COLLOQUE DE LÉRINS : CONSIDÉRATIONS SUR LA REFORME DE LA MONNAIE ET DU SYSTÈME BANCAIRE
Jacques Bichot, Association des Économistes Catholiques – Professeur émérite en sciences économiques, Université Jean Moulin (Lyon 3)
Pierre Garello, Association des Économistes Catholiques – Professeur agrégé des universités en sciences économiques, Université Paul Cézanne (Aix-Marseille III)
Nikolay Gertchev, Docteur ès sciences économiques, Université Panthéon-Assas – Économiste à Bruxelles
Guido Hülsmann, Association des Économistes Catholiques – Professeur agrégé des universités en sciences économiques, Université d’Angers
Pierre de Lauzun, Association des Économistes Catholiques – Sociétaire de l’Académie catholique
Charles Le Lien, Économiste de banqueLe 2 novembre 2011
Économistes chrétiens, nous n’opposons pas l’éthique à l’économie, l’efficacité à la justice. Nous pensons même qu’elles se conditionnent réciproquement et que leur opposition artificielle ou leur séparation est à la racine des graves maux économiques qui affectent aujourd’hui le sort de l’humanité tout entière.
Les marchés financiers et les banques jouent un rôle clef dans le fonctionnement de l’économie et plus généralement de la société. Ils facilitent la coopération entre épargnants et utilisateurs finals de l’épargne, et promeuvent le rapprochement social par des activités de contrôle, d’appréciation et de partage des risques. Ils procurent notamment des financements extérieurs aux firmes, complétant ainsi les financements intérieurs que les firmes obtiennent par la vente de leurs produits. Le financement extérieur apporte une plus grande surveillance des activités des firmes et des ménages, ainsi que de leurs rapports avec autrui. Cette surveillance réciproque peut créer et renforcer la confiance des uns envers les autres, c’est-à-dire l’idée que les engagements pris seront probablement tenus. Les activités de contrôle, d’appréciation, de partage des risques qui rendent possible le rapprochement social sont des éléments importants et salutaires des financements extérieurs. En dernière analyse ils se fondent sur le devoir biblique de correction fraternelle.
Dans une société ordonnée vers le bien commun, les marchés financiers et les banques sont elles aussi ordonnées vers le bien commun. Ceci implique entre autres que l’envergure de leurs activités est limitée par l’utilité effective de leurs services. Cette utilité se démontre en particulier par la juste et libre concurrence entre les financements extérieurs et les financements intérieurs des firmes et des ménages. La concurrence des différents financements est juste lorsqu’elle est basée sur des règles justes, notamment sur des règles en conformité avec les exigences morales. La concurrence des financements devient injuste, en particulier, lorsqu’on dévie des règles justes. Alors certains types de financement sont injustement privilégiés par rapport aux autres. Leur poids et leur influence deviennent démesurés. Les bénéficiaires des privilèges injustes reçoivent des rémunérations sans véritable contrepartie sous forme de prise de responsabilité pour les pertes qui résultent – ou peuvent résulter – de leurs choix. Ce sont des rémunérations moralement inadmissibles, usurières, qui encouragent la frivolité et le désordre. Clairement, une firme dont les profits sont privés, tandis que ses pertes sont supportées par les autres membres de la société n’est pas ordonnée vers le bien commun.
Les désordres actuels dans les finances publiques, sur les marchés financiers et dans le secteur bancaire sont en fin de compte le résultat de règles, de pratiques et d’institutions injustes. Ils mettent en lumière la création et le développement de « structures de péché » dénoncées par Jean-Paul II, qui traduisent sur le plan social notre condition pécheresse en lui donnant une ampleur et une résonance particulières, et imposent un effort collectif particulier pour les corriger.
Les structures de péché dont souffre notre temps sont notamment les règles et institutions qui encouragent la frivolité financière. Beaucoup de créateurs de financements extérieurs, et notamment les plus grands, mais aussi leurs bénéficiaires publics et privés sont dans une large mesure déresponsabilisés des conséquences ad- verses de leurs choix. Les ramener à la responsabilité est une exigence à la fois d’efficacité et de vie morale dont les pères de l’Église ont de tout temps souligné l’importance. L’économie de marché n’est pas l’économie des profits, mais l’économie des profits et des pertes ; tout comme la vie humaine en général doit être vécue dans le contexte des sanctions positives ET négatives voulues par notre Créateur. Il est donc urgent de rétablir dans le secteur financier les mêmes principes de responsabilité qui sont à juste titre appliqués ailleurs.
L’irresponsabilité des uns entraîne des coûts pour d’autres. L’irresponsabilité des agents monétaires et financiers n’est donc pas juste une question de moindre efficacité économique, mais comporte de profondes implications éthiques.
