Chaque mois, entre 1881 et 1909, Gustave de Molinari a publié une chronique politique et économique dans le Journal des économistes, commentant l’actualité française et internationale sous un angle résolument libéral. Au programme notamment, dans cette livraison d’octobre 1899, l’accroissement des dépenses et de la dette en France, les syndicats et les grèves, la guerre des Boers, et le ralentissement de la population dans les pays civilisés.
Gustave de Molinari, Chronique (Journal des économistes, octobre 1899).
SOMMAIRE : Le budget de 1900. — La dette publique. — La grève du Creusot. — Les grèves provoquées par la loi sur les accidents du travail. — La loi sur les accidents en Suisse. — Le rétablissement des droits sur les blés en Espagne. — L’affaire du Transvaal. La politique de M. Chamberlain et la politique de Cobden. — La progression des pensions aux États-Unis. — Le ralentissement de la population américaine.
Sous la Restauration, lorsque, au grand scandale de l’opposition, le budget des dépenses atteignit un milliard, le ministre des finances prononça, dit-on, ces paroles prophétiques : saluez ce milliard, vous ne le reverrez plus ! En effet, on ne l’a plus revu, et n’y a aucune apparence qu’on le revoie jamais. Quoique la population ne se soit pas accrue d’un cinquième, les dépenses publiques ont quadruplé en moins de trois quarts de siècle, sans qu’on puisse affirmer que les contribuables soient sensiblement mieux gouvernés, administrés, jugés et assurés contre les périls intérieurs et extérieurs. Non seulement, les dépenses s’accroissent chaque année pour ainsi dire d’une manière automatique, mais leur augmentation suit une marche progressive. Nous lisons dans le très remarquable exposé des motifs du projet de budget de 1900, que dans la période de 1880 à 1890, les dépenses ne s’étaient accrues que de 209 millions et qu’elles ont monté de 339 millions dans la période suivante de 1890 à 1900. De 20 millions en moyenne l’accroissement annuel s’est élevé à 34, et le même exposé nous apprend qu’il a passé cette année à 45. M. le ministre des finances déclare, à ce propos, « qu’il faudra un effort soutenu de la part du gouvernement et surtout l’appui énergique des représentants du pays, pour parvenir non pas même à des réductions sur le chiffre actuel des dépenses, mais à un arrêt dans la progression constante des charges… Nous serions tentés de dire, ajoute excellemment M. Caillaux, que l’on n’obtiendra quelques résultats qu’à la condition de donner une orientation nouvelle à la politique générale du pays. » Seulement cette orientation nouvelle devenue si nécessaire, exigerait une réforme préalable sinon du régime parlementaire, du moins de la pratique de ce régime. Comment des ministres, dont la vie moyenne ne dépasse pas quelques mois, seraient-ils capables d’un effort soutenu ? La plus grosse part de leur temps et de leur activité n’est-elle pas absorbée par la lutte pour la vie ? Ils sont continuellement à la merci de coalitions d’intérêts particuliers, auxquels ils sont obligés de sacrifier l’intérêt général, à moins d’avoir le courage, hélas ! bien rare, de renoncer à leurs portefeuilles. Ces coalitions, c’est le protectionnisme qui les fomente, et elles ont pour résultat inévitable une augmentation des charges publiques.
« Toute la politique méliniste, dit M. Yves Guyot, est orientée vers l’augmentation des charges. Chaque député d’arrondissement est constitué par le protectionnisme en ennemi de l’intérêt général. Il tâche de happer un morceau du budget pour le donner à ses électeurs. C’est le dépeçage de l’intérêt général au profit des intérêts particuliers. M. Méline a systématisé cette politique. Il a constitué et organisé dans la Chambre des députés des syndicats qui se coalisent, — aujourd’hui le tour des sucres, demain le tour des vins, après-demain celui des constructeurs de navires à voiles, un autre jour celui des sériciculteurs et des filateurs de soie.Vous rappelez-vous avec quelle générosité M. Méline, étendant le bras, dit à ces derniers : — ‘Je vous apporte un cadeau de 100 millions ![1]’ »
Et combien il est facile et agréable d’être généreux aux dépens d’autrui !
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Dans son exposé des motifs, M. le ministre des finances évalue à 30 milliards le montant de la dette publique. En ajoutant à la dette de l’État, celle des communes et des départements, on arrive à environ 34 milliards.
