La monnaie mesure de valeur

En 1871, Menger publie ses Principes d’économie politique.

On trouve dans ce traité un chapitre VIII intitulé “La théorie de la monnaie”. Menger y expose sa célèbre théorie de l’émergence de la monnaie, et discute l’utilisation de la monnaie comme unité de compte. Il examine notamment l’usage qui permet de “mesurer la valeur” en termes de monnaie. Cette expression courante est contraire à sa théorie de la valeur subjective, et Menger précise le sens que l’on peut lui donner.

En 1892, Menger revient sur le sujet et publie trois articles sur la monnaie.

Le premier est le long article intitulé “Geld” dans le Dictionnaire d’économie politique (Handwörterbuch der Staatswissenschaften) de Conrad. Deux articles plus courts sont publiés simutanément :

  • On the origins of money, publié en anglais dans l’Economic Journal, et
  • La monnaie mesure de valeur, publié en français dans la Revue d’économie politique.

C’est ce dernier que l’on peut lire ici.



LA MONNAIE MESURE DE VALEUR

Carl Menger

Revue d’économie politique, Vol. VI (1892)

I. Introduction.

Suivant la doctrine régnante, la fonction primitive et principale de la monnaie consiste à mesurer la valeur d’échange des biens d’après sa propre valeur d’échange. On estime donc que la valeur de l’argent est une grandeur connue, tandis que celle des autres objets d’échange doit être déterminée en la mesurant par la première.

La constatation du fait que la valeur de l’argent lui-même n’est pas une grandeur fixe, mais diffère et varie suivant les temps et les lieux, a fait voir dans la monnaie une mesure très imparfaite ; aussi en a-t-on cherché de moins variables, le travail, par exemple, ou le blé et récemment d’ingénieuses combinaisons de monnaie métallique et fiduciaire, enfin des groupes de biens plus ou moins nombreux. Ce progrès n’a pas changé l’opinion sur l’objet qui nous occupe. On admet toujours que le quantum de valeur renfermé dans la marchandise est une grandeur inconnue qui doit être mesurée par le quantum de valeur renfermé dans le numéraire, lequel resterait une grandeur connue, bien que variable.

Cette opinion, d’importance extrême, repose sur deux erreurs dont la rectification préliminaire est indispensable à la conception positive de la monnaie en tant qu’elle sert à mesurer la valeur : 1° l’idée qu’une certaine valeur d’échange est un quantum déterminé inhérent à chaque bien individuel ; 2° l’idée que ce quantum supposé inhérent à chaque bien peut être mesuré par le quantum de valeur renfermé dans l’unité monétaire.

1. Pour comprendre combien la première thèse est insoutenable, il suffit de considérer que la valeur d’échange est une relation des biens entre eux et, par conséquent, ne saurait d’aucune manière se trouver déterminée dans un bien pris isolément. Ce qui est réel, ce sont les rapports d’échange divers et variables, soit des biens quelconques entre eux, soit des marchandises avec de l’argent. L’attribution à telle marchandise d’une valeur d’échange, ou d’un pouvoir d’échange déterminé, est l’effet d’un raisonnement qui cherche dans un pouvoir d’échange inhérent à chaque bien individuel, et mesurable à la valeur variable de l’argent, la cause des rapports d’échange variables que nous trouvons entre les biens. Une telle valeur d’échange n’a rien de réel, elle est simplement une conception spéculative dérivée des rapports d’échange réels dont les causes sont considérées comme une propriété des objets eux-mêmes.

Cette conception de la valeur est encore celle des auteurs qui voient dans le quantum de valeur d’échange inhérent, soit aux biens, soit à la monnaie, les causes intrinsèques du mouvement des prix. Mais ces auteurs oublient que les causes qui concourent à former les prix ne sont pas (abstraction faite de l’utilité des choses) des déterminations appartenant à l’objet isolément considéré, mais plutôt des rapports extérieurs, comme celui de l’offre et de la demande ou de la quantité disponible et des besoins. Parmi les causes du mouvement du prix, on peut bien distinguer entre celles qui concernent le numéraire et celles qui concernent la marchandise, mais ces causes ne résident pas dans telle pièce d’argent ou dans tel objet vendable particulier.

Si l’on veut parler dans un sens positif d’une valeur d’échange appartenant ci un objet déterminé, monnaie ou marchandise, on ne saurait entendre par cette valeur que la possibilité donnée d’échanger cet objet contre tel ou tel autre — possibilité déterminée essentiellement du dehors par la condition du marché. Considérer le rapport sous lequel les objets s’échangent, rapport essentiellement extérieur à l’objet lui-même, comme une valeur variable et mesurable qui lui paraît inhérente, c’est la première des erreurs qu’il nous importait de signaler.

2. La seconde erreur, étroitement liée à cette notion de la valeur d’échange, consiste à croire que le quantum de valeur inhérent par hypothèse dans chaque bien individuel trouve sa mesure dans la valeur inhérente à l’unité monétaire.

