On entend parfois dire que le monde du temps de Frédéric Bastiat était « simple » et que sa pensée n’est plus adaptée à notre monde « complexe ». En toute illogique les mêmes confient la gestion de ce monde complexe à une poignée d’individus. A charge pour eux de réglementer les milliards d’interactions entre les gens. Notre monde n’est complexe que parce qu’une multitude de lois et règlements, aussi arbitraires qu’inutiles, l’ont complexifié. C’est la « bureaucratie dévorante » dont parle Bastiat. Cette complexité artificielle sert les politiciens, ils peuvent arguer de leur pseudo expertise et paraître indispensables.
Ce n’est pas la technologie qui fait la complexité, ce sont les règlements. Il est probablement plus simple de conduire une voiture que de monter à cheval. La complexité d’un appareil photo se résume toujours, pour l’utilisateur, à appuyer sur un bouton. Une addition à plusieurs chiffres est toujours une addition. Quant à la complexité de la finance, de la cavalerie reste de la cavalerie, qu’elle soit pratiquée par l’escroc du coin, une institution publique ou un grand financier international. Chaque individu ne maîtrise, plus ou moins, que ce qui le concerne ou lui est proche directement, qu’il soit bushman ou trader dans une multinationale à Hong Kong. Au XIX siècle comme aujourd’hui il n’existe qu’un seul outil capable de maîtriser instantanément l’infinité des relations humaines les plus complexes, c’est le marché.
Bastiat met en évidence des principes universels et éternels. Les fondamentaux de l’Humanité sont toujours les mêmes au XIX° siècle comme aujourd’hui. Ce sont pour l’Homme : les Droits naturels préexistent, l’intérêt personnel est le moteur des actions humaines. Ce sont pour la société humaine : les services s’échangent contre des services, la valeur vient de l’échange libre, les organisations naturelles sont supérieures aux organisations artificielles. Ces principes sont consubstantiels de la nature humaine et indépendants du temps qui passe.
Prenons son pamphlet « La Loi ». Son objet principal est de dénoncer la perversion de la Loi par les « publicistes » (On dirait aujourd’hui les « politiciens »), et de l’intérêt pour la société de recentrer la loi sur son objet essentiel : la Justice. La Justice s’entend ici par : rendre à chacun le sien, tout en respectant l’intégralité des droits d’autrui. La Justice est donc positive parce qu’elle ne fait grief à personne, au contraire.
Les individus ont des Droits naturels qui préexistent à la loi : la Propriété, la Liberté, la Personne. Le rôle de la Loi doit uniquement être de préserver les Droits naturels de l’individu. La loi c’est la Justice. Par conséquent l’État doit être limité. Nous dirions aujourd’hui que Bastiat est un adepte de l’État minimum.
Celui-ci ne peut en aucun cas porter atteinte aux Droits naturels, il doit au contraire les garantir. Il assure la Sécurité, intérieure et extérieure, et la Justice. Il est fort et efficace dans son domaine. Il rend très bien le service que les individus peuvent attendre de lui, sans nuire à autrui. La loi ne peut sortir de ce rôle très strict car elle devient alors un instrument de spoliation des uns au profit des autres. La Loi est pervertie et se comporte en instrument d’injustice. C’est immédiat, automatique, inévitable et certain. Sortir la Loi de son domaine ne peut que porter atteinte aux Droits naturels. Toute atteinte aux Droits naturels est une injustice. La loi est pervertie.
La Loi pervertie entraîne la perversion de la justice au travers d’une multitude de lois de circonstances et des droits sociaux. Ce sont de faux droits, et une fausse justice.
Contrairement aux Droits naturels qui préexistent à la loi, les droits sociaux sont artificiels, ils n’existent que par l’arbitraire politique. Ce ne sont que des droits de tirages des uns sur les autres. Ces fameux droits sociaux relèvent de la solidarité forcée qui n’a aucune valeur. C’est de la spoliation qui porte gravement atteinte au droit de Propriété. Ils détruisent la responsabilité et la morale. Ils entraînent injustice, division, et conflits. C’est de la « fausse philanthropie ». La fausse philanthropie est une des causes de la perversion de la loi. Ce sujet a été remarquablement traité par Bastiat dans « Justice et Fraternité ».
Par le contrôle de l’État les politiciens obtiennent le monopole de la violence légale. Ils peuvent alors détourner la loi à leur profit et à ceux de leurs clients.
Ils s’emparent du fruit du travail des autres. C’est plus facile que de travailler soi-même. C’est « l’égoïsme inintelligent ». La loi est pervertie, c’est la « spoliation légale. Il n’y a pas de limite à la spoliation légale si ce n’est le bon vouloir des politiciens. Les adeptes de la spoliation légale sont les « socialistes ». Les socialistes n’ont pas à être confondus avec ce que nous appelons aujourd’hui « socialistes ». Si l’on suit les critères de Bastiat, tous les hommes politiques en France aujourd’hui sont « socialistes ».
Les socialistes croient également aux constructions artificielles issues de leur imagination, et les pensent supérieures aux organisations naturelles. Ils considèrent l’homme comme un objet, soumis à leur caprice, et qu’ils peuvent modeler à leur gré. Pour parvenir à leur but, ils influencent les individus et les contraignent par des lois et règlements qui empiètent largement sur leur vie privée. Ils confisquent la vie des gens. La Loi est pervertie.
Pour Bastiat, le but de la Loi doit être simplement de « mettre fin à toutes les spoliations ».
Si l’État n’intervient pas dans la vie privée les individus sont effectivement Propriétaires et Responsables de leur vie. Ils font leur bonheur eux-mêmes. Ils assument les conséquences bonnes ou mauvaises de leurs actions. Ils ont la certitude que leurs Droits naturels sont garantis et intouchables. Des droits de Propriété sûrs donnent aux gens la possibilité de faire des projets sur le long terme, parce qu’ils savent que leur patrimoine est à l’abri de la spoliation. Fut-elle légale.
« Les hommes sont inégaux, physiquement et intellectuellement. Les inégalités économiques n’ont rien à voir avec l’injustice. La justice impersonnelle du marché n’est pas remplacée par l’arbitraire du décideur politique. L’inégalité est un puissant moteur d’amélioration sociale. Toute personne qui veut entreprendre en a l’opportunité. Les progrès de nos sociétés sont dus à l’échange libre, donc équitable, entre les hommes. » Tout cela est garanti par la Loi quand elle n’est pas pervertie.
Le programme d’un homme politique devrait donc tenir en cinq lignes :
La Loi protège les Droits naturels des individus : Propriété, Liberté, Personne. L’État met simplement et uniquement en place cette Loi. Il assure, la Sécurité (intérieure, extérieure, juridique et fiscale), et la Justice.
Les individus sont personnellement Responsables de leurs actes.
La Loi met fin à toutes les spoliations.
La Loi c’est la Justice, elle garantit à chacun le sien tout en respectant l’intégralité des Droits d’autrui.
Trop simple ?
Patrick de Casanove
Ce programme en 5 lignes me convient tout à fait.
Il vaut mieux afficher les principes et ne pas détailler les mesures concrètes, plutôt que de détailler des propositions qui ne s’appuient sur aucun principe, comme le font les grands candidats.