De l’utilité et de l’inutilité des colonies (deuxième partie)

Malgré l’affirmation enthousiaste de Paul Leroy-Beaulieu, selon lequel la colonisation est une question jugée, et que tout le monde admet son utilité, le débat soulevé à la Société d’économie politique sur cette question fait apercevoir de vraies divisions. Face à Paul Leroy-Beaulieu, le plus affirmatif et résolu dans sa défense de la colonisation, Frédéric Passy et Émile Levasseur soutiennent que la conquête du monde par la race européenne ne mérite d’être faite que par le commerce et une colonisation non-violente, ou dans des territoires très rares où les conditions sont extrêmement propices. Yves Guyot rejette même tout idée de colonisation, et se lance dans un réquisitoire implacable, fondé sur les faits.


 

De l’utilité et de l’inutilité des colonies (2èmediscussion), 5 mars 1886  

(Annales de la Société d’économie politique)

 

La réunion vote la continuation de la discussion sur la question déjà entamée dans la séance du 5 février, et dont voici le titre :

DE L’UTILITÉ OU DE L’INUTILITÉ DES COLONIES.

Rappelant un argument par lequel, à la dernière séance, M. P. Leroy-Beaulieu avait commencé son discours, M. YVES GUYOT fait remarquer qu’il est inutile de posséder soi-même des colonies pour pouvoir consommer du café, du poivre, des cigares de la Havane. Nous prenons du thé aussi ; il vient de la Chine, qui a su se soustraire jusqu’à présent à ce qu’on appelle la politique coloniale. Nous pouvons donc nous procurer ces objets par l’échange. Lequel est le plus avantageux, de nous les procurer par ce moyen économique et pacifique, ou par la conquête, l’occupation de territoires étrangers, l’administration de populations asservies ? Telle est la question.

Et d’abord, pour en finir tout de suite avec la possibilité de l’expansion de la race française, il suffit de dépouiller les Archives de la médecine navale, de lire l’étude du docteur Orgéas sur la Guyane, les livres du docteur Jousset sur l’Acclimatement, du docteur Nielly sur l’Hygiène des Européens dans les pays intertropicaux, les comptes rendus du Congrès des médecins des colonies à Amsterdam en 1883, pour voir partout répétée à l’unanimité cette conclusion : l’Européen ne peut ni s’acclimater, ni se reproduire dans les pays situés sous le climat torride. Quelles en sont les limites ? Ce sont les lignes + 25 isothermes. Or, voyez la carte des climats du docteur Rochard, devenue classique ; toutes nos colonies, sauf l’Algérie, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre et Miquelon, sont situées sous le climat torride.

Mais, même dans les climats où le Français peut s’acclimater, l’émigration organisée par l’État a prouvé son impuissance. Tous les efforts du gouvernement, tous les sacrifices faits par la France n’ont abouti qu’à amener, en cinquante ans, 195 000 Français en Algérie.

Sur ces 195 000 Français, les fonctionnaires, agents et employés de tout ordre, payés par l’État, les départements et les communes, avec leurs familles, arrivent au chiffre de 35 113. Nous n’avons pas le détail du clergé européen. Il faut ajouter les pensionnés et retraités, réfugiés à la solde de l’État, 7 465. Les chemins de fer ne sont établis qu’avec les subsides de la métropole. Leurs employés sont, en réalité, des employés payés par les contribuables français. Ce ne sont pas des colons. Ce personnel monte à 16 260.

Ces 60 000 individus n’ont pas fait de l’émigration gratuite et spontanée. Restent donc 135 000 Français, dont il faudrait déduire les médecins de colonisation et un certain nombre de professions analogues.

Sur ces 135 000 Français, 29 455 sont des concessionnaires qui ont coûté à l’État 59 836 000 francs, soit 2 031 francs par tête.

Parmi les commissionnaires et marchands en gros, beaucoup sont entrepreneurs de transports pour l’armée, fournisseurs militaires : parasites indirects du budget de l’État.

S’il n’y avait pas 50 000 hommes de troupe en Algérie, la moitié des hôteliers et cafetiers, qui comptent un personnel de 29 509 personnes, disparaîtrait.

En restant enfermés dans les limites les plus modestes, nous pouvons retrancher des 105 000 Français, non subventionnés directement ou indirectement par le gouvernement, un chiffre de 5 000 enfants assistés, mendiants, vagabonds, filles publiques, etc.

Restent donc moins de 100 000 Français habitant l’Algérie, avec leurs ressources, à leurs frais et vivant de leur propre travail et de leur propre initiative. En divisant par 4, chiffre d’une famille peu prolifique, vous aboutissez à ce résultat : 25 000 Français producteurs.

Le chiffre moyen des troupes est de 50 000, ce qui représente un laboureur gardé par deux soldats. D’un autre côté, il y a 189 000 étrangers et 800 000 indigènes. Les théoriciens de la politique coloniale présentaient l’Algérie comme une colonie de peuplement pour les Français. Elle est devenue une colonie de peuplement pour les Kabyles et les Arabes, les Italiens, les Espagnols et les Anglo-Maltais.