La fausseté de cette doctrine devient manifeste lorsqu’on étudie avec quelque attention les faits dans lesquels on croit voir comment la valeur des biens est mesurée à la valeur de l’argent. L’appréciation des biens en argent, qui ressemble beaucoup, au premier coup d’œil, à un mesurage de leur valeur par la valeur de l’argent, se trouve par le fait être quelque chose de très différent. Un boisseau nous permet de mesurer directement l’espace occupé par un tas de blé ; mais s’il s’agit d’en apprécier la valeur d’échange, ce n’est pas un écu, ni la valeur d’un écu qui nous en fourniront les moyens. La connaissance de cette dernière valeur ne nous sera d’aucune utilité quelconque à cet effet ; ce dont nous avons réellement besoin pour apprécier ce que vaut notre blé, et tout autre objet négociable, c’est de connaître les prix courants sur le marché de ces articles et dans le moment où l’on traite.

Il ne s’agit point de mesurer la soi disant valeur inhérente aux biens par une valeur de l’argent censée connue, il s’agit de calculer les prix que pourront atteindre certains objets ou certaines quantités d’objets, calcul qui a pour base le prix actuel du marché, lequel doit être connu de l’appréciateur. La fonction de la monnaie comme mesure des valeurs implique donc, dans l’unique sens admissible, la connaissance préalable de rapports d’échange existants entre les marchandises et la monnaie. Il n’est point question d’une mesure et d’une opération de mesurage.

Si la présence d’un quantum de valeur déterminée dans les objets est une supposition vaine, ce n’est pas une erreur moins grave d’imaginer que les conditions effectives de l’échange viennent de ce qu’on a mesuré la valeur des marchandises par la valeur de l’argent. Ces deux erreurs ont faussé la position du problème.

II. Le problème réel.

Le rôle de l’argent dans la mesure des valeurs a été mieux compris par le monde des affaires, par la jurisprudence et par les économistes voués à la pratique plutôt qu’à la spéculation. Ceux-ci trouvent bien la valeur des marchandises dans l’objet qu’on donne en échange, — dans la somme d’argent payée pour les obtenir ; — et trouvent dans la grandeur variable de ces équivalents la mesure des variations de cette valeur.

Si l’équivalent commercial d’un quintal de cuivre est sur un marché donné 120 fr., celui d’un quintal de fer 10 fr., et celui d’un quintal de houille 2 fr., ces équivalents en numéraire représentent aux yeux du peuple la valeur même des trois marchandises et leur grandeur respective marque la proportion de ces valeurs : un quintal de cuivre vaut donc aujourd’hui douze quintaux de fer et un quintal de fer cinq quintaux de houille. Si le quintal de fer monte de 10 fr. à 12, on pensera que sa valeur d’échange a augmenté d’un cinquième.

Cette conception populaire éveille des scrupules terminologiques. On peut douter qu’il convienne d’appeler une somme d’argent la valeur d’une marchandise, mais au moins cette conception populaire des choses est-elle exempte des suppositions artificielles qui déparent les théories dont nous avons parlé plus haut.

Cependant la conception populaire elle-même est affectée d’une supposition dont nous devons l’affranchir pour établir sur un terrain vraiment positif la recherche qui nous occupe. C’est l’idée qu’une marchandise n’a sur un marché donné qu’un seul et même équivalent monétaire, ou, en d’autres termes, qu’on y peut indifféremment acheter ou vendre la même marchandise au même prix.

L’expérience de tous les jours nous enseigne que nous ne pouvons pas, dès que cela nous plaît, revendre au même prix les choses que nous avons achetées, quoiqu’il ne se soit produit aucun changement dans le marché. L’équivalent monétaire d’une marchandise signifie des quantités variables — déterminées par le prix qu’on en offre et par le prix qu’on en demande. Il y a d’habitude un prix auquel on est sûr de pouvoir vendre et un autre, plus élevé, auquel on est sûr de pouvoir acheter. Il peut être d’un certain intérêt pratique de connaître la moyenne entre ces deux limites, mais cette moyenne elle-même est loin d’exprimer d’une manière rigoureuse la valeur d’échange d’un bien donné. L’idée tellement dominante dans notre science d’un prix fixé par les conditions du marché, auquel on pourrait indifféremment acheter ou vendre, est donc une illusion dont l’expérience fait prompte justice.

Une fois cette erreur corrigée, l’idée populaire de la valeur d’échange, telle que nous l’avons énoncée au commencement du paragraphe, est conforme aux faits, bien qu’on puisse en critiquer l’expression verbale. Pour prévenir dans la suite toute confusion, nous désignerons ces équivalents en argent offerts ou exigés sous le nom de valeur d’échange extrinsèque. Si la mesure d’une denrée, par exemple, se paie de 9 fr. 10 à 9 fr. 50, celle d’une autre de 20 fr. 15 à 20 fr. 40, nous ne commettrons pas d’erreur grave en appelant ces quantités de numéraire la valeur d’échange extrinsèque des deux biens.

