En 1878, les éditions Guillaumin publiaient une correspondance de Frédéric Bastiat avec la famille Cheuvreux. Depuis, cette ressource n’a cessé d’être utilisée par les spécialistes de son œuvre ou du libéralisme français, qui y trouvent les confessions et les états d’âme d’un auteur cardinal. — Récemment, l’Institut Coppet a mis la main sur deux copies inédites de ces lettres, qui dévoilent de nombreuses et profondes altérations. Dans cette nouvelle édition les lettres et fragments censurés sont rétablis, faisant réapparaître Bastiat dans toute son originalité et son authenticité.
Correspondance de Frédéric Bastiat
avec la famille Cheuvreux.
Édition corrigée des
Lettres d’un habitant des Landes (1877)
sur la base de deux copies manuscrites.
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NOTE SUR L’ÉTABLISSEMENT DU TEXTE
(a) Copie des lettres sous forme de cahier.
(b) Copie des lettres sur feuilles, avec l’introduction de Prosper Paillotet qui se trouve en ouverture des Lettres d’un habitant des Landes.
(c) Texte imprimé sous le titre de Lettres d’un habitant des Landes (1877).
(b) indique que le texte, présent dans la copie en question, y a été barré.
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LETTRE XXXIII
(a)Eaux-Bonnes, 23 juillet 1850.
(bc)Eaux-Bonnes, 23 juin 1850.
(abc)Vous vous êtes donc concertée avec Mlle Louise, Madame, pour me faire supporter (a)mon exil [en (bc) devient : l’éloignement]. Au milieu des soucis d’une installation, vous avez trouvé le temps de m’écrire et, qui plus est, vous me faites pressentir que les absents ne perdront rien à vos loisirs de la Jonchère. Oh ! qu’il y a de bonté dans les cœurs de femmes ! Je sais bien que je dois beaucoup à ma chétive santé ; rappelez-vous que je disais un jour que les moments dont je me souvenais avec le plus de plaisir étaient ceux de la souffrance, à cause des soins touchants qu’elle m’avait valus de la part de ma bonne tante ; vraiment, mesdames, vous donneriez envie d’être malade ; pourtant il ne faut pas que je fasse ici l’hypocrite ; et, dût votre prochaine lettre en être retardée (ab)d’un jour [en (bc) devient : de vingt-quatre heures], (abc)je dois bien avouer que je suis mieux ; je prends les eaux avec précaution, quoique sans l’assistance d’un médecin ; à quoi bon ? Les médecins des eaux sont comme les confesseurs, ils ont toujours le même remède. Mais, n’abusez pas de mon aveu, et si vous ne m’écrivez pas à cause de ma santé, écrivez-moi pour me parler des vôtres.
Vous voilà à la Jonchère ; puisque vous vous vantez d’être franches campagnardes, tâchez de vous lever plus matin et de gagner chaque jour quelques minutes ; (a)faites faire du feu de temps en temps dans la chambre du rez-de-chaussée. J’entendais un suintement continuel qui ne doit pas être sain pour l’appartement qu’occupe Mademoiselle Louise ; (abc)promenez-vous beaucoup plus ; lisez un peu, le moins possible de journaux ; n’attirez près de vous qu’un petit nombre d’amis à la fois : telle est ma consultation, elle nargue celle de M. Chaumel qui a perdu ma confiance.
Les Eaux-Bonnes commencent à être fort peuplées ; ma table d’hôte n’est (a)pourtant [en (bc) devient : cependant] pas aussi bien composée qu’à mon dernier voyage ; il se peut que le soin d’éviter la politique refroidisse la conversation ; aujourd’hui, il est arrivé deux Havrais qui m’ont mis sur le chapitre de ma Solution du problème social. J’ai profité de l’occasion pour faire de la propagande à fond, récitant à peu près une brochure, que j’ai écrite à Mugron. Chose singulière ! tous disent c’est cela ! c’est cela ! jusqu’à l’application ; là, on m’abandonne. Il est déplorable que les classes qui font la loi ne veuillent pas être justes quoi qu’il en coûte, car alors chaque classe veut faire la loi : fabricant, agriculteur, armateur, père de famille, contribuable, artiste, ouvrier ; chacun est socialiste pour lui-même, et sollicite une part d’injustice ; puis on veut bien consentir envers les autres à l’aumône légale,qui est une seconde injustice ; tant qu’on regardera ainsi l’État comme une source de faveurs, notre histoire ne présentera que deux phases : les temps de luttes, à qui s’emparera de l’État ; et les temps de trêve qui (a)ne seront que [en (bc) devient : seront] (abc)le règne éphémère d’une oppression triomphante, présage d’une lutte nouvelle. Mais, Dieu me pardonne, je me crois encore à table d’hôte ; je vais me coucher, il vaut mieux jeter la plume que d’en abuser.
(a)24 juillet 1850.
(bc)24 juin 1850.
Vous avez vu les Pyrénées à Paris ; moi, je retrouve Paris aux Pyrénées ; ce ne sont que belles dames, belles toilettes, comtesses et marquises ; ce matin, des enfants ont chassé loin d’eux un de leurs camarades, parce qu’il était vêtu en coutil : vous n’êtes pas assez beau ! voilà les propres expressions ; le père, médecin (a)de Paris, (abc)en était tout humilié.
Ces jours-ci, j’ai été au village d’Aas, vous savez qu’il faut descendre la vallée et la remonter de l’autre côté ; je fus visiter le cimetière, il est chargé de monuments : jeunes hommes et jeunes filles sont venues aux Eaux-Bonnes chercher la fin de leurs souffrances ; ils ont réussi plus qu’ils ne l’espéraient ; faut-il envier leur sort ? Oh non ! pas encore. Je rencontrai deux dames, et me retirai avec elles ; la fille était faible, svelte, (a)un peu mélancolique [en (bc) devient : pensive], (abc)et redoutant la marche elle cheminait à cheval ; la mère était bien portante, infatigable ; ajoutez à cela le langage le plus pur, les manières les plus distinguées et vous comprendrez que cela devait me rappeler une promenade de la Jonchère.
(a)À Mugron, il m’est arrivé une chose bizarre. J’allais aussi rendre visite au cimetière. C’était la nuit car je ne me souciais pas qu’on le sût. La femme du gardien qui est folle par suite de terreurs religieuses, m’introduisit ; et, me prenant par le bras, elle me mène à une tombe sans nom. C’est là, dit-elle, qu’est Mlle Ida, c’est une nièce que j’aimais beaucoup. Bien d’autres tombes plus fraîchement creusée, m’intéressent au cimetière de Mugron. Comment cette folle a-t-elle soupçonné dans mon cœur une pensée que je n’aurais pas osé soupçonner moi-même ? C’est effrayant… parlons d’autre chose.
(abc)Hier dimanche, nous avons eu quelques réjouissances ; mais, hélas ! toute couleur locale s’en va ; les montagnards faisaient leur ronde au son du violon, et des Espagnols ont dansé le fandango en blouse : tambourins, castagnettes, vestes bariolées, résilles et mantilles, qu’allez-vous devenir ? Le violon envahit tout, et pour la blouse il n’y a plus de Pyrénées. Oh ! la blouse, ce sera le symbole du siècle prochain ! Mais, après tout, ce qui nous semble une profanation, n’est-il pas un progrès ? Nous sommes plaisants, nous autres civilisés, si fiers de nos arts et de nos toilettes, de vouloir qu’ailleurs on conserve à tout jamais, pour distraire les touristes, la culotte et le galoubet.