Au point de vue des débouchés, la politique coloniale nous a-t-elle mieux réussi ?

En 1884, au commerce spécial, le seul qui doive servir de critérium, nos exportations se chiffrent de la manière suivante : en Angleterre, 844 millions ; en Belgique, 456 ; en Allemagne, 327 ; aux États-Unis, 275 ; en Suisse, 248 ; en Italie, 171 ; en Espagne, 153 ; dans la république Argentine, 119 ; au Brésil, 62, etc.

Dans nos colonies, nous importons en Algérie, 146 millions ; dans la Martinique, 10 700 000 ; dans la Guadeloupe, le même chiffre ; au Sénégal, 9 300 000 ; en Cochinchine, 8 700 000 ; à la Réunion, 6 700 000 ; dans la Guyane, 5 200 000 ; à Saint-Pierre et Miquelon, 4 700 000 ; dans la Nouvelle-Calédonie et les îles du Pacifique, 5 800 000 ; sur la côte occidentale d’Afrique, 3 100 000 ; dans nos possessions dans l’Inde, 400 000 ; à Mayotte, Nossi-Bé, Madagascar, 200 000. Sur un chiffre d’exportation totale de 3 milliards 232 millions, nous importons dans nos colonies 210 millions et demi. La différence eût été plus grande, dit M. Y. Guyot, si j’avais pris les années précédentes, au lieu de prendre une année de dépression commerciale. Notre exportation dans nos colonies ne compte donc que pour 2%, Algérie déduite : nous vendons 1 franc à nos colons quand nous vendons près de 50 francs aux autres pays du globe. Si nous comprenons l’Algérie, notre exportation coloniale entre pour 6% dans l’exportation totale ; nous vendons pour 1 franc à nos colons quand nous vendons pour 15 francs aux autres peuples. Mais, dit-on, ces territoires sont petits, relativement au reste du globe. C’est vrai ; mais nous en avons la domination, la responsabilité, la garde ; mais par des tarifs douaniers, récemment établis, nous protégeons nos débouchés, et si, d’un côté, on considère un budget qui, avec le service pénitentiaire, les colonies et les troupes coloniales, monte à plus de 60 millions, non comprises les dépenses extraordinaires comme le port de la Réunion, l’année dernière, pour 45 millions, comme le chemin de fer du haut Sénégal, etc. ; non compris les subventions aux Compagnies maritimes et tant d’autres dépenses extraordinaires et complémentaires, on voit la mère patrie jetant 60 millions dans ses colonies et envoyant le commerce rattraper péniblement une somme équivalente dont la totalité n’est pas bénéfice.

Ajoutons l’Algérie. Soit ; mais pour combien dans les 146 millions que nous y exportons comptent les 50 000 hommes que nous y entretenons, et nos fonctionnaires, et nos concessionnaires, et nos chemins de fer garantis par la métropole ? Si petits qu’ils soient, ces chiffres de nos exportations dans nos colonies ne représentent qu’un artifice de comptabilité, un mirage, un trompe-l’œil ; les débouchés sont des débouchés factices.

Mais, dit-on encore, il faut des colonies pour créer des débouchés à notre commerce ; mais il faut des colonies pour notre marine marchande. M. Yves Guyot a déjà répondu par l’exemple de la Suisse. Pour la marine, on peut répondre par celui de la Norvège. Mais l’Angleterre ? Eh ! l’Angleterre, imitons-la dans ce qu’elle a de bon ; mais ne l’imitons pas sur de simples préjugés !Ainsi, avec beaucoup d’Anglais, l’orateur croit que cette possession a été une cause de faiblesse pour l’Angleterre au lieu d’être une cause de force et de grandeur. Est-ce que toute sa politique n’a pas été subordonnée constamment à cette préoccupation de l’Inde ? Sous quel rapport serait-elle donc utile à l’Angleterre ? Des débouchés ? Comparez son commerce avec l’Inde et avec la France et le reste du monde ; et dans ce compte aussi se trouvent ses soldats et ses fonctionnaires. A-t-elle au moins apporté des améliorations matérielles, morales, intellectuelles, aux populations de l’Inde ? Les Anglais répondent eux-mêmes : Non ! L’Inde a été à son apogée au dix-septième siècle. Elle se trouve moins riche et moins prospère qu’alors, au bout de deux siècles de domination anglaise.

