Benjamin Constant – De l’esprit de conquête et de l’usurpation

Écrit de circonstance, protestation contre l’Empire de Napoléon et ses dérives autoritaires et bellicistes, ce petit livre de Benjamin Constant possède aussi une portée théorique et rhétorique générale. D’abord, l’auteur a puisé, pour l’écrire, dans ses Principes de politique, dont il offre une sorte de quintessence. Mais surtout, Constant rétablit ici face à Napoléon, usurpateur et guerrier, les vrais principes d’une société libre et prospère : la paix, la liberté humaine, la décentralisation, la stabilité des institutions, la réforme progressive.

Éphémérides du Citoyen (1766, II)

Fondé en 1765, les Éphémérides du Citoyen servit de réceptacle et de caisse de résonance au groupe des physiocrates. On y vit paraître certaines de leurs productions les plus emblématiques, telles que le Despotisme de la Chine de François Quesnay ou le petit traité de la Formation et de la distribution des richesses, par Turgot. Chacun des auteurs de la physiocratie — citons encore Baudeau, Mirabeau, Le Trosne — y ayant abondamment écrit, c’est une ressource de premier choix pour comprendre le libéralisme à la fois radical et humaniste que ces auteurs ont porté.

Gustave de Molinari – Lettres sur la Russie (2ème édition – 1877)

Dix-sept ans plus tard, en préparant la seconde édition de son livre, l’auteur était revenu de son premier accès d’enthousiasme. Dès lors, certains passages furent retranchés. La présentation de la Russie comme « le paradis des économistes », où les élites connaissaient et appréciaient les œuvres de F. Bastiat, était peut-être jugée inconvenante. Certaines saillies audacieuses, sur la confraternité libérale ou la privatisation des fleuves, profitèrent aussi du toilettage de rigueur pour disparaître discrètement. En annexe, en lieu et place du compte-rendu du banquet offert à l’auteur, figurait désormais une petite étude sur l’abolition du servage, dont la concrétisation avait eu lieu entre temps.

Gustave de Molinari – Au Canada et aux montagnes rocheuses. En Russie. En Corse. À l’Exposition universelle d’Anvers

Dans cet énième livre de voyages, Gustave de Molinari nous emmène sur les terres anciennement françaises du Canada ; il nous fait assister aux efforts de russification à Kiev et jusqu’en Finlande ; il s’embarque pour une escapade en Corse, où la politique, la police et les mœurs domestiques sont au menu ; enfin il découvre, moyennement édifié, la représentation des Congolais à l’Exposition universelle d’Anvers. Ce curieux assemblage géographique nous présente aussi un mélange surprenant de réalités antiques et de maux qui ne sont encore que trop d’aujourd’hui.

Joseph Garnier – Richard Cobden, les ligueurs et la Ligue

Au milieu des années 1840, le camp des économistes libéraux français découvre avec enthousiasme la grande agitation menée en Angleterre par la Ligue contre les lois-céréales (Anti-corn law league) de Richard Cobden. Dans des meetings, dans des brochures et dans la presse, elle accomplit une révolution : l’Angleterre se convertit au libre-échange et les intérêts protectionnistes sont forcés d’accepter une réforme radicale. Pour Joseph Garnier, de même que pour Frédéric Bastiat, Cobden et la Ligue sont des exemples à reproduire en France. La défense économique et morale du libre-échange devient alors une priorité.

Début de la réédition des Éphémérides du Citoyen

Fondé en 1765, les Éphémérides du Citoyen servit de réceptacle et de caisse de résonance au groupe des physiocrates. On y vit paraître certaines de leurs productions les plus emblématiques, telles que le Despotisme de la Chine de François Quesnay ou le petit traité de la Formation et de la distribution des richesses, par Turgot. Chacun des auteurs de la physiocratie — citons encore Baudeau, Mirabeau, Le Trosne — y ayant abondamment écrit, c’est une ressource de premier choix pour comprendre le libéralisme à la fois radical et humaniste que ces auteurs ont porté.

Ernest Cartier – Léonce de Lavergne

Léonce de Lavergne (1809-1880) n’a pas laissé dans l’histoire du libéralisme une trace à la mesure de son talent. Après une première gloire littéraire et l’amitié conquise d’hommes comme Chateaubriand ou Mérimée, il entra dans la politique avec l’espoir de contribuer au mouvement des réformes. Mais la révolution en 1848, le coup d’État en 1851, la suppression de son enseignement en 1852, le rejetèrent inlassablement dans la vie privée. Il devint alors agronome et agriculteur, et apporta dans l’économie politique une expérience et une compétence rares, qu’on décèle dans ses ouvrages ou dans ses articles de la Revue des Deux Mondes ou du Journal des économistes. Dans cette courte étude, Ernest Cartier raconte les étapes de la carrière de Lavergne, et examine ses principales productions intellectuelles, dont il donne le résumé en un mot : la liberté. Car Lavergne était avant tout, dit-il, un libéral.