Ai-je bien lu, mesdames ? vous me parlez de l’impossibilité de revenir à Paris sans être guéri ; de la nécessité de passer l’hiver à Mugron ! Vous me trouvez donc d’une bien aimable absence ?
Ah ! vous avez beau faire, je prends vos paroles pour des marques d’intérêt, car je suis le plus complaisant interprète du monde ; aussi j’espère rentrer à Paris le 20 juillet, à moins que la Chambre ne se proroge ; ce sera un retard de huit jours sur mon congé : il serait plaisant que l’Assemblée me mît en pénitence pour être revenu trop tard, tandis que vous me gronderiez pour être revenu trop tôt.
Qu’il me tarde d’avoir une lettre de la Jonchère, de savoir (ab)comment s’y trouve Mlle Louise, (abc)si M. Cheuvreux s’est décidé à prendre quelque repos ; si vous poursuivez vos projets de solitude ? Une solitude à trois ! mais c’est l’univers ; (bc)et puis Croissy n’est-il pas à portée de la main ? et la famille Renouard, les Say, Mme Freppa ? (a)En vérité [en (bc) devient : En conscience], (abc)je ne puis m’apitoyer sur votre sort ! (ab)Essayez d’aller promener jusqu’au Cormier pour m’en donner des nouvelles.
(abc)Mon Dieu ! que j’abuse du joli pupitre de M. Cheuvreux : il a résolu pour moi le problème des plumes ; aussi je n’ai jamais écrit de lettres si incommensurables. (a)Mais aurais-je dû vous prendre pour victimes ?
(abc)Obtenez mon pardon de Mlle Louise, et ce que d’autres pourraient appeler indiscrétion, appelez-le amitié.
Adieu, votre dévoué,
F. Bastiat.
LETTRE XXXIV
(a)Mugron, 14 août 1850.
(bc)Mugron, 14 juillet 1850.
(bc)Votre bonne lettre, mon cher monsieur Cheuvreux, m’est remise à l’instant. Quelques heures plus tard, elle aurait eu à refaire le voyage de Paris dans la même malle que son destinataire, car je me prépare à partir demain. J’ai tort sans doute ; il faut bien que cela soit, puisque tout le monde le dit, et j’ai essuyé déjà je ne sais combien de bourrasques verbales et épistolaires. Je ne prétends pas avoir raison contre tous, quoique Mme Cheuvreux me traite, d’avance, de sophiste. La vérité est que je ne pouvais guère me dispenser de faire acte de présence à la Chambre avant les vacances ; après cela, j’avoue que je cède un peu à la fantaisie. Depuis quelque temps, j’ai une douleur toute locale au larynx, insupportable à cause de sa continuité ; il me semble que je trouverai du soulagement en changeant de place.
(abc)Mlle Louise peut craindre que sa lettre se soit égarée dans les Pyrénées. Veuillez la rassurer, (a)je l’ai trouvée [en (bc) devient : on me l’a remise] (abc)ici à mon arrivée ; (a)et (abc)vraiment, c’eût été pour moi une grande privation, car votre chère enfant a l’art (si c’est un art) de mettre dans ses lettres son âme et sa bonté. Elle me parle de l’impression que (a)lui fait [en (bc) devient : fait sur elle] (abc)la littérature anglaise ; puis elle déplore la perte des croyances qui caractérise la nôtre.
Je me disposais à répondre une dissertation sur ce texte, mais je (a)vais lui épargner cet ennui [en (bc) devient : la lui épargne] ; (abc)puisque je pars demain ; (a)sauf à prendre de vive voix ma revanche [en (bc) devient : je prendrai de vive voix ma revanche].
(a)Vous êtes bien bon de m’encourager à reprendre ces insaisissables Harmonies. [légèrement modifié en (bc)] (bc)Je sens aussi que c’est un devoir pour moi de les terminer, et je tâcherai d’y consacrer mes vacances.
(abc)Le champ est si vaste qu’il m’effraie.
En disant que les lois de l’économie politique sont harmoniques, je n’ai pas entendu seulement qu’elles sont harmoniques entre elles, mais encore avec les lois de la politique, de la morale et même de la religion ((a)abstraction faite [en (bc)devient : en faisant abstraction] (abc)des formes particulières à chaque culte) ; s’il n’en était pas ainsi, à quoi servirait qu’un ensemble d’idées présentât de l’harmonie, (a)s’il était en désaccord [en (bc) devient : si cet ensemble était en discordance] (abc)avec des groupes d’idées non moins essentielles ?
Je ne sais si je me fais illusion, mais il me semble que c’est par là, et par là seulement, que renaîtront au sein de l’humanité ces vives et fécondes croyances dont Mlle Louise déplore la perte. Les croyances éteintes ne se ranimeront plus et les efforts qu’on fait, dans un moment de frayeur et de danger, pour donner cette ancre à la société sont plus méritoires qu’ils ne seront efficaces. Je crois qu’une épreuve inévitable attend le catholicisme. Un acquiescement de pure apparence que chacun exige des autres, et dont chacun se dispense pour lui-même, ce ne peut être un état permanent.
Le plan que j’avais conçu exigeait que (a)l’économie politique [en (bc) devient : l’harmonie politique] (ab)d’abord (abc)fût ramenée à la certitude rigoureuse puisque c’est la base ; cette certitude, il paraît que je l’ai mal établie, car elle n’a frappée personne, pas même les économistes de profession. Peut-être le second volume donnera-t-il plus de consistance au premier. Je me recommande à vous et à Mme (b)Cheuvreux (abc)pour me détourner dorénavant avant de faire autre chose.
(b)Cette lettre me précédera de si peu que je trouve presque inconvénient de vous l’envoyer. Mais, je ne voulais pas quitter Mugron, sans vous remercier de toutes les bontés que vous et votre famille avez eues pour moi pendant cette absence.
(bc)Adieu, mon cher monsieur,
Votre dévoué,
(abc)F. Bastiat.
(a)Bastiat revient à la Jonchère, au mois d’août 1850. Les médecins lui ordonnent le climat de Pise, ou celui de Rome ; il part, au moins de septembre, pour l’Italie ; avec l’espérance d’y rencontrer, bientôt, la famille Cheuvreux, qui veut, elle aussi, aller passer deux ou mois à Rome, en compagnie de M. et Mme Édouard Bertin. La première lettre de Bastiat est datée de Lyon.
(bc)Après avoir quitté les Pyrénées au mois de juillet, Bastiat s’établit aux environs de Paris. Il passe ses matinées en solitaire au Buttard et la fin de ses journées à la Jonchère. Mais cette cruelle laryngite s’aggrave ; un travail suivi lui devient chaque jour plus difficile. Ses amis, qui l’avaient vu l’année précédente écrire plusieurs chapitres des Harmoniesau milieu du bruit, du mouvement, dans un coin de leur salon, sur le bord d’une table, trempant sa plume unique au fond d’une bouteille d’encre, simple appareil qu’il tirait de sa poche ; ses amis le surprenaient alors repoussant d’un geste impatient le papier posé devant lui ; inactif, et le front courbe, Bastiat restait muet jusqu’au moment où son ardente pensée jaillissait comme une fusée brillante en paroles éloquentes. Mais cette parole ramenait bien vite la douleur de gorge et lui imposait de nouveau le silence.