Cette manière de voir comporte naturellement l’obligation d’étudier inversement la valeur extrinsèque de la monnaie (exprimée en marchandises), son essence, sa mesure et ses changements. Ce problème a été soulevé récemment de plusieurs côtés, mais on ne saurait méconnaître que la notion de la valeur d’échange extrinsèque manque généralement de clarté et de précision dans ses applications au numéraire. C’est que la valeur du numéraire exprimée en marchandises ne change pas seulement avec les temps et les lieux, mais qu’elle varie encore en diverses mesures et même en divers sens d’après l’espèce de marchandise qui sert à l’exprimer. Et encore l’expression de la valeur de l’argent en une certaine marchandise (en fer, en blé ou en charbon) ne nous est que d’une petite utilité, chacune des marchandises ayant ses propres variations. Les difficultés et les complications inhérentes à la détermination de la valeur extrinsèque des marchandises en argent ne sont qu’un jeu en comparaison de celles dont se hérisse le problème concernant la valeur extrinsèque de l’argent lui-même.

Les causes qui déterminent les fluctuations des prix tiennent, les unes aux marchandises, d’autres à l’argent lui-même, d’autres enfin influent simultanément sur les deux termes. Il faut donc se demander quelle est la part de l’argent dans le mouvement des prix. C’est le problème de ce que nous appelons — faute d’un terme plus adéquat — celui du mouvement de la valeur intrinsèque de la monnaie[1].

En exposant les principaux résultats positifs de notre étude sur cette matière, nous chercherons à tenir bien distincts trois problèmes d’une importance à peu près égale :

1° Nous verrons si notre fortune ou revenus exprimés en argent, soit notre fortune nominale ou notre revenu nominal, sont l’exacte expression de notre avoir ou de notre revenu réel, c’est-à-dire des quantités d’objets utiles dont ils nous permettent l’emploi dans des circonstances variables, — et réciproquement si la valeur extrinsèque du numéraire (valeur exprimée en marchandises) varie suivant les circonstances et peut être mesurée. (Problème de la valeur d’échange extrinsèque de la monnaie).

2° Sachant que les causes qui font varier les prix se rapportent les unes aux marchandises, les autres à l’argent, et qu’il importe de savoir si le changement de prix dans un cas donné résulte des premières ou des secondes, soit d’un changement dans la valeur intrinsèque de la marchandise ou dans la valeur intrinsèque de la monnaie, nous demandons s’il existe un procédé qui, des changements de prix, nous permette de conclure à l’élévation ou à l’abaissement de la valeur intrinsèque de l’argent et de mesurer cette variation. (Mesure du mouvement de la valeur intrinsèque du numéraire).

3° Enfin, nous rechercherons s’il existe ou si l’on peut découvrir un bien dont le prix exprimé en d’autres biens ne varierait que par l’effet de causes inhérentes à ces derniers, et d’après lequel nous pourrions, dès lors, déterminer et mesurer les changements dans la valeur d’échange intrinsèque de tous les autres biens. (Mesure stable de la valeur d’échange intrinsèque des marchandises).

III. Le mouvement de la valeur extrinsèque de la monnaie.

Dans un temps et dans un lieu donnés la quantité de numéraire dont dispose une personne est directement proportionnelle à la quantité d’objets de toute nature qu’elle peut se procurer avec de l’argent. Aussi la fortune nominale et le revenu nominal sont-ils, en ce cas, l’expression suffisamment exacte de sa fortune et de son revenu réels.

En revanche, pour que la fortune nominale, la quantité d’écus dont une personne dispose, continue à représenter sa fortune réelle en différents temps et devant des marchés différents, il faut tenir compte des changements qui se produisent dans les rapports d’échange entre la monnaie et les différentes utilités — problème dont la solution n’est facile ni dans la théorie ni dans la pratique.

Pour déterminer la cherté proportionnelle sur différents marchés d’un seul et même produit, tel que le froment par exemple, il faudrait ramener les prix payés non seulement à l’unité de mesure, mais à l’unité d’une certaine qualité, condition qui, suivant la nature des biens, devient très difficile et quelquefois impossible à remplir (ainsi pour les logements, le travail, les bestiaux). Et quand il ne s’agit plus d’une seule espèce de biens, mais d’une complexité de biens hétérogènes comme l’ensemble des choses nécessaires à l’entretien de tel ménage, la différence des objets offerts sur les différents marchés crée au calcul des obstacles à peu près insurmontables. Cependant le problème est posé d’une façon claire, une fois que les données statistiques sont établies. Étant connus les prix de chaque article dans des endroits ou moments donnés, on arrivera à déterminer ce que coûtera de plus ou de moins chaque quantité aussi bien que l’entretien d’un ménage dans l’un des cas ou dans l’autre.