Jean-Gustave Courcelle-Seneuil – Le crédit et la banque

Jean-Gustave Courcelle-Seneuil est resté célèbre pour sa défense théorique de la liberté des banques, notamment dans La Banque Libre (1867). Dans la petite brochure ici rééditée, et qui date de 1840, on retrouve à l’évidence des thèmes communs : l’utilité du crédit et du banquier ; les mérites de la liberté des banques en Écosse et aux États-Unis ; l’infériorité relative et l’injustice du régime du privilège couramment établi en France. Mais comme conclusion pratique, la liberté n’y est demandée qu’avec des ménagements, comme une concession. Le mûrissement et l’approfondissement allaient conduire l’auteur à une plus grande radicalité.

Œuvres complètes de Gustave de Molinari (Volume 12)

De tous les thèmes agités en 1856 par Gustave de Molinari à la tête de l’Économiste Belge, celui de la paix et de la guerre présente un intérêt particulier. Car ce n’est pas une opposition, c’est une tension constante qui existe cette année-là entre ces deux notions. D’un côté l’auteur continue à défendre la paix par le libre-échange, à rechercher des améliorations au droit des gens, comme aussi à s’opposer aux manifestations du militarisme : conscription, fortifications, gros budgets. Mais d’un autre côté, il défend un droit d’intervention mesuré, et pousse à la conquête de la Chine, donnant à son œuvre une unité mois facile à apercevoir.

Gustave de Molinari – L’Irlande, le Canada, Jersey

Loin de l’image de théoricien de cabinet qui lui est restée, Gustave de Molinari a nourri son libéralisme radical par de très nombreux voyages, effectués aux quatre coins du monde. Au-delà des aventures et des découvertes, c’est l’occasion pour lui de se confronter au devenir pratique de grandes idées qu’il travaille : en Irlande, c’est la propriété privée, attaquée par les mœurs et les lois ; au Canada et aux États-Unis, c’est le protectionnisme et ses effets ; enfin l’île de Jersey offre au voyageur le tableau en petit, dans des couleurs authentiques, d’une société et d’une économie libérales. Ce qu’il en ressort ? C’est que les diverses sociétés du monde ont beaucoup à apprendre à l’intellectuel qui entend les guérir de leurs maux.

Arthur Mangin – De la liberté de la pharmacie

La liberté du travail a été l’objet d’un combat éternel de la part des libéraux français. Mais quant à l’application aux professions médicales, la médecine et la pharmacie, des hésitations sont perceptibles. Turgot, le premier, en supprimant les corporations, maintint des règles provisoires pour les apothicaires. En 1864, Arthur Mangin, vulgarisateur scientifique, rédacteur au Journal des économistes et bientôt à l’Économiste Français de Paul Leroy-Beaulieu, offre résolument de défendre la liberté de la pharmacie. Il explique comment la liberté peut opérer, balancée par le contrepoids de la responsabilité, de la publicité et de la concurrence.

Archives et correspondance de Paul Leroy-Beaulieu

Peu étudiées jusqu’à ce jour, les archives de Paul Leroy-Beaulieu, conservées par la famille, permettent une compréhension plus fine des idées, des ouvrages et de l’action politique de ce penseur libéral extrêmement fécond et influent. Ce n’est pas un simple sommaire qu’on trouvera dans ce livre, mais des extraits étendus, commentés, permettant un accès facile à une masse documentaire considérable, qui promet des découvertes nombreuses et curieuses.

Benjamin Constant – De la religion

Théoricien d’un libéralisme complet et homme politique aux engagements divers, Benjamin Constant a consacré une grande partie de sa vie à la préparation d’une étude très vaste sur un tout autre sujet : la religion. Dans cette grande fresque historique en cinq tomes, ici réunis en deux volumes, il montre l’évolution graduelle des croyances religieuses sous l’impulsion ou de la liberté, ou du monopole (domination par une caste de prêtres ou sacerdoce). Et si la liberté épure et ennoblit le sentiment religieux, le monopole le vicie et le dégrade. Cette thèse, en parfaite correspondance avec les versants plus connus des œuvres de l’auteur, est présentée avec des développements qui se ressentent de décennies d’un patient travail, et exprimée avec le talent parfait de l’un de nos meilleurs écrivains.

Frédéric Passy – Discours contre la colonisation française au Tonkin

Les habitants du Tonkin ont leur pays, leurs terres, leur nationalité, à laquelle ils tiennent comme nous-mêmes aux nôtres. Ce n’est pas, de plus, par la force du canon ou sur des ruines fumantes qu’on bâtit la prospérité commerciale, et l’on n’échange pas fructueusement avec un peuple qu’on terrorise, qu’on pille méthodiquement après l’avoir violenté, et dont la clientèle nous coûte des millions. Si la nature, enfin, n’a pas permis que toutes les cultures puissent être entreprises partout, c’est pour forcer l’humanité à coopérer ; ce n’est pas pour que deux ou trois peuples parmi tous les opèrent de leurs mains sous toutes les latitudes, dans des pays dont le climat leur est hostile, et où, sans adaptation, ils languissent et ils meurent.