Le 9 septembre 1850, (b)Bastiat [en (bc) devient : le malade], avec un sang-froid stoïque, rendait compte lui-même à Richard Cobden des conséquences redoutables de sa (b)terrible maladie [en (bc) devient : situation].
LETTRE XXXV
(abc)Lyon, 14 septembre 1850.
(a)Chère Madame Cheuvreux, [en (bc) devient : Chère demoiselle Louise,]
(abc)Me voici à Lyon depuis hier soir ; à la rigueur vous auriez pu avoir cette lettre vingt-quatre heures plus tôt, mais en arrivant j’ai hésité entre le pupitre et le lit. Le cœur me poussait vers l’un et le corps vers l’autre : qui m’eût jamais dit que celui-ci l’emporterait dans une lutte de ce genre ? Cependant à peine couché il a été en proie à une forte fièvre, ce qui explique sa victoire et me justifie à mes propres yeux. Du reste, soyez sans inquiétude sur cette fièvre, elle est tout accidentelle et ce matin il n’y paraît plus. Mardi, après vous avoir quittés, j’as-sistai au dîner des économistes. (bc)M. Say nous présidait. Par suite de cette fatigue qui me prend toujours le soir, il me fut impossible d’aller dire adieu à MmeSay, ce dont j’ai bien du regret.
(abc)Mercredi je partis à dix heures et demie. Jusqu’à Tonnerre le voyage (a)se fit [en (bc) devient : se fait] à merveille. Nous allions si rapidement que l’on pouvait à peine jouir du paysage ; en sorte que mes yeux s’étant fixés sur un nuage, (a)qui (abc)probablement (a)était (abc)visible à la Jonchère, je me rappelai que (a)Mademoiselle Louise était [en (bc) devient : vous étiez] (abc)peu satisfaite des paroles qu’on a mises à la jolie mélodie de Félicien David.
J’en adressai d’autres à mon nuage. Malheureusement elles ne sont pas rimées ; (a)c’est pourquoi (abc)il est inutile que je les reproduise ici. De Tonnerre à Dijon commencent des tribulations de toutes sortes. (a)De quelque manière qu’on s’y prenne, on ne peut éviter de voyager de nuit. (abc)Si vous (a)faites [en (bc) devient : suivez] cette route, comme je l’espère, (a)le mieux sera que [en (bc) devient : il faut que] (abc)M. Cheuvreux se mette en rapport épistolaire avec M. (a)… [en (bc) devient : G… qui procure des voitures de poste.]
(a)Voilà votre voyage tout tracé ; il n’offre quelques difficultés que de Tonnerre à Dijon ; là, ne vous fiez pas non plus à l’imprévu. Au besoin, expédiez Joseph la veille.
(b)Pour moi (abc)n’étant responsable que de moi-même, je me suis confié au hasard qui aurait pu mieux me servir. Nous étions six dans une rotonde faite pour quatre. Sur six personnes il y avait quatre femmes ; c’est vous dire que nous avions sous les pieds, sur les genoux, dans les flancs, force paquets, cabas, paniers, etc., etc. Vraiment les femmes, si (a)admirables [en (bc) devient : adorables] (abc)d’abnégation dans la vie domestique, semblent ne pas comprendre que l’on se doit aussi quelque chose, même entre inconnus, dans la vie publique. (a)On dirait qu’elles se posent toujours ce problème : comment faut-il s’y prendre pour me faire suivre de la plus grande somme possible d’incommodités ?
(abc)De Châtillon à Dijon, j’ai été huché sur une impériale, en quatorzième. C’est pendant ce trajet qu’on franchit le point culminant dont un côté regarde l’Océan, l’autre la Méditerranée. Quand on traverse cette ligne, il me semble qu’on se sépare une seconde fois de ses amis, car on ne respire plus le même air, on n’est plus sous le même ciel. Enfin de Dijon à Châlon, il ne s’agit que de deux heures en chemin de fer, et de Châlon à Lyon c’est une ravissante promenade sur l’eau.
Mais est-ce que je puis dire que je voyage ? J’assiste à une succession de paysages, voilà tout. Ni dans les voitures, ni sur les bateaux, ni dans les hôtels, je n’entre en communication avec (a)aucun voyageur [en (bc) devient : personne]. (abc)Plus (a)ils ont l’air sympathiques [en (bc) devient : les physionomies paraissent sympathiques], (abc)plus je m’en éloigne. Le chapitre des aventures fortuites, des rencontres imprévues, n’existe pas pour moi. Je (a)traverse [en (bc) devient : parcours] (abc)l’es-pace comme un ballot de marchandises, sauf quelques jouissances pour les yeux qui en sont bientôt rassasiés.
Vous me disiez, (a)mesdames [en (bc) devient : chère demoiselle], (abc)que la poétique Italie me serait une source d’émotions nouvelles. Oh ! je crains bien qu’elle ne puisse me tirer de cet engourdissement qui s’empare peu à peu de toutes mes facultés. Vous m’avez donné bien des encouragements et des conseils, mais pour que je fusse impressionnable à la nature et à l’art, il aurait fallu me prêter une âme (a)comme les vôtres, une âme [en (bc) devient : cette âme] (abc)qui (a)s’épanouit si naturellement [en (bc) devient : voudrait s’épanouir] (abc)au bonheur, qui se met si vite à l’unisson de tout ce qui est beau, gracieux, doux, aimable ; qui a tant d’affinité avec ce qu’il y a d’harmonieux dans la lumière, les couleurs, les sons, la vie (a)… (abc)Non que ce besoin de bonheur révèle en elle rien d’égoïste, au contraire ; si elle le cherche, si elle l’attire, si elle (a)est avide [en (bc) devient : le désire], (abc)c’est pour le concentrer en elle comme en un foyer, et de là le répandre autour d’elle en esprit, (a)en verve [en (bc) devient : en fine malice], (abc)en obligeance perpétuelle, en consolations et en affection. C’est avec une telle disposition de l’âme que je voudrais voyager, car il n’y a pas de prisme qui embellisse plus les objets extérieurs. Mais je change de dieux et de ciel sous une bien autre influence.
Oh ! combien est profonde la fragilité humaine ! Me voici le jouet d’un petit bouton naissant dans mon larynx ; c’est lui qui me pousse du midi au nord et du nord au midi ; c’est lui qui ploie mes genoux et vide ma tête ; c’est lui qui me rend indifférent à ces perspectives italiennes dont vous me parlez. Bientôt je n’aurai plus de pensées et d’attention que pour lui, (a)je ressemblerai à [en (bc) devient : comme] (abc)ces vieux infirmes qui remplissent toutes leurs conversations et toutes leurs lettres d’une seule idée. Il me semble que me voilà pas mal sur le chemin.