« C’est un beau chiffre, dit M. Cornely, dans le Figaro. Aucune nation ne l’a jamais atteint, pas même l’Angleterre qui pourtant avait commis des folies et s’était endettée jusqu’au cou pour payer, à la fin du dernier siècle et au commencement de celui-ci, les guerres qu’elle nous fit ou nous fit faire par l’Europe soudoyée pendant vingt-trois ans. Il y a parmi nous des gens qui ne jugent pas suffisant ou digne d’eux que la France soit un grand et noble pays, mais qui tiennent absolument à ce qu’elle soit le premier pays du monde. Sur ce point financier, au moins, ils ont satisfaction. La France est de tous les pays du monde celui qui a la plus grosse dette. C’est aussi celui qui a le plus gros budget. Ce budget dépasse 3 milliards 1/2.
La dette française est donc au budget français comme 10 est à 1. C’est-à-dire que nous devons exactement dix années de nos revenus. Nous sommes dans la situation d’un homme qui gagnerait 12 000 francs par an et qui devrait 120 000 francs. On ne pourrait pas prétendre qu’il a toujours été prudent et que ses affaires sont bonnes.
Que si, maintenant, nous voulions rechercher grosso modo notre part individuelle dans ce fardeau, nous verrions que chaque Français, en venant au monde, trouve dans son berceau une dette de 1 000 francs qui l’accompagnera jusqu’au tombeau, plus une obligation de payer, chaque année, la somme de 100 francs, dont 30 francs consacrés aux arrérages de sa dette, 30 francs consacrés aux frais de sa défense et 40 francs à ses dépenses administratives.
Ces charges alourdissent l’activité nationale, et c’est miracle que le Français arrive à égaler, quelquefois à surpasser, ses concurrents étrangers qui portent un poids moins lourd que le sien. »
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Il est assez difficile de se rendre compte des causes de la grève qui a éclaté au Creusot d’une manière tout à fait soudaine sinon imprévue. Autant que nous en pouvons juger, cette grève a été provoquée par le changement que la création des syndicats a introduit dans les rapports des entrepreneurs d’industrie et des ouvriers. De même que leurs confrères anglais et américains, nos industriels, accoutumés à conclure avec des ouvriers individuellement le contrat de travail, ne se sont pas résignés sans peine à débattre les conditions du salaire avec des collectivités ouvrières, trade-unions ou syndicats. Dans des localités comme le Creusot, où il n’existe guère de concurrence pour la demande du travail, l’entrepreneur se trouvait en fait le maître de dicter ses conditions à des ouvriers généralement dépourvus d’avances et pressés d’obtenir les moyens de vivre, et il n’est pas étonnant qu’il ait fréquemment abusé de son quasi monopole. La constitution des trade-unions et des syndicats a modifié cet état de choses à l’avantage des ouvriers. Les trade-unions ont constitué des caisses qui permettent à leurs membres de disposer du temps, au lieu de précipiter leur offre, et, quand l’offre dépasse la demande, d’aller porter leur travail dans quelque autre marché où il est moins offert, l’union se chargeant de leur fournir à la fois des renseignements et des avances. À la longue cependant, des industriels ont fini par reconnaître qu’en traitant avec ces collectivités ouvrières, en concluant avec elles des contrats de travail pour une durée plus ou moins longue — contrats toujours renouvelables —, ils obtenaient une sécurité que ne leur présentait point le contrat individuel : ils n’étaient plus exposés à l’abandon soudain de leurs ateliers au moment même où les commandes affluaient et où cet abandon leur était le plus dommageable ; ils pouvaient même, dans le cas où l’union manquait à ses engagements, lui réclamer des dommages-intérêts, tandis que cette sanction nécessaire demeurait purement illusoire dans le cas du contrat individuel. Aussi voyons-nous dans les ouvrages de M. Paul de Rousiers et de notre collaborateur, M. Louis Vigouroux, que le contrat collectif commence à être préféré par les patrons eux-mêmes au contrat individuel, et qu’il en est résulté une diminution sensible du nombre des grèves. Il n’en est pas encore ainsi en France. C’est avec une répugnance visible que les patrons se mettent en rapport avec les syndicats. M. Schneider, notamment, s’y était refusé sous le prétexte assez futile que le secrétaire du syndicat n’appartenait pas au métier. Il convient de dire toutefois que les ouvriers français syndiqués, endoctrinés par les socialistes, affichent le plus souvent des prétentions excessives, sans posséder d’ailleurs les ressources nécessaires pour obtenir le redressement de leurs griefs les mieux fondés. Ils sont incapables de s’imposer les sacrifices indispensables pour remplir la caisse de leur syndicat. Cela nous rappelle le reproche que leur adressait un de leurs confrères anglais au congrès de Lausanne, auquel nous assistions en 1867. « Quand il s’agit, disait-il, de lever les mains au-dessus de la tête pour voter des résolutions quelconques, vous êtes toujours prêts, quand il s’agit, au contraire, de les descendre à la poche, vous ne l’êtes jamais. » Or c’est seulement en remplissant leur caisse que les syndicats peuvent arriver à débattre sur le pied d’égalité avec les entrepreneurs, les conditions du contrat de travail. Ni les violences, ni les promenades avec exhibition du drapeau rouge, ni même l’appel à l’intervention du gouvernement ne peuvent suppléer à ce nerf de la guerre et à ce véhicule d’indépendance. Voilà ce que ne comprennent pas nos ouvriers syndiqués, et ce ne sont pas les politiciens socialistes qui se chargeront de le leur faire comprendre. Nous le leur disions encore dans le dernier numéro de ce journal en mettant sous leurs yeux les résultats de l’organisation libre des forces ouvrières, telle qu’elle s’opère en Angleterre et aux États-Unis. Mais nous sommes des économistes, et n’est-il pas parfaitement avéré que les économistes sont vendus aux patrons ?