On s’abuse, en revanche, lorsqu’on entreprend de déterminer la cherté proportionnelle en des temps ou lieux divers, — non plus celle d’une certaine marchandise ou d’un total de certaines marchandises déterminées en quantité et en qualité, mais celle de plusieurs genres de marchandises pris en bloc. Il est évident, en effet, que dans les calculs de ce genre la quantité relative de chaque article consommé ne peut pas être négligée. Le ménage d’un journalier qui a beaucoup d’enfants coûtera plus au chef-lieu que dans un village, tandis que le rapport serait précisément inverse s’il s’agissait de la maison d’un célibataire opulent. De même, la dépense totale de ménages différents peut s’élever pour les uns et se réduire pour les autres dans le même endroit, suivant les temps aussi bien que les prix de marchandises diverses. C’est une erreur de croire à l’existence d’une variation exactement mesurable dans le prix de la totalité des biens sur des marchés différents ou à deux époques différentes : en d’autres termes, c’est une méprise de chercher le chiffre qui exprimerait exactement les variations ou la valeur extrinsèque du numéraire. Il est possible d’établir de combien pour cent a augmenté ou diminué, durant une période déterminée, la quantité d’argent nécessaire à l’acquisition d’un objet donné ou àl’entretien d’un ménage sur un pied donné, mais il est impossible de trouver un tant pour cent uniforme pour des complexités de biens indéterminés dans leurs quantités, — impossible, par conséquent, de marquer de combien la valeur extrinsèque du numéraire a monté ou baissé durant cette période. Il n’existe aucune mesure du mouvement extrinsèque de l’argent ; il est impossible d’en trouver aucune.

Les efforts tentés pour résoudre le problème posé plus haut n’ont donné que des résultats théoriquement défectueux et pour la pratique, insignifiants. On a souvent noté les variations que subissait le prix de l’unité d’une série de marchandises en passant de telle place ou de telle date à telle autre et l’on a pris la moyenne des chiffres de chaque colonne. On arrive à savoir par ce procédé que les prix de l’unité d’un certain nombre de marchandises se sont, en moyenne, élevés ou abaissés, mais on ne réussit point à déterminer ainsi le chiffre de la variation qui s’est produite dans le groupe de biens en question pris dans leur ensemble, bien moins encore les variations de tous les prix. Une moyenne établie d’après des données telles que les changements dans les prix de la cannelle exercent la même influence que les changements dans le prix du fer ou du froment, ne sera pas d’un grand secours dans la pratique et pourra même faire commettre quelques erreurs. D’autres ont établi de leur mieux le prix en numéraire de toutes les marchandises consommées en un lieu et une période d’observation donnés, et fait le calcul correspondant pour une autre période. La comparaison des deux sommes ne nous fournit pas non plus les moyens de mettre en équation les variations de la valeur d’échange extrinsèque du numéraire ou le changement opéré dans le prix des choses en général. La solution trouvée ne vaudra jamais que pour une somme de biens quantitativement et qualitativement déterminée, répondant aux besoins d’une population qui vivrait exactement de même dans les deux périodes ; mais elle nous laisserait dans l’ignorance ou nous égarerait si nous voulions en induire le coût de la vie des classes différentes. On mêle ici deux problèmes qu’il vaudrait mieux séparer : l’un cherche la proportion entre les prix de telle sorte de marchandise, ou de tel agrégat de marchandises différentes en quantité déterminée dans un moment et dans un autre ; l’autre établit une variation proportionnelle, identique pour toutes les marchandises, car ce n’est que par cette proportion que nous pourrions parvenir à une mesure du mouvement de la valeur de l’argent — de sa valeur d’échange extrinsèque.

Le premier problème posé comporte une solution exacte. Les prix sur deux marchés nous étant connus, nous en apercevons la proportion et nous pouvons déterminer ainsi la quantité de numéraire requise pour nous procurer sur l’un et sur l’autre telle quantité d’une marchandise ou tel agrégat de marchandises diverses qualitativement et quantitativement déterminées, telles que sont les articles nécessaires à l’entretien d’un certain ménage sur un certain pied.

Une solution pareille du second problème, en revanche, est impossible a priori. On ne saurait raisonnablement prétendre d’une manière absolue que la valeur extrinsèque de l’argent est d’un tiers plus élevée ou plus basse sur un marché que sur l’autre, ou que sur un marché donné elle a monté ou baissé d’un tiers. De semblables affirmations, quelle que soit la rigueur des termes dans lesquels on les énonce, ne sauraient être acceptées qu’à titre d’approximations sommaires, plus ou moins utiles à la solution du problème connu dont on s’occupe.

IV. Le mouvement de la valeur intrinsèque de la monnaie.

Les rapports d’échange entre les biens sont uniformément déterminés par des causes relatives aux deux objets échangeables ; mais les rapports établis peuvent sans contredit être modifiés par des causes qui n’en concernent qu’un seul. Les éléments constitutifs du prix sont toujours répartis sur les deux côtés, tandis que les facteurs modificatifs peuvent n’appartenir qu’à l’un des deux.

Ce que nous disons s’applique naturellement à la monnaie, mais on ne s’en est pas toujours avisé. L’idée que les changements de prix peuvent tenir à des circonstances qui affectent le numéraire aussi bien qu’aux objets échangés contre lui se heurte à des préjugés enracinés clans le peuple et n’est pas encore familière à beaucoup d’esprits. Ni le rentier lorsqu’il chiffre sa fortune, ni le négociant qui fait son bilan ne font entrer dans leurs calculs les variations qui ont pu se produire dans la valeur extrinsèque du numéraire. On sait bien apprécier en numéraire la valeur des marchandises ; on ne songe pas à calculer la valeur du numéraire en marchandises, ce qui serait à la vérité plus difficile et ne saurait même être calculé précisément. Aussi les changements dans la valeur extrinsèque des marchandises sont-ils soigneusement observés, tandis qu’on n’étudie pas le phénomène inverse : le changement dans la valeur extrinsèque du numéraire. Cette négligence conduit l’homme du peuple à se tromper aussi sur sa valeur intrinsèque. Le grand nombre est disposé à ramener tous : les changements de prix à des causes qui influent sur les articles de commerce, et à considérer l’argent comme en dehors de ces influences et possédant une valeur intrinsèque invariable.

