèque légale en faveur des tiers, et les subroger dans l’hypothèque qui frappe les biens de son mari pour la reprise de sa dot et du prix de ses fonds dotaux aliénés.

  • Que si la clause de remploi est écrite au contrat, alors les tiers acquéreurs sont responsables et doivent veiller à l’exécution de ce remploi de la part du mari : le nouvel immeuble est dotal, il est subrogé au lieu et place de l’ancien.
  • Cette clause de remploi impose aux acquéreurs de grandes précautions : ils feront bien de ne pas payer avant que le remploi ne soit effectué : l’échange est un remploi, si cette clause est écrite au contrat, la femme peut donc échanger ses immeubles.
  • La clause de remploi était inconnue en droit romain ; elle fut introduite par les art. 540 et 541 de la Coutume de Normandie, et admise dans les pays de droit écrit ; elle a été conservée dans la législation actuelle et est très fréquemment employée dans les contrats de mariage.

La faculté d’aliéner emporte-t-elle celle d’hypothéquer ? Nous ne le croyons pas, et la loi Julia nous fournit un argument en ce sens, ce serait violer cette règle si raisonnable écrite dans l’art. 1157 de notre Code, et qui dit qu’il faut rechercher la commune intention des parties dans une convention.

L’échange est-il compris dans l’aliénation ? Il serait raisonnable de décider la question affirmativement, car l’échange emporte la subrogation réelle de l’immeuble reçu en échange.

Il se présente des questions intéressantes à l’occasion de la clause de remploi stipulée avec l’aliénation des immeubles dotaux de la femme. Peut-on, par exemple, faire le remploi en actions de la Banque de France ? Nous le croyons, et des arrêts nombreux confirment notre opinion sur ce point.

Peut-on le faire en rentes sur l’État ? La difficulté soulevée sur ce point vient de ce que les rentes sur l’État sont des meubles ; mais la loi de finances de 1862, dans son art. 46, a décidé que les sommes dont le remploi est prescrit en immeubles peuvent être remployées en rentes 3% de la dette française ; et cet art. 46 est applicable même aux contrats de mariage antérieurs à cette loi de finances, à moins qu’il n’y ait une clause formelle, comme immeubles ruraux par exemple.

Passons maintenant à la seconde catégorie d’exceptions, à celles qui résultent de la loi.

DEUXIÈME CATÉGORIE.

Exceptions résultant de la loi.

Ces exceptions peuvent se diviser en trois classes : la première comprendra les cas où l’aliénation peut avoir lieu soit avec l’autorisation du mari, soit avec l’autorisation de justice ; la seconde, les cas où elle ne peut avoir lieu qu’avec l’autorisation du mari ; la troisième, les cas où il faut l’autorisation de justice.

1ère Classe. — Autorisation du mari ou de justice. (Art. 1555).

L’exception établie dans l’art. 1555 a été introduite pour favoriser les mariages : pour doter les enfants. Le législateur se sert de l’expression biens dotaux, mais la raison en est que les meubles ne peuvent être donnés sans l’autorisation du mari ou de justice ; il fallait donc là une expression générale.

Mais le fonds dotal ne peut-il être aliéné que pour un établissement par mariage ? Il faut interpréter notre article à l’aide de l’art. 204 : ce mot : établissement doit s’étendre même à l’achat d’un fonds de commerce, d’une charge ministérielle, comme une étude de notaire, d’avoué, etc. Quant au mot : enfants, en thèse générale, il comprend même les petits-enfants. (Loi D. de Verborum significatione).

Pour le prix d’un engagement militaire, la question est controversée, mais l’affirmative nous semble préférable dans le cas où il faut empêcher l’enfant de partir pour lui donner un établissement. — Nous remarquerons qu’ici la loi nous parle d’enfants que la femme a eus d’un mariage antérieur ; dans ce cas l’autorisation de justice peut suppléer celle du second mari.

Le législateur a prévu une hypothèse malheureusement trop vraie, celle où le beau-père n’a pas pour ces enfants l’affection nécessaire pour consentir à une aliénation des immeubles de sa femme. Mais si l’autorisation de justice peut dans ce cas suppléer celle du mari, ce n’est qu’à la condition de ne pas porter atteinte à son droit de jouissance légale sur les biens dotaux ; la nue-propriété seule peut donc être engagée dans cette circonstance : la donation ne vaudra que dans cette limite.

 2e Classe. — Autorisation du mari indispensable. (Art. 1556).

Dans l’exception qui nous occupe, il s’agit d’enfants communs : ici le législateur change de langage, l’autorisation de justice ne peut suppléer celle du mari : c’est de lui que doit venir l’autorisation de donner, et la tendresse que la nature met au cœur des pères a paru aux rédacteurs de notre Code un sûr garant de la sagesse de leurs dispositions : on suppose que ses devoirs ne pourront être oubliés par lui, et que s’il refuse, c’est par des motifs raisonnables, et que la justice n’a pas le droit de contrôler ni de réformer en aucune sorte.

 3e Classe. — Autorisation de justice nécessaire. (Art. 1558).

Cette troisième catégorie d’exceptions est fondée sur la nécessité : mais pour ne pas ouvrir la porte aux fraudes, la loi a établi des garanties. La cession ne peut être faite qu’avec la permission de justice, que ne pourrait remplacer ici l’autorisation du mari ; et jamais à l’amiable, mais aux enchères publiques, afin d’attirer la concurrence et de vendre le plus cher possible : il faut avoir apposé préalablement trois affiches, afin d’éveiller l’attention du public.

Du reste, toutes les formalités à remplir sont indiquées plus complétement dans le Code de Procédure civile, qu’il importe de consulter dans ses art. 958 et suivants, et dans la loi du 2 juin 1841 qui n’exige qu’une seule affiche.