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Nous lisons, dans le Figaro, une lettre sur la grève du Creusot, écrite par un député qui pourrait bien être — chose rare — doublé d’un économiste ; nous en extrayons ce passage que nous recommandons particulièrement aux ouvriers syndiqués ou non :
« Ce n’est pas par le mépris des lois qu’on forme les gens à l’usage de la liberté. Que l’ouvrier n’oublie pas qu’il y a une loi et un contrat de travail ; qu’il n’oublie pas qu’il est dans l’usine un collaborateur sans responsabilité, que c’est le patron, maître chez lui comme propriétaire, qui doit encore rester et nécessairement, pour son bien comme pour celui de l’ouvrier, maître chez lui comme directeur du travail dont les résultats bons ou mauvais sont finalement à son seul compte.
La grève est légitime, mais faisons-en un débat et non une révolte. Traitons-la à l’anglaise, c’est-à-dire comme un conflit d’intérêts, sans violence, et quand il le faut, avec une ténacité appuyée sur des moyens de résistance, c’est-à-dire sur une caisse syndicale. Ce qui inquiète dans nos grèves, c’est qu’elles n’ont que les moyens violents à leur disposition. Les syndicats anglais accumulent des millions dans leurs caisses : c’est ainsi que les mineurs et les métallurgistes ont pu prolonger, pendant plusieurs mois, sans une seule heure de trouble, la lutte contre les patrons. Nos ouvriers français partent en guerre, grisés de mauvais discours et sans un sou dans la caisse. L’association ouvrière ne peut réussir, pas plus que les autres, sans l’esprit de prévoyance et de sacrifice. En se privant d’un petit verre d’alcool par jour, on peut se créer de riches fonds de résistance dans les syndicats ouvriers. Alors la grève ne sera plus un acte impulsif, mais réfléchi.
Si la caisse patiemment garnie se vide sans résultat par suite d’une résistance déraisonnable, c’est la meilleure leçon de prudence future. Si la résistance a été fructueuse parce qu’elle a été opportune et en harmonie avec la situation du marché et de l’industrie, ce sera encore une bonne leçon dans l’autre sens. Là est l’avenir des syndicats ouvriers : car c’est ainsi qu’on fait l’expérience des nécessités et des droits réciproques. Ils périraient, au contraire, pour le malheur commun, s’ils continuaient à n’envisager que des droits unilatéraux et la conquête d’un gouvernement de l’usine qui ne leur appartient pas. »
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Nous constations, dans une de nos dernières chroniques, que la loi sur les accidents aura pour résultat inévitable de mettre à la charge des ouvriers la prime d’assurance de cette sorte de risques. Les ouvriers se sont refusés à la payer, et nous voyons dans la statistique que publie l’Office du travail que sur 61 grèves qui ont éclaté pendant le mois d’août, 18 ont été dues à l’application de cette loi socialiste et philanthropique; mais quoi que fassent les ouvriers, ils supporteront finalement une charge qui leur incombe en vertu de la nature des choses. Les ouvriers anglais l’ont bien compris, et ce sont les Trade-Unions qui se chargent d’assurer leurs membres contre les risques de maladies et d’accidents.
