Chaque mois, entre 1881 et 1909, Gustave de Molinari a publié une chronique politique et économique dans le Journal des économistes, commentant l’actualité française et internationale sous un angle résolument libéral. Au programme notamment, dans cette livraison d’août 1899, les charges humaines et financières de la paix armée en Europe, l’insuffisance du budget de la police, et les effets désastreux du protectionnisme et du socialisme d’État.
Gustave de Molinari, Chronique (Journal des économistes, août 1899).
SOMMAIRE : La conférence de La Haye. — Les charges de la paix armée. — L’insuffisance du budget de la sécurité intérieure. — Un attentat contre la production nationale. La convention franco-américaine. — Comment les droits sur les soieries protègent le travail national. — À qui profiterait la protection des guinées au Sénégal. — Pourquoi les primes d’assurance contre les accidents retombent naturellement sur les ouvriers.
Une caricature de la Review of Reviews, représente l’ange de la paix se rendant-à La Haye avec une corne d’abondance de laquelle s’échappent des fusils, des canons, des obus, des cuirassés, des torpilleurs, bref, des engins de destruction de tous calibres et de toutes sortes. Nous nous plaisons à espérer que ces instruments de paix ne seront pas mis en œuvre de sitôt, mais il n’en est pas moins curieux de constater que toutes les puissances, grandes et petites, représentées à la Conférence, à commencer par la Russie, ont augmenté, plus encore que d’habitude, leurs dépenses militaires. Le budget de la guerre s’est accru cette année, en Russie, de 35 millions de roubles, le budget de la marine de 16 millions, et nous lisons dans les journaux américains que la Russie n’a pas commandé, en Allemagne et aux États-Unis, moins de 6 000 pièces de canon pour renouveler son matériel d’artillerie.
En France, le budget de 1900 accuse une augmentation de 12 millions pour la guerre et de 9 millions pour la marine, en attendant les crédits supplémentaires : en Angleterre, le Parlement a voté des crédits qui augmentent d’environ 100 millions le budget de la marine ; en Allemagne, les effectifs de terre et de mer suivent une progression continue ; aux États-Unis, le chiffre de l’armée permanente a été porté de 25 000 hommes à 100 000 ; en Suède, on construit des cuirassés et on fortifie les côtes ; en Espagne, le gouvernement réclame un accroissement notable des budgets de la guerre et de la marine, apparemment pour faciliter l’amélioration de son crédit, etc., etc. C’est ainsi que les puissances représentées à La Haye se préparent à mettre fin « au régime des armements à outrance et au danger continuel qui gît dans cet amoncellement du matériel de guerre qui transforme la paix armée de nos jours en fardeau écrasant que les peuples ont de plus en plus de peine à porter », comme le déclarait, en termes éloquents, le ministre des affaires étrangères de Nicolas II dans sa note des 12-24 août 1898. Il est vrai que les diplomates, les politiciens et les militaires réunis à La Haye, ont trouvé ce langage quelque peu impropre, et que le colonel de Gross de Schwarzhoff, délégué de l’Allemagne, n’a pas hésité à affirmer « que le peuple allemand n’est nullement écrasé sous le poids des charges et des impôts », qu’il les supporte, au contraire, avec une satisfaction sans mélange. La Conférence a cru devoir toutefois exprimer l’opinion que « la limitation des charges qui pèsent actuellement sur le monde est grandement désirable pour l’accroissement du bien-être matériel et moral de l’humanité. » Mais on vient de voir de quelle façon les puissances représentées à La Haye procèdent aujourd’hui à cette « limitation désirable. »
L’arrêt dans l’accroissement continu des armements était cependant le but essentiel de la conférence de La Haye. Ce but n’a pas été atteint, et nous en sommes même plus éloignés que jamais. Quant à l’organisation permanente de l’arbitrage, à laquelle s’est appliquée la conférence, elle donnera lieu à la création d’un groupe international de fonctionnaires, mais on peut douter qu’elle facilite la solution des conflits entre les États. « Le propre de l’arbitrage, disions-nous à la veille de la convocation de la conférence, c’est d’être librement consenti et librement exercé. Un mode d’application fixé d’avance et une pratique uniforme qui pourrait bien ne pas s’adapter à tous les cas et convenir à tout le monde auraient probablement pour effet de restreindre le recours à l’arbitrage plutôt que de l’étendre. »
L’ange de la paix a donc fait à La Haye un voyage inutile ; il y a entendu, à la vérité, des déclarations et des promesses destinées à flatter agréablement ses oreilles, mais ce n’était, hélas ! que des mots, des mots, des mots !