Aux termes de l’art. 83 du Code de Proc. la requête doit être communiquée au ministère public : toutes ces formalités nous montrent la défiance du législateur ; ce sont là autant de précautions contre toutes les fraudes qui auraient pour résultat d’amener sans nécessité la vente des immeubles dotaux.

Nous avons cinq cas à examiner dans cette exception. Le fonds dotal, aux termes de l’art. 1558, peut être aliéné :

Pour tirer de prison le mari ou la femme.

Ainsi une simple menace ne suffirait pas ; il faut que l’un d’eux soit en prison, peu importe que ce soit pour un crime ou pour des dettes civiles ou commerciales, la disposition de la loi est générale et ne fait pas de distinction. Mais aussi il n’est question que du mari ou de la femme ; dans ces circonstances, on comprend l’utilité de la vente des immeubles ; la liberté est le plus précieux de tous les biens, et les tribunaux ne doivent pas hésiter à donner l’autorisation, quand ils ne redoutent aucune fraude.

Si c’est le mari qui est en prison, il devra indemniser sa femme de la dépense qu’elle aura faite pour lui ; et s’il y a eu une fraude commise et qu’on démontre de la part de la femme qu’elle a été trompée par des billets faux, elle pourrait demander l’annulation de l’engagement.

Pour fournir des aliments à la famille dans les cas prévus par les art. 203, 205, 206.

Le but de cette exception est bien facile à comprendre, il y a longtemps que l’on a senti la vérité de cette maxime romaine : necare videtur qui alimenta denegat. Il faut bien préciser la signification du mot aliments, il s’entend même de la nourriture intellectuelle, de l’instruction si justement appelée le pain de l’esprit : la justice doit aussi autoriser la vente quand il s’agit de dettes alimentaires.

Pour payer les dettes de la femme ou de ceux qui ont constitué la dot, quand ces dettes ont date certaine antérieure au contrat de mariage.

 Quand il s’agit de dettes de la femme ayant date certaine antérieure au contrat de mariage, il est évident que les créanciers ne peuvent être arrêtés par l’inaliénabilité de la dot, car le mariage ne peut rendre meilleure la position de la femme : alors le mari peut demander à la justice la permission de vendre, pour éviter les frais considérables qu’entraîne une expropriation forcée.

Il en est de même pour les dettes de ceux qui ont constitué la dot. Les frais de vente des biens doivent être payés sur le prix des fonds dotaux, car ce sont des accessoires. Si, en se mariant, la femme s’est constitué tous ses biens en dot, il peut arriver que pour dettes postérieures des constituants, les créanciers réclament ; et alors on peut demander l’autorisation de vendre.

Nous voyons ici la volonté du législateur que les dettes aient date certaine antérieure au mariage pour l’application de notre exception : et c’est une sage disposition dont les motifs sont faciles à saisir : il ne faut pas que par une antidate on puisse se soustraire aux conséquences de l’inaliénabilité des fonds dotaux de la femme.

 Et quant aux moyens à employer pour prouver l’antériorité, il faut s’en référer aux preuves écrites dans l’art. 1410 de notre Code : et cela quand même les deux époux seraient d’accord pour affirmer que la dette est antérieure au mariage ; le législateur craint les fraudes, et c’est pour ce motif qu’il établit ces règles prudentes.

 Quant aux dettes commerciales, il en est autrement, car les juges pourraient recourir aux preuves énumérées dans l’art. 109 du Code de Commerce, en cas d’insuffisance des moyens indiqués dans l’art. 1410.

Pour faire de grosses réparations indispensables à la conservation des immeubles dotaux.

Dans ce cas on comprend encore la vente d’une partie des immeubles : la loi exige que les réparations soient indispensables, de la nature de celles sine quibus res periret. Si de grosses réparations ont eu lieu avant le mariage, les créanciers ont le droit de faire vendre ; si ces mêmes réparations ont lieu pendant la durée du mariage, il est prudent de la part des époux de faire constater la nécessité des réparations ; on est bien plus difficile quand il s’agit de simples améliorations, dans ce cas il faudrait une clause en ce sens au contrat de mariage, comme l’a décidé la jurisprudence.

 5° Quand l’immeuble est indivis et qu’il est reconnu impartageable.

Si ce sont des cohéritiers qui provoquent le partage, il n’est pas besoin de permission de justice, car, aux termes de l’art. 815, nul n’est tenu de rester dans l’indivision, le partage est forcé.

 Ce n’est que quand il s’agit de provoquer la licitation qu’il faut présenter requête au tribunal de la situation des biens. De ce paragraphe on a voulu tirer, en le combinant avec l’art. 883 et le mot aliéner, la conséquence que la licitation n’est pas un partage déclaratif de propriété, mais translatif ; c’est là une erreur à notre avis : la justice doit être éclairée, apprécier la nécessité de la licitation pour la conservation des droits de la femme.

L’excédent du prix de la vente reste dotal et il doit en être fait remploi pour la femme, et l’immeuble racheté sera inaliénable comme le précédent. Il y a là une subrogation prononcée par la loi. Si une femme achète un immeuble payé avec les deniers dotaux jusqu’à concurrence d’une certaine somme, et que le reste du prix soit paraphernal, alors, pour déterminer la portion dotale, il faut présenter requête au tribunal à l’effet de faire nommer des experts pour procéder à la division.

Quant à l’adjudication de l’immeuble indivis, examinons les cas qui peuvent se présenter :

1° c’est le mari qui se porte adjudicataire. Si c’est comme procurator de la femme, elle devient propriétaire ; s’il a agi pour lui-même, la femme doit avoir le choix qui est accordé par l’art. 1408 à la femme commune en biens entre le retrait de l’immeuble en rendant le mari indemne, et l’abandon de ce même immeuble avec le droit de reprise de la portion du prix correspondant à sa part dans l’indivision.

 2° c’est un étranger qui se porte adjudicataire. Le prix dû à la femme est dotal, l’art. 1558 nous le dit en ajoutant qu’emploi doit être fait à son profit.