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En Suisse, où le socialisme d’État fait florès, le Conseil national, et après lui le Conseil des États, n’en ont pas moins voté à la presque unanimité des projets qui mettent en grande partie à la charge des contribuables cette sorte d’assurance. Ces projets, lisons-nous dans une correspondance de Genève, seront soumis au vote populaire si le référendum est demandé; Ils exigeront une subvention annuelle de 8 millions, laquelle subvention s’ajoutera aux autres charges qui pèsent sur la nation, et en dernière analyse, directement ou par répercussion, sur les ouvriers eux-mêmes. Mais est-il bien nécessaire qu’une loi soit utile au peuple ; ne suffit-il pas qu’elle soit populaire ?
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À dater du 30 septembre, les droits sur les blés et les farines ont été rétablis en Espagne, à raison de 8 pesetas par 100 kilos pour les blés et de 13,20 pour les farines. Ce n’est pas ce retour à la politique de renchérissement du protectionnisme qui contribuera à faciliter la rentrée des impôts et à rétablir les finances espagnoles, mises à mal par le militarisme.
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Nous avons énergiquement blâmé la politique d’exploitation des Boërs à l’égard des Uitlanders. « Depuis que les gisements aurifères, ont été découverts disions-nous (chronique de mai), leurs mœurs ont changé du tout au tout. Ils menaient auparavant une vie dure et pénible, mais saine, et l’on vantait leur honnêteté et leur hospitalité. Ils sont devenus des politiciens rapaces, et ils égorgent littéralement la poule aux œufs d’or. Il y a grande apparence que ce système d’exactions sans vergogne finira par ruiner l’industrie des Uitlanders et, par un contrecoup inévitable, celle des Boërs, mais ceux-ci ne subiront pas seulement une ruine matérielle, ils auront perdu les qualités morales qui faisaient leur force et qui leur avaient valu les sympathies du monde civilisé. Si la politique d’exploitation de M. Krüger et de sa bande de politiciens est nuisible aux Uitlanders, elle l’est bien plus encore aux Boërs eux-mêmes ».
On peut en dire autant aujourd’hui de la politique de M. Chamberlain et de l’Angleterre jingoiste et impérialiste à l’égard des Boërs. Que le gouvernement anglais se soit ému des exactions dont les Uitlanders sont victimes, quoiqu’ils n’appartiennent pas exclusivement à la nationalité britannique (on sait qu’il n’y a pas moins d’un milliard et demi de fonds français engagés dans les mines du Transvaal), qu’il ait fait des remontrances et adressé de vives réclamations au gouvernement transvaalien, c’était son droit et son devoir. Mais M. Chamberlain ne s’est pas borné là, il a provoqué une rupture avec l’intention manifeste d’englober le Transvaal dans la plus Grande Angleterre. En cela, il a visiblement dépassé son droit : le Transvaal est un État indépendant et les Boërs n’ont aucune envie d’être annexés à l’empire britannique. En les annexant manu militari, l’Angleterre méconnaîtrait le principe qu’elle se glorifie d’avoir soutenu en toute occasion depuis un siècle, celui de la liberté des peuples et de leurs droits de s’appartenir à eux-mêmes.
Mais la politique de M. Chamberlain et des impérialistes n’est pas seulement illibérale et immorale, elle est encore absolument contraire aux vrais intérêts de l’Angleterre. C’est, au moins, pour une bonne part, sous l’influence de l’impérialisme qu’elle a presque doublé, depuis trente ans, ses dépenses militaires.
« De 1816 à 1843, lisons-nous dans un excellent article de notre collaborateur M. Viallate, sur les finances de l’Angleterre, la moyenne des dépenses militaires se maintenait entre 375 et 400 millions de francs par un. La guerre de Crimée fut le commencement d’une ère nouvelle dans le développement du militarisme en Europe. L’Angleterre ne demeura pas en arrière ; elle éleva rapidement les effectifs de son armée et de sa marine… En 1869-1870 l’Angleterre inscrivait à son budget 540 millions pour ses services militaires ; 300 pour l’armée, 240 pour la marine. Ces dépenses s’élevaient encore, après la guerre franco-allemande, à la suite de laquelle s’établit en Europe cet état de paix armée que supportent avec tant de peines les pays les plus riches. En 1873-1874 l’armée et la marine réunies coûtaient à l’Angleterre 590 millions. Depuis lors, chaque année ajoute au fardeau antérieur, et, au budget de 1897-1898, les dépenses militaires figuraient pour un milliard de francs. C’est, en vingt-cinq ans, une augmentation de 70%. Et rien ne fait prévoir un arrêt dans ce développement ininterrompu. Dans ses prévisions pour l’année 1899-1900, le chancelier de l’Échiquier évalue les dépenses de ce chef à 1 190 millions[2]. »
Ajoutons que les guerres que suscite l’impérialisme ont le défaut de coûter fort cher. Le Morning leader évalue à bien près de 2 milliards les frais d’une guerre avec le Transvaal, en fondant ses évaluations sur le coût des guerres coloniales de ces dernières années :
« 14 200 combattants, Européens et indigènes, participèrent à la campagne d’Abyssinie de 1866, qui coûta 205 millions de franc. Aujourd’hui la même campagne reviendrait 50% plus cher. À ce taux, la guerre contre le Transvaal reviendrait à 1 625 millions de francs.
