En 1863, la Société d’économie politique s’occupe, après avoir validé une élection interne, du sujet controversé de la colonisation en Algérie. Le point de vue adopté est assez consensuel, il s’agit du régime de la propriété, où les libéraux peuvent élaborer leurs idées dans un cadre assez commun. La discussion, cependant, ne sera jamais publiée. Le Journal des économistes du même mois invoque un manque de place, rejette la discussion au mois suivant, et finalement n’y reviendra jamais. De toute évidence, la discussion ne fut pas plaisante, et il fut jugé que sa publication et une publicité donnée à certaines idées était à éviter.
Élection de M. Pellat comme vice-président et de M. Léon Say comme trésorier ; Du meilleur mode de constituer la propriété en Algérie.
Société d’économie politique, 5 avril 1863.
(Annales de la Société d’économie politique.)
M. Hipp. Passy, membre de l’Institut, a présidé cette réunion, à laquelle avaient été invités M. Cekanowetski, professeur d’économie politique à l’Université de Kiew (Russie) ; M. Borély de la Sapie, membre du conseil général d’Alger ; M. le docteur A. Warnier, membre de la Commission scientifique d’Algérie, ancien membre du conseil du gouvernement d’Alger, tous deux délégués de l’Algérie ; M. Auguste Cochin, ancien maire du septième arrondissement de Paris ; M. J. Delbruck, rédacteur en chef de la Revue naturelle, et à laquelle assistaient, en qualité de membres récemment admis par le bureau à faire partie de la Société : M. Cavalier, inspecteur des études à l’École impériale des ponts et chaussées ; M. Garbouleau, avocat à Montpellier ; M. Louis Passy ; M. Thierry-Mieg, négociant. On remarquait aussi parmi les assistants le comte André Zamoyski, président de la Société d’agriculture de Varsovie, et le comte Auguste Cieszkowski, député du duché de Posen à la diète de Prusse, un des plus anciens membres de la Société.
Le secrétaire perpétuel a présenté les ouvrages suivants :
Le Système protecteur nuit aux industries qu’il veut protéger (brochure in-8°, en espagnol). Discours prononcé à l’Athénée de Madrid, par M. Félix de Bona, un des plus fervents membres de l’Association douanière d’Espagne.
Pratique et distribution d’eau (in-4°, avec carte. Dunod, 1863). Les Eaux de Lyon et de Paris ; description des travaux (in-4°, avec un atlas de 22 planches. Dunod, 1862). M. Aristide Dumont, membre de la Société, ingénieur des ponts et chaussées, est auteur du projet adopté à Lyon. Bien que le sujet traité dans ces ouvrages soit spécial et technique, il présente une grande importance économique ; car, ainsi que l’établit l’auteur, la meilleure organisation des villes modernes peut éloigner pour les sociétés de l’avenir un des écueils contre lesquels sont venues échouer les sociétés antiques, savoir : l’appauvrissement successif et inévitable du sol.
Le même membre, qui remplit d’importantes fonctions auprès du prince Couza, membre honoraire de la Société d’économie politique, celles d’inspecteur général des travaux publics de la Roumanie, offre encore une carte qui présente le plus vif intérêt, une Carte d’ensemble d’un projet de chemin de fer de Paris à Constantinople par Vienne et la Roumanie, avec indication du réseau roumain. M. A. Dumont a étudié en grande partie cette ligne, dont l’exécution intéresse l’Europe entière, et spécialement les réseaux allemand et français, car elle ouvrirait en tout temps l’immense marché de la mer Noire, et pourrait contribuer à la solution politique de la question d’Orient par la satisfaction des intérêtséconomiques.
Les troisième et quatrième livraisons du Dictionnaire général de la politique, dirigé par M. Maurice Block, qui, fidèle à sa qualité d’économiste, continue à faire une large place à l’économie politique, sans laquelle il n’y a pas de bonne politique.
Le même offre plusieurs exemplaires de son article Impôts, dans l’Encyclopédie pratique de l’agriculture, que publie la maison Didot. L’auteur traite spécialement des impôtsà la charge de l’agriculture en France et dans les pays étrangers. M. Block offre encore, de la part de sir John Acton, membre du Parlement, un numéro de la Home and foreign Review, nouvelle revue trimestrielle, la seule grande revue catholique qui soit publiée en Angleterre. Bien que cette revue n’existe que depuis un an, elle s’est déjà fait une place dans le monde littéraire. Le numéro 4 (in-8°. Williams and Norgate, 14, Henrietta street), que nous avons sous les yeux, contient deux intéressants articles d’économie politique : l’un sur l’amodiation du sol en Irlande, l’autre sur les finances de l’empire français.
De l’usurpation des titres commerciaux (brochure in-8°, Paris, Cournol, 1863), par M. Arthur Mangin. L’auteur signale dans cette brochure l’abus qui est fait des dénominations générales qui sont accaparées par des intérêts infiniment restreints, de manière à tromper la bonne foi du public. Des pièces justificatives ont été recueillies par l’auteur, car la question est engagée dans le Sénat par voie de pétition, et devant les tribunaux par des procès.