 6° Autre exception à l’inaliénabilité du fonds dotal : De l’échange.

 Il peut se présenter des cas où l’échange peut être utile : aussi la loi l’a autorisé dans l’art. 1559. On peut donc demander à la justice l’autorisation à raison de la situation ou de la valeur ; il faut que l’immeuble à échanger soit de même valeur, ou du moins que la valeur soit des quatre cinquièmes de celle de l’immeuble donné en échange.

Les lois 26 et 27 D. De jure dotium n’exigeaient ni autorisation de justice ni expertise. Ces sages dispositions ont été ajoutées par les rédacteurs de notre Code ; ici, les experts doivent même être nommés d’office, et non choisis par les parties, par crainte d’un concert frauduleux.

Il y a après l’échange une subrogation légale expressément établie dans cet article, et l’excédent du prix doit être aussi dotal, en sorte que l’immeuble acheté avec la soulte payée en échange est subrogé à l’immeuble échangé.

Quand il y a éviction, la femme peut-elle faire l’option de l’art. 1705 ? Elle doit, croyons-nous, reprendre son immeuble dotal ; cependant elle pourrait demander des dommages-intérêts, mais alors la somme devrait être employée à acheter un immeuble qui serait ensuite frappé de dotalité.

Hors ces quatre cas d’exceptions prévus et cités par la loi, la femme et le mari ne peuvent faire que des aliénations nulles et de nul effet ; cependant, en dehors des dispositions de ce titre, il existe d’autres exceptions, que nous pouvons appeler des exceptions légales proprement dites.

Pour un engagement légal, la femme peut être forcée d’aliéner. L’art. 1370 nous dit que les engagements légaux sont ceux qui résultent de la toute-puissance de la loi, de son autorité souveraine.

Comme application de ces principes, nous citerons l’art. 682 sur le droit de passage ; — L’article 661, qui règle la mitoyenneté, et oblige un voisin à céder à l’autre la moitié de son mur : ces deux articles contiennent bien une aliénation du fonds dotal.

Un cas d’aliénation qui s’applique aussi dans notre espèce, c’est celui de l’art. 545, quand il s’agit de l’expropriation pour cause d’utilité publique, fondée sur ce grand principe éminemment juste que l’intérêt privé doit le céder à l’intérêt général : c’est là un engagement légal qui pèse sur tous les citoyens.

Une femme peut être expropriée de son fonds dotal, la preuve en est dans l’art. 13 de la loi du 3 mai 1841, qui nous dit que ces dispositions sont applicables aux immeubles dotaux. Du reste, dans ce cas, la vente à l’amiable serait valable, car on ne peut se soustraire à l’expropriation, et il n’est pas nécessaire que l’indemnité soit réglée par le jury : l’autorisation de la femme n’est pas demandée alors, elle serait inutile par le motif que nous avons établi plus haut.

Le fonds dotal est également obligé de supporter les servitudes légales d’utilité publique ; ces servitudes sont du ressort du droit administratif, et les principales sont les servitudes militaires, les servitudes de fouilles et d’occupation de terrains, marchepieds, chemin de halage, etc.

Les autres engagements, quasi-contrats, délits, quasi-délits obligent-ils le fonds dotal ? À cet égard il faut distinguer.

S’il s’agit d’un quasi-contrat, nous dirons que la femme n’est pas plus obligée que par un contrat, son engagement est donc nul en ce sens que l’exécution n’en peut être poursuivie que sur ses paraphernaux, si elle en a.

Quant aux délits et quasi-délits, la jurisprudence décide qu’il y a engagement. Et c’est justice : car le caractère d’inaliénabilité imprimé à la dot ne pouvait donner à la femme un brevet d’impunité ; les tiers lésés par elle ne sont pas en faute, ils ne pouvaient empêcher ces actes, il serait souverainement injuste qu’ils fussent victimes en présence d’immeubles dotaux considérables peut-être, sans obtenir aucune indemnité.

Toutefois ce droit de poursuite doit s’exercer en respectant l’usufruit légal du mari : les fautes sont personnelles et ne doivent frapper que ceux qui les commettent.

Il en est de même pour les quasi-délits. Cette jurisprudence qui décide que la femme est obligée par ses délits, a pourtant eu des adversaires. Avant le Code, Roussilhe, dans ses Commentaires sur la dot, était d’un avis opposé ; et, aujourd’hui encore, un arrêt a décidé qu’une femme qui se rend adjudicataire, ne paie pas, et est poursuivie pour folle-enchère, n’est pas tenue sur les fonds dotaux de la différence du prix de son enchère avec le prix inférieur, du moins s’il n’y a pas eu de fraude de sa part.

 Dans tous les autres cas, la femme, même commerçante, ne peut engager ses biens dotaux. Aussi la loi de 1850 est venue combler la lacune qui existait dans notre Code, relativement à la publicité à donner au contrat de mariage vis-à-vis des tiers. C’est à M. Valette que nous sommes redevables de cette sage disposition qui a été un bienfait pour la sécurité des transactions commerciales.

TROISIÈME PARTIE.

SANCTION DU PRINCIPE D’INALIÉNABILITÉ.

 Nous examinerons successivement trois cas relativement à cette importante question : 1er cas, l’aliénation émane du mari ; 2e cas, l’aliénation émane de la femme ; 3e cas, de la femme autorisée de son mari.

Dans tous les cas, il fallait, pour que le principe d’inaliénabilité ne fût pas une lettre morte, que le législateur apportât une sanction pour protéger les droits de la femme. Aussi décide-t-on dans l’art. 1560, que l’aliénation est révocable et que cette action en révocation peut être exercée par la femme et par le mari ; et que le mari est garant de l’éviction vis-à-vis de l’acheteur, s’il n’a pas déclaré dans l’acte la dotalité ; enfin que l’action en révocation n’est pas prescriptible tant que dure le mariage.

Nous allons étudier les trois cas indiqués plus haut, et appliquer à chacun d’eux ces dispositions.