On parle de notre empire de l’Inde. Est-ce que nous avons jamais possédé ces pays ? Nous y avons fait la guerre, rien de plus. La question engagée est celle du libre-échange ; avec la politique coloniale, dit M. Yves Guyot, vous essayez de reculer la frontière, de créer des débouchés factices ; avec la politique de la liberté des échanges, vous supprimez la frontière, vous avez le monde entier pour votre approvisionnement et pour vos débouchés. Laissez faire, rien de plus.Actuellement, vous avez 75 000 Français dans la république Argentine, et cependant notre loi militaire interdit l’émigration avant l’âge de quarante ans. C’est un peu tard. Vous voulez des colonies pour nous créer des clients, et par vos douanes vous fermez vos barrières à vos clients riches, et vous allez à la recherche de qui? De clients pauvres, et à la pauvreté de qui, par vos guerres, vous ajoutez encore. On parle « des avantages indirects » et l’on dit que l’Angleterre ne ferait pas son chiffre d’affaires si elle n’avait pas si largement essaimé sur le globe. M. Yves Guyot le croit. Mais voyez, dit-il, le commerce des anciennes colonies espagnoles avec l’Espagne : comparez-le avec celui qu’elles font avec l’Angleterre. Il est insignifiant. Ce qui lie l’acheteur au vendeur, au fabricant, ce n’est pas la race, la langue, l’origine : c’est le bon marché, le transport facile.

On parlait en 1860, au moment de la campagne de Chine, du marché de 400 millions de consommateurs que nous allions ouvrir à nos produits ; on a parlé de ces fameux 400 millions de consommateurs pour justifier la guerre du Tonkin ; or, au bout de plus de vingt ans, nous n’étions jamais parvenus à vendre pour plus de 3 millions aux Chinois par les vingt ports que nous avons à notre disposition. Et nous espérons être plus heureux en abordant avec toutes sortes de difficultés l’Yunnan, la province la plus pauvre et la moins peuplée de la Chine ! Pendant que le fracas de la guerre de Chine promettait ces grands débouchés, deux hommes, Cobden et Michel Chevalier, enfermés dans un cabinet, biffaient des chiffres du tarif des douanes, réduisaient les autres. Pendant la période quinquennale 1855-1859, la moyenne annuelle des chiffres de nos exportations était de 1 milliard 894 millions ; pendant la période quinquennale suivante, elle était de 2 milliards 564 millions, soit une augmentation, par an, de 670 millions. Voilà la vraie politique des débouchés : politique de paix et de liberté !

Pour M. FÉLIX FAURE, les colonies sont utiles, indispensables même, à une nation comme la France.

Les critiques formulées contre l’extension coloniale de la France peuvent se réduire à quatre.

La France n’a pas de colons, donc point n’est besoin pour elle de colonies. M. Félix Faure pense au contraire que c’est justement parce que la France n’a pas d’émigrants qu’elle doit avoir des colonies d’exploitation, où ses négociants, ses armateurs, ses industriels trouvent, quoi qu’on en dise, des relations qui ne sont pas à dédaigner. On ne saurait concevoir, en ce qui touche le commerce général de la métropole avec ses possessions, qu’on tienne seulement compte des exportations. Les importations sont tout aussi profitables, puisqu’elles ont pour objet de fournir à l’industrie les matières premières qui lui sont nécessaires.

Nous faisons un chiffre rond de 500 millions par an avec nos colonies. C’est quelque chose. Malgré cela, et c’est là le second point, on voit de très bons esprits, M. Yves Guyot en est la preuve, prétendre que nous ne trafiquons pas dans nos colonies. Si l’on met en présence les Antilles anglaises et les Antilles françaises, on constate que le commerce anglais prend dans les possessions britanniques 42,16% du trafic général. Le commerce français garde à son profit dans les îles françaises 49,13%.

À Maurice, le commerce anglais figure pour 31,95% ; à la Réunion, le commerce français compte pour 49,97%.

Sur un tonnage général, entrées et sorties, en navires français chargés de 8 108 498 tonnes, le mouvement entre la métropole et les colonies figure pour 2 267 742 tonnes, soit 27,96%.

Comparons la France avec l’Angleterre.

Le trafic maritime de la Grande-Bretagne avec ses colonies en navires chargés, entrés et sortis, s’élève à 9 748 281 tonnes, sur lesquelles le pavillon britannique couvre 8 482 818 tonnes, soit 87%.

Le trafic de la France avec ses possessions s’élève à 2 558 853 tonnes, sur lesquelles le pavillon tricolore couvre 2 407 583 tonnes, soit 94%. Ces chiffres sont plus éloquents que de longues démonstrations.

Les colonies, dit-on encore, coûtent beaucoup au budget métropolitain. On fait à ce sujet des comptes fantastiques. M. Yves Guyot, par exemple, met à la charge des colonies : 1° les régiments qui tiennent garnison en Afrique ; c’est comme si l’on mettait à la charge des villes de l’intérieur les troupes qui y tiennent garnison ; 2° les 8 ou 10 millions du service pénitentiaire. Franchement les transportés de la Guyane et de la Nouvelle-Calédonie ne sont pas tous d’origine coloniale, on voudra bien le reconnaître.

Enfin on dit, et très justement, que les possessions coloniales engagent la responsabilité de la France. Mais n’est-ce pas là chose naturelle ? Plus une nation met d’ardeur à défendre ses intérêts et ses droits, plus elle risque de froisser les intérêts des autres, plus elle risque d’engager son action diplomatique et même militaire.

