Dupont de Nemours, Affranchissement des nègres en Pennsylvanie (Éphémérides du Citoyen, 1769, tome IX).
N°. PREMIER.
AFFRANCHISSEMENT des Nègres en Pennsylvanie.
Nous disions dans notre dernier volume, que les progrès de la prospérité des colonies anglaises de l’Amérique septentrionale, en formeraient, en assez peu temps, un empire plus puissant et plus considérable que ne l’est aujourd’hui l’Europe entière ; pourvu qu’entre autres choses ils eussent le soin de ne distinguer et de n’avilir parmi eux, dans aucun canton, par aucun privilège, de quelque espèce que ce soit, ni Virginien, ni Pennsylvanien, ni New-Yorckain, ni Marylandien, ni Louisianien, ni Mexicain, ni Sauvage, ni Européen, ni Africain, ni Blancs, ni Noirs, ni Rouges, ni Barbus, ni Imberbes. Nous ne savions pas alors que ces peuples venaient d’adopter en partie ces principes fraternels, qui nous semblaient si dignes de la sagesse, de la douceur et de la modération qui les caractérisent. C’est ce que nous venons d’apprendre par l’extrait suivant, d’une lettre que M. BARBEU DU BOURG, un des bons et vertueux citoyens qui honorent notre ouvrage périodique de leur correspondance, a reçu ces jours derniers, du Docteur RUSH, Professeur de chimie à Philadelphie.
De Philadelphie ce 30 août 1769.
Nos Quakers viennent de donner tout nouvellement un exemple bien noble de leur amour pour la liberté. Dans une Assemblée où la plupart d’entre eux se trouvaient, ils sont convenus d’une voix unanime de mettre tous leurs esclaves nègres en liberté ; et la majeure partie des membres de cette société a déjà exécuté ce projet. Cela ne fait-il pas honneur à leur caractère, autant comme homme, que comme Chrétiens ?Ce serait en vain que nous déclamerions contre la servitude où voudrait nous réduire le Parlement de la Grande Bretagne, tandis que nous-mêmes nous continuerions à retenir dans l’esclavage nos semblables, précisément parce qu’ils sont d’une autre couleur que nous. Nous espérons que les autres sectes religieuses suivront l’exemple des Quakers leurs frères.
L’exemple de ces honnêtes Quakers, est, en effet, de nature à être suivi par toute la Pennsylvanie. Et lorsqu’une province de l’Amérique aura entièrement renoncé aux esclaves, les profits qu’elle retirera du travail, tout autrement actif, et bien plus intelligent des hommes libres, détermineront promptement les Provinces voisines, à imiter un si bel exemple, qu’elles regretteront de n’avoir pas donné.
Il y a encore un grand tiers de l’Europe où les cultivateurs sont serfs, et dans une misère affreuse, et où leurs propriétaires eux-mêmes ne sont pas trop libres, et pas trop riches. Ces propriétaires commencent à sentir vivement la nécessité d’améliorer la situation des malheureux qu’un usage antique et barbare leur a soumis ; mais ils sont très embarrassés sur les moyens. Il serait affligeant pour la vanité européenne qu’il fallut envoyer ces Messieurs prendre des leçons en Amérique ; et cela serait même étonnant, car il y a parmi eux plusieurs hommes d’un rare mérite, et qui sont animés d’un amour très vif et très éclairé pour l’humanité. Nous en citerons un exemple dans l’article suivant.
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