La science économique s’est mise au-dessus de ce préjugé depuis Jean Bodin. L’analyse la plus élémentaire des échanges suffira pour faire comprendre l’importance des effets que des changements dans la quantité de monnaie en cours et dans les besoins de la circulation ne peuvent manquer d’exercer sur les prix et pour dissiper ainsi l’illusion dune valeur intrinsèque de l’argent comme grandeur invariable. Il fallait que cette illusion eût cessé pour qu’on pût soulever dans la science la question pratiquement intéressante de savoir si les variations dans les prix du marché proviennent de causes relatives aux marchandises même, au numéraire, ou enfin aux cieux facteurs à la fois — problème auquel se rattache celui de savoir dans quelle mesure agissent ces diverses causes.

La réponse à cette question peut être cherchée par un raisonnement fondé sur les données statistiques. Si l’on voyait le prix de toutes les marchandises monter ou baisser uniformément, la probabilité que la cause du phénomène tient à l’argent et non pas aux marchandises se rapprocherait presque de la certitude ; il y aurait donc ici une variation clans la valeur intrinsèque de la monnaie. Toutefois, il ne serait pas théoriquement impossible que ce mouvement général des prix dépendît de causes concernant toutes les marchandises, ou en d’autres termes qu’il se fût produit un changement clans leur valeur intrinsèque. Pareillement une variation dans les prix de toutes choses sur tous les marchés qui se produirait clans un même sens, mais avec une force inégale, permettrait de conclure à l’action de causes influant soit sur les marchandises, soit sur l’argent. Cependant, ici encore, à plus forte raison, la possibilité que les causes des variations se rapportent exclusivement aux marchandises (qu’elles atteindraient inégalement) ne serait point écartée. Inversement, la hausse ou la baisse qui se produirait sur un seul bien ou sur un certain nombre de biens, tandis que les autres ne bougeraient pas, donnerait à penser que les causes du changement doivent être cherchées dans ces biens exclusivement, et pourtant on pourrait à la rigueur l’expliquer par un changement dans la valeur du numéraire, contrebalancé par un changement en sens inverse clans la valeur des articles dont les prix n’auraient pas changé.

Les raisonnements de ce genre, dont il serait aisé d’augmenter le nombre, reposent sur l’idée générale que l’explication la plus vraisemblable est celle qui implique une cause de variation dans le même sens sur le moindre nombre d’objets.

Moins les variations de prix sont uniformes, soit en direction, soit en degré, moins plausible devient une explication de cette nature. Elle ne s’élève jamais au-dessus de la probabilité et devient, dans bien des cas, à peu près impossible. La question, d’une si grande importance pratique, de savoir si le mouvement des prix observé dénote un changement soit dans la valeur intrinsèque du numéraire, soit dans celle de tels articles de commerce, soit enfin des deux ensemble, ne saurait trouver une solution certaine par ce procédé, qui ne donne le plus souvent qu’une probabilité médiocre, et qui, fréquemment, ne donne rien. Bien moins encore pourra-t-il mesurer les variations des prix qui sont dues à l’une et à l’autre de ces éventualités ; il est impossible de les déterminer par l’emploi de cette méthode.

Une autre marche fréquemment suivie pour déterminer les oscillations dans la valeur intrinsèque de la monnaie est fondée sur l’observation que les prix des marchandises varient en sens inverse, les uns baissant, les autres montant. Plusieurs économistes pensent que les causes de hausse et les causes de baisse des différentes marchandises se compensent et se neutralisent, de sorte que le chiffre qui exprimerait la différence de prix des marchandises en général entre deux périodes, répondrait d’une manière approximative au changement qui aurait eu lieu clans la valeur intrinsèque de l’instrument d’échange. Pour obtenir le chiffre désiré, plusieurs proposent la moyenne entre les prix de l’unité quantitative de chaque espèce de biens — le procédé même que nous avons critiqué lorsqu’il s’agissait de déterminer la valeur extrinsèque. La proportion trouvée n’indiquerait donc pas seulement le changement accompli dans cette dernière, mais aussi celui de la valeur intrinsèque du numéraire. Cette manière de voir n’implique pas nécessairement la confusion des deux espèces de valeur : il se pourrait qu’un même calcul servit à. résoudre deux problèmes. Aussi bien le raisonnement n’est-il pas le même pour les deux cas. Les uns voient dans le chiffre trouvé la juste expression du changement accompli dans la valeur d’échange extrinsèque de l’argent, parce qu’il représente le changement moyen qu’ont subi les prix de plusieurs marchandises différentes, les autres mesurent d’après lui le changement éprouvé par l’argent dans sa valeur intrinsèque, parce qu’ils y trouvent la synthèse des variations du prix de ces marchandises, synthèse où l’on admet que les effets de causes d’appréciation ou de dépréciation appartenant aux marchandises, sont neutralisés.

