Dictionnaire de la tradition libérale française, par Benoît Malbranque
ABSTENTION ÉLECTORALE. À l’époque des comices, des états généraux et des assemblées provinciales, l’abstention électorale n’a pas attiré une grande attention. Le phénomène s’est surtout installé en France après les extensions successives du suffrage, et on ne trouve guère que les libéraux de la dernière génération pour étudier ce mal démocratique. Yves Guyot y a consacré un article, dans lequel il avertit des dangers de l’abstention, considérée d’une manière double. D’abord, il y a l’abstention des électeurs primaires, qui au lieu de défendre leurs libertés et leurs droits, devant la menace socialiste grandissante, « s’éloignent des urnes et s’abandonnent au destin comme des musulmans fatalistes ». Vient ensuite le deuxième degré, souvent négligé, de l’abstention politique, celui des détenteurs du pouvoir eux-mêmes, qui tous ne prennent pas part aux délibérations et aux votes. « Il y a des députés », explique ainsi Guyot, « qui parlent au nom de la majorité, comme d’une déité infaillible, donnant tous les droits, — et les chiffres montrent que c’est la minorité qu’ils auraient seulement le droit d’invoquer. D’autres parlent avec effroi du despotisme ‘du nombre’, et ces chiffres montrent que le nombre, loin d’exercer son despotisme, subit le despotisme de ceux qui parlent en son nom, alors qu’ils n’y ont aucun titre. » (« L’abstention électorale », Le Siècle, 1er mars 1895)
Un demi-siècle plus tôt, Gustave de Molinari, trop heureux de voir un danger s’éloigner de lui-même, avait moqué avec un peu de légèreté mal placée les velléités des socialistes qui, n’acceptant pas les nouvelles restrictions portées contre les modalités du suffrage, entendaient s’abstenir de participer aux élections prochaines. (Voir notamment La Patrie du 9 janvier 1851 ; O.C., t. VIII, p. 24-27).
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