Avant-propos aux Œuvres et correspondances inédites d’Alexis de Tocqueville

AVANT-PROPOS

 

Un témoignage inappréciable de confiance ayant placé entre mes mains les manuscrits d’Alexis de Tocqueville [1], j’avais à rechercher, parmi ses œuvres inédites, et notamment dans la correspondance qu’il a laissée, ce qui était susceptible de publication. Mon intention était de livrer le résultat de cette enquête sans aucun commentaire. Que dirai-je de l’écrivain qui n’ait été dit, et mieux dit que je ne pourrais le faire, par les hommes éminents qui lui ont rendu un dernier hommage : M. Ampère dans le Correspondant [2], M. de Barante devant la Société d’histoire de France [3], M. de Loménie dans la Revue des Deux Mondes [4], MM. de Sacy et de Laboulaye dans le Journal des Débats [5], et plusieurs autres qu’il serait trop long de rappeler ici.

Cependant, outre l’écrivain que tout le monde connaît, il y a dans Alexis de Tocqueville l’homme, que l’on connaît moins, et que trente ans d’intimité m’ont peut-être permis de juger mieux qu’aucun autre. C’est donc l’homme surtout que j’aurais voulu peindre dans la Notice placée en tête de cette publication. Convaincu que le seul mérite réel d’une pareille œuvre, si elle peut en avoir un, est d’être sincère, je me suis appliqué à être impartial. Les partialités de ma vieille amitié ont d’ailleurs été combattues par mon amitié même ; car il m’a semblé que, pour intéresser le public, au lieu du personnage idéal que créerait un panégyrique, il fallait montrer l’homme tel qu’il était, avec ses qualités et ses défauts, ses lumières et ses ombres ; et qu’après tout, le meilleur moyen de faire aimer et admirer Alexis de Tocqueville était de le peindre ressemblant. Si tel est le portrait que j’ai fait de lui, je regretterai moins, je l’avoue, le talent dont j’aurais eu besoin pour répandre sur le tableau des couleurs, qui, en l’embellissant, l’eussent rendu tout à la fois plus brillant et moins vrai.

GUSTAVE DE BEAUMONT.

 

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[1] Mme de Tocqueville, qui a voulu demeurer absolument étrangère à cette publication, n’y est intervenue que pour m’autoriser à l’entreprendre, et me remettre les manuscrits inédits dont elle était dépositaire, ainsi que les lettres que les amis d’Alexis de Tocqueville avaient, avec une pieuse déférence, placées à sa disposition. Elle a ensuite abandonné à ma discrétion l’accomplissement de ce travail, dont elle n’a pas même voulu prendre connaissance avant l’impression. Le sentiment bien touchant pour moi, qui lui a inspiré une pareille marque de confiance, n’a pas cessé d’être présent à ma pensée. Il a été le guide de ma conscience et la règle de mes actes. Si, privé ainsi du précieux secours que j’aurais trouvé dans son esprit et dans son cœur, j’ai commis quelques regrettables erreurs, j’espère qu’elle me les pardonnera ; et si, dans un livre, où beaucoup de noms propres sont mentionnés, j’ai pu me rendre coupable, envers les personnes nommées ou omises, de quelques torts d’indiscrétion ou d’oubli, on saura du moins que j’en ai seul toute la responsabilité.

[2] N° du 2 juin 1859.

[3] Séance du 3 mai 1859.

[4] N° du 15 mai 1859.

[5] Nos des 30 septembre, 1er, 2 et 4 octobre 1859.

 

 

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