Pour des raisons identiques ou analogues, divers auteurs considèrent le chiffre général de variation entre deux périodes, obtenu en tenant compte des quantités consommées, chiffre relatif tout d’abord à la valeur extrinsèque du numéraire, comme propre à manifester également le changement de sa valeur intrinsèque, sans qu’il soit nécessaire d’admettre que les deux questions aient été confondues.

Les deux méthodes et leurs variétés reposent toutes sur la supposition que dans l’ensemble du changement que subissent les prix entre deux périodes, les causes de hausse et de baisse propres à chaque sorte de marchandises se neutralisent réciproquement, sinon tout à fait, du moins en partie. La légitimité du procédé repose sur l’exactitude de cette hypothèse. Il est clair que les causes qui agissent en sens opposé sur le prix de la même marchandise tendent effectivement à se neutraliser. Si l’offre et la demande du blé, par exemple, croissent ensemble et dans la même proportion, le prix du blé ne change pas. En revanche, l’effet sur le prix du blé causé par l’augmentation de l’offre ne sera point modifié par l’augmentation dans la demande du fer, si les deux mouvements se produisent chacun dans son plein. La variation de prix d’un article particulier résulte de toutes les causes qui agissent tant sur la valeur de l’argent que sur celle de l’article en question, mais nullement de celles qui agissent sur le prix des autres marchandises particulières. Dès lors, on ne comprend absolument pas comment la moyenne ou la synthèse de toutes les variations pourrait ne dépendre que des variations dans la valeur de l’argent. Les chiffres proportionnels relatifs au mouvement total des prix sont, aussi bien que les chiffres de variations dans le prix de chaque marchandise, déterminés tant par les causes qui influent sur la valeur de l’argent que par celles qui concernent chaque marchandise en particulier et il est tout à fait inadmissible de n’y voir que l’expression du mouvement de la valeur intrinsèque de la monnaie, d’autant moins que, nous le rappelons, les causes exaltantes et déprimantes relatives à chaque sorte de bien ne se sont pas neutralisées.

La diffusion de l’erreur radicale que nous signalons ici parait avoir été favorisée par l’expérience journalière que le renchérissement de certains articles est compensé, dans ses effets sur le ménage, par le bon marché de certains autres. La chose est incontestable, mais ne concerne que la valeur extrinsèque et n’a pas le moindre rapport avec la question de savoir si les variations de prix observées sont l’effet de causes inhérentes aux marchandises ou à la monnaie. Le bas prix du vêtement peut balancer pour moi la hausse du pain ; le même effet peut être observé sur deux groupes d’articles plus on moins variés sans qu’il en résulte rien pour la question qui nous occupe. Le fait même qu’à travers les changements de prix de marchandises en aussi grand nombre qu’on voudra, les frais d’entretien du ménage n’auraient point changé, ne prouverait pas encore que rien, dans ces changements de prix, ne provienne de faits relatifs au numéraire, — tout comme, inversement, les frais d’entretien de certains ménages, et même de tous les ménages, pourraient varier, sans qu’on prit en inférer avec certitude une variation dans la valeur intrinsèque du numéraire. A la base des procédés mis en usage se trouve une confusion des problèmes ; leurs calculs sont d’un intérêt incontestable pour déterminer autant qu’il est possible le mouvement de la valeur extrinsèque du numéraire, mais quant à celui de sa valeur intrinsèque — le problème le plus important de l’économie politique de nos jours — ils ne nous apprennent rien[2].

Rechercher les variations que subit la valeur intrinsèque de l’argent, c’est essayer de distinguer, dans les variations du prix des marchandises, les causes de changement provenant de l’argent de celles qui tiennent à la marchandise elle-même, puis de constater la direction de chacune d’elles et de mesurer leur influence. C’est un problème essentiellement analytique, à. la solution duquel la statistique la plus exacte d’oscillations tenant aux deux genres de causes ne saurait servir de rien. Moyennes, synthèses, les méthodes décrites plus haut sont en contradiction avec la nature de la question. Celle-ci ne saurait être bien posée que par une théorie qui nous rende compte des véritables causes des prix et de leurs changements, en tant qu’elles proviennent de l’argent, respectivement des marchandises, — et qui nous permette de suivre et de mesurer l’influence de chacune d’elles. Une telle théorie nous montrerait que les causes de variation venant de l’argent et les causes venant des biens qu’il achète sont homogènes dans leur nature et dans leurs effets, ne différant qu’en raison des particularités propres à chaque objet d’échange ; de sorte que la théorie des variations dans la valeur intrinsèque de la monnaie ne peut être établie que dans la théorie et par la théorie générale de la formation de prix.

Le problème une fois posé, la réponse à la question de savoir si la valeur intrinsèque de l’argent a varié dans tel cas donné, puis comment et de combien elle a varié, dépendra certainement de données statistiques. Toutefois, elle n’exigera pas seulement une connaissance des prix exacte et détaillée, mais aussi celle des causes de leurs variations autant dans la théorie que pour les cas donnés. Les tentatives de résoudre le problème en question sans recourir à l’analyse des facteurs qui déterminent les prix nous paraissent vaines.