Pour en sortir, mon imagination a une voie toujours ouverte, c’est d’aller à la Jonchère. Je me figure que vous (a)allez jouir [en (bc) devient : jouissez] (abc)avec délice des belles journées que septembre tenait en réserve. Vous voilà tous réunis ! (a)M. Cheuvreux et M. Édouard [en (bc) devient : Votre cher père et M. Édouard] (abc)sont revenus de Cherbourg enchantés des magnificences dont ils ont été témoins, et bien pourvus de narrations. Ne fut-ce que la présence de (a)la gentille [(b) porte : chère] (abc)Marguerite, cela suffirait pour faire de votre montagne un séjour charmant. En voilà une qui pourra se vanter d’avoir été caressée ! J’aime beaucoup entendre les parents se reprocher mutuellement de gâter les enfants, petite guerre bien innocente, car les plus gâtés, c’est-à-dire les plus aimés, sont ceux qui réussissent le mieux.
(a)Que Mademoiselle Louise me permette de lui dire qu’il faut qu’elle se défende contre le penchant qu’on aurait à la gâter aussi ; qu’elle ait soin de ne pas chanter trop longtemps et surtout avec les fenêtres ouvertes. [en (bc) devient : Chère demoiselle, permettez-moi de vous rappeler qu’il ne faut pas chanter trop longtemps, surtout avec les fenêtres ouvertes.] (abc)Défiez-vous (a)ma chère mademoiselle, (abc)des fraîcheurs de l’automne, évitez (a)de grâce, (abc)de prendre un rhume en cette saison. Songez que s’il vous survenait par votre faute, ce serait comme si vous rendiez malades tous ceux qui vous aiment. (a)Je vous avoue que je redoute beaucoup pour vous les retours de Chatou [en (bc) devient : Redoutez ces retours de Chatou] (abc)à onze heures de la nuit. (a)Comment [en (bc) devient : Pour] (abc)concilier le soin de votre santé et votre goût pour la musique, les soirées ne pourraient-elles pas se transformer en matinées ? (a)Il est probable que je m’ennuierai vite à Lyon, quoique sa position soit une des plus belles du monde.
(abc)Adieu, (a)Madame, [en (bc) devient : chère mademoiselle Louise.] (a)veuillez me rappeler au souvenir de M. Édouard et de Mademoiselle Anna ; recevez, ainsi que M. Cheuvreux et Mademoiselle Louise, l’expression de toute mon affection. [en (bc) devient : Permettez-moi de vous offrir l’expression de toute mon affection.]
(abc)F. Bastiat.
(a)Le soir, Lyon, 1850.
(c)Le soir, Lyon, 14 septembre 1850.
(bc)Chère madame Cheuvreux,
(abc)Je pars demain pour Marseille. En prenant le bateau de onze heures, on n’a que l’inconvénient de coucher à Valence, et ce n’en sera pas un pour moi puisque j’aurai le plaisir de porter des nouvelles à (a)M. votre frère [en (bc) devient : votre frère le (b)com-mandant—(bc)capitaine].
(abc)Si vous passez à Lyon ne manquez pas de gravir Fourvières ! C’est un horizon admirable où l’on embrasse d’un coup d’œil les Alpes, les Cévennes, les montagnes du Forez et celles de l’Auvergne. Quelle image du monde que ce Fourvières ! En bas, le travail et ses insurrections ; au milieu, des canons et des soldats ; en haut, la religion avec toutes ses tristes excroissances. N’est-ce pas l’histoire de l’humanité ?
En contemplant le théâtre de tant de luttes sanglantes, je pensais qu’il n’est pas de besoin plus impérieux chez l’homme que celui de la confiance dans un avenir qui offre quelque fixité. Ce qui trouble les ouvriers, ce n’est pas tant la modicité des salaires que leur incertitude ; et si les hommes qui sont arrivés à la fortune voulaient faire un retour sur eux-mêmes, en voyant avec quelle ardeur ils aiment la sécurité, ils seraient peut-être un peu indulgents pour les classes qui ont toujours, pour une cause ou une autre, le chômage en perspective. Une des plus belles harmonies économiques c’est l’accession successive de toutes les classes à une fixité de situation de jour en jour plus stable. La société réalise cette fixité à mesure que la civilisation se fait, par le salaire, le traitement, la rente, l’intérêt, enfin par toute ce que repoussent les socialistes. De telle sorte que leurs plans ne font que ramener l’humanité à son point de départ, c’est-à-dire au moment où l’incertitude arrive au plus haut degré pour tout le monde… Il y a là un sujet de recherches nouvelles pour l’économie politique… Mais de quoi vais-je vous entretenir à propos de Fourvières ! Quelle poésie, grand Dieu ! Pour l’oreille délicate d’une femme !… Adieu encore, pardonnez ce torrent de paroles ; je me venge de mon silence, mais est-il juste que vous en soyez victime ?
(bc)F. Bastiat.
LETTRE XXXVI
(abc)Marseille, 18 septembre 1850.
Mon cher monsieur Cheuvreux,
Il m’a été pénible de quitter Paris sans vous serrer la main, (a)surtout sachant que vous aviez été indisposé pendant le voyage de Cherbourg, (abc)mais je ne pouvais retarder mon départ sous peine de manquer ici le paquebot-poste. En effet, je suis arrivé hier et n’ai qu’un jour pour tous mes préparatifs, passeport, etc., (a)et un jour pour moi, c’est une heure.
(abc)Il n’est pas même certain que je m’embarque ; (a)j’ai appris [en (bc) devient : j’apprends] (abc)que les voyageurs qui suivent (a)cette voie [en (bc) devient : la voie de mer] sont accueillis en Italie par une quarantaine. Trois jours de Lazaret, c’est fort peu séduisant ! (a)et pour les éviter, je prendrai peut-être la voie de terre jusqu’à Nice.
(a)Sans avoir une foi bien entière dans le joli voyage dont Mademoiselle Louise berce son image, je ne puis me décider non plus à le considérer comme tout à fait chimérique, c’est pourquoi je crois devoir à tout événement vous donner les informations qui pourraient vous éviter des désagréments ou de fausses démarches…
(abc)En arrivant à Marseille, ma première visite a été pour la poste, j’espérais y trouver une lettre ; savoir que vous jouissiez tous les trois d’une bonne santé à la Jonchère m’aurait rendu si heureux ! Cette lettre n’y était pas. La réflexion m’a fait comprendre mon trop d’exigence, car enfin il y a à peine huit jours que j’ai quitté cette chère montagne ; le silence fait paraître le temps si long ; (ab)ne parlant à personne, vivant en dehors de toutes relation, ne pouvant même écrire ni guère penser, (abc)il n’est point étonnant que j’attache tant de prix à la réception d’une lettre. (ab)Dans la monotonie de mon existence, cela devient un événement. Mais si cette impatience est excusable, il n’y a pas de raison pour que les autres la partagent.
(abc)Qu’il me tarde d’être à Pise, qu’il me tarde de savoir si ce beau climat raffermira ma tête et mettra à sa disposition deux heures de travail par jour. Deux heures ! ce n’est pas trop demander, et pourtant c’est encore là une vanité.
Sans doute comme à André Chénier, comme à tous les auteurs, il me semble que j’ai quelque chose là ; mais cette bouffée d’orgueil ne dure guère. Que j’envoie à la postérité deux volumes ou un seul, la marche des affaires humaines n’en sera pas changée.