Mais cette action de la France ne doit-elle pas être engagée hardiment pour soutenir les intérêts de nos nationaux partout où ils se trouvent ? Il y a une école qui professe que chacun doit se défendre soi-même, que la politique consiste à recommander à nos agents d’éviter quand même de susciter des affaires, M. Faure estime que cette doctrine nous mènerait tout droit à la ruine politique et économique. Croit-on, dit-il en concluant, que la France a beaucoup gagné en abandonnant la colonie française d’Égypte ?

M. LALANDE désire surtout répondre brièvement à ce que M. Félix Faure a dit de notre conquête de l’Algérie qu’il paraît considérer, en quelque sorte sans réserve, comme une conquête très avantageuse pour la France.

M. Lalande ne conteste pas que l’Algérie ne soit actuellement pour la France une possession qui présente certains avantages et qui pourra, nous devons l’espérer, en présenter de plus grands dans l’avenir. Il ne faudrait pas toutefois exagérer les avantages actuels. Ainsi notre commerce d’exportation pour ce pays s’élève seulement à 150 millions environ, mais l’Algérie nous coûte encore d’une manière directe et indirecte environ 100 millions par an. En présence de pareilles dépenses, peut-on dire que le résultat au point de vue économique soit déjà très avantageux, il est permis d’en douter.

Mais si l’on entreprenait de faire le compte de tous les sacrifices en argent et en hommes que l’Algérie nous a coûtés depuis que nous en avons entrepris la conquête, on constaterait qu’à l’heure actuelle, la conquête de l’Algérie coûte à la France au moins 5 à 6 milliards, et une perte bien autrement douloureuse encore, au moins 200 000 hommes.

Chaque colon français qui se trouve actuellement en Algérie est représenté par les cendres d’un soldat français enseveli dans les plaines de ce pays.

Si nous avons un débouché de produits français pour toutes nos colonies, l’Algérie exceptée, de 70 millions de francs environ et que les colonies coûtent au Trésor public français environ 50 millions de francs par an, où est le bénéfice réel?

Dans les idées que M. P. Leroy-Beaulieu a exprimées sur la politique coloniale, il a commis, dit M. Lalande, des erreurs graves.

M. Leroy-Beaulieu s’est montré partisan de la politique coloniale presque sans réserve, et cette opinion s’applique évidemment à notre politique à l’égard de l’Indochine ; M. Lalande pense à cet égard comme MM. F. Passy et Levasseur. C’est une question d’appréciation spéciale, relativement à telles ou telles colonies.

L’orateur serait assurément partisan d’une politique coloniale qui aurait pour objectif des pays sains, salubres, fertiles, à climat tempéré, où les Européens peuvent facilement vivre et travailler, et qui, en outre, ne sont pas encore habités ou le sont très peu, et où, par conséquent, l’action colonisatrice peut s’exercer sans danger, sans obstacle et de la manière la plus féconde.

Il cite spécialement, comme colonies de cette nature, l’Amérique du Nord, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Cap de Bonne-Espérance.

Mais s’agit-il, au contraire, de colonies telles que l’Indochine, il est frappé des inconvénients qu’elles présentent :

1° Au point de vue du climat ;

2° Par le fait que ces pays sont déjà occupés par les populations nombreuses qui les habitent ;

3° Enfin, les résultats, dans tous les cas, y seraient hors de toute proportion avec les sacrifices que nous avons déjà faits et ceux que nous sommes appelés à faire encore.

La seule possession de la Cochinchine nous a déjà coûté plus de 400 millions. Celle du Tonkin et de l’Annam au moins 500 millions. En somme, l’Indochine a déjà coûté à la France environ 1 milliard.

Quels résultats les Anglais eux-mêmes ont-ils obtenus dans l’Inde anglaise qui, à proprement parler, n’est pas une colonie, mais seulement une possession ?

Cet empire de l’Inde fascine toutes les imaginations ; il faut l’apprécier avec exactitude et l’examiner dans ses détails.

En réalité, notre Indochine n’est pas un pays colonisable par les Européens, pas plus que l’Inde anglaise n’a été colonisée par les Anglais, qui sont cependant un peuple si éminemment colonisateur.

Au point de vue colonisateur, en Cochinchine, on peut dire que le résultat est absolument nul.

Lors de la dernière discussion qui a eu lieu à la Chambre des députés relativement aux élections de l’Indochine, nous avons vu que le nombre des électeurs français en Indochine était de 1 850, sur lesquels il y avait 1 650 fonctionnaires ! Par conséquent, le nombre des autres colons français après vingt ans de possession de l’Indochine est de 200.

Quant au commerce que la France fait avec l’Indochine, il se borne à une exportation d’environ 7millions par an, sur lesquels il y a environ 3 millions de francs de vins destinés à la consommation de nos troupes de terre et de mer. Restent 4 millions, dont une bonne partie certainement n’est destinée qu’à la consommation des administrateurs français de ce pays.