V. L’idée d’une mesure stable de la valeur intrinsèque des biens.

Incontestablement il n’y a sur nos marchés aucun objet de trafic qui s’échange en tout temps contre tous les autres dans une proportion invariable, aucun non plus qui reste insensible à l’action de toutes les causes qui font varier les prix des autres, aucun dont la valeur extrinsèque, comme la valeur intrinsèque, demeure la même dans tous les temps et dans tous les lieux. L’idée de constituer artificiellement une mesure stable de la valeur extrinsèque des biens évaluable partout et toujours est absolument irréalisable ; puisque l’établissement de cette mesure impliquerait la stabilité des rapports d’échange entre tous les biens. Il ne me semble pas, en revanche, que la tentative d’établir une mesure stable de la valeur intrinsèque des choses mérite les dédains dont on l’accable. Les principales causes qui font varier les prix sur nos marchés, la plus ou moins grande intensité des besoins, la plus ou moins grande quantité disponible, s’exercent incontestablement sur tous les articles sans excepter les métaux précieux qui servent d’intermédiaire dans les échanges ; mais ce fait ne suffit point, à mes yeux, pour démontrer l’impossibilité de trouver un objet d’échange dont la valeur intrinsèque reste immuable.

Les causes de changement dans les prix n’agissent pas avec la même intensité sur tous les biens. Dans un temps, dans un lieu donnés, la valeur d’échange intrinsèque de certaines classes de biens possède une stabilité relative, et cette vérité d’expérience importe fort à la solution de grands problèmes théoriques. L’idée même d’un bien de valeur intrinsèque absolument fixe ne me semble pas devoir être écartée par la question préalable. La possibilité de décréter en quelle quantité certains biens seront offerts au marché fournit la possibilité de neutraliser l’effet des autres causes inhérentes à ces biens qui tendraient à modifier le rapport suivant lequel ils s’échangent contre d’autres biens. Il n’existe aucune chose dont la valeur d’échange intrinsèque soit invariable de sa nature, mais il y en a qu’il n’est pas impossible de rendre telles en réglant les quantités qui en arrivent au marché. Ceci s’applique très particulièrement aux instruments d’échange que le législateur oblige de recevoir en paiement et dont il peut régler la circulation dans son ressort.

Un État, un groupe d’États peuvent décréter la quotité des émissions du numéraire. L’idée d’un article de commerce dont la valeur intrinsèque resterait constamment au même niveau n’est donc pas une idée contradictoire ; ce n’est pas la quadrature du cercle. Il n’est pas impossible d’éliminer, en ce qui concerne l’argent, les facteurs qui concourraient à la modification des prix lorsqu’on laisse aller les choses, et l’on parvient ainsi à un instrument de circulation d’une valeur intrinsèque invariable au sens où nous prenons ce mot. Celui-ci nous permettrait de distinguer dans le changement des prix l’effet des causes qui agissent sur-la valeur des marchandises.

La réalisation de cette idée impliquerait une connaissance exacte autant des divers facteurs du prix que de l’enchaînement des phénomènes d’où résultent leurs variations. Les difficultés pratiques n’en seraient guère moins considérables. Néanmoins la solution du problème n’implique en théorie qu’une connaissance économique plus approfondie, et la solution pratique ne suppose rien d’irréalisable. Le problème est théoriquement soluble. Ajoutons que son importance pratique — tout particulièrement pour les rapports entre le débiteur et le créancier — le place au nombre des plus urgents et réclame pour lui les plus sérieux efforts.

VI. L’argent mesure des prix.

Si l’on part de cette idée erronée que dans un échange les deux contractants doivent recevoir des biens de valeur égale, parce qu’autrement l’un perdrait toujours autant que gagnerait l’autre, il est nécessaire, ainsi qu’on l’a répété mille fois depuis Aristote, de posséder un moyen d’égaliser les valeurs échangées, et, par conséquent, une mesure du prix. Deux quantités égales à une troisième sont égales entre elles ; si nous pouvons acquérir deux biens ou deux groupes de biens avec la même somme, nous pourrons également les troquer sans détriment pour aucune des parties, et s’il existe une différence, on possède le moyen de la combler. L’argent est donc la mesure des prix dans ce sens qu’il permet d’échanger des quantités de valeurs égales.

Cette fonction attribuée à la monnaie ressemble beaucoup à celle dont l’investissent d’autres théories de mesure de la valeur, et nos observations de principe contre les premières porteraient également contre celle-ci. Ayant cependant reconnu que les rapports d’échange sont déterminés non par un mesurage de valeur quelconque, mais par le rapport de l’offre à la demande il nous reste à expliquer comment les prix sont fixés par ce rapport et sans mesure préalable.