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Dans un article publié par le Moniteur universel et reproduit par l’Europe nouvelle, M. René Lavollée dresse d’après l’Almanach de Gotha l’inventaire des charges de la paix armée, charges qui n’ont rien d’écrasant, au dire du colonel Gross de Schwarzhoff.
« Ouvrons l’Almanach de Gotha de cette année : nous trouverons dans ce livre de chevet de toutes les chancelleries, dans ce vade mecum de toutes les cours, une sorte de confession publique des diverses puissances de l’Europe.
Pour commencer par notre pays, nous y voyons qu’en 1898, notre effectif de paix a été de 28 388 officiers et de 558 000 sous-officiers, soldats, en tout, plus de 586 000 hommes.
Notre alliée, la Russie, avec son immense population de 120 millions d’âmes, entretient des forces autrement redoutables. L’effectif total de son armée en temps de paix, y compris les Cosaques, les troupes de la Finlande et les troupes indigènes de la Caucasie, est évalué à 36 000 officiers et 860 000 sous-officiers et soldats — en tout 896 000 combattants tout près de 900 000.
En regard de ces effectifs franco-russes, mettons maintenant ceux de la Triplice. L’Allemagne entretient 23 176 officiers et 557 436 sous-officiers et soldats, c’est-à-dire, en tout, plus de 580 000 hommes. En Autriche, le pied de paix est de 24 583 officiers et 334 000 sous-officiers et soldats, ce qui fait 358 000 hommes. L’armée italienne se compose de 258 000 combattants, dont 14 438 officiers et 244 000 sous-officiers et soldats, non compris les troupes africaines. L’effectif total des armées de la triple alliance dépasse donc 1 182 000 hommes, presque 1 200 000.
L’Angleterre elle-même, malgré sa réputation de puissance exclusivement maritime, compte, sur le pied de paix, 10 718 officiers et 243 000 sous-officiers et soldats, en tout 254 000 hommes. Si l’on fait entrer en ligne de compte la réserve, la milice et les volontaires, on atteindrait le chiffre de 26 000 officiers et de 720 000 hommes.
Ainsi donc, en ne s’occupant que des armées actives sur le pied de paix, on arrive, pour les six grandes puissances de l’Europe, à un effectif total de 3 018 000 hommes. Si l’on y ajoute 129 000 Espagnols, 350 000 Turcs, 60 000 Roumains, 40 000 Suédois, 20 000 Norvégiens, 50 000 Belges, enfin tous les menus effectifs entretenus par les États secondaires que leur neutralité ou leur petitesse même devrait cependant affranchir de toute préoccupation militaire, on voit que l’Europe, dans son ensemble, maintient annuellement sous les drapeaux, en pleine paix, tout près de 4 millions d’hommes.
Mais ce n’est pas tout. À côté de l’armée de terre, il y a l’armée de mer, et celle-ci absorbe aussi non seulement des centaines de millions en argent, mais encore des centaines de mille hommes.
C’est ainsi que la flotte française ne comptait pas, en 1898, moins de 457 bâtiments de toute genre, de toute dimension et de tout âge, armés de 3 766 bouches à feu et montés par 44 000 hommes, sans compter l’infanterie et l’artillerie de marine.