N’importe, je réclame mes deux heures, sinon pour les générations futures, du moins dans mon propre intérêt. Car, si l’interdiction du travail (a)vient s’ajouter à toutes les autres choses qui me sont interdites [en (bc) devient : doit s’ajouter à tant d’autres], (abc)que deviendrai-je dans cette tombe anticipée ! J’ai passé à Valence la nuit du dimanche au lundi. Malgré le désir que j’avais de voir (a)M. Auguste Girard [en (bc) devient : le capitaine et en (b) : le commandant] (abc)et les efforts que j’ai faits pour cela, je n’ai pu réussir. (ab)Il est vrai que nos habitudes réciproques devenaient un grand obstacle, car j’ai besoin de me coucher de très bonne heure et lui se lève très tard. Bref, après l’avoir cherché vainement sur la place, aux cafés, je fus à son logement où je laissai un mot. Rentré chez moi, j’espérai qu’il viendrait le soir ou le lendemain matin, mais j’ai eu le regret de partir sans lui donner de vos nouvelles [en (b) devient : sans lui serrer la main].
(a)Le 19, 1850. (bc)Le 19.
(abc)Décidément je pars demain et par terre. Me voici lancé dans une entreprise dont je ne vois (a)plus [en (bc) devient : pas] (abc)le terme.
Ce matin j’espérais encore (ab)trouver (abc)une lettre (ab)à la poste, (abc)je serais parti plus gaiement ; maintenant le bon Dieu sait où et quand j’entendrai parler de vous tous ; me faudra-t-il attendre quinze jours ? (a)Mais je m’arrête, pour ne pas vous accabler à la fois de toutes mes jérémiades.
(abc)Veuillez, cher monsieur Cheuvreux, me rappeler au souvenir de la mère et de la fille, les assurer de ma profonde amitié. (a)Je ne reproche pas à Mme Cheuvreux de ne pas m’avoir écrit quelques lignes. Je sais combien elle s’est créé d’occupations ; peut-être eût-elle mieux fait de ne pas me donner cette espérance. (abc)Ne m’oubliez pas non plus auprès de M. Édouard et de Mme Anna, qui me permettront bien d’embrasser tendrement, quoique de bien loin, leur aimable enfant.
Adieu, (ab)mon (abc)cher monsieur Cheuvreux.
F. Bastiat.
LETTRE XXXVII
(abc)Marseille (à bord du Castor), 22 septembre 1850.
(a)Ma (abc)chère madame Cheuvreux,
Avant de quitter la France, permettez-moi de vous adresser quelques lignes. La date de cette feuille va vous surprendre, en voici l’explication. Vous savez que, résolu à prendre la voie de terre, j’ai laissé partir le bateau du 19. Dès lors un jour plus tôt ou plus tard n’importait guère, et je ne pouvais me décider à quitter Marseille, sachant qu’une de vos lettres était sur le point d’arriver. J’ai attendu et j’ai bien fait, puisque je reçois enfin vos encouragements si bienveillants, si affectueux, et de plus je sais la grande détermination prise à la Jonchère. (a)Il y a bien une tache dans cette page si bien venue, c’est le rhume de Mlle Louise, mais j’espère qu’il n’aura pas de suite.
(abc)Bref, hier je devais partir par la diligence, mais je ne me dissimulais pas que, pour éviter (a)la quarantaine [en (bc) devient : le Lazaret], (abc)je tombais dans d’autres inconvénients : traverser des flots de poussière, aller d’auberge en auberge, de voiturin en voiturin, lutter du larynx avec les portefaix ; tout cela ne me souriait guère. À 11 heures, lisant le journal de Marseille, je vis que le Castor partait pour Livourne dans l’après-midi. Quoique vous me recommandiez d’éviter l’imprévu, je fis arrêter et payer une place, pensant que la quarantaine devrait s’avaler d’un trait en fermant les yeux. Le soir la mer fut si grosse que le bateau ne sortit pas, et voilà comment je griffonne maintenant cette épître pendant qu’on lève l’ancre. Depuis que je suis à bord, je m’aperçois qu’on a bien tort d’arrêter sa place le dernier. Au lieu d’avoir une bonne cabine pour soi, on a sa part de la cabine commune.
Ô imprévoyant ! tu traverseras la Méditerranée dans la cabine commune d’un paquebot, tu mourras dans la salle commune d’un hôpital, et tu seras jeté dans la fosse commune d’un Campo santo ! Qu’importe ! si le bonheur que j’ai rêvé dans ce monde-ci m’attend dans l’autre. Pourtant mieux vaut avoir une cabine à soi ; c’est pour cela que je vous écris afin que vous preniez toutes vos précautions.
Votre voyage me préoccupe ; je croyais d’abord tenir une solution (qui ne cherche des solutions, aujourd’hui ?). Je pensais que sa sainteté, qui met son infaillibilité sous la (a)sauvegarde [en (bc) devient : protection] (abc)de nos baïonnettes, devait épargner une quarantaine dérisoire à ses soldats. Dès lors il eût été facile à M. Cheuvreux et à M. (a)Bertin [en (bc) devient : Édouard Bertin] (abc)d’obtenir passage sur un vaisseau de l’État allant à Civita-Vecchia ; mais il paraît que nos troupes mêmes sont soumises aux mesures sanitaires (mauvaise solution). (bc)Enfin, (abc)un voyage à travers les Apennins me paraît bien hasardé à la fin d’octobre. (a)Le mieux est donc de venir à Marseille ; là vous pourrez prendre un parti selon les circonstances, peut-être la quarantaine sera-t-elle levée, en tout cas, elle aura eu ce bon résultat de provoquer l’organisation de plusieurs services par terre. Je vous dirai d’ailleurs au juste ce que sont ces trois jours de purgatoire et le désir de vous en informer, est entré pour quelque chose dans ma détermination.
(abc)Je comptais écrire à Mlle Louise, car, ainsi qu’un bon gouvernement veut bien prélever beaucoup d’impôts mais les répartit également, je sens la nécessité de diviser le poids de mes lamentations ; (a)mais (abc)ma lettre n’eût pas été aimable, hélas ! En route je n’ai su voir que le côté répréhensible et critiquable des choses. Les couleurs ne sont pas sur les objets, je le sens bien, elles sont en nous-mêmes. Selon qu’on est noir ou rose, on voit tout en noir ou en rose.
Adieu, je ne puis plus tenir la plume sous le frémissement de la vapeur.
Votre dévoué,
F. Bastiat.
LETTRE XXXVIII
(a)Gênes, le 26 septembre 1850.
(a)Je ne vous écris que quelques lignes, mon cher Monsieur Cheuvreux, que pour vous annoncer mon arrivée à Gênes, la clôture de ma quarantaine et mon départ dans une demie heure. J’ai bon espoir de coucher à Pise demain. De tout cet odyssée, je ne voudrais bien pouvoir extraire au moins un bon renseignement pour votre voyage. Mais combien tout ce que j’aurais à dire, est vague et incertain !
En résumé les bateaux de l’État partent les 9, 19, 22. On dit que ce sont les mieux installés, il ne s’agit que de s’accoutumer aux formes officielles toujours montées sur échasses.
Si le temps est magnifique comme ces jours-ci et que les passages ne soient pas entassés, la quarantaine à bord, dans une rade admirable, n’a rien de pénible.