L’ancienne théorie repose sur l’idée que l’égalité des valeurs est la considération qui domine dans l’échange. Or, une supposition semblable contredit diamétralement les intentions réelles des trafiquants. Ni l’un ni l’autre ne songent à échanger valeur égale contre valeur égale : le but qu’ils poursuivent, c’est de satisfaire leurs besoins, chacun aussi complètement que le permettent les ressources dont il dispose. Généralement, l’échange ne se produit que lorsque chacune des parties croit y trouver un moyen d’améliorer sa position économique. Les gens qui font affaire ne se soucient absolument pas d’échanger des unités égales, des quantités de travail égales, des frais de production identiques, « des biens égaux en valeur économique », ou « les égales quantités de valeur d’usage renfermées dans les produits échangés », ni rien de semblable. S’ils nourrissaient un tel dessein, ils auraient assurément quelque peine à le réaliser. Mais ils n’y songent point, loin de là. Ils échangent pour leur profit économique, et l’avantage réciproque est également la considération qui détermine la quantité des biens échangés. L’échange ne réclame aucun mesurage préliminaire.

Des biens ont été troqués longtemps avant que la monnaie servît d’intermédiaire dans les échanges. Alors, à coup sûr, les traficants n’interrogeaient que leurs besoins, les quantités dont ils disposaient et l’importance qu’ils attribuaient aux objets échangeables pour leur train de vie et pour celui d’autres ménages. L’emploi des métaux comme intermédiaire a rendu le commerce plus facile et donné plus de précision aux calculs économiques, mais il n’a pas changé la nature du trafic. De nos jours encore, l’effort de chacun pour satisfaire ses propres besoins, aussi complètement que le permettent les circonstances, est la cause déterminante non seulement du fait de l’échange en lui-même, mais de la fixation des prix. Le but des gens qui font affaire sur les marchés est d’inscrire un gain au chapitre de leurs recettes, et pour celui de la dépense, de se procurer le plus de satisfaction possible en troquant argent contre marchandise. L’achat et la vente sont l’une des formes principales sous lesquelles se manifeste l’universel désir de gagner et d’améliorer sa position. L’argent est devenu l’intermédiaire de l’échange, mais s’il sert à mesurer les prix, c’est uniquement dans le sens que nous venons de marquer. Le mobile du troc est le profit, mais aussi les quantités qui s’échangent l’une contre l’autre sont fixées par l’avantage subjectif des deux sujets[3].

On serait tenté de faire une exception pour le cas où les contractants ne font pas de prix eux-mêmes, mais échangent des quantités déterminées au prix du marché. L’importance de ce genre d’affaires est vraisemblablement pour beaucoup la source de l’erreur que nous combattons. Mais dans ce cas exceptionnel lui-même, l’échange n’a pas pour base la mesure de certains quantum de valeur, mais le prix qui s’est établi sur le marché sous l’empire des mobiles que nous venons de rappeler, chacun de ceux dont le concours a formé ce prix ne poursuivant que son propre avantage.

CHARLES MENGER,

Professeur à l’Université de Vienne.


[1] Voy. Lexis, Zeitschrift für die gesamte Staatswissenschaft, 1888, vol. 44, p. 221 et suiv.

[2] Lexis pousse l’investigation un peu plus avant. Il part du fait que la dépense pour chaque sorte de biens, soit la valeur des quantités consommées par une famille ou par la nation, tend à rester à peu près la même, la baisse des prix stimulant la consommation, tandis que leur augmentation porte à la réduire. D’ailleurs, l’économie faite sur les objets dont le prix a baissé facilite une plus abondante consommation d’autres articles, ce qui tend également au résultat général que la valeur en argent des quantités consommées varie beaucoup moins que les prix de l’unité dans chaque article. L’auteur utilise ces faits pour déterminer la valeur intrinsèque du numéraire, l. c., p. 225 et suiv. Comparez Lehr, Beitraege zur Statistik der Preise, p. 28 et suiv. Nasse au 1er volume du Manuel (Handbuch) de Schoenberg, I, vol. 8, 5, puis les travaux sur la matière de Drobisch, de Jevons, de Paasche et de Leslie ; enfin, Ch. Menger, Handtwörterbuch der Staatswissenschaften, IIIe vol., v° Geld, p. 739 et s.

[3] Voir mes Grundsätze der Volkswirtschaftslehre, Vienne, 1871, p. 172.

A lire :

Gilles Campagnolo, Recherches sur la méthode dans les sciences sociales et en économie en particulier

4 Réponses

  1. Stéphane Couvreur

    A lire également :

    « Money as Measure of Value. An English Presentation of Menger’s Essay in Monetary Thought », History of Political Economy, vol. 37/2, 2005, p. 233-244, présentation du texte dans sa traduction en anglais: « Menger: Money as Measure of Value. Translated by G. Campagnolo », in: History of Political Economy, vol. 37/2, 2005, p. 245-261.

    Existe-t-il une doctrine Menger? Actes du colloque de clôture du programme CNRS « Histoire dess savoirs : Carl Menger et l’évolution de l’École autrichienne », Aix-en-Provence, Presses de l’Université de Provence, le chapitre de Campagnolo avec Tosi : « La théorie monétaire de Carl Menger » qui présente le document annexe, trad. française intégrale de l’article de Menger « On the Origin of Money », The Economic Journal, 1892, vol. 2(6), p. 239-255.

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    • Stéphane Couvreur

      “Charles” Menger : j’ai préféré laisser le prénom francisé tel qu’il figure dans l’article original paru en 1892.

      Répondre

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