Et cependant la Cochinchine coûte encore à la France environ 3 à 4 millions par an. Où est le profit ?

Il ne faut pas perdre de vue que ces populations sont parmi les plus pauvres du globe, que le salaire de l’ouvrier est de 60 à 80 centimes par jour.

Que vendre à une clientèle aussi pauvre ?

Quant à nos importations de la Cochinchine, elles se bornent presque à un seul article : le riz, dont nous importons pour 6 à 7 millions par an.

Y aurait-il un grand désavantage pour la France à acheter ces riz dans d’autres pays, aussi bien qu’en Cochinchine ?

Les résultats que nous avons obtenus en Cochinchine sont singulièrement peu encourageants au sujet de ce que nous pouvons espérer de l’Indochine.

Quant à l’Inde, croit-on qu’au point de vue militaire elle soit une force pour les Anglais ? L’armée régulière anglaise compte environ 200 000 hommes, et sur ce nombre, à peu près 60 000 sont constamment immobilisés par l’Hindoustan. Au point de vue purement militaire, l’Angleterre est presque paralysée par ailleurs.

Quant à la colonisation de l’Inde par les Anglais, les chiffres sont intéressants à étudier.

D’après les documents officiels anglais, il y avait en 1884 dans l’Inde 89 798 individus d’origine anglaise, ci.                              89 798

Sur ce nombre, il y avait 12610 femmes, ci.                      12 610

Reste pour la population mâle.                                          77 188

Se décomposant à peu près comme suit :

Armée                                                                       56 000

Employés de ladministration civile                                            3 000

Marine royale et officiers retraités                                        1 100

    Total des catégories précédentes                                    60 100

Employés de chemins de fer                                               2 300

Marins                                                                         2 700

Négociants                                                                   900

Agriculteurs                                                                        540

Cultivateurs du sol (ce chiffre est intéressant à constater).                 5

Professions diverses                                                   10 643

    Total égal                                                                     77 188

Voilà à quoi les Anglais sont arrivés, en fait de colonisation, après deux ou trois siècles de possession de l’Inde.

Quelle est l’importance de l’Inde pour les Anglais au point de vue des débouchés de leurs produits ?

Les exportations de l’Angleterre pour l’Inde sont chaque année d’environ 750 millions de francs, soit, en raison des 250 millions d’habitants qui se trouvent dans l’Inde, environ 3 francs par tête.

Mais ce serait une grande erreur de croire que nous pouvons espérer en Indochine des débouchés proportionnels à ceux des Anglais dans l’Inde.

D’abord, l’Inde est un pays beaucoup plus riche, dans lequel se trouvent de très grandes villes, telles que Calcutta, Bombay, Madras, Delhi, Bénarès, Lahore, Cawnpore, etc., où il y a un grand nombre de personnes riches de diverses origines ; rien d’analogue dans l’Indochine.

Ensuite une partie notable de l’exportation des Anglais dans l’Inde est destinée à la consommation de l’armée anglaise et des administrateurs anglais.

Enfin, l’Inde sert de transit à une quantité importante de marchandises françaises qui passent par l’Inde pour être vendues dans les pays qui se trouvent au-delà de ses frontières.

C’est tout au plus si, d’après les résultats obtenus dans l’Inde anglaise, nous pourrions espérer arriver à un débouché de 2 francs de nos produits par habitant de l’Indochine, où il y a tout au plus 12 millions d’habitants.

C’est donc un débouché annuel de 25 millions environ de nos produits que nous pourrions tout au plus espérer trouver en Indochine.

Or, ces populations sont excessivement pauvres et ne consomment que les produits les plus indispensables et du plus bas prix.

C’est ainsi que, sur les 750 millions de francs que les Anglais exportent dans l’Inde, la plus grande partie consiste en cotonnades du plus bas prix : c’est le cas pour l’Inde, comme pour la Chine, le Japon et tous les pays de l’Extrême-Orient.

Le chiffre de ces exportations pour l’Inde est d’environ 500 millions sur 750.

Voilà la marchandise principale que nous trouverions à vendre en Indochine, mais malheureusement nous ne pouvons pas, pour ces marchandises, lutter de bon marché avec les Anglais.

Par conséquent, tout ce commerce en Indochine se ferait avec des marchandises anglaises si nous n’établissions pas des droits différentiels au profit des produits français.

Et, si nous voulons établir des droits différentiels, il y a d’une part à craindre les représailles des Anglais qui aujourd’hui, dans toutes leurs colonies, reçoivent les produits français aux mêmes droits que les produits anglais, et, d’autre part, les droits de douane, s’ils sont assez élevés pour être efficaces, feront immédiatement naître la contrebande.

Pour la prévenir, il faut établir des douanes sur toutes les frontières, et l’on peut apprécier facilement quelles dépenses et quelles difficultés coûterait cette organisation douanière dans un pays tel que l’Indochine dont les frontières sont si considérables.