Ayez soin de faire viser votre passeport à Paris ou à Marseille par le consul sarde afin de pouvoir descendre à Gênes dans l’intervalle qui sépare la clôture de la quarantaine au départ. Ceux d’entre nous qui n’avaient de visa que pour la Toscane n’ont pu jouir du plaisir de la promenade à Gênes aujourd’hui.
En tout cas, ne changez pas vos plans, pour vous jeter dans les hasards d’un voyage par terre. Point de lettre à la poste à Gênes. On n’a donc pas trouvé un moment à la Jonchère pour le consacrer à ce passe-temps ?
Adieu, votre dévoué,
F. Bastiat.
LETTRE XXXIX
(a)Pise, 28 septembre 1850.
(bc)Pise, 2 octobre 1850.
(a)Ma (abc)chère madame Cheuvreux,
(abc)Sans doute nous nous plaignons tous deux l’un de l’autre : vous de ce déluge de lettres dont je vous accable, et moi je me désole de n’en recevoir aucune. Mais je ne vous accuse pas, (a)quelles que soient vos occupations, (abc)il est impossible que vous ayez laissé passer tout ce temps sans m’écrire. (a)Oh ! non, vous êtes trop bonne pour cela ! (abc)J’attribue mon (a)malheur [en (bc) devient : désappointement] (abc)à (a)un [en (bc) devient : quelque] (abc)malentendu (bc)de la poste italienne. (a)Peut-être faut-il affranchir les lettres allant en Toscane comme celles que j’envoie d’ici en France ? En ce cas, les vôtres resteront au bureau de Paris. (abc)Cette explication est d’autant plus vraisemblable que je suis aussi sans nouvelles de ma famille et de Paillotet. (a)Il faut avouer que ce contretemps est bien aggravé par les circonstances.
(abc)J’ignore si vous persistez dans votre projet de voyage, quelle route vous prendrez, etc. Je suis allé à Livourne pour m’assurer de l’état du Lazaret. (a)Quoiqu’il faille se contenter d’informations par ouï-dire, j’en ai vu et entendu assez pour me faire désirer que vous prissiez le 19 le paquebot de l’État où l’on est mieux que dans ceux du commerce. Il y a cette différence que par les seconds, on reste en quarantaine à bord, tandis que les bateaux poste vous déposent au Lazaret ; vous accompliriez votre pénitence moins désagréablement à terre ; le Lazaret de Livourne est spacieux, de grands appartements manquent de meuble [(bc) ne contient que cette indication finale] ; (abc)mais dès que je serai fixé sur votre arrivée, je m’occuperai de préparer deux chambres. Un traiteur passable pourvoira à la nourriture, puis, si vous le permettez, je me mettrai aussi avec plaisir en quarantaine : « … et Phèdre au labyrinthe. (a)etc. etc. » (abc)Malheureux ! j’oublie que je ne puis parler et que ma société n’est qu’une nuisance.
(a)Décidez-vous à venir droit à Livourne ; je m’efforcerai de vous en rendre le séjour aussi peu incommode que possible. Mais comment faire pour que je sois prévenu ? Si vous quittez Paris le 10, cette lettre y arrivera le 8 ; du 15 au 16 je puis avoir une réponse immédiate. Un moment de négligence au contraire, me laissera ici comme dans les oubliettes, je ne saurai rien, rien de vous.
(abc)Si vous saviez, madame, combien (a)ce voyage [en (bc) devient : votre entreprise] (abc)me préoccupe pour Mlle Louise. Ce n’est pas (a)qu’il [en (bc) devient : qu’elle] (abc)présente le moindre danger ; j’espère même du beau temps (a)à la fin d’octobre [en (bc) devient : en octobre], (abc)puisque les vents soufflent au mois de septembre, mais je crains que vous ne souffriez toutes deux. J’invoque les bénignes influences du ciel et de la mer !
Enfin voici un moment de bonheur ! Je l’ai lue votre lettre du 25, elle m’arrive accompagnée d’une missive de ma tante et d’une autre de Cobden. Je voudrais que vous me vissiez, je ne suis plus le même.
Est-ce bien digne d’un homme de se mettre ainsi tout entiersous la dépendance d’un événement extérieur, d’un accident de poste ? (a)Mais il me semble que pour moi il y a des circonstances atténuantes. [légèrement différent en (bc)] (abc)Ma vie n’est qu’une longue privation. La conversation, le travail, la lecture, les projets d’avenir, tout me manque. Est-il étonnant que je m’attache, peut-être avec trop d’abandon, à ceux qui veulent bien s’intéresser à ce fantôme d’existence ? Oh ! leur affection est plus surprenante que la mienne. Vous partez donc le 10 ? Si cette lettre vous parvient, répondez-y de suite. (ab)Je vois que Mademoiselle Louise a repris son rhume d’automne, et n’y a-t-il aucun moyen de chasser cela ? J’espère que le ciel d’Italie, le mouvement, l’intérêt constamment captivé, une succession d’impressions agréables feront plus que détruire cette petite toux, et que votre si chère enfant va retrouver dans ce voyage une ample provision de santé.
À propos de santé, (abc)vous me recommandez de vous parler comme à la justice, de dire la vérité, toute la vérité ; je le voudrais bien, mais il m’est impossible de savoir si je vais mieux ou plus mal. La marche de cette maladie, qu’elle avance ou qu’elle recule, est si lente, si imperceptible qu’on n’aperçoit aucune différence entre la veille et le lendemain. Il faut prendre des points de comparaison plus éloignés. Par exemple, comment étais-je il y a un an au Butard ? Comment y étais-je cette année, et comment suis-je maintenant ? Voilà trois époques, et je dois avouer que le résultat de cet examen n’est pas favorable. (a)J’en prendrais mon parti, n’était cette douleur à la gorge qui est d’une importunité détestable. Vous voyez, Madame, que je dis bien franchement tout ce que j’éprouve.
(abc)Le départ de votre frère et de sa famille aura laissé un grand vide à la Jonchère, il suffit d’une gentille enfant comme Marguerite pour remplir (a)de joie la maison [en (bc) devient : toute une maison].
(abc)Adieu, chère madame Cheuvreux.
(a)Ah ! (abc)Venez, venez bientôt rendre un peu de (a)vie [en (bc) devient : mouvement] (abc)à cette Italie qui me semble morte. Quand vous y serez tous j’apprécierai mieux son soleil, son climat, ses arts. Jusque-là je vais suivre votre conseil, m’occuper exclusivement de mon corps, en faire une idole, lui vouer un culte et me mettre en adoration devant lui. Puissé-je réussir à recouvrer la parole quand vous serez là, car, madame, auprès de vous le mutisme est pénible ; vous avez une collection de paradoxes que vous défendez fort bien, mais auxquels on est bien aise de répondre.
Adieu, M. Cheuvreux ne va pas être le moins occupé des trois. Je vois prie (ab)ainsi que Mademoiselle Louise (abc)de croire à ma vive et respectueuse affection.
Votre dévoué,
F. Bastiat.
LETTRE XL
(abc)Pise, le 14 octobre 1850.