Bien autre est la puissance navale de l’Angleterre. En 1898, ses bâtiments de construction nouvelle comptaient 1 889 canons et 75 000 hommes d’équipage ; il fallait y ajouter 213 bâtiments de construction ancienne (c’est-à-dire antérieure à 1886), avec 998 canons et 34 000 hommes d’équipage, le tout formant un total formidable de 525 bâtiments, de 2 887 bouches à feu et de 109 000 hommes.
Sans insister sur les autres flottes, il suffit de rappeler que l’Allemagne dispose de 97 bâtiments servis par 26 000 marins.
Que la Russie a 214 bâtiment, avec 1 545 canons et 42 000 marins.
L’Italie, 326 bâtiments, 1 731 canons et 25 000 hommes d’équipage.
L’Autriche enfin, 132 bâtiments, avec 864 bouches à feu et 14 000 marins.
Si nous additionnons ces divers effectifs, nous voyons que les armées de mer des grandes puissances représentent ensemble près de 250 000 hommes s’ajoutant aux 4 millions d’hommes de l’armée de terre, de sorte que le total des jeunes hommes de notre vieille Europe arrachés de leurs foyers et distraits de leur vie normale pour monter la garde autour des frontières de terre ou de mer, doit varier entre 4 200 000 et 4 300 000. En d’autres termes, l’Europe est transformée en un vaste camp retranché pour assurer le maintien de la paix. Que ferait-elle de plus pour préparer la plus acharnée et la plus sanglante des guerres ?
Pour arriver à ce résultat, elle n’épuise pas seulement ses réserves d’hommes qui constituent la première et la plus précieuse de ses richesses, elle se ruine encore financièrement.
Voici le tableau instructif de ses dépenses militaires en 1898, tant pour l’armée que pour la marine :
Armées
Millions |
Marine
Millions |
Total
Millions |
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France | 640 | 287 | 937 |
Russie | 721 | 168 | 889 |
Allemagne | 735 | 183 | 918 |
Autriche-Hongrie | 360 | 42 | 402 |
Italie | 279 | 106 | 385 |
Angleterre | 483 | 521 | 1 004 |
Si on additionne ces dépenses, on arrive à des totaux gigantesques, fantastiques : 3 milliards 218 millions de francs pour les armées, 1 milliard 287 millions pour les flottes ; ensemble 4 milliards 505 millions pour les armées de terre et de mer en y ajoutant les budgets militaires des petits États, au moins 5 milliards par an — 4 millions d’hommes à la caserne et 5 milliards, c’est-à-dire l’équivalent de la somme colossale qui, au lendemain de 1871, dut être payée comme rançon par la France à l’Allemagne victorieuse ; voilà donc ce que l’Europe s’impose à elle-même, chaque année, comme tribut volontairement payé au fléau de la guerre.
Est-ce encore là le dommage le plus grave que la paix armée cause à l’Europe ? On n’oserait l’affirmer. Ce système extraordinaire, sans analogue dans aucun temps, a des conséquences indirectes, plus désastreuses encore que ses effets directs. Les 4 millions de jeunes gens qu’il fait passer sous les drapeaux y consument, en effet, en exercices matériellement stériles, les plus belles années de leur vie. Leur mariage s’en trouve retardé, et par là le développement de la population compromis. Ils y perdent l’habitude, quelquefois le goût de leur métier, leur souplesse de main, leur entraînement professionnel, souvent tout le bénéfice de leur apprentissage, ils en sortent moins bons cultivateurs, moins bons ouvriers, par là même condamnés à produire moins bien et plus chèrement que leurs concurrents de certains autres pays restés sans interruptions à la ferme, dans l’usine, dans l’atelier, derrière le comptoir ou à leur bureau.
Quant aux dépenses formidables qui écrasent du poids de près de 1 milliard par an les budgets de toutes les grandes puissances militaires de l’Europe, chacun sait le tort énorme qu’elles font au commerce, à l’industrie, à l’agriculture du vieux monde. Elles nécessitent l’établissement, le maintien, l’augmentation indéfinie d’impôts énormes, qui grèvent d’autant le producteur européen et lui rendent de jour en jour la concurrence plus impossible à soutenir.