Jamais notre possession de l’Indochine, comme la Cochinchine, ne procurera à la France d’avantages sérieux et surtout proportionnés aux énormes sacrifices en hommes et en argent que nous avons déjà faits et que nous pouvons être appelés à faire encore.

Quelle différence, pour les Anglais, entre l’Inde et l’Australie qui présente à un si haut degré le caractère de ces colonies réellement avantageuses dont M. Lalande parlait au début !

Il y a aujourd’hui 3 millions d’Anglais en Australie, et les exportations de l’Angleterre pour ces pays sont d’environ 650 millions de francs par an, soit environ 220 francs par tête, c’est-à-dire une exportation proportionnellement supérieure de trente fois environ à l’exportation des Anglais pour l’Inde.

M. Paul Leroy-Beaulieu a parlé de l’importance qu’il y a pour une grande nation à exercer du prestige dans le monde, et c’est une des raisons pour lesquelles il s’est montré partisan si chaleureux de la politique coloniale.

M. Lalande reconnaît l’importance qu’il y a pour une grande nation d’exercer un grand prestige ; mais à une condition, c’est qu’il repose sur des réalités.

M. LEVASSEUR regarde comme légitime et profitable la fondation de colonies, quand elle est faite dans des conditions favorables. Il cite comme exemple l’Australie qui était une terre sans culture, sans aucune richesse exploitée, peuplée d’une race sauvage misérable et clairsemée, n’ayant avec le reste du monde aucune relation de commerce.

Aujourd’hui, les sept colonies australasiennes comptent plus de 3 millions d’habitants, qui possèdent environ 80 millions de moutons. La France, avec ses 38 millions d’habitants, n’a guère aujourd’hui plus de 22 millions de moutons. Certes la différence est grande : elle donne une idée de la richesse qu’en un siècle les colonies britanniques de l’Océanie sont parvenues à créer. Sans doute, il a fallu préparer cette terre vierge, féconder l’œuvre de la civilisation, faire des dépenses d’installation qui ont coûté à la métropole. Mais aujourd’hui les colons, à l’exception de l’Australie occidentale, qui est une colonie de la couronne, ne coûtent plus rien à la métropole, qui fait payer aux colonies mêmes le traitement du gouverneur.

Il y a assurément plus de richesse dans le monde, puisqu’il y a un siècle il n’existait pour ainsi dire rien sur ce sol, et que tout, défrichements, constructions, récoltes, bétail, mines, est nouveau.

Il y a profit assurément aussi pour les colons qui ont fait toute cette richesse, qui en sont propriétaires et qui en jouissent. C’est donc un gain net pour l’humanité. C’est un gain aussi pour la civilisation, puisque c’est le nombre des hommes civilisés qui s’est accru.

Les colons sont partis pour la plupart pauvres. Plusieurs se sont enrichis ; beaucoup ont trouvé, sur cette terre nouvelle, des conditions meilleures d’existence pour eux et pour leurs enfants. Ils ont plus de bien-être qu’ils n’en auraient eu sans la fondation des colonies. Ils l’ont gagné, il est vrai, le plus souvent par de rudes et persévérants travaux ; c’est ainsi que l’économie politique, d’accord avec la morale, aime que la richesse soit acquise.

Il y a eu profit aussi pour la métropole.

Le commerce total de l’Australasie s’élevait à 2 milliards 906 millions de francs en 1883. Ce nombre est supérieur au commerce réel, parce que le mouvement d’une colonie à l’autre, qui n’est guère qu’une réexportation et qui compte pour près de 900 millions, y figure. Or, sur les 2 milliards qui restent, près des trois quarts (1 milliard 375 millions en 1883) reviennent à l’Angleterre : premier profit.

L’Angleterre fait la plus grande partie des transports de l’Australasie, et, en 1882, sa marine figure pour 9 800 000 tonnes en nombre rond dans un mouvement général de navigation qui s’élève à 10 millions et demi de tonnes pour les sept colonies : second profit. Ce n’est pas le moindre, car l’Angleterre, puissance insulaire, a un intérêt non seulement économique, mais politique, à entretenir une nombreuse marine.

Le commerce avec l’Australasie approvisionne de laine l’Angleterre, et c’est grâce à l’importation coloniale que Londres est le plus important marché de cette matière première qu’il y ait dans le monde : troisième profit. Celui-ci n’est pas non plus à dédaigner. Pour avoir une industrie puissante, il faut s’assurer la matière première ; et il est très important de posséder chez soi, à peu de distance, sans avoir de frontière ou de mer à traverser, de douanes à redouter, un approvisionnement constant, considérable et varié ; une manufacture qui jouit de cet avantage a sur ses concurrents une supériorité incontestable.

Leeds et Bradford doivent une grande partie de leur développement à la fourniture des laines australiennes. Tous les manufacturiers apprécient un avantage de ce genre et ce n’est pas sans raison que Roubaix s’efforce en ce moment de créer un marché de laines à Dunkerque.