(ab)Ma (abc)chère Madame Cheuvreux, (a)nous voici au 14. Mais sait-on rien de ses amis quand ils sont à quatre cents lieues ! (abc)Enfin ! si rien n’a dérangé vos combinaisons, s’il n’y a pas eu un coup d’État à Paris, si Mlle Louise ne s’est pas laissé gagner par (a)quelque maudit rhume [en (bc) devient : quelque maudite indisposition], (abc)ou M. Cheuvreux par la migraine, s’il s’est mis en règle envers son tribunal, si… si (a)…. (abc)vous avez fait en ce moment le premier pas, le plus difficile, celui qui coûte le plus, vous voilà sur le railway, en route pour Tonnerre. Chaque soir je pourrai dire : Il y a cinquante lieues de moins entre nous. Oh ! que nos neveux seront heureux d’avoir des télégraphes électriques qui leur diront : « Le départ s’est effectué il y a une minute ! » Et maintenant, mesdames, pourquoi les vœux de l’amitié sont-ils complètement inutiles ? Si les miens pouvaient être exaucés, votre voyage ne serait qu’une succession d’impressions agréables ; vous auriez un beau soleil pour constante société, sans compter d’aimables rencontres tout le long du chemin ; Mlle Louise sentirait ses forces s’accroître d’heure en heure, (a)et à cette sorte de fatigue qui semble peser sur elle, succèderait la gaîté de son âge. Elle serait indisposée à tout voir avec intérêt et sympathie [en (bc) devient : sa gaieté, son intérêt sympathique à tout ne se démentirait pas un instant]. (abc)Cette disposition gagnerait son père et sa mère, et vous arriveriez ainsi à Marseille. Là vous trouveriez la mer unie comme une glace, la quarantaine supprimée, etc. Mais tous les (a)vœux [en (bc) devient : souhaits] (abc)du monde n’empêcheront pas que vous n’ayez choisi le jour de votre départ de manière à grossir beaucoup les difficultés du voyage. Cela tient un peu à ma mauvaise réputation. Vous êtes si convaincu que je ne sais pas discerner la gauche de la droite, à force de le répéter, vos préventions à cet égard sont tellement invétérées, que je passe pour absolument incapable d’exécuter (ab)habilement (abc)la moindre manœuvre, et bien plus encore de conseiller les autres. C’est pourquoi vous n’avez pas lu un seul mot de tout ce que j’ai écrit à ce sujet (a)parce que vous me dites dans vos lettres [en (bc) devient : d’après ce que vous me dites], (abc)« il est clair comme le jour que vous avez sauté à pieds joints tous les passages de mes lettres où je me pose en donneur d’avis ». Mais il est inutile de revenir là-dessus, puisque ces avis, en supposant que vous en fissiez cas, arriveront trop tard.
Au lieu d’un bon paquebot français, n’aurez-vous pas un petit bateau sarde bourré de marchandises, couvert de toute espèce de passagers, sans police ni discipline, où les voyageurs de seconde envahissent les premières places et viennent fumer sous le nez des dames ? Ce dont on peut se plaindre d’autant moins au capitaine que celui-ci donne l’exemple de toutes les infractions à la règle. (a)Et puis ce qui me persécute, c’est que vous ne pourrez me prévenir du jour de votre arrivé à Livourne, afin que je fasse préparer des chambres. (abc)Enfin ce (a)voyage [en (bc) devient : pèlerinage] (abc)commence à la grâce de Dieu, il faut bien qu’il se termine de même.
(bc)Bien (abc)chère madame, comment finir cette lettre sans solliciter un pardon dont j’ai bien besoin ? Je me suis beaucoup récrié à propos de votre silence ; j’étais bien ingrat, bien injuste, car j’ai reçu plus de lettres, non pas que je n’en désirais, mais que je n’osais en espérer. Seulement, la première a tardé et s’est trouvée un peu laconique ; voilà la cause de tout ce bruit. (a)Mais (abc)soyez indulgente (bc)pour (abc)les doléances des malades, on les plaint, on les excuse, on y condescend quand on est bonne comme vous, mais on ne s’en fâche pas.
Adieu, votre dévoué,
F. Bastiat.
LETTRE XLI
(abc)Pise, le 29 octobre 1850.
(a)Ma (abc)chère madame Cheuvreux,
(abc)Que votre voyage de Florence à Rome a dû être pénible ![1] Malgré ce fonds de philosophie avec lequel vous savez prendre les contrariétés, malgré la bonne humeur que chacun de vous aura apporté à la communauté, il n’est pas possible que vous n’ayez pas souffert avec un si horrible temps, à travers des routes défoncées et dans un pays sans ressources. Mon imagination ose à peine vous suivre dans cette odyssée ; toutes les prédictions de M. Sturler se dressent devant elle. (ab)Si, au moins, la santé de Mademoiselle Louise se tire saine et sauve de ce mauvais pas, (ab)les autres tribulations seront bientôt oubliées. Si votre voyage me préoccupe, (abc)combien je bénis pourtant l’heureuse inspiration qui vous a fait prendre la mer à Marseille le 19 ! Deux jours (a)après [en (bc) devient : plus tard], (abc)la traversée est devenue dangereuse, la Méditerranée s’est soulevée au point de désorganiser tous les services, et le bateau arrivé à Gênes, qui vous a suivis, n’a pu parvenir jusqu’à Livourne. Il a relâché à la Spezzia, où il a abandonné ses passagers (ab)qui ont achevé leur voyage par terre. (abc)Grâce au ciel, vous avez échappé à ces (a)dangers [en (bc) devient : périls], (abc)et cette idée me console un peu de vos privations actuelles, qui heureusement finiront ce soir. La vue de la ville éternelle fait tout oublier. Cette ville éternelle, je compte y entrer samedi 2 novembre. Je partirai de Livourne par le paquebot de l’État (tempo permettendo), et vous comprenez que je ne m’arrêterai pas à Civita-Vecchia.
Chère madame, ne parlons pas de ma santé, c’est une sonate dont j’aurai tout le temps de vous étourdir à Rome. Quand je (a)songe [en (bc) devient : pense] (abc)que vous êtes venue pour procurer à votre mari, à votre fille surtout, plaisirs et distractions, j’ai quelques remords de me jeter au milieu de vous comme un trouble-fête, car je m’aperçois bien que depuis longtemps je tourne au Victor Hugo, à ses Derniers jours d’un condamné, ce qui devient peu récréatif pour mes amis. Encore je m’avise de trouver le héros de (bc)Victor (abc)Hugo bien heureux (a)en comparaison de moi ; (abc)car enfin il pouvait penser et parler ; il était dans la même position que Socrate, pourquoi n’a-t-il pas pris les choses comme lui ?
Ce petit livre que je vous ai demandé nous montre ce philosophe athénien, condamné à mort, dissertant sur son âme et son avenir ; cependant Socrate était païen, il était réduit à se créer, par le raisonnement, des espérances incertaines. Un condamné chrétien n’a pas ce chemin à parcourir ; la révélation le lui épargne, et son point de départ est précisément cette espérance, devenue une certitude, qui pour Socrate était une conclusion. Voilà pourquoi le condamné de Victor Hugo n’est qu’un être pusillanime. Ne vaut-il pas mieux avoir devant soi un mois de force et de santé, un mois de vigueur de corps et d’âme, et la ciguë au bout, qu’un an ou deux de déclin, d’affaiblissement, de dégoût, pendant lesquels tous les liens se rompent, la nature ne semblant plus prendre d’autre soin que de vous détacher de la terrestre existence ? Enfin, à Dieu d’ordonner, à nous de nous résigner.