Sont aussi des structures de péché des idéologies répandues ou dominantes, comme celle de l’efficience spontanée de tous les marchés, qu’ils soient basés ou non sur des règles justes, ou l’objectif d’un rendement des fonds propres de 15%, pour ne citer que ces deux-là.
L’irresponsabilité qui pervertit le fonctionnement des marchés financiers est aussi le résultat des institutions étatiques et des réglementations financières. Les États sont les plus grands participants aux marchés financiers et ce sont les États, après tout, qui ont suspendu la convertibilité métallique de leurs monnaies nationales et mis en place des banques centrales, précisément pour assurer la liquidité des banques commerciales et pour faciliter le crédit. Maintenant ce sont les mêmes États qui, depuis trois ans, hésitent à mettre en place des réformes qui s’imposent, notamment parce que ces réformes menacent d’en finir avec la facilité traditionnelle de l’endettement public.
Aujourd’hui plus aucun mécanisme correcteur automatique et aucun engagement de convertibilité ne freine la création monétaire. Par conséquent il n’y a plus non plus aucun frein naturel à l’endettement. Telle est la racine de la croissance extraordinaire des masses monétaires et de l’endettement mondial depuis l’abandon du système de Bretton Woods en 1971. A noter en particulier l’accumulation des déficits publics de la plupart des pays occidentaux, fruit d’une gestion irresponsable reportant les conflits sociaux résultant du service d’une dette sans cesse croissante sur les générations futures.
Pour sortir de la crise financière actuelle, les financements extérieurs onéreux ne peuvent suffire à assurer les besoins financiers de la société. Comme l’avait rappelé le pape Benoît XVI dans Caritas in Veritate (2009), le don, et plus généralement la fourniture de moyens sans contrepartie équivalente, est un rouage indispensable et non pas un luxe. Dans une économie décentralisée, fondée sur les personnes, leur responsabilité et leur initiative, cela ne peut être assuré principalement ou exclusivement par l’État ou la sphère publique (dans ce qu’on appelle redistribution). Il est donc essentiel que l’initiative privée soit encouragée activement en la matière. Soit sous la forme du don pur. Soit par participation à des activités économiques mixtes, ou même commerciales, prenant en compte d’autres considérations que le pur échange et le retour stipulé à l’avance. Il en va de la reconstruction du tissu social dans une société dont la solidarité ne soit pas que bureaucratique.
Finalement, nous avertissons nos frères et sœurs, de l’Église catholique en particulier, contre une fausse idée qui n’est pas susceptible de résoudre nos problèmes actuels, mais qui bien au contraire risque d’aggraver nos difficultés économiques et de créer davantage d’injustices.
Cette fausse idée est celle du « crédit social ». Les défenseurs de cette doctrine ont raison dans la mesure où ils mettent l’Église en garde contre l’existence, actuelle et potentielle, de revenus injustes qui résultent d’une production monétaire injuste. Mais les réformes économiques, financières et sociales qu’ils recommandent sont basées sur une fausse analyse des faits, notamment sur l’affirmation selon laquelle la production réelle serait systématiquement étouffée dans notre économie contemporaine par une insuffisance de crédits et de production monétaire ; ou encore l’affirmation selon laquelle la demande globale, dans une économie de marché, serait nécessairement insuffisante pour absorber l’offre globale. Les réformes préconisées sous le nom du « crédit social » ne résoudraient pas nos problèmes actuels, mais les aggraveraient surtout à long terme, car elles détruiraient les fondements d’une économie libre.
Résumé
Les marchés financiers ne sont pas automatiquement orientés vers le bien commun. Ils le sont uniquement lorsqu’ils sont soumis à une libre concurrence basée sur des règles justes. Les désordres financiers actuels sont le résultat de règles, de pratiques et d’institutions injustes – de « structures de péché » dénoncées par Jean-Paul II – qui ont créé une véritable culture de l’irresponsabilité.
Aujourd’hui il est urgent de rétablir dans le secteur financier les mêmes principes de responsabilité qui sont à juste titre appliqués ailleurs. Il est également nécessaire de faciliter et promouvoir le don, qui est, comme l’a souligné le pape Benoît XVI, un rouage indispensable du tissu social et de sa reconstruction en temps de crise.
Finalement, il est crucial que la sortie de crise ne soit pas compromise par des politiques inappropriées. A titre d’exemple, des réformes inspirées par l’idée du « crédit social » risqueraient d’aggraver nos difficultés économiques et de créer davantage d’injustices.
A Copeau : désolé, ton message a disparu suite à une mauvaise manip. sur la base de données du site.