Un pays neuf est avide de capitaux comme de bras, et il leur paye un intérêt d’ordinaire plus élevé que le taux des marchés européens. Par suite des liens naturels et légaux qui unissent la colonie à la métropole, c’est à l’Angleterre que l’Australasie s’est adressée pour faire ses emprunts coloniaux, et c’est aussi d’Angleterre que vient la plus grande partie des capitaux qu’absorbent les entreprises privées. Les capitalistes anglais en profitent et y gagnent : quatrième profit.

La population surabondante des Iles Britanniques envoie chaque année un essaim nombreux d’émigrants. Ces émigrants se rendent presque tous dans des pays de la zone tempérée où la langue anglaise est parlée. L’Australie est un des centres où ils affluent ; l’Angleterre y a envoyé par an en moyenne, de 1870 à 1880, 30 000 émigrants qui vont chercher du travail, de bons salaires, beaucoup même des terres à exploiter. L’Angleterre est soulagée d’une partie de ses pauvres et ceux-ci, en changeant de résidence, troquent le plus souvent leur misère présente contre l’espérance d’un bien-être futur : cinquième profit.

Mais peut-on rencontrer partout ces bonnes conditions ? Non, sans doute.

Il n’y a plus sur le globe place pour les fondations de colonies analogues à celle de l’Australie. Les deux zones tempérées sont occupées soit par des nations civilisées, comme le sud de l’Amérique, soit par des États européens.

En second lieu, l’Européen n’est pas apte à fonder dans la zone torride des colonies de peuplement. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas matière à une intervention utile, soit par la fondation de comptoirs de commerce, soit par la soumission de nations indigènes. M. Levasseur pense que M. Lalande a été trop sévère dans le jugement qu’il a porté sur l’Inde britannique. L’empire du Grand Mogol, qui avait été très florissant, était en dissolution quand les Anglais ont commencé à établir leur autorité ; ils n’ont pas fait la décadence et l’anarchie ; ils en ont profité et depuis qu’ils ont modifié l’état économique de l’Inde par la construction des chemins de fer, on peut affirmer que l’état de richesse du pays, loin de s’empirer, s’est amélioré. L’Inde a gagné à être gouvernée par l’Angleterre et l’Angleterre a gagné à posséder l’Inde ; n’eût-elle eu que l’occasion d’y employer une marine considérable pour les transports, qu’elle devrait s’applaudir d’entretenir, sans bourse délier, un grand nombre de marins qui seraient en cas de guerre le soutien de sa puissance maritime.

Avons-nous, par nos entreprises nouvelles, quelque chance de trouver une autre Inde ?Non. Le Tonkin français n’a peut-être pas plus de 6 millions d’habitants, tandis que l’Inde britannique en a 250 millions et possède beaucoup plus de richesse. La France aurait pu ne pas aller au Tonkin ; elle y est ; son honneur et ses intérêts en Orient lui commandent d’y rester. D’ailleurs, si le résultat ne paraît jamais devoir être considérable, il peut, si les négociants français savent tirer parti de la situation, n’être pas nul. On a objecté le peu qu’avait donné la Cochinchine ; il est vrai que le commerce français est loin d’y avoir l’importance souhaitable, mais il est juste d’ajouter que la colonie est relativement jeune et que déjà elle ne fait plus appel à la métropole pour équilibrer son budget.

L’orateur ne parle pas du Congo, où il n’est pas question de fonder une colonie de peuplement, ni de Madagascar, où les projets de conquête ont fait place à des déterminations plus modestes.

Quant à l’Algérie, elle a coûté, il est vrai, des hommes et de l’argent ; mais il ne faudrait pas additionner le nombre des morts depuis un demi-siècle pour les mettre en ligne en les opposant au nombre des colons actuellement vivants ; avec de telles comparaisons, la somme des générations éteintes l’emporterait toujours sur la génération vivante. En réalité, la colonisation algérienne ne date que de l’administration du maréchal Bugeaud ; en quarante-cinq ans, elle a fixé sur le sol d’Afrique, dans la zone tempérée, sous le climat méditerranéen, 380 000 Européens dont plus de moitié sont des Français. Les colonies australiennes n’avaient pas obtenu un tel résultat dans les quarante-cinq premières années de leur existence, et cependant elles n’étaient pas gênées dans leur développement par la civilisation arabe et par l’attachement au sol de la race kabyle. Leur commerce ne s’élevait pas non plus, comme celui de l’Algérie, à environ 400 millions de francs (380 en 1883 d’après la direction générale des douanes, 465 d’après le gouvernement général de l’Algérie, dont la manière de supputer les valeurs n’est pas en harmonie avec les relevés actuels de la douane). La France a donc dans l’Algérie une colonie qu’elle peut citer avec une légitime satisfaction et qui témoigne non contre la politique coloniale, mais en faveur d’une bonne politique coloniale ; l’acquisition récente de la Tunisie, qui a écarté un danger de compétition et couvert un des flancs de cette Algérie, est digne d’approbation.