Il me paraît bien que je suis un peu mieux ; j’ai pu faire d’assez longues séances chez M. Mure, de plus j’ai reçu un très grand nombre de visites.
Paillotet m’a écrit ; c’est toujours le même homme, bon, obligeant, dévoué et de plus naïf, ce qui est assez rare à Paris. Ma famille me donne aussi de ses nouvelles.
Adieu, chère madame Cheuvreux, à samedi ou dimanche ; d’ici là, veuillez assurer M. Cheuvreux et votre fille de toute mon amitié, (a)sans oublier de présenter mes compliments à M. Auguste, à M. Bertin et mes respects à Madame Bertin [en (bc) devient : n’oubliez pas le (b)commandant—(c)capitaine (bc)et veuillez présenter mes compliments et mes respects à M. Édouard et à Mme Bertin].
(abc)F. Bastiat.
(a–autre écriture)Bastiat arrive à Rome le 2 novembre 1850, un appartement lui était préparé à côté de l’hôtel d’Allemagne, qu’habitait la famille Cheuvreux. Sa maladie de larynx devenait, de jour en jour, plus grave et plus douloureuse ; boire ou manger le mettait au supplice. Joseph, le valet de chambre de M. Cheuvreux, essayait, sous toutes les formes, de préparer lui-même quelques aliments. Le 17 décembre, la famille Cheuvreux reçoit, par l’ambassade de Rome, une funeste nouvelle, Mme Girard vient d’être frappé d’une attaque d’apoplescie. M., Mme Cheuvreux et Mlle Louise et M. Auguste partent immédiatement pour la France, laissant Bastiat mourant. La lettre suivante est écrite quatre jours (sic)avant sa fin.
LETTRE XLII
(a–autre écriture)Rome, samedi 28 (sic) décembre 1850.
(bc)Rome, samedi 14 décembre 1850.
(a)Ma chère [en (bc) devient : Bien chère] madame Cheuvreux,
(a)Je voudrais pouvoir m’asseoir souvent à cette place et vous envoyer un souvenir [en (bc) devient : J’espère m’asseoir quelquefois à ce pupitre, ajouter une ligne à une ligne pour vous envoyer un souvenir].
(abc)Je n’ai jamais été si près du néant et (a)je voudrais être Dieu. Je voudrais être Neptune [en (bc) devient : je voudrais être tout puissant] (abc)pour (a)vous (abc)rendre la mer (a)unie comme une glace [en (bc) devient : calme comme un lac] (a)et pourtant ce n’est pas là votre grande préoccupation. Le voyage vous le ferez toujours, mais (abc)quelles émotions, quels devoirs vous attendent à Paris ! (a)C’est à moi à attendre que vous me le disiez. Ce qui me réjouit le cœur, c’est de savoir que vous êtes prête à entrer avec la même énergie dans la voie que Dieu vous aura préparée [légèrement différent en (bc)], (abc)fût-ce la plus pénible.
Ma santé est la même. Si j’entreprenais d’en parler, ce ne pourrait être que par une série de petits détails qui, le lendemain, n’ont plus (a)aucun intérêt [en (bc) devient : aucune importance].
(abc)Au fond, je crois que le docteur Lacauchy[2] a raison de ne pas écouter un mot de ce que je lui dis.
Je me réjouis à l’idée que M. Cheuvreux verra bientôt l’excellent, (a)et (abc)le trop excellent Paillotet et le décidera à renoncer à un acte de dévouement aujourd’hui tout à fait inutile. Je crains bien que sa présence à Paris ne me soit (a)bientôt autrement indispensable [en (bc) devient : absolument indispensable] (abc)si on réimprime les Harmonies. Je ne pourrai pas m’en occuper, tout retombera sur lui.
(a)Dimanche.
(bc)Dimanche, 15 décembre.
(abc)Vous voilà à Gênes, (a)encore un coup de piston un peu long [en (bc) devient : encore un peu de patience] (abc)et vous voilà en France. (a)Là il y a tant de ressources. (abc)Il est cinq heures, c’est l’heure où vous veniez me voir. Alors je savais quelle galerie Mlle Louise avait visitée, quelle ruine, quel tableau l’avait intéressée. Cela éclairait un peu ma vie. (a)… (abc)Tout est fini, (a)… (abc)je suis seul vingt-quatre-heures, sauf les deux visites de mon cousin[3](bc)de Monclar. (abc)L’heure à laquelle je fais allusion est devenue amère parce qu’elle était trop douce ; vous me prouviez avec la science de votre père que j’avais raison d’être le plus maussade, le plus bête, le pus irritable et souvent le plus injuste des hommes. Au reste, il me semble que j’apprends la résignation et que j’y trouve un certain parfum. (a)…
(a)Lundi.
(bc)Lundi, 16 décembre.
(abc)Quand Joseph est venu me faire ses adieux, le pauvre homme s’est confondu en remerciements. Hélas ! des remerciements, personne ne m’en doit et j’en doit à tout le monde, surtout à Joseph, qui m’a été d’un secours si réel. (a)Vous, le tact personnifié, vous m’avez fait commettre une faute ; réparez-la, de grâce.
(abc)Nouvelle découverte ! (a)… (abc)Un mouvement précipité m’a ôté toute respiration. Une haleine ne pouvant joindre l’autre, c’est une souffrance (a)pénible [en (bc) devient : des plus pénibles]. (abc)J’en ai conclu que je devais agir en tout lentement comme un (a)bœuf [en (bc) devient : automate].
(a)Mardi.
(abc)Paillotet est arrivé. Il m’annonce l’affreux événement. Oh ! pauvre femme ! (a)malheureuse enfant [en (bc) devient : pauvre enfant] ! (abc)vous avez reçu le coup le plus (a)douloureux de votre vie [en (bc) devient : terrible, le plus inattendu]. (abc)Comment l’aurez-vous supporté avec une âme si peu faite pour souffrir ? (a)Peut-être Louise saura-t-elle se posséder davantage dans la souffrance ? [légèrement différent en (bc)]. (a)N’est-ce pas un fait providentiel qu’avant de partir, vous vous soyez jetée dans cette force divine, [en (bc) devient : Jetez-vous dans les bras de cette force divine,] (abc)la seule (bc)force (abc)qui puisse soutenir en de telles épreuves. Que cette force ne vous abandonne jamais.
Chers amis, je n’ai pas le courage de continuer ces mots sans suite, ces propos interrompus. (a)…… (abc)Adieu, (a)vous savez l’intérêt que je prends à ce coup si inattendu. Croyez que quelque près que je sois arrivé de l’état d’un automate souffrant, [en (bc) devient : malgré mon état d’anéantissement] (abc)je retrouve encore de vives étincelles de sympathie pour (a)la terrible douleur [en (bc) devient : le malheur] (abc)qui est venu vous visiter.
(abc)Adieu, votre ami,
(a)F. Bastiat
(bc)Frédéric Bastiat.
_______________
[1](bc) Les amis de Bastiat, après avoir passé deux jours près de lui à Pise, étaient allés l’attendre à Rome (b)à lui préparer un gîte.
[4](c) Cette lettre, la dernière qu’il ait écrite, n’a précédé sa mort que de huit jours.
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