1er Cas. — L’aliénation procède du mari seul.

Dans ce cas, on suit le droit commun établi par l’art. 1599, qui déclare nulle la vente de la chose d’autrui ; le mari n’est pas propriétaire, la vente a été consentie à non domino ; de là tous les effets des ventes de ce genre : l’acquéreur peut se refuser à payer le prix convenu.

La femme a dès lors, à notre avis, une action en revendication prescriptible par dix ou vingt ans vis-à-vis d’un acquéreur de bonne foi (art. 2295) ; par trente ans s’il a été de mauvaise foi (art. 2292). La nullité qui infecte cet acte est en effet absolue, nonobstant le texte de la loi, qui ne distingue pas, mais la logique et l’esprit de la loi amènent évidemment cette conséquence.

La femme a le droit d’exercer cette action, mais seulement à la dissolution du mariage ou après sa séparation de biens. Pendant le mariage, le mari seul peut agir comme investi des actions de sa femme, mais il ne peut exercer ce droit qu’avant la séparation de biens évidemment, puisque cette modification lui enlève ces actions pour les restituer à la femme.

 Ici, on a appliqué le principe contra non valentem agere non currit proescriptio : la prescription ne commence à courir qu’à partir de la dissolution du mariage. Quant aux dommages-intérêts que les tiers pourraient réclamer, nous avons une distinction à faire : si le mari a agi en qualité de donateur et qu’il ne se soit pas agi d’une donation causa dotis, le mari n’est pas tenu à la garantie de l’éviction. Que s’il a agi comme vendeur et qu’il n’ait pas déclaré la dotalité, il est évidemment soumis à la garantie, ce que décide, du reste, notre article.

2e Cas. — L’aliénation procède de la femme seule.

Ici, il y a deux causes de nullité : 1° l’incapacité de la femme mariée d’aliéner valablement (art. 215) ; 2° l’inaliénabilité du fonds dotal. Dans ce cas, l’action qui appartient à la femme est une action en nullité et non une action en revendication, car la vente a été consentie par le véritable propriétaire ; l’acheteur ne peut donc pas, comme dans le cas précédent, demander la nullité de la vente, car il est en faute de n’avoir pas connu l’incapacité de la femme.

Cette action se prescrit par dix ans, conformément à l’art. 1304, et après la dissolution du mariage, la femme peut ratifier ou annuler la vente qu’elle a consentie. Pendant le mariage, c’est le mari seul qui peut exercer cette action en nullité : après la dissolution du mariage ou après la séparation de biens, c’est la femme qui reprend l’exercice de ses actions.

Ici, le mari n’est pas tenu à garantie, puisqu’il n’a pas été partie au contrat ; la femme ne l’est pas non plus, autrement elle ne pourrait pas exercer son action révocatoire, ce qui serait aller contre le but de la loi. C’est à la dissolution du mariage que commence à courir la prescription de l’action.

 Quant à la question de savoir si la séparation de biens amène le même résultat, nous en traiterons en examinant l’art. 1561.

3e Cas. — L’aliénation procède de la femme autorisée de son mari.

Ici il n’y a plus qu’un seul vice, celui qui résulte de l’inaliénabilité de l’immeuble. Dans ce cas, l’action en nullité se prescrit encore par dix ans, conformément à l’art. 1304. La loi nous dit que la femme pourra faire révoquer : évidemment cette expression a été employée mal à propos par les rédacteurs du Code. Le vice qui infecte l’acte est, en effet, né avec l’acte lui-même, et il ne peut y avoir de révocation véritable que si l’acte a été valable ab initio, ce qui ne se rencontre pas dans notre hypothèse.

 Du reste, la nullité est relative : les créanciers ne peuvent pas demander la rescision de la vente. Une telle réclamation est souvent injuste, c’est à la conscience de la femme de s’expliquer : du reste pendant le mariage, elle ne peut ratifier l’aliénation, il y aurait toujours là son incapacité qui vicierait évidemment cette prétendue ratification. En droit romain, la femme avait la revendication ou l’hypothèque sur les biens du mari ; dans notre droit français, il faut décider que la femme peut aussi réclamer par la voie hypothécaire en validant l’aliénation.

La femme qui a vendu est-elle responsable du prix vis-à-vis de l’acquéreur ?

Oui, Quatenus locupletior facta est, mais l’acquéreur n’a pas la rétention jusqu’au paiement du prix.

Si la femme a des paraphernaux sera-t-elle obligée sur eux ?

La question est vivement controversée : quant à nous, nous préférons l’affirmative ; la femme dotale n’est pas incapable de s’obliger ; on peut ramener l’exécution de ses obligations sur ses paraphernaux.

Cette décision est contraire à celle de la Novelle 61 de Justinien ; — Si c’est le mari qui a aliéné, il peut, comme nous l’avons dit plus haut, demander lui-même la rescision de la vente contrairement à la fameuse maxime quem de evictione tenet actio, eumdem agentem repellit exceptio : C’est qu’ici il y a une raison grave à opposer à ce principe, c’est que la dot est destinée ad sustinenda onera matrimonii.

Le mari, dans le troisième cas que nous avons à examiner n’est pas tenu à la garantie de l’éviction ; qui auctor est non se obligat, il n’a fait qu’autoriser sa femme, il n’a pas été partie directe et principale au contrat.

Les héritiers de la femme, après la dissolution du mariage, peuvent invoquer le droit de rescision sans qu’on puisse opposer la prescription pendant le mariage. Si la dissolution du mariage a lieu par la mort de la femme et que le mari soit légataire universel, peut-il demander la révocation ? Ici, c’est la négative qui doit être soutenue, la règle quem de evictione tenet actio, eumdem agentem repellit exceptio reprend tout son empire.

QUATRIÈME PARTIE.

DE L’IMPRESCRIPTIBILITÉ DU FONDS DOTAL.