Après ces présentations, M. Joseph Garnier porte à la connaissance de la réunion une intéressante lettre, publiée par M. Bénard dans l’Avenir commercial. Dans cette lettre, le vicomte L. de Dreuille, ancien inspecteur des finances et membre de l’Association pour la réforme commerciale, écrit à cette Association, qui ne donne plus grand signe de vie, qu’un bon but d’activité et un bon moyen de propagande consisteraient à répandre les traités d’économie politique, aussi clairs et aussi peu dogmatiques que possible, parce que la science économique porte en elle-même la réfutation de toutes les utopies, et que sa diffusion serait une véritable vaccine morale. Il signale, entre tous les écrivains, F. Bastiat, qui se distingue par une clarté qu’aucun autre n’a dépassée. L’auteur de la lettre pense qu’on devrait faire un fonds commun, qui serait employé à l’achat de volumes qui seraient ensuite remis à l’administration de l’instruction publique, chargée d’organiser les bibliothèques communales. M. de Dreuille s’inscrirait dans une pareille souscription pour une somme de 2 000 francs.
Après ces diverses communications, il est procédé à l’élection d’un nouveau vice-président, qui, avec le trésorier, complétera le nombre des dix membres du bureau, conformément au vœu que la Société a exprimé dans les réunions précédentes.
Le président annonce que, pour les fonctions de trésorier, le bureau a fixé son choix sur M. Léon Say, qui veut bien les accepter. Il lit ensuite la liste des candidats proposés par le bureau au choix de la réunion, liste qui n’exclut aucune autre présentation. Ces candidats sont, par ordre alphabétique : M. Dupuit, inspecteur divisionnaire des ponts et chaussées ; M. F. Esq. de Parieu, membre de l’Académie des sciences morales et politiques (section de politique, administration, finances), vice-président du conseil d’État ; M. Pellat, doyen de l’École de droit de Paris. Le bureau a choisi parmi les membres les plus anciens, les plus notables, et parmi ceux qui s’intéressent le plus à la science économique.
Aucune autre adjonction sur la liste n’est demandée, et la parole n’est point accordée, conformément à l’usage, à un membre qui la demande pour la discussion des titres des candidats.
Le secrétaire perpétuel communique, de la part de M. Guillaumin absent, un billet de M. de Parieu, ainsi conçu : « Remerciez, je vous prie, le bureau de l’honneur qu’il m’a fait en me présentant aux suffrages de mes collègues pour la présidence. Je suis, à mon grand regret, si peu assidu aux séances, par suite de diverses causes, que je suis porté à regarder mes honorables collègues présentés avec moi comme beaucoup plus aptes que moi aux fonctions de la vice-présidence.»
Il est procédé au scrutin. Le dépouillement fait par le président, assisté du secrétaire perpétuel, donne les résultats suivants :
M. Pellat, 30 voix ; M. Dupuit, 12 ; M. de Parieu, 10 ; M. Magne, 1 ; M. Laboulaye, 1 ; billets blancs, 2.
En conséquence, M. Pellat est proclamé vice-président de la Société d’économie politique, pour prendre rang dans le bureau après M. Vée, récemment élu.
Après l’élection et à l’occasion de la présence dans la réunion de quelques personnes connaissant à fond les intérêts algériens, l’attention de la réunion se fixe sur deux questions du programme : l’une, formulée par M. Joseph Garnier, en ces termes : « Du meilleur mode de constituer la propriété en Algérie » ; l’autre, formulée par M. Jules Duval, en ces termes : « Le cantonnement des Arabes, en Algérie, est-il moralement licite ? En thèse générale, quels sont les droits d’un peuple conquérant ou découvreur sur les territoires conquis ou découverts ?»
M. Joseph Garnier cède la parole à M. Jules Duval pour faire un exposé général, qui est suivi de diverses communications sur la propriété en Algérie et la situation des races arabe et kabyle, ainsi que des colons européens, par M. Hippolyte Peut, qui s’est longtemps occupé des questions de l’Algérie ; par M. Borély de la Sapie, ancien maire de Boufarik, chef d’une importante exploitation agricole, membre du conseil général de l’Algérie ; par le docteur Warnier, ancien envoyé du gouvernement auprès d’Abd-el-Kader, membre de la commission scientifique de l’Algérie, ancien membre des conseils du gouvernement d’Alger. MM. Jules Duval, Warnier, Borély de la Sapie, font partie de la commission des délégués qui sont venus à Paris représenter les colons à l’occasion de la lettre de l’empereur, des pétitions au Sénat et du projet de sénatus-consulte sur la constitution de la propriété en Algérie[1].
Dans le Journal des économistes, en 1863, la discussion fut évitée avec les mots suivants :
« Nous reproduirons, s’il y a encore lieu, dans un autre numéro, cette discussion que le défaut de place nous empêche d’insérer aujourd’hui. (Voir plus haut un article de M. Jules Duval sur cette question.) »
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