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Tandis que nos contribuables paient tous les ans un milliard pour assurer leur sécurité extérieure, laquelle est, grâce au développement progressif des intérêts internationaux, de moins en moins menacée, l’argent manque pour garantir leur sécurité intérieure, laquelle est, au contraire, de plus en plus exposée aux attaques des malandrins :
« La banlieue parisienne, dit le Journal des Débats, a toujours servi de champ d’expériences aux cambrioleurs. Mais, jusqu’à présent, ces gens-là n’opéraient guère que l’hiver, alors que la plupart des villas sont abandonnées par leurs propriétaires. Depuis quelque temps les malfaiteurs ont changé leurs habitudes : ils travaillent toute l’année. Pas un jour ou plutôt pas une nuit ne se passe sans que, dans les communes suburbaines, on mette à mal les vergers, les jardins potagers et les basses cours et même les maisons dont en croit les habitants absents. Les réclamations affluent aux commissariats de police ; mais, à toutes ces réclamations, les commissaires de police opposent l’impossibilité où ils sont, faute de personnel, d’exercer une surveillance efficace. C’est la vérité. Dans certaines communes, qui comptent 15 000 ou 20 000 habitants, c’est à peine si la police dispose de 10 ou 15 agents. Que peut faire un aussi faible effectif pour exercer une surveillance de nuit et de jour ? Vingt fois les commissaires de police ont demandé une augmentation de personnel ; on leur a toujours opposé le manque de fonds. »
Serait-il donc indiscret de demander qu’on retranche quelques millions au budget de la guerre pour les ajouter au budget de la police ?
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Une convention commerciale a été conclue le 24 juillet, entre la France et les États-Unis. En voici le résumé :
« Le traitement de la nation la plus favorisée est accordé à la France sur 74 numéros du tarif américain, comprenant tout ce qui se rapporte à la parfumerie, à l’huile d’olive, aux produits chimiques et médicinaux, aux briques, aux ciments, aux objets de verre, à la coutellerie, à la passementerie, à l’horlogerie, à l’ameublement, aux pâtes alimentaires et conserves de légumes, aux fruits conservés, aux liqueurs, eaux minérales, cotons confectionnés, bonneterie, dentelles et tissus de lin, soieries, papeterie, chapellerie, bimbeloterie, jouets, bijouterie, ganterie, instruments de musique et généralement tous articles de Paris.
La France accorde le tarif minimum aux produits américains, sauf aux articles suivants, dont voici l’énumération complète.
Sont exceptés :
Chevaux entiers ou hongres, juments et poulains, œufs de volaille et de gibier, fromages, beurre, miel, graines de luzerne et de trèfle, sucres, racines de chicorée, fourrages, fonte, porcelaine, cartons, peaux préparées.
Semelles découpées, en cuir battu ou lisse, et ballons. Tiges de bottes, de bottines, de bottillons, empeignes, claques (cambrées ou non), quartiers en veau, vache, chèvre ou chevreau. Bottes. Bottines pour hommes et pour femmes. Souliers.
Courroies et cordes en cuir pour transmission. Tuyaux de cuir et autres ouvrages en cuir ou en peau pour machine.
Machines dynamo-électriques.
Machines-outils.
Induits de machines dynamos-électriques et pièces détachées, telles que : bobines pleines ou vides en métal, entourées de cuivre isolé ; pièces travaillées en cuivre, pesant moins d’un kilogramme, numérotées et marquées, ajustées ensemble ou démontées, pour appareils électriques.