En droit romain, on décidait avec raison que l’imprescriptibilité était une conséquence forcée de l’inaliénabilité du fonds dotal ; si l’hypothèque est une aliénation lente, on peut en dire autant de la prescription. Aussi la loi 16 D. De fundo dotali décidait-elle que l’usucapion ne pouvait avoir lieu qu’après la dissolution du mariage, ou après que le mauvais état des affaires du mari amenait la restitution de la dot.

Notre ancien droit coutumier faisait courir la prescription non pas seulement après la dissolution du mariage, mais même à partir de la séparation de biens, tout en maintenant l’inaliénabilité jusqu’à la dissolution du mariage.

Nos législateurs ont suivi ce système : il faut remarquer qu’ici encore il n’est question dans notre art. 1561 que des immeubles dotaux ; par conséquent, les meubles sont prescriptibles. — Pour la dot immobilière, s’il y a une clause au contrat qui la déclare aliénable, elle sera également prescriptible, d’après la nouvelle rédaction, sur l’avis du Tribunat, qui réclamait avec raison que la prescription fût toujours liée à l’aliénation du fonds dotal.

 Si, au contraire, le contrat de mariage est muet sur ce point, alors la conséquence nécessaire est que la prescription ne court pas pendant la durée du mariage. Toutefois, une prescription commencée avant le mariage continuerait de courir ensuite : et cela par ce motif que la prescription remonte, quant à ses effets, au jour où la possession a commencé.

 Mais le motif le plus raisonnable est que le législateur a considéré le mariage comme un fait complétement étranger aux tiers et qui ne devait leur porter préjudice en rien, conformément à la règle res inter alios acta alteri neque nocere, neque prodesse potest.

La prescription commence à courir après la séparation de biens, quoique même à ce moment l’immeuble dotal soit encore inaliénable.

Quelle est la raison de cette différence ?

C’est que la prescription n’a pas lieu d’un seul coup, il faut un long délai pour qu’elle s’accomplisse, et la femme qui par sa séparation a obtenu la libre administration de ses biens a le temps de réfléchir, elle ne s’y prêtera pas aussi facilement qu’à une vente, on concevrait difficilement que la femme se laissât surprendre ainsi.

Une grave difficulté s’élève sur cet art. combiné avec l’art. 1560 sur la révocation de l’aliénation du bien de la femme même séparée de biens. Mais cette complication est très facile à comprendre : Dans l’art. 1560 il s’agit de l’aliénation du fonds dotal consentie par le mari ou la femme et l’art. 2255 empêche la prescription de courir ; il en est de même, aux termes de l’art. 2256 2°, toutes les fois que l’action de la femme réfléchirait contre le mari.

Quand il s’agit d’un fonds dotal aliéné a non domino on n’est plus dans l’hypothèse de l’art. 1560 et alors on comprend qu’après la séparation de biens la prescription peut courir : ainsi, pas de contradictions dans ces articles, car ils règlent des hypothèses différentes.

L’art. 1562 nous dit que le mari est responsable de ses fautes : à Rome, où il était dominus dotis, le mari était tenu de la faute grave examinée in concreto ; chez nous, il est tenu de la faute de l’usufruitier, de la faute légère examinée in concreto, et non in abstracto.

SECTION III.

DE LA RESTITUTION DE LA DOT.

Pour plus de clarté, nous diviserons cette section en trois parties : la première traitera de la question de savoir à qui, à quel moment, de quelle manière la dot doit être restituée ; la seconde nous montrera les garanties accordées à la femme ; la troisième aura trait aux comptes qui se débattent entre la femme et le mari.

PREMIÈRE PARTIE.

 À QUI, QUAND ET COMMENT LA DOT DOIT-ELLE ÊTRE RESTITUÉE ?

Soluto matrimonio solvi mulieri dos debet, disent les lois romaines au titre du D. de Soluto matrimonio quemadmodum dos petatur. La restitution de la dot incombe au mari ou à ses héritiers. Il y a deux cas particuliers :

1° le retour légal de l’art. 747 ;

2° la clause par laquelle celui qui a constitué la dot a stipulé le retour conventionnel en cas de mort de la femme sans enfants, où la dot ne doit pas être restituée à la femme ou à ses héritiers : mais en thèse générale, c’est à ces deux catégories de personnes que doit être faite cette restitution par laquelle la loi a voulu protéger les droits de la famille, et non, comme chez le législateur de la loi Julia, favoriser la femme ut facilius nubere possit.

Notre législation voit au contraire avec défaveur les seconds mariages, suivant en cela les doctrines du catholicisme, de là cette disposition : la dot doit être restituée à la femme ou à ses héritiers.

Quelquefois la dot est payée au père du mari qui s’en charge ; dans ce cas c’est lui qui doit restituer, mais le mari en est toujours tenu néanmoins.

Quand c’est par la mort du mari ou par la séparation de biens qu’arrive la demande en restitution, c’est alors à la femme à exercer elle-même son action, et alors elle s’adressera à son mari ou à ses héritiers.

Quand et comment la dot doit-elle être restituée ?

Sur ce point, voyons la doctrine du droit romain. À Rome, les règles ont varié sur ce point. Avant Justinien, l’obligation de restituer était pure et simple quand elle portait sur des corps certains ; pour les choses mobilières fongibles, on suivait la distinction d’Ulpien, et la restitution se faisait en trois termes, una, bima, trima die.

Mais à l’époque de Justinien, on ne fait plus la distinction entre les corps certains et les choses fongibles ; on se base sur une autre distinction ; si le mari doit des fonds dotaux, il les restituera sans délai ; si ce sont des meubles, il aura un an pour les restituer, c’est ce que décide la loi unique au C. De Rei uxoriae actione.

Quelle est maintenant la solution du Code sur ce point ?

C’est un mélange des deux théories de la législation romaine. L’art. 1565 décide que pour l’argent le mari aura un an, mais pour les autres choses mobilières on suit la distinction établie par Ulpien. Le paiement s’en fait en trois termes.