Mais je te répondrais en disant qu’il n’y a pas d’économie catholique, pas plus que de géométrie catholique ou de philosophie chrétienne. Par contre, il y a des économistes chrétiens ou des philosophes chrétiens. Donc pour eux, la question peut être de se demander si la raison et la foi peuvent converger. Si la christianisme comporte une vision de l’homme, de la société et de la morale, dans quelle mesure cette vision est-elle compatible avec les travaux des sciences et des autres disciplines rationnelles. Saint Thomas a montré qu’un lecture intelligente des Ecritures est compatible avec la raison, notamment avec la philosophie d’Aristote. Un économiste catholique peut s’inscrire dans cette démarche et chercher à mieux comprendre les Ecritures, à la lumière de la théorie économique. La bonne nouvelle c’est que la théorie économique autrichienne commence à être mieux connue, notamment des économistes catholiques. Espérons que le Pape s’en inspirera dans ses prochaines encycliques sociales.
Surtout ne nous trompons pas de priorité. Le Crédit Social, qui peut être réactualisé et même transformé en un logiciel économique, est au centre du sujet. Nos pratiques bancaires sont obsolètes et doivent être réformées si ce n’est remlacées. Est “faux” et fait courir des risques ce qui met en danger les – privilèges financiers – d’un autre âge, qui nous conduisent littéralement à la faillite. Les experts en bougies et en lampes à pétrole ne peuvent inventer l’ampoule électrique.
Voici ce dont il n’a pas été questions au colloque de Lérins.
Cet audiovisuel a presque 50 ans et est de plus en plus d’actualité
//www.youtube.com/watch?v=VJCIEsjhK_A
Renaud
Bonjour,
Les économistes disent que le dollar n’a plus de parité avec son équivalent en or. Pour cette raison, le dollar connaît une inflation naturelle que seule le productivisme effréné peut compenser. D’où il ressort que les monnaies du monde entier contribuent à payer chacune pour sa partie une proportion de l’inflation du dollar. Le dollar est donc devenu comme un vortex, un trou noir, qui attire en lui les autres monnaies obligées de refinancer son inflation car le dollar reste la monnaie de référence des marchés financiers internationaux. Dans la pratique, cela se traduit pour chaque Nation ayant sa monnaie d’être obligée de produire plus, de n’avoir que la croissance comme solution anti-inflation, donc de polluer plus, d’émettre plus de CO2, …
Il faudrait des calculs précis par des mathématiciens, des physiciens, des économistes, des financiers, pour chiffer les rapports entre : “fin de la parité dollar/or – risque d’inflation du dollar – pourcentage de l’inflation du dollar payée par chaque Nation – équivalence en pollutions diverses (CO2, eau, terres arables,…). Et conclure : le dollar sans parité avec l’or a pour conséquences directes sur l’écologie : X % de tonnes CO2 émises pour permettre la surcroissance engendrée par l’inflationisme érigé en système mondial, ce qui fait que 1 degré celsius d’augmentation de la température sur la planète dans les 50 ans à venir aura pour origine le seul fait du dollar sans parité avec l’or. C’est à dire que si le dollar avait conservé sa parité avec l’or au XXème siècle, la pollution en 2014 serait moindre, les tornades seraient deux fois moins nombreuses, les Océans ne seraient pas montés si haut, les populations des îles du Pacifique ne connaîtraient pas le stress de disparaître,…
Une fois établie la liste des chiffres, il faut un plan de remise en ordre :
1/ les historiens de l’économie des peuples ont-ils déjà constaté des royaumes, des empires, des Républiques, s’effondrer car elles auraient supprimé la parité entre leur monnaie et le référent précieux équivalent (or, argent, …)?
2/ L’Allemagne décide une transition énergétique majeure depuis Fukushima, donc à tous ceux qui disent que la transition énergétique coûte cher, le pays le plus riche d’Europe se lance de lui-même dans cette transition vitale, il faut donc rejeter ceux qui disent que la transition coute cher et il faut tout faire pour aider l’Allemagne.
3/ A qui profite le système de rupture de la parité dollar/or ? Si seulement quelques banques privées ont l’agrément pour percevoir de l’argent en contrepartie des opérations de change entre chaque monnaie et le dollar référent alors ces banques ont une responsabilité historique dans la cataclysme écologique anthropique (qui vient de l’homme) subie aujourd’hui par l’humanité. Ce sont des dizaines de millions de morts causés indirectement par ces banques des profondeurs (à l’image du “WEB profond” qui existe mais n’est accessible qu’à l’Etat qui dit y traquer les maffias).
4/ combien d’or ls Etats-Unis ont-ils besoin pour remettre en ordre leur système ? Il faut anticiper pour empêcher la montée du prix de l’or si les Etats Unis en achètent. Il faut répartir la référence monétaire entre l’or et d’autres métaux rares pour éviter la crise mondiale des matières premières que l’achat massif d’or par les Etats-Unis créérait. Exemple : le dollar américain aurait une parité avec 40 % d’or, 20 % d’argent, 40 % de diamants. Cela éviterait nombre de meurtres divers liés au marché des métaux précieux depuis leur extraction minière jusqu’aux coffres (il n’existe pas de lisibilité des productions extractives minières et pétrolières)