Lampes à arc, dites « régulateurs ». »
Cette convention, l’organe favori de M. Méline l’a accueillie par un article intitulé : Un attentat contre la production nationale. Dans cet article, la République français apprend à M. Millerand :
« Qu’il met inévitablement sur le pavé, par centaines de milliers, des travailleurs qui vont perdre leur salaire. Rien que dans l’industrie des cuirs et peaux, pour ne prendre qu’un exemple, plus de 400 000 bouches se trouveront bientôt sans pain, et nous ne pensons pas que la ruine de 5 000 patrons puisse — si précieux que soit, pour le collectivisme, un tel résultat — compenser la détresse de 100 000 ouvriers et de leurs familles. »
Seulement, la République française ne s’était pas donné la peine de lire la convention avant de pousser ce cri déchirant. Elle y aurait vu que les cuirs et peaux font partie des articles exceptés par la convention, ce qui l’aurait naturellement rassurée sur le sort des 400 000 bouches et des 5 000 patrons. La République française a commis une inadvertance encore plus surprenante. Elle a oublié que les négociations pour l’accord franco-américain ont été ouvertes par le cabinet présidé par M. Méline, et que ces négociations engagées sur la base du tarif minimum ne comportaient aucune exception. La mémoire de la République française aurait décidément besoin d’une protection spéciale.
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Le Moniteur officiel du commerce nous apprend que les exportations de la Suisse aux États-Unis sont en voie de rapide accroissement. Pour l’ensemble des cinq premiers mois de cette année, elles sont de 7 millions supérieures à celles de l’an dernier (33 millions au lieu de 25 millions). Parmi les articles en progrès, figurent principalement les soieries. D’après un journal spécial, les fabricants de soieries seraient redevables de ce progrès au tarif de M. Méline, qui a frappé d’un droit de 4 francs les soieries unies, auparavant indemnes. Les acheteurs de soieries à bon marché, trouvant qu’elles avaient haussé à Lyon sous l’influence de ce droit protecteur, ont porté leurs commandes en Suisse et en Allemagne.
Et c’est ainsi que le droit protecteur des soieries françaises a protégé les soieries allemandes et suisses en Angleterre et aux États-Unis.
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Nos lords du coton réclament, en ce moment, une augmentation des droits sur les guinées étrangères importées au Sénégal. Les guinées (pièces de cotonnade bleue) sont le principal article d’échange avec le centre de l’Afrique. Elles proviennent en grande partie de Pondichéry, des Indes anglaises et hollandaises, et 7% seulement de la France. La Chambre de commerce de Saint-Louis déclare, dans une protestation adressée au ministre du commerce, que l’augmentation du droit aura pour effet unique de déplacer le commerce du Sénégal au profit des colonies voisines de l’Angleterre. C’est un effet analogue à celui du droit sur les soieries, et nous pourrions ajouter de la plupart des droits prétendus protecteurs. Ce qu’ils protègent, le plus sûrement, c’est le travail national… de l’étranger.
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Nous constations, dans notre dernière chronique, qu’en dépit de la loi qui charge les patrons du risque professionnel des ouvriers, la prime d’assurance de ce risque sera payée par les ouvriers, avec, en sus, les frais de l’intermédiaire. Comme il fallait s’y attendre, les salaires n’ont pas tardé à subir de ce chef une réduction inévitable. La chambre syndicale des entrepreneurs de bâtiment de Saint-Germain par exemple a abaissé les salaires de 2 centimes par heure. Les ouvriers ayant refusé d’accepter cette diminution, la question a été soumise à M. le ministre du commerce, lequel a déclaré que « sans pouvoir résoudre directement cette question, qui relève des tribunaux, son administration n’hésite pas à penser que la mesure dont il s’agit est contraire aux dispositions combinées des articles 1er et 30 de la loi, qui mettent intégralement la responsabilité des accidents à la charge du chef de l’entreprise ». Soit ! mais à moins de fixer d’autorité le taux du salaire, comment M. le ministre du commerce s’y prendra-t-il pour empêcher le chef d’entreprise de reporter cette charge sur l’ouvrier ? Que conclure de là, sinon que les lois socialistes qui ont la prétention de protéger les ouvriers ne leur sont pas moins nuisibles que leurs aînées, les lois soi-disant protectrices du travail national ?
Paris, 14 août 1899
G. DE M.
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