Cette disposition s’étend à la séparation de corps ; quant à la séparation de biens, le délai d’un an ne doit pas être accordé au mari ; du reste, l’art. 1443 et ceux auxquels renvoie le Code, décident que la femme doit la faire juger dans un court délai.

Si le mari est tombé en faillite, il perd le bénéfice du terme, la femme peut réclamer immédiatement ; il en est de même dans le cas où le mari aurait légué la dot à sa femme.

Si un meuble s’est brisé, et qu’on en ait acheté un nouveau, la femme n’en devient pas propriétaire à la place de l’autre.

Si la femme a apporté des linges et hardes, elle a le droit de les reprendre ; s’ils ont été estimés au contrat, cela constitue une reprise pour la femme : si, à la dissolution du mariage, ces linges et hardes sont d’une valeur supérieure à l’estimation, le mari n’aura rien à réclamer. Si au contrat on a déclaré que l’estimation ne vaut pas vente, le mari n’en est pas devenu propriétaire et si les hardes valent moins à la restitution, la femme n’a rien à réclamer.

La dot de la femme pourrait consister en obligations, créances, rentes : ordinairement ces créances ne deviennent la propriété du mari que par une estimation. L’art. 1567 rend le mari responsable des prescriptions et autres pertes survenues par sa faute.

Si la dot consiste en un usufruit : l’usufruit est un être moral, distinct des fruits ; si donc on a constitué en dot un tel bien, le mari et ses héritiers ne doivent pas restituer les fruits ; c’est ce que décide la loi 7, § 2 au D. de jure dotium. Si une rente viagère est due à la femme, les arrérages perçus pendant le mariage ne seront pas non plus restitués.

Quand des tiers ont constitué la dot, le mari est présumé l’avoir reçue après dix ans écoulés depuis l’échéance. Cette décision a sa source dans la Novelle 100 de Justinien. Elle a été édictée par la faveur du mariage, il y a là une présomption légale juris tantum. Après dix ans depuis le terme désigné pour l’échéance de la dot, la loi suppose que le mari l’a reçue, à moins qu’il ne justifie du contraire.

S’il y a plusieurs termes d’échéance fixés, la femme réclamant sa dot après dix ans, comment calculer ?

Il faut compter séparément pour chaque portion à partir du terme. Mais l’art. 1569 ne s’applique pas au cas où c’est la femme elle-même qui s’est constituée sa dot ; quant au mot de diligences employé dans notre art., il a été préféré au mot poursuites, afin de laisser aux magistrats un certain pouvoir d’appréciation ; ce sera là une question de fait à résoudre selon les circonstances, et la décision des tribunaux sur ce point échappera à la censure de la Cour de cassation.

La femme a l’option après le prédécès du mari entre une demande d’aliments pour l’an de deuil, et une réclamation de ses intérêts. Dans tous les cas elle a l’habitation et les vêtements pendant l’an de deuil : in domo mariti mulier lugere debet.

Si elle n’a pas de dot, on a décidé que pendant un an elle aura droit à des aliments : cette décision est juste, elle était consacrée par l’ancienne jurisprudence ; les mots son habitation doivent s’interpréter par l’article 632 au titre de l’usufruit, usage et habitation.

La femme dotale est traitée plus favorablement que la femme commune ; celle-ci, en effet, n’a droit à l’habitation et à la nourriture que pendant les trois mois et quarante jours qu’elle a pour faire inventaire et délibérer.

Sous le régime dotal, tous les fruits s’acquièrent jour par jour, pour ainsi dire ; quant aux fruits de la dernière année absolument comme si tous étaient des fruits civils. La loi 5 au D. soluto matrimonio faisait partir la dernière année du jour où la délivrance de la dot avait été faite ; cette loi ne peut plus être suivie aujourd’hui, car le calcul se fait maintenant en prenant pour point de départ le jour de la célébration du mariage.

Le motif de l’art. 1571 est tiré de ce que les fruits de la dot sont destinés à supporter les charges du mariage ; ce régime sépare les intérêts des époux : le mari n’a que la jouissance des fonds dotaux pour faire face aux dépenses du ménage.

Les frais d’ensemencement et de récolte doivent être déduits du compte. Si le fonds dotal contient des usines, des forges, des mines, les perceptions peuvent être plus fortes dans certains mois de l’année ; dans ce cas, il faut laisser écouler l’année entière, et faire la moyenne : c’était la solution de la loi 7, D. soluto matrimonio.

Si des carrières ou mines ont été ouvertes pendant le mariage sur les biens de la femme, ce ne sont pas là des fruits, mais des produits ; alors le mari doit une indemnité à sa femme.

Des coupes de bois ne se font qu’à des époques périodiques, les pêches des étangs ne se font pas chaque année : ici il faut décider que ces produits devront se répartir à proportion de la jouissance pendant le mariage.

Pour les fruits des meubles, on doit appliquer l’art. 1571, la loi romaine décidait ainsi la question.

Nous trouvons dans l’art. 1573 une disposition exceptionnelle au régime dotal : c’est un cas dans lequel la femme n’est pas obligée de rapporter le bien donné à la succession du donateur. Si un père, par exemple, a donné sa fille à un homme notoirement insolvable ou qui n’avait aucune profession, alors il y a là une grande imprudence commise par le père, c’est lui qui doit en supporter les conséquences : la fille ne devra à la succession que l’action qu’elle a à exercer contre son mari.

 Il est bien entendu qu’en dehors du texte on rentre dans le droit commun, en vertu de la règle exceptiones stricti juris sunt.

DEUXIÈME PARTIE.

 GARANTIES ACCORDÉES À LA FEMME POUR LA RESTITUTION DE SA DOT.