M. Levasseur ne croit pas cependant que l’acquisition de bonnes colonies, qui sont très rares par le temps qui court, soit le seul mode d’expansion favorable au commerce extérieur d’une nation. Il pense que l’émigration dans les pays étrangers a une importance presque aussi grande, sans exiger les mêmes sacrifices. Sans doute, on est moins maître dans un pays étranger que dans sa propre colonie et l’on y est exposé à certains revers. Il est certain cependant que les représentants d’une nation à l’étranger facilitent les relations commerciales de cette nation avec l’étranger. M. Levasseur a essayé de calculer le nombre approximatif des représentants, de sang pur ou de sang mélangé, de la race européenne dans les parties du monde autres que l’Europe, au commencement du siècle et aujourd’hui : il y en avait une dizaine de millions en 1800 ; aujourd’hui, il y en a plus de 80 millions. C’est un bien, puisque le progrès de la race européenne signifie progrès de la civilisation. Mais cette situation nouvelle a ses exigences. Si les nations européennes répandent dans le monde entier leurs représentants, il est nécessaire que toute nation jalouse de conserver son rang prenne part à ce mouvement d’expansion et défende sur place même ses intérêts. Les absents ont tort. Le commerce français qui, ainsi qu’on l’a dit avec raison, fait avec l’étranger des milliards d’affaires, pendant qu’il fait des centaines de millions avec ses colonies (ce qui n’est pas une raison pour dédaigner les centaines de millions), doit être présent par ses marins, ses commerçants, ses émigrants de condition diverse dans les pays lointains, où il prétend lutter contre la concurrence étrangère.

M. FOURNIER DE FLAIX est d’avis qu’il faut maintenir, accroître le prestige de la France ; il est avantageux de montrer son drapeau, d’avoir autour du globe des citadelles où il flotte, cela ne nuit pas aux clientèles commerciales, cela augmente l’influence de la France. Le pavillon couvre le voyageur et la marchandise.

Eh bien, il y a d’autres moyens de promener le pavillon français autour du globe, de posséder des citadelles commerciales, de développer, de garantir nos clientèles, de couvrir nos voyageurs et nos marchandises.

Le meilleur de ces moyens, c’est de substituer aux soldats qui nous coûtent fort cher et qui vont mourir sur des territoires où l’acclimatation est impossible et aux émigrants qui nous manquent, les grandes lignes de paquebots à vapeur qui se distribuent de tous côtés et qui portent partout nos produits, nos voyageurs, nos courtiers, nos négociants et notre drapeau.

C’est aussi de mettre nos grands ports en état de recevoir, de charger et de décharger rapidement ces nouveaux engins de la lutte économique des peuples, ces puissants navires dont la capacité et le tirant d’eau croissent avec la vitesse et qui sont l’instrument le plus parfait de notre civilisation, comme de la force économique des peuples.

Ne valait-il pas mieux pour la France, à l’exemple de la Belgique, complètement armer le Havre, Bordeaux, appelés à un si grand avenir, dès l’ouverture du canal de Panama, que d’engloutir 300 à 400 millions au Tonkin, à Madagascar, au Congo, où le climat oppose à l’établissement de tout colon européen un obstacle infranchissable ?

De quelle importance Anvers n’est-il pas pour la Belgique ; Hambourg, pour toute l’Allemagne ? Combien la Belgique a-t-elle été mieux avisée de dépenser 170 millions à Anvers et de proposer à l’Europe, notamment à la France, de coloniser le Congo au moyen d’une loterie de 100 millions, à 20 francs le billet, que de mettre ces 170 millions à la disposition de Stanley, c’est-à-dire de laisser Anvers dans la condition où se trouvent Bordeaux et le Havre !

Mieux vaut donc armer la France, en faire un outil puissant de production et de trafic, que d’entreprendre la conquête de peuples éloignés, pauvres, confinés sur des territoires inhabitables.

Ces aventures font que l’État est sans argent pour les travaux des ports, que les chambres de commerce doivent seules se pourvoir et que, dans la discussion de la concession des lignes de paquebots sur New-York et les Antilles, il a fallu abaisser le chiffre de lavitesse des paquebots à construire à 16 nœuds, parce que le port du Havre n’était pas en situation d’en recevoir d’autres. Le ministère de la marine s’est, paraît-il, décidé à demander à l’industrie privée la construction de plusieurs grands transports d’une vitesse de 18 à 20 nœuds et d’une capacité, en dehors de l’approvisionnement de charbon, de 2 000 tonnes au moins ; ces navires ne pourront pas pénétrer dans le port de Bordeaux ni évoluer dans celui du Havre. La marine marchande anglaise possède depuis trois ans des navires d’une vitesse de 18 à 20 nœuds. Elle a donc des instruments de lutte commerciale plus efficaces que ceux que nous conserverons pendant dix ans au moins.

Avant d’avoir des colonies, dit en concluant M. Fournier de Flaix, il faut être en mesure de les exploiter. L’accessoire ne doit pas passer avant le principal.

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