L’abbé de Saint-Pierre, par Gustave de Molinari (1857)

Pour les libéraux qui, au milieu du XIXe siècle, organisent en Europe la propagande de la paix, l’abbé de Saint-Pierre fait partie des figures notables que l’on se plaît à citer et avec qui l’on revendique une lointaine parenté. Mais devant la difficulté de dégager concrètement le programme du pacifisme, Gustave de Molinari comprend qu’un précurseur doit être davantage qu’une ombre, et il fait le pari de questionner en détail ce pionnier du pacifisme. Dans ce qui fut alors la première étude d’envergure sur l’abbé de Saint-Pierre, Molinari accomplit le projet de résumer l’ensemble de la production, très riche et variée, de ce philosophe et moraliste « papillonneur ». S’engage alors un dialogue entre deux figures et deux moments du libéralisme et du pacifisme, pour le plus grand profit d’une autre, plus lointaine époque : la nôtre.

Réflexions sur le journalisme libéral, à propos de «Contrepoints»

Le journalisme libéral est un métier exigeant. Il est très difficile de le faire seul, et déjà assez risqué de s’y aventurer avec une belle équipe de rédacteurs aguerris. La ligne éditoriale est une question de mesure : la rigueur absolue est impraticable, et le journaliste intelligent sait « mettre de l’eau dans son vin » sans se renier ; mais l’ouverture aussi doit avoir ses bornes, car sans cela l’identité propre du journal serait perdue de vue. Elle dépend aussi de l’état du marché, du nombre et de la qualité des contributeurs potentiels, et des idées du consommateur. On peut être innovateur, et aussi on peut ne pas l’être. Mais il faut toujours avoir des capacités managériales, au-delà même du journalisme pur, car la production de cette denrée immatérielle qui s’appelle une idée, ou en pratique un article, un journal, requière la collaboration de multiples personnes, qu’il faut savoir conduire.

Gustave de Beaumont – L’Irlande politique, sociale et religieuse

Au siècle de la démocratie montante — dont Gustave de Beaumont, comme son ami Tocqueville, analyse et guide tout à la fois la marche — deux grands phénomènes frappent la vue. C’est, en Amérique, l’esclavage et le racisme, qui préparent pour les futures générations des embarras communs à toutes les tyrannies, sur une terre où l’on aurait pu vivre d’emblée libres et égaux. C’est encore, en Irlande, une aristocratie étrangère et au culte différent, qui tient la masse du peuple sous le joug, sans se mêler à elle. Aussi, après avoir consacré un roman fameux, Marie (1835), au sort des esclaves émancipés aux États-Unis, Gustave de Beaumont publia sur l’Irlande deux volumes importants, qui faisaient suite à ses études sur place, en 1835 et 1837. Contre l’aristocratie, la persécution religieuse, l’oppression d’un peuple sur un autre, dont il présente les maux avec chaleur, Beaumont fait valoir les enseignements du libéralisme, auquel il joint, selon sa personnalité, une grande portée morale et une signification profonde de justice.

Gustave de Molinari – La morale économique

Parti à la recherche des fondements de la morale d’après les principes du libéralisme, Gustave de Molinari aboutit à l’explication des droits et des devoirs de l’homme sur des aspects fort divers, comme l’union matrimoniale, la parentèle, ou même vis-à-vis du règne animal. Avec l’audace qui le caractérise, il retrace l’histoire de la civilisation et la transformation des conceptions morales, jusqu’à l’avenir dont il s’attache aussi à présenter les menaces et les potentialités.

Gustave de Molinari – Religion

La religion a toujours été un point de tension dans le libéralisme français. Tandis que les Idéologues, Jean-Baptiste Say, Yves Guyot — pour citer les plus célèbres — donnaient au public leurs doutes ou leurs sarcasmes, tout au contraire, Benjamin Constant décrivait le sentiment religieux comme inaltérable et Frédéric Bastiat présentait la liberté comme un acte de foi en Dieu. Pour Gustave de Molinari aussi, le bilan des religions et positif, et les croyances sont nécessaires, ainsi qu’il l’explique dans ce petit livre.

Yves Guyot – Étude sur les doctrines sociales du christianisme

La religion a toujours été un point de tension dans le libéralisme français. Tandis que Benjamin Constant décrivait le sentiment religieux comme inaltérable, que Frédéric Bastiat présentait la liberté comme un acte de foi en Dieu, et que Gustave de Molinari parlait du bilan positif des religions et de la nécessité des croyances, Yves Guyot se rattachait délibérément à un autre courant. Dans ce petit livre, publié initialement en 1873, il trace un portrait très noir de Jésus, raconte ses exploits avec scepticisme et médisance, et finit par dresser l’acte d’accusation du christianisme, religion d’abaissement de l’homme.