La femme dotale a une triple garantie pour la restitution de sa dot :

1° la responsabilité du mari, aux termes de l’art. 1562 ;

2° l’hypothèque légale sur les biens de son mari, pour sûreté de ses reprises et conventions matrimoniales ;

3° enfin le remède de la séparation de biens, quand la dot est en péril.

 Occupons-nous en premier lieu de la responsabilité du mari. Cette responsabilité est établie dans l’art. 1562, elle est une conséquence évidente de sa position comme administrateur usufruitier des biens dotaux de la femme ; c’est là une application de la maxime d’équité quem sequuntur commoda eumdem sequi debent incommoda.

Le mari est tenu des réparations d’entretien qui sont une charge des fruits ; il doit payer les contributions, autre charge des revenus et faire même les grosses réparations, toutefois pour celles-ci il a droit à récompense, à moins qu’elles ne résultent du défaut d’entretien, cas dans lequel c’est lui qui est responsable.

Il est également responsable, nous dit l’art. 1562, des prescriptions qu’il laisse acquérir ; toutefois les tribunaux peuvent apprécier les circonstances, et s’il ne reste que quelques jours pour que la prescription s’accomplisse après le mariage, on devra suivre la règle du D., loi 16, de fundo dotali, c’est là une question de fait à décider selon ce qui se passe.

Le mari doit veiller au fonds dotal, c’est ce que décidait la loi 17, D., de jure dotium ; en sa qualité d’usufruitier, il doit jouir en bon père de famille aux termes de l’art. 601.

La seconde garantie est l’hypothèque légale que l’art. 2121 accorde aux femmes mariées sur les biens de leurs maris ; nous devons signaler ici une différence entre notre Code et les dispositions des lois romaines.

Justinien avait accordé aux femmes des droits exorbitants et injustes vis-à-vis des créanciers du mari, en leur donnant une hypothèque privilégiée qui primait les créanciers antérieurs au mariage ; la faveur du mariage ne pouvait justifier cette disposition, aussi notre Code s’est-il empressé de rejeter cette solution, et pour l’abroger l’art. 1572 décide que la femme et ses héritiers n’ont point de privilège pour la répétition de la dot sur les créanciers antérieurs à elle en hypothèque.

Aussi l’hypothèque de la femme vient à son rang comme celle des créanciers ordinaires.

La dernière garantie dont nous ayons à traiter est la séparation des biens que la femme peut demander aux termes de l’art. 1563, si la dot est mise en péril.

 Le législateur s’est servi du mot séparation évidemment à tort ; car la séparation ne peut arriver qu’après une communauté, et il est évident que sous le régime dotal nous ne rencontrons rien de semblable, du moins si l’on n’a pas stipulé de société d’acquêts.

Il semble difficile d’abord de comprendre que la dot puisse être mise en péril. Cependant si la dot est mobilière, le mari peut la dissiper, et, si elle est immobilière, il peut l’amoindrir et la dégrader en faisant des coupes de bois insolites, et l’hypothèque légale dans ces circonstances ne serait pas toujours une sûre garantie pour la femme.

Du reste, quant aux formes à suivre, il faut se reporter aux art. 1443 et suivants. — Par suite de la séparation, la femme reprend l’administration et la jouissance de ses biens dotaux, ainsi que l’exercice des actions qui s’y réfèrent. Par suite, le mari perd sa qualité d’usufruitier ; mais les immeubles sont toujours inaliénables ; car, après comme avant la séparation, ces biens sont toujours destinés ad sustinenda onera matrimonii.

Du reste, sous ce régime comme sous celui de la communauté, la femme peut renoncer à la séparation de biens.

TROISIÈME PARTIE.

 DES COMPTES ENTRE LE MARI ET LA FEMME À LA DISSOLUTION DU MARIAGE.

Le mari, en sa qualité d’administrateur, peut, nous l’avons vu, être débiteur vis-à-vis de la femme, car il est responsable de sa gestion, et, par suite, tenu des détériorations causées par sa négligence.

Toutefois, il peut être créancier de sa femme pour diverses causes : si, par exemple, il a amélioré les biens, quels seront ses droits ?

En droit romain, le mari pouvait retenir le fonds dotal jusqu’au paiement des impenses, perinde ac si fundus non fuisset dotalis. Quand le mari avait restitué sans être remboursé, son droit de rétention était désormais éteint, mais alors il avait une condictio ; il n’avait pas l’action mandati ni l’action negotiorum gestorum, car il était dominus dotis ; Pothier le fait observer dans ses Pandectes.

Pour les impenses utiles, le mari n’avait pas le droit de rétention ni aucune action pour réclamer la plus-value. Loi 8, D. De impensis. — Quand elles étaient excessives, elles étaient considérées comme voluptuaires : dans ce cas, il n’avait que le droit d’enlever ce qui pouvait l’être sans détérioration.

Sous Justinien, le droit de propriété était bien changé, le mari n’était plus que subtilitatis causa dominus, c’était la femme qui avait le dominium naturale. Les impenses nécessaires minuunt dotem, on suit ici la même règle que dans l’ancien droit romain : il n’y a plus de rétention pour le remboursement des dépenses utiles.

Justinien accorde au mari une action mandati pour la plus-value des impenses utiles, si la femme a consenti ; l’action negotiorum gestorum dans le cas contraire. Pour les impenses excessives, s’il n’y a que des biens dotaux, la femme n’en est pas tenue. Ces principes ont été suivis dans les pays de droit écrit : le droit de rétention n’existait pas, comme nous le disent Doneau, Fabre (Code De Rei uxoriae actione) et Rousseau-Lacombe dans ses Commentaires.

Aujourd’hui, dans notre droit français, le mari ne doit pas faire de dépenses excessives, car alors il sort des bornes de son mandat légal. La femme satisfait aux exigences de la loi en permettant au mari d’enlever ce qui peut l’être sans détérioration. Si la plus-value est considérable, les créanciers du mari ont le droit de se faire payer sur cette plus-value.

SECTION IV.

DES BIENS PARAPHERNAUX.