La campagne égyptienne de 1883 a coûté 340 millions de francs. 20 000 hommes y ont pris part. Par conséquent une guerre à laquelle participeraient 60 000 hommes et qui coûterait la moitié ou plus reviendrait à 1 525 millions de francs, ce qui confirme le premier calcul. L’exactitude de celui-ci est encore confirmée par la guerre d’Afghanistan, qui coûta 612 millions de francs. Calculée d’après les mêmes bases on obtient, pour la guerre éventuelle contre le Transvaal, une dépense de 1 775 millions. Mais cette évaluation paraît plutôt modérée, car il faut tenir compte du dommage énorme que subiraient l’industrie et la navigation, de sorte qu’on n’est vraisemblablement pas au-dessous de la vérité en portant à 1 800 millions de francs le coût de la guerre contre le Transvaal. Cela représente une charge de 227 francs pour chaque citoyen anglais. »
L’impérialisme prétend, à la vérité, compenser les charges croissantes qu’il impose à l’industrie britannique, en étendant ses débouchés. Mais il serait facile de démontrer qu’il contribue au contraire à les rétrécir, en exhaussant par cette augmentation des charges de l’impôt tous les produits qui alimentent l’exportation. C’est ce que soutenait Cobden, et nous croyons que l’Angleterre gagnerait à la fois moralement et matériellement à suivre la politique de Cobden, plutôt que celle de M. Chamberlain.
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Les dépenses publiques ne progressent pas moins vite aux États-Unis qu’en Europe.Voici, par exemple, quel a été le développement du chapitre des pensions dans les trente-cinq années, écoulées depuis la guerre de sécession, par périodes quinquennales
1865-1869 | 105 148 728 |
1870-1874 | 149 715 338 |
1875-1879 | 147 935 864 |
1880-1884 | 289 623 447 |
1885-1889 | 362 449 519 |
1890-1894 | 666 470 699 |
1895-1899 | 708 719 505 |
2 430 063 100 |
Soit plus de 12 milliards de francs. Le plus grand nombre de ces pensions ont été accordées aux vétérans de la guerre de la sécession. Et chose vraiment miraculeuse ! à mesure que la mort éclaircit les rangs de ces dignes vétérans, le nombre et la somme de leurs pensions augmentent. C’est le politicianisme greffé sur le militarisme qui a opéré ce miracle inflationniste, en transformant les pensions en monnaie électorale.
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Comme la production de tous les autres articles, disions-nous après Adam Smith (voir notre livre sur la Viriculture) la population tend toujours à se proportionner au débouché qui lui est ouvert. Cette loi économique se vérifie en ce moment aux États-Unis : de 30,08% dans la période de 1870-1880, l’accroissement de la population de l’Union est descendu à 24,86% de 1880-1890 et, d’après les calculs de M. H. Newcomb, statisticien au département de l’agriculture, il ne serait plus que de 18,94% dans la période de 1890-1900. Au taux de la période précédente, la population se serait élevée à 78 millions ; M. Newcomb estime qu’elle ne dépassera pas 74 millions en 1900. Le même ralentissement s’observe, comme on sait, dans la plupart des États appartenant à notre civilisation, et il ne manquera pas de devenir encore plus marqué si le militarisme et le protectionnisme, en augmentant les charges de la population, continuent à rétrécir les débouchés des industries qui lui fournissent ses moyens de subsistance.
G. de M.
Paris, 14 octobre 1899.
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[1] Le Siècle, numéro du 18 septembre.
[2] Achille Viallate. Vingt-cinq ans de finances anglaises. Revue de Paris, du 15 septembre 1899.
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