La théorie de la paraphernalité a été, de même que celle des hypothèques, empruntée à la législation grecque. Les Romains l’adoptèrent et suivirent ses dispositions relativement à l’administration des biens, sur lesquels le mari n’avait pas de droit ; c’est ce que décide la loi 9 au D. De jure dotium.

Quand elle n’a que des paraphernaux, la femme sous le régime dotal est dans la même situation que la femme séparée de biens. Ici, nous ne trouvons plus cette grande règle de l’inaliénabilité qui ne s’applique qu’aux biens dotaux ; les législateurs de notre Code ont reproduit la théorie romaine continuée dans les pays de droit écrit. Par conséquent, nous allons trouver ici le mari considéré comme un étranger vis-à-vis de ces biens, et nous étudierons quels sont les droits de la femme.

En droit romain, la femme avait un droit absolu sur ses paraphernaux ; mais aujourd’hui la puissance maritale est venue faire contrepoids à cette décision si contraire à la situation que doit avoir la femme vis-à-vis de son mari.

Nous dirons donc que les droits de cette femme ressemblent à ceux de la femme séparée de biens, l’un des régimes est de droit écrit, l’autre de droit coutumier. Il y a cependant des différences entre eux.

La femme sous ce régime doit-elle contribuer aux charges du mariage dans la même proportion que la femme séparée ?

L’affirmative est décidée par les textes du Code qui disent qu’à défaut de convention elle devra y contribuer jusqu’à concurrence du tiers de ses revenus : c’est une pension que la femme paie au mari. On pourrait stipuler au contrat que la femme n’aura rien à payer pour les charges du ménage.

La femme a l’administration et la jouissance des biens paraphernaux ; elle peut les affermer, disposer de ses récoltes, recevoir les arrérages des rentes, donner quittance des capitaux, consentir les radiations d’inscriptions hypothécaires, placer ses capitaux, vendre les meubles qui dépérissent.

Elle peut s’obliger sur ses paraphernaux dans les limites d’une administration ordinaire, mais elle ne peut ni aliéner, ni ester en jugement sans l’autorisation de son mari ; c’est là une différence avec l’ancien droit : l’art. 217 s’oppose à ces principes, c’est là un statut personnel, de capacité, qui saisit les personnes, même celles qui sont mariées sous l’empire des anciennes lois.

La femme peut donner sa procuration à un étranger pour l’administration de ses paraphernaux, a fortiori, faut-il décider qu’elle peut la donner à son mari. Dans ce cas, celui-ci est constitué mandataire vis-à-vis de sa femme : il est en cette qualité soumis aux mêmes obligations qu’un mandataire ordinaire, obligé de rendre compte des fruits, de ceux encore existant et même de ceux qui ont été consommés.

S’il jouit sans mandat, mais sans que la femme s’oppose à cette jouissance, le mari est alors mandataire tacitement ; dans ce cas, il ne doit rendre compte que des fruits encore existants au moment où la femme s’oppose à ce qu’il continue de jouir de ses biens.

Si le mari profite de son influence sur sa femme pour jouir de ses biens paraphernaux malgré son opposition bien constatée, il est traité comme un possesseur de mauvaise foi ; et en cette qualité est responsable de tous les fruits, même de ceux qui ont été consommés.

Quant à ce qu’il faut entendre par opposition constatée ; une poursuite judiciaire n’est pas indispensable ; c’est là une question de fait qui doit être décidée selon les circonstances. L’art. 1580 impose au mari jouissant des paraphernaux toutes les obligations de l’usufruitier, il suffit donc de se reporter à ce que nous avons déjà dit plus haut sur ce point.

DE LA SOCIÉTÉ D’ACQUETS.

Le régime dotal est le régime conservateur par excellence : son défaut est de séparer les intérêts de la femme de ceux du mari, par suite de ne pas exciter la femme à l’économie et aux soins du ménage. Une société d’acquêts mêlée à ce régime ne peut donc qu’exercer une heureuse influence pour tempérer les vices de ces dispositions ; aussi les pays de droit écrit avaient depuis longtemps admis cette communauté mêlée au régime dotal lorsque paru le Code, qui, dans son art. 1561, a conservé cette sage législation.

Quant à tout ce qui se réfère à cette société, le Code renvoie à la communauté réduite aux acquêts ; ce sont là des règles qui sont du domaine de communauté, et par conséquent nous n’avons pas à nous en occuper ici.

POSITIONS.

I. Le mari peut-il, sans le concours de sa femme, provoquer une action en partage de biens dotaux indivis, et y répondre. — Non.

II. Lorsqu’une femme s’est constitué en dot tous ses biens présents et à venir, un tiers peut-il plus tard lui faire une libéralité sous la condition que le bien donné sera paraphernal ? — Oui.

III. Quid de la dot mobilière ? — Elle est inaliénable.

IV. La faculté d’aliéner emporte-t-elle celle d’hypothéquer ? — Non.

V. Le trésor trouvé par le mari dans le fonds dotal devient-il sa propriété ? — Distinguo.

VI. La femme qui a vendu son immeuble dotal est-elle tenue sur ses biens paraphernaux de la garantie qu’elle a promise ? — Oui.

VII. Après la séparation de biens, la femme peut-elle aliéner sa dot ? — Non.

VIII. L’action en révocation de la vente qui appartient à la femme d’après l’art. 1560 peut-elle être exercée par ses créanciers ? — Non.

IX. Quand il y a une société d’acquêts, le mari dotal acquiert-il sur les paraphernaux le droit d’administration ? — Oui.

X. En adoptant le régime de communauté, peut-on stipuler l’inaliénabilité des propres de la femme sans adopter en même temps le régime dotal ? — Non.

XI. Le régime mixte de dotalité et de séparation de biens peut-il être stipulé dans un contrat de mariage ? — Non.

XII. La femme dotale peut-elle faire une institution contractuelle en faveur d’un tiers ? — Non.

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